CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 6 octobre 2010, n° 08/21876
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Carthago Food (SARL), Good Lunch (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bartholin
Conseillers :
Mme Imbaud-Content, Mme Degrelle-Croissant
Avoués :
Me Teytaud, SCP Monin-d'Auriac de Brons
Avocats :
Me Carbuccia, Me Barbouch
La Cour statue sur l'appel interjeté par Mme X à l'encontre du jugement rendu le 7/10/2008 par le tribunal de commerce de PARIS qui a:
- dit recevables les demandes de Mme X es qualité d'associée de la société GOOD LUNCH,
- débouté Mme X de toutes ses demandes,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X aux entiers dépens.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit:
Par acte du 13/11/2007, la société GOOD LUNCH représentée par son gérant, M. Y, a vendu à la société CARTHAGE FOOD son fonds de commerce de « restauration rapide, sandwicherie, saladerie, viennoiserie, traiteur, restauration rapide » exploité <adresse> ;
La vente du fonds avait été autorisée par une assemblée générale ordinaire des associés de la société GOOD LUNCH en date du 20/8/2007 tenue en l'absence de Mme X et après réunion d'une précédente l'assemblée ordinaire du 4/8/2007 ayant même objet et au cours de laquelle la majorité requise n'avait pu être obtenue;
Mme X, associée de société cédante a initié le 7/2/2008 devant le tribunal de commerce de PARIS une instance en nullité de la cession et en révocation de M. Y de ses fonctions de gérant en arguant de ce que la cession entraînait la disparition du siège social de la société GOOD LUNCH et de son seul actif social et de ce que, dans ces conditions, la décision d'autoriser la cession aurait dû être prise en assemblée générale extraordinaire des associés à la majorité des trois quart;
La société GOOD LUNCH a conclu au mal fondé des demandes en se prévalant des dispositions des statuts, la société CARTHAGE FOOD concluant, pour sa part, à l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir de Mme X au motif que celle-ci n'aurait été que porteuse des parts de son époux seul véritable associé et, sur le fond, au motif qu'elle était elle-même tiers de bonne foi;
C'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu
Mme X, appelante, demande à la Cour:
- d'infirmer le jugement déféré en prononçant l'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 20/8/2007 ayant autorisé la cession litigieuse,
- de condamner les intimés au paiement d'une somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
La société CARTHAGE FOOD intimée, demande, pour sa part, à la Cour :
- de dire Mme X irrecevable en ses demandes et subsidiairement mal fondée en celles-ci,
- de la condamner au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;
La société GOOD LUNCH, régulièrement assignée devant la Cour par acte du 25/5/2009 délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas, elle, constitué avoué;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que la société GOOD LUNCH constituée en septembre 2005 sous forme de société à responsabilité limitée est composée de deux associés Mme X qui y détient 255 parts et M. Y qui y détient 245 parts, son siège social étant situé au [...], adresse également de son principal établissement où était exploité le fonds cédé et son objet social étant 'tant en France qu'à l'étranger la restauration rapide, sandwicherie, terminal de cuisson de pain, traiteur, plats à emporter et sur place, salon de thé, cafétéria , glaces';
Considérant que Mme X ayant aux termes des statuts la qualité d'associée a en cette qualité et contrairement à ce que prétend la société CARTHAGE FOOD (qui ne démontre au demeurant pas qu'elle soit seulement porteuse de parts pour le compte de son époux), qualité à agir en annulation de l'assemblée ayant autorisé la vente et, en conséquence de cette annulation, à réclamer la nullité de la vente, le moyen d'irrecevabilité tiré de sa qualité de tiers au contrat étant, dans ces conditions, inopérant;
Considérant, sur le bien-fondé de cette action que Mme X motive par le fait que la vente entraînait modification des statuts par disparition de l'objet social et du siège social et devait donc être autorisée par assemblée extraordinaire des associés, qu'il ne peut être retenu que ladite vente entraînait disparition de l'objet social alors que ce dernier objet ci-dessus rappelé n'était pas spécifiquement limité à l'exploitation d'un fonds de restauration au [...] de sorte que, nonobstant la vente en cause, l'activité de la société GOOD LUNCH pouvait être poursuivie en un autre endroit;
Considérant qu'il est par contre exact alors qu'il n'était pas formellement contesté en première instance par la société GOOD LUNCH alors comparante que son seul actif au moment de la vente ait, ainsi que l'indiquait Mme X, été constitué par le restaurant exploité au 280 avenue Daumesnil et alors que le siège social était situé à l'adresse du fonds vendu et qu'aucune décision de transfert de ce siège n'avait pas été prise que ce soit par le gérant (qui n'aurait pu d'ailleurs ,aux termes des statuts, valablement prendre de décision sur ce point qu'en cas de transfert dans le même ressort) ou par une assemblée extraordinaire précédente ou postérieure, que la vente litigieuse induisait la disparition de l'actif et celle du siège social, n'étant pas sans intérêt de relever à ces égards que cette société a fait l'objet d'une mention administrative de cessation d'activité prise d'office le 18/6/2009 suivie d'une radiation d'office en date du 29/9/2009 ;
Considérant que la vente du fonds entraînant ainsi directement ou indirectement des modifications statutaires, son autorisation relevait du pouvoir des associés et aurait dû être soumise, partant, à une assemblée extraordinaire et être votée à la majorité de trois-quart, ce, conformément aux dispositions légales d'ordre public en la matière et conformément l'article 16 des statuts de la société GOOD LUNCH;
Que l’autorisation de vente ayant été donnée à la majorité simple par une assemblée ordinaire, ladite assemblée doit être annulée ce qui emporte, par voie de conséquence la nullité de la vente
Considérant que le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé, la nullité de l'assemblée ordinaire du 20/8/2007 ayant autorisé la vente du fonds litigieux et la nullité subséquente de cette vente étant prononcées ;
Considérant que les dépens seront supportés par la société GOOD LUNCH ;
Considérant, concernant les demandes respectives de la société CARTHAGE FOOD et de Mme X au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer à Mme X une somme de 1600€ sur ce fondement au titre de ses frais irrépetibles ;
Que la société CARTHAGE FOOD supportera les dépens et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirmant le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit Mme X recevable en l'intégralité de son action en nullité,
Prononce la nullité de l'assemblée générale ordinaire des associés de la société GOOD LUNCH ayant, en date du 20/8/2007, autorisé la vente du fonds de commerce litigieux au profit de la société CARTHAGE FOOD,
Prononce, par voie de conséquence, la nullité de la vente intervenue au profit de la société CARTHAGE FOOD en date du 13/11/2007,
Condamne la société GOOD LUNCH à payer à Mme X la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Déboute la société CARTHAGE FOOD DE SA demande au même titre à l'encontre de Mme X,
Condamne la société GOOD LUNCH aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour les dépens d'appel, au profit de la SCP TEYTAUD et de la SCP MONIN D'AURIAC DE BRONS, chacune en ce qui la concerne.