Cass. com., 5 octobre 2022, n° 19-23.508
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Stokors (Sté)
Défendeur :
Astrance capital (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Kass-Danno
Avocats :
SCP Marlange et de La Burgade, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2019), la société Astrance capital (la société Astrance), ayant pour activité le rachat d'entreprises, a confié à la société Stokors, spécialisée dans la gestion de patrimoine, et notamment la recherche d'investisseurs, la mission de l'assister dans la levée des fonds nécessaires à la présentation d'un plan de redressement pour la société [H], selon un « contrat d'apporteur de fonds » daté du 16 septembre 2010. Certaines factures ne lui ayant pas été réglées, la société Stokors a assigné la société Astrance en résiliation du contrat à ses torts exclusifs, en paiement de ses factures et en indemnisation de son préjudice.
Examen des moyens
Sur les premiers et troisièmes moyens, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
3. La société Stokors fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir condamner la société Astrance à lui verser les sommes de 55 400 euros à titre de dommages-intérêts, outre l'indemnité de fin de contrat d'un montant de 56 933,33 euros, et dire n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle, alors :
« 1°/ que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; que la cour d'appel a constaté que la société Stokors s'était vue confier par la société Astrance la mission de l'assister dans la levée des fonds nécessaires à la réalisation du plan de continuation de [H] et de lui présenter des investisseurs ; qu'ainsi, il résultait des constatations de l'arrêt que l'intervention de la société Stokors avait pour but in fine, la souscription d'actions par des investisseurs, et donc bien des contrats d'achat ou de vente ; qu'en considérant néanmoins que l'objet du contrat conclu entre Astrance et Stokors n'entrait pas dans le champ de l'activité d'agent commercial car il ne tendait pas à la conclusion de contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 134-1 du code de commerce ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le contrat litigieux du 16 septembre 2010 stipulait que "Astrance donne par les présentes à Stokors, qui l'accepte, un mandat non exclusif pour l'assister dans la levée des fonds nécessaires à la réalisation du plan de continuation de [H]" et que la société Stokors "s'engage à faire ses meilleurs efforts et à mettre en oeuvre les moyens dont il dispose avec diligence et prudence pour présenter à Astrance des investisseurs susceptibles d'investir dans le plan de continuation de [H], mais il ne garantit en aucune manière le succès de la mission qui lui est confiée, le bon déroulement des négociations ou la bonne fin des accords éventuellement conclus avec les investisseurs potentiels" ; qu'il résultait ainsi des termes clairs et précis du contrat que la société Stokors avait un pouvoir de négociation mais n'était pas responsable en cas d'échec des négociations ou des accords conclus ; qu'en énonçant que le contrat ne donnait pas à la société Stokors de pouvoir de négociation, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt retient que la société Astrance a pour activité le rachat d'entreprises par le biais d'investissements, et non pas une activité de vente, d'achat, de location ou de prestations de services. Il constate que le contrat litigieux précise en préambule qu'elle a l'intention de présenter un plan de continuation pour la société [H], qu'elle a demandé à la société Stokors de l'assister dans la perspective de cette procédure et qu'elle lui a confié « un mandat non exclusif pour l'assister dans la levée de fonds nécessaires à la réalisation du plan de continuation de [H]. »
5. Il relève encore qu'aux termes de l'article 1 de ce contrat, relatif à l'objet de la convention, « la mission de Stokors sera de présenter à Astrance des investisseurs potentiels pour participer à cette opération » et qu'aux termes de l'article 3, la société Stokors « s'engage à faire ses meilleurs efforts et à mettre en œuvre les moyens dont il dispose avec diligence et prudence pour présenter à Astrance des investisseurs susceptibles d'investir dans le plan de continuation de [H], mais il ne garantit en aucune manière le succès de la mission qui lui est confiée, le bon déroulement des négociations ou la bonne fin des accords éventuellement conclus avec les investisseurs potentiels. »
6. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a retenu que l'objet du contrat litigieux n'était pas d'apporter des clients à la société Astrance par la conclusion de contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, mais d'assister la société Astrance dans la levée de fonds nécessaires à la réalisation du plan de redressement de la société [H] et de lui présenter des investisseurs potentiels susceptibles de participer à cette opération, ce dont elle a exactement déduit que le contrat litigieux ne pouvait être qualifié de contrat d'agence commerciale.
7. Et c'est par une interprétation souveraine, que les termes obscurs et ambigus du contrat litigieux rendaient nécessaire, que la cour d'appel a retenu que le contrat ne donnait pas à la société Stokors le pouvoir de négocier, sa mission se limitant à la présentation d'investisseurs potentiels à la société Astrance et nullement à la négociation avec ceux-ci, la responsabilité de la société Stokors étant expressément exclue à ce titre.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
9. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 1er de la directive du conseil 86/653/CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suggérée par la société Stokors.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel ;
REJETTE le pourvoi