Cass. 3e civ., 15 novembre 2006, n° 04-15.679
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Dupertuys
Avocat général :
M. Bruntz
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Delvolvé, SCP Defrenois et Levis, Me de Nervo, SCP Lesourd
Joint les pourvois n° A 04-15679 et n° U 04-17329 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2004, rectifié le 10 juin 2004), que la société Parilor, aux droits de laquelle se trouve la société GAN assurances vie (la société GAN), a fait délivrer par sa mandataire, la société Cogedim vente, à Mme X... une offre de vente au visa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, de l'appartement initialement loué à Raymond X..., décédé le 7 janvier 1996 ; que par acte reçu par la SCP Lecuyer Horen Lecuyer Levi, la société Parilor a vendu les lieux aux époux Y... ; que le 6 juillet 2000, ces derniers ont délivré à Mme X... un congé reprise pour habiter au visa de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; que Mme X... ainsi que son fils Jean-Daniel X... et sa fille Stéphanie X... ont assigné la société Parilor, les époux Y... et la SCP Lecuyer Horen Lecuyer Levi pour faire juger qu'en raison du décès de M. X..., le bail dont il était cotitulaire avec son épouse s'est trouvé commun au profit de tous ses héritiers qui ont la qualité de locataires, que la notification adressée le 9 février 1999 à Mme X... aurait dû l'être également à Jean-Daniel X... et à Stéphanie X... qui occupaient l'appartement, de prononcer la substitution des consorts X... aux époux Y... dans la vente du 25 mai 2000 et de dire que les consorts X... sont seuls propriétaires de l'appartement ;
que la société Parilor a appelé en garantie la société Cogedim vente ;
Sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal n° A 04-15.679 et sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal n° U 04-17.329, réunis :
Attendu que les époux Y... et la société GAN font grief à l'arrêt de dire que le droit de préemption de Mme X..., Mme Stéphanie X... et M. Jean-Daniel X... n'avait pas été valablement purgé par la société Parilor, alors selon le moyen :
1 / qu'en cas de décès du preneur, le droit personnel au bail du conjoint qui en est cotitulaire en application de l'article 1751 du code civil fait obstacle à la transmission aux descendants prévus par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 qui n'opère qu'en l'absence de conjoint bénéficiant des dispositions de l'article 1751 du code civil ; qu'en affirmant que la dévolution du bail au conjoint survivant n'était pas exclusive de sa dévolution aux descendants du défunt pour décider qu'au décès de Raymond X..., le bail dont il était titulaire s'était transmis individuellement à son conjoint survivant et à ses enfants qui vivaient avec lui depuis un an à la date de son décès, la cour d'appel a violé l'article 1751 du code civil par refus d'application et l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 par fausse application ;
2 / qu'en cas de décès du preneur, le droit personnel au bail du conjoint qui en est cotitulaire en application de l'article 1751 du code civil fait obstacle à la transmission aux descendants prévus par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 qui n'opère qu'en l'absence de conjoint bénéficiaire des dispositions de l'article 1751 du code civil ; qu'en conséquence, en application de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, le bailleur ne doit faire connaître qu'à l'époux survivant du locataire décédé l'indication du prix et des conditions de la vente projetée ; qu'en jugeant, au contraire, que l'offre devait également être notifiée aux héritiers du colocataire décédé lorsqu'il laissait un conjoint survivant, la cour d'appel a violé les textes susvisés et l'article 1742 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'il ne résulte pas de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 décembre 2001, que la dévolution du bail au conjoint survivant soit exclusive de sa dévolution aux descendants du défunt ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal n° A 04-15.679 et sur la première branche de chacun des deux pourvois incidents, réunies :
Vu l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 et l'article 1er du décret n° 77-742 du 30 juin 1977 ;
Attendu que préalablement à la conclusion de toute vente d'un ou plusieurs locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnelle, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d'un immeuble par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe ; que cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire ; que la première vente d'un appartement et de ses locaux accessoires, depuis la division de l'immeuble dont ils dépendent et l'identification de chaque lot par un état descriptif publié au fichier immobilier, doit être, préalablement à sa conclusion, notifiée au locataire ou à l'occupant de bonne foi au sens de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948, et occupant effectivement les lieux ;
Attendu que pour dire que la société Parilor aurait dû notifier à M. Jean-Daniel X... l'offre de vente, l'arrêt retient qu'il importe peu que celui-ci ne fût pas occupant des lieux à la date de la notification faite le 9 février 1999, dès lors qu'il avait acquis la qualité de cotitulaire du bail au décès de son père ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le locataire doit, lors de la notification de l'offre de vente, occuper effectivement les lieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal n° A 04-15.679 et la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal n° U 04-17.329, réunies :
Vu l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 et l'article 6 du décret n° 77-742 du 30 juin 1977 ;
Attendu que lorsque le locataire ou l'occupant est mineur sous tutelle ou majeur protégé, les notifications le concernant lui sont personnellement adressées ; que sauf en cas de curatelle, les mêmes notifications sont faites au représentant dudit mineur ou majeur protégé ;
Attendu que pour déclarer irrégulière l'offre de vente, l'arrêt retient que c'est à tort que cette offre n'a pas été notifiée à Mme Stéphanie X... alors qu'elle vivait au domicile du défunt depuis au moins un an à la date du décès de ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la notification faite à Mme X... valait tant pour celle-ci personnellement qu'en sa qualité d'administratrice légale de sa fille mineure, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
Et sur la cinquième branche du premier moyen du pourvoi principal n° A 04-15.679 et sur la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal n° U 04-17329, réunies :
Vu l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 dans sa rédaction issue de la loi du 20 juillet 1994 ;
Attendu que, préalablement à la conclusion de toute vente d'un ou plusieurs locaux à usage d'habitation ou à usage mixte habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d'un immeuble par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupant de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe ;
Attendu que pour ordonner la substitution des consorts X... dans les droits des époux Y... et pour condamner la société GAN à restituer aux époux Y... le prix d'acquisition et à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'en violation des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, aucune offre de vente n'a été notifiée par la société Parilor à M. Jean-Daniel X... et à Mme Stéphanie X..., bien que ceux-ci, vivant au domicile du défunt depuis au moins un an à la date du décès de ce dernier, fussent cotitulaires du bail en vertu de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le non-respect du droit de préemption du locataire n'entraîne que la nullité de la vente et n'ouvre aucun droit de substitution au profit de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer ni sur les deuxièmes branches des premiers moyens des pourvois principaux ni sur la cinquième branche du premier moyen du pourvoi n° U 04-17.329 ni sur la sixième branche du premier moyen du pourvoi n° A 04-15.679 ni sur les seconds moyens des deux pourvois principaux :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2004, rectifié le 10 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.