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Décisions

Cass. crim., 9 juin 2022, n° 21-80.237

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme de la Lance

Rapporteur :

Mme Fouquet

Avocat général :

Mme Zientara-Logeay

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Bordeaux, du 15 déc. 2020

15 décembre 2020

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Les liens identifiés entre différentes procédures diligentées à la suite de contrôles douaniers ayant permis la découverte d'importantes sommes transportées en espèces dans des caches aménagées à l'intérieur de véhicules automobiles, ont conduit à l'ouverture d'une information judiciaire portant notamment sur les activités de MM. [Y] [L] [I] et [D] [S] [I] et de Mme [C] [U] [R], soupçonnés d'appartenir à un réseau organisé de transports illicites de fonds.

3. A l'issue, ils ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir notamment participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation du délit de blanchiment aggravé et à des opérations de blanchiment en bande organisée.

4. Par un jugement rendu le 24 octobre 2019, le tribunal, après avoir requalifié les faits de blanchiment aggravé en blanchiment présumé en bande organisée, a condamné les trois prévenus pour les faits qui leur étaient reprochés.

5. Les trois prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la déclaration de culpabilité de Mme [R], de MM. [D] [S] [I] et [Y] [L] [I] des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment présumé commis en bande organisée, alors « que l'action unique reprochée à un prévenu ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ; qu'en effet, les règles relatives au concours idéal impose l'unicité de qualification ; qu'en confirmant la déclaration de culpabilité de Mme [R], de MM. [D] [S] [I] et de M. [Y] [L] [I] des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment présumé commis en bande organisée tandis que ces deux infractions procédaient d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable et que la première avait pour unique objet de préparer la seconde, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Protocole n° 7 annexé à cette Convention,132-71, 450-1, 324-1, 324-2 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale et le principe ne bis idem. »

Réponse de la Cour

8. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le principe ne bis in idem interdit le cumul du délit d'association de malfaiteurs et d'une infraction aggravée par la circonstance qu'elle a été commise en bande organisée lorsque les mêmes faits ou des faits indissociables ont été retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée (Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.800, Bull. crim. 2019, n° 89 ; Crim., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-81.151, Bull. crim. 2018, n° 94).

9. Elle considère cependant que le principe ne bis in idem n'est pas méconnu lorsqu'est retenue au titre de l'association de malfaiteurs la préparation d'infractions distinctes de celles poursuivies en bande organisée (Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.885, Bull. crim. 2019, n° 90), y compris lorsque les faits retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée sont identiques (Crim., 22 avril 2020, pourvoi n° 19-84.464, publié au Bulletin).

10. La Cour de cassation, infléchissant son interprétation antérieure, a jugé qu'un ou des faits identiques ne peuvent donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité concomitantes contre une même personne, outre le cas où la caractérisation des éléments constitutifs d'une infraction exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs d'une autre, lorsque l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : dans la première, l'une des qualifications, telle qu'elle résulte des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au Bulletin).

11. L'interdiction du cumul de qualifications implique ainsi désormais que soient remplies deux conditions cumulatives, l'une tenant à l'identité des faits matériels caractérisant les infractions en concours, l'autre à leur définition légale. Le cumul est autorisé lorsqu'une seule de ces conditions n'est pas remplie.

12. Dès lors, se pose la question de savoir si ledit infléchissement de jurisprudence est de nature à modifier les solutions décrites aux paragraphes 8 et 9.

13. Aux termes de l'article 450-1 du code pénal, le délit d'association de malfaiteurs réprime la participation à un groupement ou à une entente établie en vue de la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

14. Il résulte de l'article 132-71 du code pénal, tel qu'interprété par la jurisprudence, que la bande organisée, caractérisée par l'existence d'un groupement ou d'une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels d'une ou plusieurs infractions, suppose la préméditation des infractions et, à la différence de l'association de malfaiteurs, une organisation structurée entre ses membres (Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 14-88.329, Bull. crim. 2015, n° 172).

15. La Cour de cassation juge que la bande organisée est une circonstance aggravante réelle, qui a trait aux conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou préparée et n'implique pas que l'auteur de l'infraction aggravée y ait lui-même participé (Crim., 15 septembre 2004, pourvoi n° 04-84.143, Bull. crim. 2004, n° 213).

16. Il s'en déduit qu'au regard des textes d'incriminations le délit d'association de malfaiteurs, qui implique un acte de participation à un groupement établi en vue de la commission d'infractions, ne correspond pas à la circonstance de bande organisée, qui aggrave l'infraction dès lors qu'elle a été commise ou préparée par un groupement structuré, sans exiger que son auteur y ait participé.

17. Par ailleurs, les éléments constitutifs du délit d'association de malfaiteurs et de l'infraction consommée poursuivie en bande organisée ne sont pas susceptibles d'être incompatibles et aucune de ces qualifications n'incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction.

18. En conséquence, l'infléchissement de la jurisprudence relative à l'interprétation du principe ne bis in idem en cas de poursuites concomitantes doit conduire à considérer que ce principe ne s'oppose pas à ce qu'une même personne soit déclarée concomitamment coupable des chefs d'association de malfaiteurs et d'une infraction commise en bande organisée, y compris lorsque des faits identiques sont retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée et peu important que l'association de malfaiteurs ait visé la préparation de la seule infraction poursuivie en bande organisée.

19. En l'espèce, les demandeurs ne sauraient donc se faire un grief de ce que les juges les ont déclarés coupables concomitamment des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment aggravé par la circonstance de bande organisée.

20. Ainsi, le moyen doit être écarté.

21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.