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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 4 octobre 2022, n° 20/01528

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Lorecom (SARL)

Défendeur :

Bretagne Telecom (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger-Le Gac, M. Garet

Avocats :

Me Berthault, Me Demidoff, Me Vanden Driessche, Me Gicquel

T. com. Rennes, du 30 janv. 2020

30 janvier 2020

Depuis 2010, Mme [Z] [G] exerce une activité de conseil et d'audit en réseaux et télécoms à destination des professionnels et des collectivités locales. Ayant d'abord exercé sous une forme individuelle, elle a depuis fondé la société Lorecom, immatriculée le 25 septembre 2012, qui poursuit la même activité.

Depuis l'origine, elle travaille avec la société Bretagne Télécom, opérateur spécialisé dans l'internet, la téléphonie fixe et mobile, ainsi que l'hébergement de données.

En contrepartie des clients qu'elle lui apporte et des contrats qu'elle lui fait signer, Lorecom perçoit des commissions de la part de Bretagne Télécom.

Par lettre recommandée du 7 février 2019, Bretagne Télécom a informé Lorecom de la résiliation de leur «'contrat de partenariat’ », lui reprochant de ne pas lui avoir apporté de nouveau contrat depuis plus d'un an. Elle lui a donc fait savoir que sa dernière commission serait celle, d'ailleurs déjà réglée, du 17 décembre précédent.

Lorecom a alors protesté contre cette résiliation, affirmant qu'elle n'avait pas cessé de travailler pour Bretagne Télécom et se prévalant en toute hypothèse, eu égard à l'ancienneté de leurs relations contractuelles, d'un droit à préavis ainsi que d'un droit à indemnité de rupture, Lorecom invoquant en effet le bénéfice du statut des agents commerciaux.

Bretagne Télécom a refusé d'accéder à ces demandes, contestant en effet la qualité d'agent commercial revendiquée par Lorecom et affirmant que leurs relations ne relevaient que du simple courtage et de l'apport d'affaires.

En l'absence de règlement amiable, Lorecom a fait assigner Bretagne Télécom devant le tribunal de commerce de Rennes qui, par jugement du 30 janvier 2020, a’ :

- débouté Lorecom de l'ensemble de ses demandes’ ;

- ordonné toutefois à Bretagne Télécom de communiquer les documents nécessaires au calcul des commissions dues à Lorecom pour les mois d'octobre et décembre 2018, ainsi que pour le mois de janvier 2019’ ;

- débouté les parties de leurs autres demandes’ ;

- condamné Lorecom aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 mars 2020, Lorecom a interjeté appel de cette décision.

L'appelante a notifié ses dernières conclusions le 5 mai 2022, l'intimée les siennes le 11 août 2020.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 juin 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Lorecom demande à la cour de :

Vu les articles L 134-1, L 134-11 et L 134-12 du code de commerce,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions’ ;

Statuant à nouveau,

- condamner Bretagne Télécom à communiquer les documents nécessaires au calcul des commissions dues à Lorecom pour les mois d'octobre et décembre 2018, ainsi que pour les mois de janvier, février, mars, avril et mai 2019, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- se déclarer compétent pour la liquidation de l'astreinte et se réserver la liquidation de celle-ci’ ;

- condamner Bretagne Télécom au paiement des factures correspondantes, qui seront émises par Lorecom ;

- condamner Bretagne Télécom au paiement de la somme de 18.106,70 € au titre de l'indemnité de fin de contrat due à Lorecom’ ;

- condamner Bretagne Télécom au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par la résiliation brutale et ses conséquences’ ;

- débouter Bretagne Télécom de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Bretagne Télécom au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Bretagne Télécom aux entiers dépens.

Au contraire, Bretagne Télécom demande à la cour de :

Vu l'article 142 du code de procédure civile,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article L 134-13 du code de commerce,

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions’ ;

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour considérerait que le statut d'agent commercial est applicable à Lorecom,

- avant dire droit et sous astreinte de 500 € à compter de la décision à intervenir, ordonner la communication par Lorecom des contrats, bons de commande et factures démontrant les relations de Lorecom avec d'autres opérateurs de téléphonie depuis l'année 2012’ ;

En tout état de cause,

- dire et juger que Lorecom est l'auteur d'une faute grave’ ;

- débouter Lorecom de toutes ses demandes, fins et conclusions’ :

- condamner Lorecom à payer à Bretagne Télécom la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification des relations contractuelles ayant existé entre les deux sociétés :

Pour écarter la qualification de contrat d'agent commercial, le tribunal a retenu’ :

- que Lorecom ne justifiait pas d'une immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, alors que cette immatriculation était pourtant obligatoire’ ;

- que Lorecom ne justifiait pas non plus d'un «'contrat formel d'agent commercial'», alors au contraire que Bretagne Télécom se prévalait d'un contrat dit de «'partenariat-courtier'», au demeurant non versé aux débats’ ;

- enfin que Lorecom n'apportait pas la preuve d'une «'totale indépendance'» dans la négociation tarifaire finale avec la clientèle.

Pourtant, de tels critères ne sont pas déterminants de la qualification revendiquée par Lorecom.

En effet et d'abord, l'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux ne constitue qu'une mesure de police professionnelle, alors par ailleurs que l'article 1er de la loi du 25 juin 1991, prise en application de la directive européenne n° 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, désormais l'article L 134-1 du code du commerce, qui s'oppose à toute réglementation nationale qui subordonnerait la validité d'un contrat d'agence commerciale à l'inscription du professionnel sur un registre prévu à cet effet, ne subordonne pas l'application du statut des agents commerciaux à l'inscription sur ce registre spécial.

Cette formalité est donc sans incidence sur la qualification des relations entre les parties.

De même, est indifférente quant à cette qualification la circonstance que les parties n'aient jamais formalisé leurs relations par un contrat écrit, alors en effet que le contrat d'agence commerciale est un contrat consensuel et non solennel, l'application du statut ne dépendant ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais seulement des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Au surplus, s'agissant de la qualification concurrente revendiquée par Bretagne Télécom, la cour observe que si celle-ci tente de se prévaloir d'un contrat dit de «'partenariat-courtier’ » auquel Lorecom aurait adhéré, pourtant le seul exemplaire qui en est produit devant la cour (cf pièce n° 24 de l'appelante) n'est pas daté ni même signé d'aucune des parties.

A cet égard, c'est sans preuve que Bretagne Télécom affirme que Lorecom aurait elle-même entendu se référer à ce contrat, le seul fait que cette dernière ait invité sa partenaire, dans un courriel du 4 septembre 2018, à respecter le contrat qui les liait, ne s'entendant pas nécessairement d'une référence au prétendu contrat de courtage invoqué par Bretagne Télécom.

De même, c'est toujours sans preuve que Bretagne Télécom affirme que les commissions qu'elle a versées à Lorecom sont celles-là mêmes qui étaient convenues dans ce prétendu contrat, alors au contraire que Lorecom affirme, sans être démentie sur ce point, qu'elle a toujours été commissionnée au taux de 10'% du chiffre d'affaires réalisé par Bretagne Télécom, alors que le contrat vanté par cette dernière prévoit le paiement d'une commission réduite à 5'% du CA au-delà du 25ème mois du contrat.

Ce contrat n'a donc jamais été accepté ni même exécuté tacitement par la société Lorecom.

Inexistant, il ne saurait dès lors servir de référence pour la qualification des relations ayant existé entre les parties.

Dès lors, il appartient à la cour de vérifier, au regard des éléments de preuve qui lui sont soumis et nonobstant l'absence de contrat écrit, si cette activité relève ou non de celle décrite à l'article L 134-1 alinéa 1er du code de commerce qui dispose que 'l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux'.

Trois conditions sont donc nécessaires et suffisantes pour qu'une personne puisse revendiquer cette qualité :

- elle doit avoir la qualité d'intermédiaire indépendant,

- elle doit être liée de façon permanente à son commettant,

- elle doit disposer du pouvoir de négocier la vente ou l'achat de marchandises ou de prestations de services pour le commettant, ou de négocier et conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.

Interprétant l'article 1er paragraphe 2 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, la CJUE, dans son arrêt du 4 juin 2020 ('Trendsetteuse'), a dit pour droit que les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, et que l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, même si l'agent ne dispose pas de la faculté de modifier les prix desdites marchandises.

Il résulte de la généralité de ces termes qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant, notamment les conditions de prix, pour être agent commercial.

Ainsi les tâches principales d'un agent commercial consistent-elles à apporter de nouveaux clients à son commettant ainsi qu'à développer les opérations avec les clients existants, l'accomplissement de ces tâches pouvant être assuré par celui-ci au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, toutes actions qui sont de nature à favoriser la conclusion d'opérations commerciales pour le compte du commettant, quand bien même l'agent ne disposerait pas de la faculté de modifier les prix des marchandises vendues.

Or, tel est bien le rôle qui a été dévolu par Bretagne Télécom à Lorecom, dès lors en effet :

- que Lorecom était chargée d'apporter à Bretagne Télécom de nouveaux clients ainsi que de développer le chiffre d'affaires de celle-ci auprès de la clientèle déjà acquise’ ;

- que Lorecom justifie l'avoir fait depuis l'origine de ses relations avec Bretagne Télécom et ce, jusqu'à la fin de l'année 2018, lui ayant en effet encore apporté de nouveaux clients ou, à tout le moins, ayant obtenu le renouvellement de contrats à son profit jusqu'à cette époque (cf notamment les contrats « 'Vérifimmo’ » et «'Accès Réagis'» conclus en 2018)’ ;

- qu'il s'agissait donc bien d'une relation «'permanente’ », au sens de l'article L 134-1 du code de commerce, entre les deux sociétés’ ;

- que par ailleurs, Lorecom conservait une indépendance vis-à-vis de Bretagne Télécom, cette dernière n'ayant d'ailleurs jamais soutenu le contraire, ni justifié d'une relation hiérarchique avec sa partenaire’ ;

- qu'enfin et quand bien même Lorecom devait nécessairement se référer à un catalogue tarifaire édité par Bretagne Télécom, elle n'en conservait pas moins une certaine latitude dans la négociation des prix auprès de la clientèle, ainsi d'ailleurs qu'elle en justifie par plusieurs exemples, notamment’ :

* auprès du client Spi qui, sur initiative de Lorecom en mai 2014, s'est vu facturer l'abonnement de sa ligne analogique à 13,50 € par mois, alors que le catalogue Bretagne Telecom prévoyait normalement un tarif mensuel de 14,50 €’ ;

* auprès du client Vérifimmo qui projetait de résilier son contrat Bretagne Télécom et qui a obtenu, en 2018 et par l'intermédiaire de Lorecom, une renégociation à la baisse pour que Bretagne Télécom s'aligne sur le tarif proposé par son concurrent’ ;

* auprès du même client Vérifimmo qui, déjà en 2014, avait obtenu, toujours sur intervention de Lorecom, une baisse du coût de son abonnement, «'pour ne pas le perdre’ » ‘ ;

* auprès du client Les Eaux Vives qui, en 2013, a obtenu, encore sur intervention de Lorecom, une dispense de pénalités pour résiliation d'une ligne, en contrepartie de quoi le client se réengageait sur un autre abonnement’ ;

* et plus généralement auprès de tous clients et prospect, Bretagne Télécom ayant en effet autorisé Lorecom, en avril 2014, à vendre l'un de ses forfaits «'entre 59 et 65 € HT par mois’ ».

A cet égard, ce pouvoir de négociation n'était nullement entamé par le fait que les contrats étaient finalement signés par Bretagne Télécom, dès lors en effet qu'ils l'étaient toujours sur la base des tarifs négociés par l'intermédiaire de Lorecom.

Il résulte de ce qui précède que les relations ayant existées entre les deux sociétés s'inscrivaient vraiment dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale c'est-à-dire d'un mandat permanent de représentation de Bretagne Télécom par Lorecom, cette dernière disposant, pour ce faire, du pouvoir de négocier les conditions de la vente, voire, dans une certaine mesure, de modifier les tarifs habituellement appliqués par sa mandante.

Ces différents éléments contredisent la thèse de Bretagne Télécom selon laquelle Lorecom n'aurait été qu'un simple apporteur d'affaires, voire un courtier susceptible de proposer des produits concurrents à sa clientèle, ce qu'elle lui reproche d'ailleurs, au demeurant sans en rapporter la preuve.

Ainsi et au vu des éléments du dossier, il convient de juger que Lorecom s'est toujours comportée comme un agent commercial, étant dès lors fondée à se prévaloir des dispositions des articles L 134-1 et suivants du code de commerce.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les circonstances et causes de la rupture’ :

Dès lors que les relations entre les parties ne relèvent pas du contrat de courtage allégué par Bretagne Télécom, celle-ci ne peut utilement opposer à Lorecom les dispositions dudit contrat autorisant la résiliation sans motifs et sans indemnités de part et d'autre.

Certes, le contrat d'agence, tel qu'il est défini à l'article L 134-1 du code de commerce, demeure susceptible de résiliation, notamment à l'initiative du mandant qui n'a pas à rendre compte autrement que sous la forme des indemnités alors mises à sa charge, notamment’ :

- d'une indemnité de préavis dont l'article L 134-11 du code de commerce fixe la durée en fonction de l'ancienneté du contrat, le mandataire pouvant ainsi prétendre à une indemnité pour le cas où ce préavis ne serait pas respecté par le mandat, sauf si la rupture est la conséquence d'une faute grave du mandataire ou d'un cas de force majeure’ ;

- d'une indemnité de rupture, l'article L 134-12 du code de commerce prévoyant que l'agent a droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture, l'article L 134-13 du code de commerce précisant toutefois que cette indemnité n'est pas due lorsque la rupture est provoquée par la faute grave de l'agent, ou encore lorsque c'est l'agent qui en a pris l'initiative.

En l'espèce, il est constant que c'est la société Bretagne Télécom qui a décidé de mettre fin aux relations avec Lorecom, ainsi qu'il résulte en effet des termes dépourvus de la lettre qu'elle lui a adressée le 7 février 2019 («'Nous vous informons de notre volonté de résilier le contrat de partenariat qui nous lie’ »).

Par ailleurs, il ne résulte pas de cette lettre que Bretagne Télécom ait alors justifié sa décision de résiliation par une faute grave qu'elle aurait reprochée à Lorecom.

En effet, si elle a motivé la rupture par le fait que Lorecom n'avait «'signé aucun nouveau contrat depuis plus d'un an’ », pour autant elle ne lui en a pas imputé le reproche à proprement parler, ne lui ayant pas fait grief, notamment, d'un manque de travail ou d'un désintérêt pour son mandat.

Au demeurant, l'insuffisance, réelle ou supposée, des performances d'un agent commercial ne constitue pas en soi une faute grave privative du droit à indemnité de rupture, celle-ci devant s'entendre, pour que l'agent soit privé de ce droit, de celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et qui rend impossible le maintien du lien contractuel.

Rien de tel ne peut être reproché à Lorecom qui, jusqu'à la fin de l'année 2018, a continué à travailler pour le compte de Bretagne Télécom, le fait qu'elle ne soit pas parvenue à développer une nouvelle clientèle n'étant pas constitutif d'une faute grave, ce d'autant plus qu'à la même époque, elle continuait à entretenir la clientèle pré-existante en lui faisant renouveler régulièrement les contrats arrivés à leur échéance, et ce, dans le contexte d'un secteur professionnel - celui des télécommunications - caractérisé par une grande volatilité de la clientèle toujours prompte à changer d'opérateur pour essayer de bénéficier d'une baisse tarifaire.

D'ailleurs, rien ne laissait entrevoir, au vu des derniers échanges entre les parties, notamment des messages adressés par Bretagne Télécom à Lorecom les 19 et 27 décembre 2018 à l'occasion du déploiement d'un nouveau service en faveur du client Acces Réagis, une difficulté dans les relations entre la mandante et sa mandataire, encore moins prévoir la rupture du contrat d'agence, ces messages témoignant au contraire de la «'confiance’ » qui persistait jusqu'alors entre les parties.

De même, jamais Bretagne Télécom n'a reproché à Lorecom de travailler pour des entreprises concurrentes ni même ne l'a suspectée de le faire.

En effet, ce grief, au demeurant dépourvu de toute pièce justificative, n'a été formulé pour la première fois qu'après la rupture, comme pour tenter d'en justifier le bien-fondé a posteriori, et ce, à l'occasion d'une sommation adressée le 2 septembre 2019 par le conseil de Bretagne Télécom à celui de Lorecom, pour lui réclamer la communication de «'tout document, contrat, bon de commande, facture, démontrant les relations de Lorecom avec d'autres opérateurs de téléphonie depuis l'année 2012'».

Dès lors, ne reposant sur aucune justification, ce grief, tardif et opportuniste, ne saurait être pris en considération pour alimenter la thèse d'une faute grave justifiant une rupture du contrat sans préavis et sans indemnité.

Sur l'indemnité de rupture réclamée par Lorecom’ :

Lorecom justifie avoir perçu, au cours des trois dernières années du mandat et à titre de commissions servies par Bretagne Télécom, les sommes suivantes’ :

- 9.956,10 € en 2016

- 9.235,61 € en 2017

- 7.968,34 € en 2018,

Soit une moyenne annuelle de 9.053,35 €, toutefois avec un net fléchissement au cours de sa dernière année d'activité.

En conséquence et en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat, il convient de lui allouer une indemnité que la cour arbitrera à la somme de 15.000 €.

Sur le préavis’ :

Force est de constater que Lorecom ne réclame pas d'indemnité de préavis, sollicitant en revanche qu'il soit enjoint à Bretagne Télécom de communiquer les documents nécessaires au calcul des commissions qui seraient dues à son agent au titre de ses derniers mois d'activité, soit novembre 2018, décembre 2018 et janvier 2019, de même qu'au titre des mois suivants, de février à mai 2019.

Cependant, s'il est constant que Lorecom aurait pu exiger de continuer à travailler pour le compte de Bretagne Télécom pendant le délai de préavis, en l'occurrence de trois mois à compter de la notification de la résiliation, soit jusqu'au 7 mai 2019, pour autant elle n'a pas choisi de le faire puisqu'en effet elle ne justifie pas avoir obtenu de nouvelles commandes depuis le dernier contrat renouvelé par le client Accès Réagis au mois de décembre 2018.

D'ailleurs, Lorecom ne conclut pas non plus au versement de commissions qui seraient restées impayées à l'issue du contrat, alors qu'elle saurait nécessairement en chiffrer le montant si elle avait continué à travailler pour le compte de Bretagne Télécom au cours de l'année 2019.

Enfin, dans la mesure où elle ne justifie pas d'une exclusivité qui lui aurait été concédée par Bretagne Télécom sur tel secteur géographique ou encore sur tel client, Lorecom ne saurait réclamer le versement de commissions, même au titre du préavis, sur quelque partie que ce soit du chiffre d'affaires réalisé par Bretagne Télécom au cours de cette période.

En conséquence et en l'absence d'autres prétentions, même subsidiaires, Lorecom ne pourra qu'être déboutée de toute demande au titre du préavis, de même que de sa demande de communication de pièces, en ce qu'elle est inutile à la solution du litige.

Sur la demande indemnitaire pour préjudice moral’ :

Lorecom réclame encore le paiement d'une indemnité de 10.000 € en réparation du préjudice qu'elle dit avoir subi du fait d'une résiliation brutale du contrat d'agence.

Pour autant, il n'est pas établi que cette résiliation, même sans préavis, se soit accompagnée de brutalités ou de vexations particulières.

En conséquence, Lorecom sera déboutée de la demande indemnitaire qu'elle forme à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle en communication de pièces’ :

Bretagne Télécom réclame, au demeurant avant dire droit sur une demande qu'elle s'abstient de qualifier, de voir enjoindre à Lorecom de communiquer sous astreinte les contrats, bons de commande et factures censés démontrer les relations entretenues par cette dernière avec d'autres opérateurs de téléphonie depuis 2012.

Cependant, Bretagne Télécom ne produit aucun commencement de preuve de ses allégations, à savoir que Lorecom aurait travaillé, parallèlement à son mandat exercé pour le compte de Bretagne Télécom, en faveur d'autres entreprises concurrentes.

Dès lors, il n'appartient pas au juge, dans le cadre d'une mesure d'instruction, de pallier la carence de Bretagne Télécom dans l'administration de la preuve qui lui incombe et, par là même, d'enquêter à des fins purement exploratoires sur le comportement passé de Lorecom.

En conséquence, Bretagne Télécom sera déboutée de sa demande.

Sur les autres demandes’ :

Partie perdante, Bretagne Télécom sera condamnée à payer à Lorecom une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, Bretagne Télécom supportera également les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Lorecom et la société Bretagne Télécom de leurs demandes d'injonction de communication de pièces, de même qu'en ce qu'il a débouté la société Lorecom de sa demande indemnitaire pour rupture brutale du contrat la liant à la société Bretagne Télécom’ ;

- l'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant :

* juge que les relations entre la société Lorecom et la société Bretagne Télécom relèvent du statut des agents commerciaux’ ;

* condamne en conséquence la société Bretagne à payer à la société Lorecom une somme de 15.000 € à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence’ ;

* déboute les parties du surplus de leurs demandes, tant principales que reconventionnelles ;

* condamne la société Bretagne Télécom à payer à la société Lorecom une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamne la société Bretagne Télécom aux entiers dépens de première instance et d'appel.