CA Reims, ch. civ. sect. 1, 30 novembre 2021, n° 21/01296
REIMS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Baudemont (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mehl-Jungbluth
Conseillers :
Mme Maussire, Mme Mathieu
Avocat :
Selarl Fossier Nourdin
Exposé du litige
Par jugement du 28 février 2017, le tribunal de commerce de Reims a notamment ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la Sarl Baudemont (exerçant une activité d'électricité générale, carrelage, plomberie, chauffage, courants faibles, alarme, vidéo) et désigné la Selarl X, prise en la personne de Maître X, en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 30 janvier 2018, la juridiction consulaire de Reims a arrêté le plan de redressement présenté par la société Baudemont organisant la continuation de l'entreprise, fixé à neuf années la durée du plan et désigné la Selarl X en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Maître X, ès-qualités, a déposé au greffe du tribunal de commerce de Reims, une requête en date du 18 mai 2021, aux fins de voir prononcer une éventuelle résolution du plan de redressement pour cause de non-exécution dans les délais par le débiteur.
Par jugement réputé contradictoire du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Reims a notamment :
- constaté l'état de cessation des paiements de la société Baudemont,
- ordonné la résolution du plan de redressement arrêté le 30 janvier 2018 et prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la personne morale,
- fixé provisoirement au 18 mai 2021 la date de cessation des paiements,
- désigné la Selarl X en qualité de liquidateur judiciaire,
- fixé à 24 mois le délai maximum aux termes duquel la clôture de la procédure devra être examinée par le tribunal,
- ordonné les mesures de publicité prévue par la loi,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par acte en date du 29 juin 2021, la Sarl Baudemont a interjeté appel de ce jugement et, par acte d'huissier du 2 juillet 2021, a saisi le Premier président aux fins de voir prononcer la levée de l'exécution provisoire, qui a été autorisée par ordonnance du 13 juillet 2021.
Dans son ordonnance le premier président a constaté que la Sarl Baudemont, disposait amplement au jour de l'audience à laquelle elle ne s'était pas rendue, des fonds nécessaires à l'exécution de son obligation de paiement de l'échéance du plan pour l'année 2021, soit 49.004,45 euros en position créditrice sur son compte, alors que le montant du dividende annuel est de 12.838,19 euros. Il a également indiqué, qu'au jour de la clôture du compte, suite au prononcé du jugement querellé, le solde du compte bancaire de la société Baudemont était créditeur de 49.477,05 euros de telle sorte que la personne morale débitrice disposait largement de la capacité de régulariser sa situation.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 29 juillet 2021, la Selarl Baudemont conclut à l'annulation du jugement déféré, subsidiairement à l'infirmation et au rejet de la requête de Maître X, ès-qualités et à la condamnation de la partie succombante aux dépens.
Elle expose qu'il ressort du jugement que l'affaire a été évoquée devant le tribunal de commerce le 17 juin 2021, que la société n'était ni présente, ni représentée par son conseil habituel et que pourtant la juridiction n'a pas jugé opportun de renvoyer le dossier pour s'assurer de la connaissance effective par la société Baudemont de la requête, de l'audience de l'importance capitale de ses dernières pour la survie de l'entreprise.
Elle indique qu'en application des articles L. 626-9 et R. 626-17 du code de commerce, il appartient au greffe de convoquer le débiteur par lettre recommandée, et qu'il ressort de la combinaison de ces textes, qu'à défaut de retrait du courrier recommandé deux convocations et à défaut de comparution, le débiteur doit être convoqué par assignation signifiée par huissier de justice.
Elle précise qu'elle a été convoquée par lettre recommandée du 25 mai 2021, mais que cependant la lettre n'ayant pas été retiré par le gérant de la société, du simple fait du défaut de comparution de la société Baudemont, le tribunal devait ordonner une nouvelle citation par voie d'assignation.
Subsidiairement, elle fait valoir qu'en vertu des dispositions législatives prises dans le cadre de la sanitaire COVID 19, la date d'exigibilité du plan a été prorogée de trois mois et que le dividende était donc exigible au 30 avril 2021. Elle explique qu'au jour de la requête en résolution du plan, elle avait seulement 18 jours de retard, et disposait de la trésorerie nécessaire, le solde de son compte bancaire affichant 49.004,45 euros au 31 mai 2021.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 18 octobre 2021, le parquet général conclut à la nullité du jugement pour irrégularité de la convocation et à l'infirmation du jugement déféré.
Il estime que la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception non retiré par le débiteur n'est pas régulière et qu'une convocation par citation aurait dû être ordonnée par le tribunal de commerce.
Il fait valoir que si le mandataire au soutien de sa requête a argué du non-paiement du troisième dividende exigible depuis le 30 janvier 2021, toutefois il appartenait au tribunal de caractériser l'état de cessation des paiements, ce qui n'a pas été fait.
Il ajoute qu'il est justifié par la société Baudemont d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face au
paiement du troisième dividende du plan.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
* Sur la demande de nullité du jugement
En vertu des articles L. 626-27 et R. 626-48 du code de commerce, " le tribunal est saisi aux fins de résolution du plan par voie de requête ou le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévue à l'article R. 631-4. Il statue dans les conditions de l'article L 626-9, le commissaire à l'exécution du plan étant entendu ou dûment appelé et présentant son rapport en lieu et place de l'administrateur ".
Aux termes de l'article 670-1 du code de procédure civile, en cas de retour au greffe de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification.
En l'espèce, par lettre recommandée du 25 mai 2021, le greffe du tribunal de commerce de Reims a convoqué la société Baudemont à l'audience du 17 juin 2021. Il résulte des pièces produites que l'accusé de réception en date du 27 mai 2021 fait état d'un pli avisé et non réclamé et que le jugement du 22 juin 2021 mentionne que le gérant de la société n'a pas comparu, ni personne pour lui.
Force est de constater qu'en l'absence de signature de l'accusé de réception susvisé, il incombait au greffe en vertu des textes précités de procéder par voie de citation par huissier de justice.
En l'absence de justification de cette diligence, la cour relève que la convocation critiquée est irrégulière de sorte que le tribunal n'a pas été valablement saisi. En effet, c'est à tort que les premiers juges ont statué contre la société Baudemont qui n'a pas été assignée et qui n'a pas comparu.
Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, la dévolution pour le tout ne peut s'opérer si le premier juge n'a pas été valablement saisi, ce qui est le cas en l'espèce.
Dans ces conditions, il convient de juger que la saisine du tribunal est irrégulière et par conséquent d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Reims pour la suite donnée à la procédure.
Eu égard à la nature de l'affaire, il convient d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
Prononce l'annulation du jugement ayant ordonné la résolution du plan rendu le 22 juin 2021 par le tribunal de commerce de Reims.
Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Reims pour la suite de la procédure.
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.