Cass. crim., 7 mars 2000, n° 99-83.819
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M.GOMEZ
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles, 121-3 alinéa 1er, et 312-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et insuffisance de motivation, manque de base légale et violation de la loi ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Chambéry, en date du 4 juillet 1997, ayant déclaré Jean-Claude X...coupable d'extorsion de fonds et de signature et a prononcé à son encontre une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et de 15 000 francs d'amende ;
" aux motifs que, prise en flagrant délit de vol, seule face à trois personnes dont Jean-Claude X...qui a déclaré quand " elle l'a supplié de ne pas ébruiter l'affaire, de ne pas en parler à son ami et de la garder au travail dans un autre poste " lui avoir " effectivement dit que si des policiers voyaient le film, elle serait embarquée comme une voleuse avec les menottes " ; il est certain qu'Hélène Y... se trouvait dans une situation de pression psychologique telle qu'elle n'était plus en mesure de réfléchir à ce qu'elle faisait ; si l'emploi d'une voie de droit, ou la simple menace d'en user, n'est pas en soi une violence illégitime, c'est à condition, comme l'a relevé le tribunal, que cette menace n'ait pas pour objet ou pour effet d'obtenir des reconnaissances ou remises disproportionnées de la part de personnes vulnérables en raison de leur état physique ou psychologique, de leur âge ou de leur position hiérarchiquement inférieure et sans qu'il soit laissé un délai raisonnable de réflexion ; or, au cas particulier, Jean-Claude X...a obtenu la démission d'Hélène Y..., la signature d'une reconnaissance de dette ne comportant aucun montant, a retenu le chèque de son salaire du mois de mars et a accepté la remise de 30 900 F en liquide sans établir de reçu (...) ; Hélène Y... était donc plus que vulnérable et hors d'état de réfléchir aux conséquences de ses gestes, ce qui est d'ailleurs démontré par le temps très court qui s'est écoulé entre le moment où elle a été amenée dans le bureau de Jean-Claude X..., vers 14 heures 15 et l'heure à laquelle elle s'est présentée à la banque pour retirer les 30 900 francs, c'est-à-dire, à 14 heures 40 ; par conséquent la contrainte est parfaitement établie (...) ; enfin Jean-Claude X...ne peut valablement soutenir qu'il n'avait pas l'intention de réaliser une extorsion ; le seul fait qu'il y ait eu contrainte de sa part est en effet exclusif de toute bonne foi ; il ne pouvait qu'avoir conscience qu'il n'aurait pas dans des circonstances normales et en dehors de toute pression morale obtenu d'Hélène Y... sa démission, une reconnaissance de dette et qu'elle aille vider son Codevi ;
" alors, d'une part, qu'en matière d'extorsion, la contrainte à l'origine de la remise de fonds ou d'une signature doit constituer une force irrésistible d'origine externe dominant la volonté de celui qui la subit, ou en tout cas, assez puissante pour lui enlever sa liberté d'esprit si bien qu'en énonçant que Jean-Claude X...avait fait usage de la contrainte morale à l'égard d'Hélène Y... afin de se faire remettre des fonds et d'obtenir une signature, sans relever le caractère irrésistible de ces agissements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a méconnu les prescriptions de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre et que l'élément moral du délit d'extorsion incriminé par l'article 312-1 du Code pénal est caractérisé par la conscience d'obtenir par la force, la violence ou la contrainte ce qui n'aurait pu être obtenu par un accord librement consenti de sorte qu'en énonçant que Jean-Claude X...ne pouvait valablement soutenir qu'il n'avait pas l'intention de réaliser une extorsion puisque le seul fait qu'il y ait eu contrainte de sa part était, en effet, exclusif de toute bonne foi alors que l'élément intentionnel du délit ne pouvait être déduit de l'existence de l'élément matériel et devait être caractérisé indépendamment de cet élément, la cour d'appel a violé l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et insuffisance de motivation, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Chambéry, en date du 4 juillet 1997, ayant déclaré Jean-Claude X...responsable du préjudice subi par Hélène Y... et l'ayant condamné à lui payer la somme de 3 500 francs à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs qu'Hélène Y... s'est constituée partie civile ; sa demande est recevable en la forme ; elle demande 20 000 francs de dommages et intérêts et 5 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; le tribunal a fait une juste appréciation des éléments produits aux débats en fixant à 3 500 francs le montant des dommages et intérêts et à 1 000 francs la somme allouée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" alors que si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés, si bien que méconnaît le principe de l'article 593 du Code de procédure pénale la cour d'appel qui accorde une indemnité à la victime d'une infraction d'extorsion de fonds et de signature sans préciser à quel titre et pour quel dommage elle demandait réparation et sans caractériser le lien de causalité existant entre l'infraction poursuivie et le préjudice allégué " ;
Attendu qu'après avoir caractérisé le délit d'extorsion de fonds et de signatures reproché au prévenu, la cour d'appel, confirmant la décision des premiers juges, se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges qui n'avaient pas à s'en expliquer autrement, ont justifié leur décision ;
Que le moyen dès lors doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;