CA Paris, 14e ch. B, 10 novembre 2000, n° 2000/14267
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Goujon
Défendeur :
Chesnel (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cuinat
Conseillers :
M. Andre, M. Valette
Avoués :
Me Baufume, Me Bodin-Casalis
Avocats :
Me Lallaoui, Me Coulon
Statuant sur l’appel forme par Mme GOUJON divorcée CHESNEL d’une ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 27 avril 2000 par le Président du Tribunal de Commerce de MELUN lequel, sur la demande de la SNC CHESNEL, a :
- autorise M. Alain CHESNEL, es qualités de gérant, a procéder conformément aux pouvoirs conférés par les statuts à la signature de l’acte de vente de fonds de commerce cornu sous le nom “Le Centra!” & la SNC CELLAM ;
- désigne le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de MELUN séquestre du prix de vente ;
- dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du NCPC ;
- condamne Mme GOUJON en tous les dépens.
Par conclusions du 8 septembre 2000 prises contre M. Alain CHESNEL tant à titre personnel qu’es qualités de gérant de la SNC CHESNEL, Mme Martine GOUJON, non comparante en première instance, sentient que la décision entreprise a été obtenue en violation des droits de la défense et du respect du principe du contradictoire.
Elle demande à la cour :
- de déclarer nuls et de mil effet les actes introductifs d’instance qui lui ont été délivrés respectivement les 21 avril et 26 avril 2000.
- d’ordonner la nullité de tons les actes pris sur le fondement de cette ordonnance ;
- d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance ;
- de designer un administrateur judiciaire afin de suivre et de réaliser les opérations de vente dans l’intérêt des associés de la SNC CHESNEL, propriétaire du fonds de commerce bar-tabac exploite sous l’enseigne “Le Central”, avenue de la République à Pontault-Combault (Seine-et-Mame),
- de condamner M. CHESNEL au paiement de la somme de 8.000 F sur le fondement de l’article 700 du NCPC ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.
Dans des conclusions déposées le 28 septembre 2000, la SNC CHESNEL, intimée et appelante reconventionnelle, sollicite tout d’abord la mise hors de cause de M. Alain CHESNEL à I’encontre duquel Mme GOUJON cherche à obtenir une décision alors qu’il n’était pas partie en première instance, que la déclaration d’appel n’a été faite qu’a rencontre de la SNC CHESNEL et qu’il n’a pas été cite à titre personnel en la cause.
Elle prétend par ailleurs que les deux assignations qui ont été délivrées chacune à personne ne sont entachées d’aucun vice de forme et que Mme GOUJON était en mesure de se présenter à l’audience ou de s’y faire représenter par son conseil pour solliciter un renvoi.
Elle conclut en conséquence au rejet de l’exception de procédure soulevée par Mme GOUJON et de sa demande d’annulation des actes pris sur le fondement de l’ordonnance, laquelle tend en réalité à faire annuler l’acte de vente du fonds de commerce qui pouvait être réalisée valablement par le gérant de la SNC CHESNEL sans autorisation judiciaire.
Par ailleurs, elle soulevé l’irrecevabilité de la demande de désignation d’un administrateur provisoire formee par Mme GOUJON qui est une demande nouvelle devant la Cour par application de l’article 564 du NCPC et qui en tout état de cause n’est pas fondée puisque la SNC CHESNEL continue à être administrée par son gérant, M. Alain CHESNEL.
En conséquence, elle conclut à la confirmation de l’ordonnance déférée. Subsidiairement, en cas d’infirmation, elle demande à la Cour de dire que I’acte de vente a été valablement signé par le gérant de la SNC CHESNEL conformément aux statuts de celle-ci et de débouter Mme GOUJON de sa demande d’annulation dudit acte de vente.
Formant une demande reconventionnelle, elle sollicite de la Cour de condamner Mme GOUJON à lui payer tous les intérêts de retard, pénalités et majorations subis par la SNC CHESNEL depuis l’opposition de paiement qui a été faite le 10 août 2000 et de dire que le montant de ces intérêts de retard, pénalités, majorations, seront liquides par le Tribunal de Commerce de MELUN.
Enfin, elle demande la condamnation de Mme GOUJON & lui payer la somme de 10.000 F au titre de l’article 700 du NCPC ainsi qu’aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces de la procédure de première instance que la SNC CHESNEL, par acte d’huissier du 21 avril 2000, a donné assignation à Mme GOUJON à comparaitre devant le Président du Tribunal de Commerce de MELUN tenant l’audience des référés le 26 avril 2000 à 9 heures ; qu’il est constant qu’à cette date il n’y avait pas d’audience de référés ;
que, s’agissant de cet acte d’huissier, Mme GOUJON n’apporte pas la preuve du grief que lui à cause l’indication d’une date erronée dont il n’est résulte aucune conséquence ;
que la SNC CHESNEL, par acte d’huissier signifie le 26 avril 2000 à personne, a assigne à nouveau Mme GOUJON à comparaitre à l’audience des référés se tenant le 27 avril 2000 à 9 heures ;
que c’est dans ces circonstances qu’est intervenue l’ordonnance critiquée sans que Mme GOUJON ne comparaisse ;
Considérant qu’il apparait toutefois que les deux assignations ont été rédigées dans des termes identiques et tendaient aux mêmes fins ; qu’il s’ensuit que Mme GOUJON était informée dès le 21 avril 2000 de I’objet de la demande de la SNC CHESNEL qu’elle a eu ainsi un temps suffisant pour préparer sa défense ;
que dans ces conditions, s’abstenant de comparaitre ou de se faire représenter à l’audience du 27 avril 2000, Mme GOUJON n’est pas fondée à soutenir que les droits de la défense n’ont pas été respectés ;
qu’il s’ensuit que l’exception de nullité soulevée par Mme GOUJON sera rejetée ;
*
Considérant que les conclusions prises à l’egard de M. Alain CHESNEL à titre personnel, lequel n’avait été assigne qu’en sa qualité de gérant de la SNC CHESNEL et à rencontre duquel aucun appel provoque n’a été régulièrement formé, sent irrecevables ; qu’il s’ensuit qu’il doit être mis hors de cause à titre personnel.
*
Considérant qu’il résulte des pièces versées aux débats que M. Alain CHESNEL et Mme Martine GOUJON divorcée CHESNEL sont associés au sein de la SNC CHESNEL au capital social fixe à 20.000 F divise en 200 parts de 100 francs chacune entièrement libérées dont M. Alain CHESNEL détient 101 parts et Mme GOUJON 99 parts ;
que l’objet de cette SNC est la création, l’exploitation, la mise en gérance libre et la vente s’il échet, d’un fonds de commerce de bar, restaurant, débit de tabac, vente de bimbeloterie, gadgets, articles pour fumeurs, bijouterie fantaisie, montres, cartes postales, sis avenue de la République à Pontault-Combault (77340) sous I’enseigne “Le Central” ;
qu’aux termes d’un acte sous-seing privé du 7 octobre 1999 la SNC CHESNEL, représentée par son gérant M. Alain CHESNEL a consenti à MM. FRAILICH et TAIEB une promesse de vente de ce fonds de commerce moyennant le prix global de 2.550.000 F sous diverses conditions suspensives dont celle en particulier de l’obtention de l’agrément de cette cession par I‘assemblée générale de la SNC CHESNEL convoquée pour le 27 octobre 1999 ;
Considérant qu’il n’est pas discuté que l’assemblée générale de la SNC CHESNEL n’a pas donné son accord, en raison de l’opposition de Mme GOUJON ;
Considérant qu’il apparait que la cession du fonds de commerce de la SNC CHESNEL qui a pour conséquence de faire disparaitre I’objet social de celle-ci, ne saurait s’analyser comme étant un acte que le gérant peut accomplir seul et ne peut être décidée que par I’assemblée générale, ce qui d’ailleurs avait été reconnu par la promesse de vente qu’il s’ensuit que c’est à tort que le premier juge a autorisé la vente du fonds \ de commerce par M. CHESNEL, es qualités de gérant de la SNC CHESNEL, en l’absence de tout accord entre les associés ;
qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de la SNC CHESNEL, représentée par son gérant, M. CHESNEL ;
Considérant que la solution du litige conduit au rejet de la demande reconventionnelle en paiement des intérêts, pénalités et majorations depuis le 10 août 2000.
Considérant que la seule mésentente entre les deux associes de la SNC CHESNEL sur les conditions de vente du fonds de commerce ne saurait justifier la désignation d’un administrateur provisoire ; que Mme GOUJON sera déboutée de sa demande de ce chef ;
Considérant que la SNC CHESNEL qui succombe sur l’essentiel de l’appel de Mme GOUJON doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Considérant qu’il n’apparait pas inéquitable de laisser à la charge de Mme GOUJON les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Prononce la mise hors de cause de M. Alain CHESNEL pris à litre personnel ; Déclare Mme Martine GOUJON bien fondée en son appel;
En conséquence :
Infirme en toutes ses dispositions I’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau :
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la SNC CHESNEL, représentée par son gérant M. Alain CHESNEL ;
Déboute Mme Martine GOUJON de sa demande reconventionnelle en désignation d’un administrateur provisoire ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du NCPC ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SNC CHESNEL aux entiers dépens de première instance et d’appel ; admet Me BAUFUME, Avoué, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du NCPC.