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Décisions

CA Besançon, 2e ch. civ., 5 juin 2013, n° 12/01616

BESANÇON

Arrêt

CA Besançon n° 12/01616

4 juin 2013

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique du 28 mai 1979 prenant effet à compter du 3 novembre 1975, les consorts V. ont consenti un bail commercial aux époux B., sur un immeuble situé [...], consacré à l'exploitation d'un commerce de café- hôtel -restaurant.

Ce fonds de commerce a ensuite été cédé à plusieurs reprises.

Par acte authentique du 25 mai 2005, les époux D.-T. ont en dernier lieu cédé ce fonds à M. Samuel R., en ce compris le droit au bail renouvelé aux mêmes conditions à compter du 3 novembre 1986 (selon acte enregistré le 29 décembre 1986) puis du 3 novembre 1995 pour se poursuivre ensuite par tacite reconduction pour une durée indéterminée.

Agissant selon exploit du 19 mai 2009 Messieurs Jean-Claude et Jérôme V. ont fait assigner leur locataire en résiliation de ce bail pour non-respect par ce dernier de la destination contractuelle des lieux.

M. Samuel R. ayant été placé en redressement judiciaire par jugement du 6 septembre 2006, les consorts V. ont assigné en intervention forcée Me Pascal G., mandataire judiciaire, devenu commissaire à l'exécution du plan de continuation adopté le 19 septembre 2007.

Par jugement du 23 novembre 2011, le Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier a :

- prononcé la résiliation du bail commercial intervenu entre Messieurs Jean-Claude et Jérôme V. d'une part et M. Samuel R. d'autre part,

- dit que M. Samuel R. devra quitter les lieux dans le mois de la signification du présent jugement,

- dit qu'à l'expiration de ce délai, M. Samuel R. pourra être expulsé au besoin avec l'assistance de la force publique,

- fixé les créances de Messieurs Jean-Claude et Jérôme V. à 1000 € à titre de dommages et intérêts et 2000 € au titre des frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. Samuel R. aux dépens.

M. Samuel R. a été placé en liquidation judiciaire le 6 avril 2012 et Me Pascal G. a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

SUR CE

Vu la déclaration d'appel déposée le 14 décembre 2011 par M. Samuel R.,

Vu les conclusions déposées le 10 mai 2012 par Messieurs Jean-Claude et Jérôme V.,

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 6 septembre 2012 par M. Samuel R. et Me Pascal G. ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Samuel R.,

auxquelles il est expressément référé pour l'exposé des moyens et des prétentions respectifs des parties, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les pièces du dossier,

Vu l'ordonnance de clôture du 21 novembre 2012,

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de réouverture des débats présentée par les appelants :

Par conclusions transmises le 27 février 2013, M. Samuel R. et son liquidateur judiciaire ont sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats pour leur permettre de produire un jugement rendu le 7 novembre 2012 par le Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier statuant sur la charge des travaux de réfection de l'hôtel donné à bail.

Cette demande, à laquelle s'opposent les intimés, sera rejetée.

Il convient en effet de rappeler que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée, selon les dispositions de l'article 784 du code de procédure civile, que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

La décision visée par les appelants a été rendue et mise à disposition 15 jours avant qu'intervienne la clôture de la présente procédure ; ces derniers ont donc disposé du temps nécessaire pour la produire régulièrement aux débats et solliciter le report de la clôture à une date plus proche de l'audience afin de permettre aux parties de conclure sur ce point.

2/ Sur la recevabilité de l'appel :

Selon les dispositions de l'article 914 du code de procédure civile, le Conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les questions ayant trait à la recevabilité de l'appel ; il n'y a pas lieu en conséquence de se prononcer sur la question de procédure soumise tardivement et de manière inappropriée par les consorts V. à la Cour, ayant trait à la recevabilité de l'appel interjeté par M. Samuel R..

3/ Sur la résiliation du bail commercial :

Le bail originaire consenti par les consorts V. le 28 mai 1979 à effet du 3 novembre 1975 prévoit expressément sous le titre « Destination des lieux» que les locaux présentement loués devront servir au preneur exclusivement à l'exploitation du commerce de café- restaurant- hôtel. Ils ne pourront être utilisés même temporairement, à un autre usage et il ne pourra y être exercé aucun autre commerce que celui sus-indiqué ; il précise également sous le titre « Cession- sous-location » que le preneur ne pourra dans aucun cas et sous aucun prétexte céder son droit au présent bail, ni sous-louer les locaux sus-désignés sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, sauf toutefois dans le cas de cession de bail à un successeur dans le commerce.

Ces dispositions sont reprises dans l'acte de renouvellement enregistré le 29 décembre 1986, lequel précise par ailleurs que les lieux loués forment une location indivisible à titre commercial pour le tout.

Ce bail a été ensuite cédé à plusieurs reprises et en dernier lieu à M. Samuel R. qui, par acte notarié du 25 mai 2005 a acquis le fonds de commerce dont s'agit, dans la désignation duquel a été ajouté le terme « pension » ; rien toutefois, à la lecture de ce document, ne permet de retenir que le bailleur a consenti à ce rajout et les dispositions précitées relatives à la destination des lieux et à la sous-location sont en tout état de cause expressément reprises dans l'acte de cession auquel une copie du bail en date du 28 mai 1979 a par ailleurs été annexée.

Il résulte incontestablement de ces dispositions contractuelles que M.Samuel R. ne disposait pas du droit de louer à usage d'habitation l'appartement situé au premier étage de l'immeuble, composé d'une cuisine, une chambre, une salle de bains et une loggia, lequel était manifestement réservé à l'habitation du gérant de l'établissement.

Il résulte des dispositions de l'article 1729 du Code civil, que si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, le bailleur peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail

Or, c'est par des motifs adoptés par la Cour et après une juste analyse des pièces du dossier que les premiers juges ont retenu que M. Samuel R., contrairement à ses allégations, a manifestement mis l'appartement dont s'agit à disposition de Mme A. C., et ce, à usage d'habitation sur une période relativement longue puisqu'elle concerne les années 2006 à 2010 ; les nombreuses factures produites aux débats dont plusieurs portent d'ailleurs le terme de «loyer» font par ailleurs apparaître un prix mensuel (510 € par mois pour l'année 2010) qui n'est pas compatible avec la mise à disposition d'une suite dans le cadre d'un contrat d'hôtellerie, y compris dans le département du Jura ; la présence d'une cuisine favorisant l'autonomie des occupants conforte en outre l'usage d'habitation consenti à cette occupante par l'appelant.

Il est également démontré que M. G. louait une chambre de l'hôtel et qu'il disposait d'une ligne téléphonique personnelle lui permettant d'exercer son activité professionnelle de massage à domicile pour lequel une publicité était d'ailleurs apposée sur la vitrine du commerce ; ce dernier se faisait par ailleurs domicilier [...].

Il convient enfin de souligner que M. G. et Mme C. ont bien été considérés comme redevables de la taxe d'habitation en 2007 pour le premier et en 2008 pour la seconde ; le dégrèvement dont ils ont pu ensuite bénéficier, pour des motifs qui ne sont pas précisés, ne signifie nullement qu'ils n'étaient pas occupants des lieux imposables.

Il est ainsi démontré que M. Samuel R. a sciemment contrevenu aux clauses du bail commercial dont il disposait à l'insu de ses bailleurs et de tels manquements justifient sa résiliation.

M. Samuel R. et son liquidateur judiciaire sollicitent reconventionnellement la résiliation du bail dont s'agit aux torts exclusifs des consorts V. ainsi que le versement d'une somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de son fonds de commerce en indiquant que la partie hôtellerie a été fermée par arrêté du maire de la commune de FOUCHERANS en date du 24 mai 2011, en raison de graves manquements à la sécurité susceptibles de mettre en danger la clientèle et le personnel ; ils reprochent aux intimés de n'avoir jamais rien entrepris pour maintenir les lieux conformes à leur destination et invoquent, pour justifier de leur demande, les conclusions d'un rapport d'expertise déposé par M. C. dans le cadre de la procédure de référé initiée par M. Samuel R. les 12 janvier et 20 avril 2006.

Cette demande n'est pas nouvelle à hauteur d'appel, ayant été régulièrement transmises par RPVA le 15 juin 2011 au premier juge (la procédure a été clôturée le 29 septembre 2011), lequel a omis de statuer de ce chef.

Elle n'apparaît pas fondée en l'état des pièces du dossier et sera rejetée par la Cour, les appelants n'apportant aucunement la preuve, dans le cadre de la présente procédure, que la perte de leur fonds de commerce est imputable à la défaillance de leur bailleur dans le respect de ses obligations légales et contractuelles.

Il convient en effet d'observer que le bail litigieux prévoit sous le titre 4°/«Transformations » que le preneur aura à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité ; il mentionne également sous le titre 9°/ « exploitation du commerce» qu'en ce qui concerne plus particulièrement l'exploitation de l'activité commerciale, le preneur devra l'assurer en conformité rigoureuse avec les prescriptions légales et administratives pouvant s'y rapporter.

Or , il résulte de la lecture de l'arrêté précité que les graves manquements à la sécurité retenus par l'autorité municipale tiennent d'une part au fonctionnement de l'établissement (absence de vérification des installations techniques depuis 2007 et essais défaillants du système de sécurité incendie) dont la responsabilité incombe à l'évidence à l'exploitant et, d'autre part, à la configuration des locaux (absence d'encloisonnement de l'escalier, cloisons des chambres en matériau hautement inflammables en contre-plaqué non coupe-feu 1 heure) lesquels ne concernent pas les gros travaux d'entretien du clos et du couvert auquel le bailleur est obligé ainsi que cela est rappelé dans le contrat de bail.

Il convient en outre d'observer, à la lecture du pré-rapport n°2 de M.C. communiqué par le conseil des appelants que l'expertise réalisée par ce dernier n'a pas porté sur l'état intérieur du bâtiment et sa remise aux normes, mais uniquement sur les travaux de façade, de peintures extérieures et de toiture sur la prise en charge desquels les parties s'opposent également dans le cadre d'une procédure judiciaire parallèle, actuellement en cours.

Il apparaît enfin en l'état des pièces communiquées aux débats, que M. Samuel R. ne justifie aucunement avoir sollicité son bailleur pour l'exécution de travaux propres à assurer la sécurité des lieux avant fermeture de l'établissement qui a nécessairement été précédée d'avertissements.

Il convient en conséquence de confirmer purement et simplement la décision déférée.

4/ Sur les demandes annexes :

Jean-Claude et Jérôme V. ne justifient pas avoir subi un préjudice à hauteur de la somme qu'ils réclament de 20.000 € ; ils seront en conséquence déboutés de leur appel incident.

L'équité ne commande pas de faire une application supplémentaire des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants, qui succombent dans leur recours en supporteront tous les dépens qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de M. Samuel R..

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en

avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la demande de réouverture des débats,

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la recevabilité de l'appel,

CONFIRME le jugement rendu le 23 novembre 2011 par le Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Samuel R., en liquidation judiciaire, et Me Pascal G., liquidateur judiciaire de M. Samuel R. aux dépens qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective et pourront être recouvrés par Me L., Avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.