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Décisions

ADLC, 11 octobre 2022, n° 22-D-17

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Juliette Ogez, rapporteure, et l’intervention de Mme Laure Gauthier, rapporteure générale adjointe, par M. Emmanuel Combe, vice-président, président de séance, Mme Catherine Prieto et M. Jean-Yves Mano, membres.

ADLC n° 22-D-17

10 octobre 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 22-D-17 du 11 octobre 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz

L’Autorité de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 7 février 2019 sous le numéro 19/0007 F, par laquelle la Commission de Régulation de l’Energie a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de gaz aux clients résidentiels et petits non-résidentiels sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 102 ; Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-2 ;

Vu le courrier en date du 20 juillet 2021 par lequel le rapporteur général informe que l’affaire sera examinée par l’Autorité sans établissement préalable de rapport ;

Vu les observations présentées par les sociétés Gaz de Bordeaux, Régaz-Bordeaux, Bordeaux Métropole Energies et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, les représentants de la Commission de Régulation de l’Energie des sociétés Gaz de Bordeaux, Regaz-Bordeaux, Bordeaux Métropole Energies et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 19 avril 2022 ;

Les représentants des sociétés ENI Gas & Power France S.A, TotalEnergies Electricité et Gaz de France entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l’article

L. 463-7 du code de commerce ; Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne la société Gaz de Bordeaux pour des pratiques d’abus de position dominante dans le secteur de la fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels et aux petits clients non-résidentiels de Bordeaux et des communes voisines.

Dans la perspective de la disparition du tarif réglementé du gaz au détail, Gaz de Bordeaux, fournisseur historique en position dominante sur cette zone, a développé ses offres de marché à partir de janvier 2017. Gaz de Bordeaux a, pour ce faire, utilisé les moyens commerciaux liés à son activité de service public et à son statut d’opérateur historique, d’une manière propre à générer une confusion dans l’esprit des consommateurs. Alors même qu’elle restait tenue de commercialiser son offre au tarif réglementé, Gaz de Bordeaux a mis en retrait, voire occulté, cette offre auprès de ses clients potentiels, mettant systématiquement en avant ses offres de marché, que ce soit sur son site internet ou par l’intermédiaire de son accueil téléphonique. En conduisant artificiellement la quasi-totalité de ses nouveaux clients à souscrire une offre de marché, Gaz de Bordeaux a ainsi réduit l’animation concurrentielle du marché au moment de la disparition du tarif réglementé du gaz, intervenue en décembre 2019.

En conséquence, l’Autorité a infligé conjointement et solidairement une sanction pécuniaire de 1 000 000 euros à Gaz de Bordeaux ainsi qu’à ses sociétés mères successives, les sociétés Régaz-Bordeaux et Bordeaux Métropole Energies, pour la période des pratiques en cause.

L’Autorité a enfin enjoint à Gaz de Bordeaux de placer sur son site internet un lien vers la présente décision pendant une durée de 3 mois, afin d’en informer les consommateurs de gaz au détail présents sur la zone de l’ELD de Régaz-Bordeaux, et notamment ceux ayant été dirigés de manière abusive vers une offre de marché.

I. Constatations

A. LA PROCEDURE

1. Par courrier du 7 février 2019, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après la

« CRE ») a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité »), en application de l’article L. 134-16 du code de l’énergie, de potentielles pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la société Gaz de Bordeaux, dans la fourniture au détail de gaz aux clients résidentiels sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux (voir ci-après).

2. La saisine a été enregistrée le même jour sous le numéro 19/0007 F.

3. Par décision du 20 juillet 2021, prise en application de l’article L. 463-3 du code de commerce, le rapporteur général adjoint a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport.

4. Une notification de griefs a été envoyée à la société Gaz de Bordeaux le 3 septembre 2021.

B. LE SECTEUR CONCERNE

1. LA DISTRIBUTION ET LA FOURNITURE AU DETAIL DE GAZ NATUREL

5. Le secteur du gaz naturel est organisé en France autour de six grandes activités, le long d’une chaîne de valeur de l’amont à l’aval : la production/importation, le transport, les terminaux méthaniers, le stockage, la distribution et la fourniture au détail.

6. Seront successivement présentées les deux dernières étapes de cette chaîne de valeur, à savoir la distribution et la fourniture au détail de gaz naturel.

7. Pour ce qui concerne la distribution de gaz naturel en France, environ 11 millions de consommateurs sont raccordés aux réseaux de distribution de gaz naturel, gérés par 26 gestionnaires de réseaux de distribution (ci-après « GRD ») de taille inégale2 :

- Gaz Réseau Distribution de France (GRDF) achemine le gaz naturel sur la majorité du territoire français pour environ 96 % des quantités de gaz naturel distribuées ;

- 22 GRD gaziers de plus petite taille, aussi appelées « entreprises locales de distribution » (ci-après les « ELD »), distribuent le reliquat des volumes. Parmi ces ELD, Régaz-Bordeaux achemine le gaz naturel pour la ville de Bordeaux et 45 autres communes du département de la Gironde. Régaz-Bordeaux distribue ainsi environ 1,5 % des quantités de gaz naturel en France ;

- 3 GRD dits « nouveaux entrants » pour la distribution de gaz naturel en France : Antargaz depuis octobre 2008, la SICAE de la Somme et du Cambraisis depuis avril 2010 et Séolis depuis juillet 2014.

8. Pour ce qui concerne la fourniture au détail de gaz naturel, la situation a évolué depuis l’ouverture à la concurrence du marché français du gaz (voir figure 1 ci-dessous). Ce processus d’ouverture a débuté avec la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 et s’est poursuivi avec la transposition progressive des directives 2003/55/CE du 26 juin 2003 et 2009/73/CE du 13 juillet 20093 qui a conduit à ouvrir la fourniture de gaz au détail à la concurrence d’opérateurs autorisés, et ce, en plusieurs étapes. Cette ouverture a été effective pour tous les clients, résidentiels comme non-résidentiels, au 1er juillet 2007.

9. Jusqu’au 19 juin 2014, tous les consommateurs de gaz naturel en France, qu’ils soient ou non-résidentiels, ont pu choisir librement de conclure :

- un contrat au tarif réglementé de vente (ci-après « TRV »), exclusivement proposé par les fournisseurs historiques (Engie et les ELD) ; ou

- un contrat en offre de marché (ci-après « OM »), proposé à la fois par les opérateurs historiques gaziers mais également par les nouveaux fournisseurs de gaz naturel, appelés fournisseurs alternatifs.

10. Les TRV gaz ont été ou vont être progressivement supprimés, selon un processus en cinq étapes :

- au 19 juin 2014, pour les très gros consommateurs raccordés au réseau de transport et les entreprises locales de distribution dont le niveau de consommation est supérieur à 100 000 MWh par an ;

- au 1er janvier 2015, pour les consommateurs non-résidentiels et les immeubles d’habitation consommant plus de 200 MWh par an ;

- au 1er janvier 2016, pour les consommateurs non-résidentiels consommant plus de 30 MWh, les immeubles d’habitation qui consomment plus de 150 MWh par an et les entreprises locales de distribution consommant moins de 100 000 MWh par an ;

- au 1er décembre 2020, pour les consommateurs finals non domestiques ayant une consommation annuelle de référence inférieure à 30 MWh ;

- au 1er juillet 2023, pour les consommateurs finals domestiques ayant une consommation annuelle de référence inférieure à 30 MWh, les propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation consommant moins de 150 MWh par an et les syndicats des copropriétaires d’un tel immeuble.

Figure 1 - les différentes étapes de la libéralisation du marché de la fourniture de gaz

Source : Observatoire de la CRE, « Les marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel », 2ème trimestre 2020, page 30

11. Il convient de relever que la suppression des TRV gaz correspond à un moment charnière dans l’animation concurrentielle du marché, en modifiant potentiellement les équilibres existants4. Ainsi, la CRE indique que « le transfert d’un nombre croissant de sites vers les offres de marché induit une diminution des parts de marché des fournisseurs historiques. Les fournisseurs historiques, en anticipation de la réduction de leur part de marché, pourraient être incités à convertir leur clientèle en offre de marché »5. De même, dans son rapport de gestion transmis à la CRE dans le cadre de l’analyse des coûts du TRV gaz en 2019, Gaz de Bordeaux a fait mention de « l’attrition inéluctable de sa clientèle domestique historique »6 en raison du nouveau contexte d’ouverture du marché.

12. Alors que le cadre réglementaire prévoyait déjà la suppression à venir des TRV gaz, la Loi Energie Climat du 8 novembre 2019 (ci-après « LEC ») a fixé le calendrier précis de leur extinction, dont la date était jusqu’alors incertaine. La LEC prévoit en outre à son article 63 l’obligation, pour les fournisseurs historiques de gaz naturel (soit Engie et les 22 ELD), d’informer leurs clients ayant souscrit un contrat aux TRV de la date de fin de l'éligibilité aux tarifs réglementés, de la disponibilité des offres de marché et de l'existence d’un comparateur d'offres proposé gratuitement par le médiateur national de l’énergie.

13. Ainsi, aux termes de ce même article 63 de la LEC, les fournisseurs historiques sont tenus de délivrer à leurs clients une information neutre, compréhensible et visible sur les modalités de fin des TRV, selon un calendrier précis et sur plusieurs supports : factures émises par les fournisseurs à destination des clients aux TRV, pages publiques du site internet des fournisseurs consacrées aux TRV, espace personnel des consommateurs aux TRV sur ces sites internet, courriers adressés aux consommateurs finals.

14. À titre d’exemple, pour ce qui concerne les particuliers et petites copropriétés ayant souscrit un contrat aux TRV, cinq courriers, au contenu préalablement approuvé par les ministres chargés de l'énergie et de la consommation doivent être successivement envoyés selon le calendrier suivant : au plus tard six mois après la publication de la LEC (soit au premier semestre 2020) ; puis entre le 5 janvier 2021 et le 5 février 2021 ; entre le 15 mai 2022 et le 15 juin 2022 ; entre le 15 novembre 2022 et le 15 décembre 2022 ; et enfin en mars 2023.

15. Les dispositions de la LEC précitées visent à informer les consommateurs ayant jusque-là conservé une offre aux TRV, souvent par inertie ou par méconnaissance du marché (cf. infra), de l’existence d’offres de marché et à les inviter à comparer les offres entre elles.

16. L’article 63 de la LEC prévoit également que les opérateurs historiques devront mettre à la disposition des fournisseurs alternatifs qui en feraient la demande les données de contact et de consommation des clients ayant conservé une offre aux TRV. Cette disposition, qui a pour objectif de faciliter le démarchage par les fournisseurs alternatifs de ce type de clients participe à l’animation concurrentielle du marché, en permettant aux fournisseurs d’identifier les clients qui vont basculer.

17. La mise en œuvre de ces dispositions correspond ainsi à une période d’animation potentielle de la concurrence sur le marché de la fourniture au détail de gaz naturel7.

2. LA SITUATION SPECIFIQUE DES ENTREPRISES LOCALES DE DISTRIBUTION

18. Dans un contexte de libéralisation de l’activité de fourniture de gaz naturel, il est constaté que les territoires des ELD (dont la carte est reproduite en figure 2 ci-dessous) affichent un retard plus important que le reste du territoire national en termes d’ouverture à la concurrence, en particulier sur le segment résidentiel8. Ainsi, la CRE note que « les consommateurs résidentiels habitant dans une zone de desserte d’une ELD ne bénéficient pas d’un large ensemble de choix d’offres de fourniture, ce qui vient, en pratique, limiter considérablement leur droit de choisir un fournisseur, y compris chez les plus grosses ELD comme (…) Gaz de Bordeaux (plus de 200 000 clients résidentiels en gaz) »9.

19. Dans le cadre de sa saisine, la CRE indique également que « sur le territoire des entreprises locales de distribution (ELD), la concurrence est toujours inexistante sur le segment résidentiel dix ans après la libéralisation »10. Plus de 99 % des clients résidentiels sur le territoire des ELD étaient encore chez un fournisseur historique en 201711. Un constat similaire peut être fait pour les années 2018 et 201912.

20. Concernant le segment des clients non-résidentiels sur le territoire des ELD, la CRE souligne qu’il « est plus ouvert à la concurrence, bien qu’il reste en retard par rapport au reste du territoire français »13. Ainsi, la fin des TRV pour les sites non-résidentiels ayant une consommation supérieure à 30 MWh/an a déjà obligé un certain nombre de clients à souscrire des OM et a parallèlement attiré un certain nombre de fournisseurs alternatifs. La CRE constate que « bien que la majorité des sites non-résidentiels aient choisi de rester en offre de marché chez leur fournisseur historique, la part de marché des autres fournisseurs a progressé en 2017 sur le territoire de chaque ELD (+2 pts sur GDS et sur Régaz et +8 pts sur GEG) »14. Toutefois, s’agissant du segment des petits professionnels (qui pouvaient quant à eux bénéficier des TRV jusqu’au 31 décembre 2020), la CRE note une absence de dynamique concurrentielle, à l’instar des clients résidentiels15.

Figure 2 - carte des ELD16

21. Cette situation de moindre animation concurrentielle provient en partie du fait que le coût fixe d'entrée dans une zone ELD est élevé, comparativement à la taille du marché concerné, qui est relativement limitée. Ainsi, une étude, réalisée pour la CRE en novembre 2020 par le cabinet E-Cube Strategy Consultants et portant sur l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d'électricité et de gaz naturel sur les zones de desserte des ELD desservant plus de 100 000 clients, constate que « les coûts fixes par client [y] sont plus élevés qu’en zone Enedis/GRDF ».17 Les ELD présentent en effet des règles de gestion et des systèmes d'information différents de ceux de GRDF et d’Enedis, ce qui engendre pour les entrants potentiels des surcoûts, liés à la nécessaire adaptation de leurs outils et processus internes, ainsi que des difficultés pour la gestion opérationnelle des clients18. Selon le fournisseur ENI : « Le coût d'entrée dans les ELD est très élevé, notamment à cause des contraintes liées aux différents systèmes informatiques avec des règles spécifiques nécessitant des adaptations importantes de la part du fournisseur. »19

22. De plus, le rapport 2018-2019 de la CRE fait état d’un « attachement au fournisseur historique local plus fort de la part des consommateurs finals que pour EDF/ENGIE en zone Enedis/GRDF »20. Cette appréciation est partagée par l’étude du cabinet E-Cube Strategy Consultants précitée, selon laquelle « les fournisseurs estiment [que cet attachement] est plus élevé en zone ELD, et non le même qu’en zone Enedis/GRDF. (…) Plusieurs GRD de grandes ELD partagent cet avis. »21. La même étude relève que selon un syndicat d’ELD,

« le modèle ELD génère par nature de la satisfaction clientèle à travers notamment : / De la proximité : identité et ancrage local. / Des liens forts avec les territoires : par les emplois locaux, par l’existence de sociétaires, par le soutien des prestataires et partenaires locaux.

/ Une certaine éthique dans leurs relations commerciales qui se ressent dans les enquêtes d’opinion : un sondage réalisé en février 2018 estimait que 93% des clients des ELD apprécient la relation commerciale proposée par leur fournisseur local. »22.

23. La même étude avance, parmi les hypothèses permettant d’expliquer cet attachement plus fort des consommateurs au fournisseur historique local, « l’existence d’accueils physiques locaux du fournisseur historique, ou le caractère local de l’emploi », ou encore « le fait que le fournisseur conserve parfois le nom historique. »23. Elle indique qu’en conséquence, « les fournisseurs attendent une part de marché plus faible à effort commercial égal »24.

3. TYPOLOGIE ET COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS DE GAZ NATUREL

24. Trois grands types de consommateurs de gaz naturel peuvent être identifiés, selon la CRE :

- les sites non-résidentiels « transport » : ce sont les grands sites industriels raccordés au réseau de transport ;

- les sites non-résidentiels « distribution » : ce sont les sites non-résidentiels, les copropriétés et les grands sites industriels raccordés au réseau de distribution ;

- les sites résidentiels : ce sont les sites de consommation des clients particuliers.

25. Ces sites se répartissaient au 31 décembre 2019 sur tout le territoire national de la manière suivante25 :

Figure 3 - typologie des sites en gaz naturel au 31 décembre 2019

26. Entre 2017 et 2019, les clients résidentiels et les petits clients non-résidentiels disposaient, d’une manière générale, d’un faible niveau de connaissances quant à l’organisation et l’ouverture à la concurrence du marché du gaz, comme le met en évidence le baromètre énergie-info mis en place par le médiateur national de l’énergie26.

27. Ainsi, l’édition 2019 de ce baromètre relevait que « 70% des Français pensent pouvoir obtenir des tarifs réglementés en choisissant le même fournisseur pour le gaz et l’électricité. 42% pensent que l’ensemble des fournisseurs proposent les tarifs réglementés ».

28. Une part significative des consommateurs était notamment peu informée de la possibilité de changer de fournisseur et de l’existence de fournisseurs concurrents de l’opérateur historique. De même, les clients résidentiels restaient mal informés des différentes offres auxquelles ils pouvaient souscrire. En particulier, il apparaît que de nombreux clients résidentiels ne connaissaient ni la différence entre une offre au TRV et une OM, ni les fournisseurs ayant l’obligation de commercialiser les offres réglementées27.

C. L’ENTREPRISE ET LE MARCHE CONCERNES

1. L’ENTREPRISE GAZ DE BORDEAUX

29. Gaz de Bordeaux est une société par actions simplifiée ayant pour activité la fourniture de gaz naturel.

30. Après avoir été la Régie municipale de la ville de Bordeaux, Gaz de Bordeaux est devenue une société d’économie mixte en 1991, regroupant à la fois l’activité de gestion de réseau de distribution publique de gaz naturel et l’activité de fourniture de gaz naturel.

31. En 2008, afin de respecter les obligations imposées par la directive 2003/55/CE du 26 juin 2003, transposée par la loi du 7 décembre 200628, la société par actions simplifiée Gaz de Bordeaux a été créée pour prendre en charge l’activité de fourniture de gaz naturel, tandis que l’activité de distribution a été conservée par la société d’économie mixte préexistante, qui a alors pris le nom de Régaz-Bordeaux.

32. Alors que depuis 2012 la société Gaz de Bordeaux était détenue à 100 % par la société Régaz-Bordeaux, une réorganisation de l’actionnariat des deux sociétés est intervenue en 2018. Désormais, la société Gaz de Bordeaux est détenue à 100 % par la société d’économie mixte, Bordeaux Métropole Energies, dont Régaz-Bordeaux est également la filiale29.

a) Une activité de fourniture de gaz naturel sur différentes zones de desserte

33. Gaz de Bordeaux à la particularité d’être à la fois un opérateur historique sur sa zone de desserte historique (la zone de desserte de Régaz-Bordeaux) et un opérateur alternatif en dehors de cette zone (sur la zone de desserte de GRDF).

34. En effet, depuis 2017, Gaz de Bordeaux a développé son activité de fourniture de gaz naturel en dehors de la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, et son activité couvre aujourd’hui « plus de 50% des communes françaises »30.

35. En 2017, Gaz de Bordeaux fournissait 250 000 clients (dont 35 000 professionnels) dans toute la France, pour un volume total de 13 TWh et un chiffre d’affaires de402 millions d’euros31. Au 31 décembre 2019, Gaz de Bordeaux fournissait environ 260 000 clients32 (dont 40 000 professionnels33).

36. Sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux seulement, Gaz de Bordeaux fournissait 217 313 clients pour un volume de 3,8 TWh et un chiffre d’affaires d’environ 182 millions d’euros en 201734.

37. Il convient de préciser que la position de Gaz de Bordeaux sur chacune de ces zones de desserte est variable. Sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, Gaz de Bordeaux, en tant qu’opérateur historique, détient le monopole de commercialisation des offres de fourniture au TRV, et peut en parallèle commercialiser des OM en concurrence avec les opérateurs alternatifs. Sur la zone de desserte de GRDF, Gaz de Bordeaux peut seulement commercialiser des OM, en concurrence avec l’opérateur historique (Engie) et les autres opérateurs alternatifs.

38. Concernant les OM, celles-ci sont identiques dans leurs structures quelle que soit la zone de desserte concernée (seul leur niveau de prix diffère en fonction du Point d’Interface Transport Distribution35) et Gaz de Bordeaux utilise des arguments commerciaux similaires pour en faire la promotion36.

b) L’infrastructure commerciale de Gaz de Bordeaux

39. Pour la promotion et la commercialisation de ses offres, Gaz de Bordeaux utilise à la fois des équipes commerciales joignables par téléphone et son site internet.

Les équipes en charge de la commercialisation des différentes offres

40. Sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, il existe une seule et même entité au sein de Gaz de Bordeaux en charge à la fois de l’activité de fourniture de gaz au TRV et de la commercialisation des OM de gaz, sans entités ad hoc dédiées à l’une et l’autre activité. En effet, sur ce territoire, le Service Relation Client est en charge, d’une part, de la gestion des contrats, de la facturation et de la prise en compte des règlements et, d’autre part, de la commercialisation de toutes les offres de fourniture de gaz naturel (en ce compris les offres au TRV et les OM)37, à la fois auprès des clients résidentiels et des clients non-résidentiels consommant moins de 30 MWh/an38.

41. Le Service Relation Client est ainsi composé d’environ 40 conseillers, qui consacrent 75 % de leur temps d’activité aux tâches de gestion courante des contrats en cours (dont la grande majorité au TRV). Les conseillers du Service Relation Client ne consacrent que 25 % de leur temps à répondre aux demandes de souscription sur contact entrant39.

42. Gaz de Bordeaux précise, à cet égard, que la commercialisation de ses offres de fourniture, qu’elles soient au TRV ou en OM, n’est réalisée que lors des demandes de souscription sur contact entrant40.

43. Les opérateurs téléphoniques du Service Relation Client peuvent être joints par le biais d’un numéro de téléphone unique (05 56 79 40 40), que l’appel soit relatif à une question sur un contrat en cours d’existence ou à la souscription d’un nouveau contrat au TRV ou en OM41.

44. Sur la zone de desserte de GRDF, Gaz de Bordeaux a confié la commercialisation de ses OM à la Direction Développement et Digital, qui est chargée de traiter les demandes de souscription entrantes mais également de mettre en place des campagnes à destination des prospects détectés (relance, rappel)42. En revanche, le Service Relation Client reste en charge de la gestion courante des contrats, même sur la zone GRDF.

Le site internet de Gaz de Bordeaux

45. Gaz de Bordeaux dispose d’un site internet commercial (à l’adresse www.gazdebordeaux.fr). Depuis l’ouverture à la concurrence, ce site internet commercial a toujours eu trait à la fois à la fourniture des TRV gaz et à la promotion et commercialisation des OM.

c) L’évolution des différentes offres commercialisées par Gaz de Bordeaux

46. À partir de 2007 et jusqu’à fin 2016, Gaz de Bordeaux a commercialisé son offre historique au TRV, ainsi qu’une OM (dont le prix était indexé sur les TRV)43. En réponse à un questionnaire, Gaz de Bordeaux a, à cet égard, indiqué que cette offre commerciale n’était à l’époque pas mise en avant44.

47. En janvier 2017, Gaz de Bordeaux a débuté la commercialisation d’une nouvelle OM à prix fixe pendant 2 ans (garantissant au client un prix fixe pendant 2 ans), d’abord sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux (son territoire historique), puis à partir de mars 2017 sur la zone de desserte de GRDF (en dehors de son territoire historique)45. Gaz de Bordeaux a indiqué, à cet égard, qu’« au regard de la fin annoncée des TRV, [elle] a souhaité donner de la visibilité à son offre de marché à partir de 2017 »46.

48. Par la suite, Gaz de Bordeaux a lancé de nouvelles OM, commercialisées de manière identique à la fois sur la zone de Régaz-Bordeaux et sur la zone GRDF47. Ainsi, en juillet 2017, Gaz de Bordeaux a débuté la commercialisation de deux OM à prix fixe pendant 3 ans (l’offre « Classic 3 » et l’offre « Gaz Plus »), tandis que son offre à prix fixe pendant 2 ans a cessé d’être vendue à partir du 15 juin 2018. En juin 2019, a été lancée une OM à prix fixe pendant 4 ans (l’offre « Gaz Kdo Box », qui inclut l’envoi d’une box cadeau sur une base trimestrielle)48.

49. En parallèle du lancement de ces nouvelles OM, l’offre historique au TRV a toujours été, au moins officiellement commercialisée, par Gaz de Bordeaux sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux49.

2. LES CARACTERISTIQUES DE LA ZONE DE DESSERTE DE REGAZ-BORDEAUX

50. Entre 2017 et 2019, période correspondant à celle des pratiques reprochées à Gaz de Bordeaux, l’ELD de Régaz-Bordeaux présente une situation particulièrement symptomatique de celle de l’ensemble des ELD.

51. Cette situation est tout d’abord caractérisée par la présence d’un très faible nombre de concurrents. Un seul concurrent, ENI, est entré temporairement dans la zone de desserte de Régaz-Bordeaux en 2009 avant de s’en retirer « au début des années 2010 »50. Il est revenu sur ce marché en août 2019 afin de relancer la commercialisation d’offres aux clients résidentiels par le biais de partenaires de vente à domicile. Ainsi, jusqu’en août 2019, aucun fournisseur alternatif ne commercialisait d’offres sur cette zone.

52. De plus, comme pour les autres ELD, les systèmes d’information de l’ELD de Régaz-Bordeaux diffèrent de ceux de GRDF, ce qui engendre des surcoûts plus difficiles à amortir pour les entrants potentiels, compte tenu de la taille restreinte du marché considéré. Ainsi, en réponse au questionnaire des services d’instruction, la société ENI, tout en reconnaissant « qu'en termes de système d'information, Regaz-Bordeaux est loin d'être l'ELD présentant le plus de difficultés », indique : « le manuel d'utilisation du SI de Régaz-Bordeaux n'est pas à jour et nous avons éprouvé les plus grandes difficultés à faire des demandes en masse indispensables pour notre activité de fournisseur », et « les informations fournies sur le portail de Régaz-Bordeaux ne nous permettent pas de piloter convenablement notre activité »51.

53. Les réponses apportées en séance aux questions du collège par les représentants des sociétés ENI Gas & Power France S.A, TotalEnergies Electricité et Gaz de France, corroborent ces informations. Elles confirment en effet que les difficultés constatées dans les autres ELD, mentionnées aux paragraphes 18 à 23 de la présente décision, se retrouvaient également dans la zone de Régaz-Bordeaux.

54. Enfin, l’ELD de Régaz-Bordeaux se caractérise par un fort attachement à la marque

« Gaz de Bordeaux ». Lors de la séparation entre l’activité de distribution de gaz et l’activité de fourniture de gaz, la première a été laissée dans la société d’économie mixte historique, qui a pris le nom de REGAZ, et la seconde a été confiée à une société par actions simplifiée à qui était également apporté le nom « Gaz de Bordeaux ». Selon le fournisseur ENI, « beaucoup de clients n’arrivent pas à faire la différence entre le gestionnaire de réseau Régaz-Bordeaux et le fournisseur Gaz de Bordeaux. Le fait que ce soit le fournisseur qui ait conservé le « nom historique » n’est pas étranger à cette confusion chez le consommateur »52.

D. LES COMPORTEMENTS RELEVES

1. LA VOLONTE DE GAZ DE BORDEAUX DE BASCULER SA CLIENTELE VERS LES OFFRES DE MARCHE

55. En janvier 2017, Gaz de Bordeaux a débuté la commercialisation d’une nouvelle OM, en parallèle de son offre au TRV. Le document de présentation de cette nouvelle OM aux salariés de Gaz de Bordeaux, reproduit en Figure 4 ci-dessous, permet de constater que l’entreprise a fait part à cette occasion à ses salariés de l’importance de « basculer un maximum de clients sur cette nouvelle offre » et, à cette fin, de la « privilégier dans le discours [aux clients] »53.

Figure 4 – extrait du document de présentation de l’offre Gaz + aux salariés de Gaz de Bordeaux (janvier 2017)

Source cote 818, cadre rouge ajouté

56. L’importance pour Gaz de Bordeaux de rediriger son offre de fourniture de gaz vers les OM ressort également d’un rapport de gestion transmis à la CRE pour l’année 2019. L’entreprise y indique être « sur le point de trouver un modèle économique nouveau », reconnaissant que

« l'ouverture du marché du gaz fait évoluer fortement [son] modèle traditionnel (…) qui était basé sur une clientèle captive. »54.

57. Gaz de Bordeaux avait également conscience du contexte à risque que représentait pour elle la fin attendue des TRV. Dans son rapport de gestion transmis à la CRE dans le cadre de l’analyse des coûts TRV gaz en 2019, Gaz de Bordeaux a ainsi indiqué que : « Pour Gaz de Bordeaux, ce contexte de fin des TRV pour le marché domestique est à analyser comme une double situation :  un véritable risque sur zone historique car de manière certaine il y aura un pourcentage significatif de perte de clients domestiques au profit des concurrents (…) Sur le marché domestique, cette échéance réglementaire est donc à surveiller avec un double regard, l’un sur nos pertes inéluctables à minimiser et l’autre sur nos gains à réaliser en dehors de la zone historique pour compenser cette attrition de clientèle et préserver le modèle économique de cette activité, qui absorbe à elle seule plus de 60 % des charges de fonctionnement de Gaz de Bordeaux »55 (soulignement ajouté).

2. LA MISE EN RETRAIT DE L’OFFRE AU TARIF REGLEMENTE SUR LE SITE INTERNET DE GAZ DE BORDEAUX

58. Entre 2016 et 2017, soit concomitamment au lancement de sa nouvelle OM, Gaz de Bordeaux a fait évoluer son site internet. Cette évolution a conduit à mettre en retrait l’offre au TRV, au bénéfice des OM, comme le met en évidence une comparaison des pages d’accueil du site internet respectivement en 2016 et à partir de 2017.

59. En premier lieu, en 2016, la page d’accueil du site internet de Gaz de Bordeaux56 permettait d’accéder directement à deux pages distinctes correspondant respectivement à l’offre au TRV57 et à l’OM58. Sur la page de souscription59, le consommateur était ensuite invité à choisir entre les deux offres ainsi qu’illustré par les figures ci-dessous.

Figure 5 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2016) – page d’accueil

Source cote 180, cadre rouge ajouté

Figure 6 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2016) – page de souscription

Source cote 184, cadre rouge ajouté

60. À partir de janvier 2017, les informations relatives au TRV étaient significativement moins visibles sur le site internet de Gaz de Bordeaux. Se renseigner sur l’offre au tarif réglementé impliquait en effet de cliquer sur un lien disponible seulement en bas de la page dédiée aux offres de Gaz de Bordeaux60, laquelle mettait exclusivement en valeur les OM. Une nouvelle version du site, en 2018, présentait la même construction61. La page du site internet dédiée à la souscription d’offres, elle aussi, reléguait l’offre au tarif réglementé à un rang très subsidiaire62. Elle n’y figurait plus qu’en bas de page, en petits caractères italiques, quand les offres de marché étaient présentées en haut de page et en gros caractères. Les figures 7, 8 et 9 ci-dessous permettent de constater ces évolutions.

Figure 7 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2017) – page

« Offres »

Source cote 187, cadre rouge ajouté

Figure 8 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2018) – page

« Offres »

Source cote 1015, cadre rouge ajouté

Figure 9 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2018) – page de souscription

Source cote 1015, cadre rouge ajouté

61. En second lieu, la mise en retrait de l’offre au TRV sur le site internet de Gaz de Bordeaux se constate aussi sur une page proposant au consommateur une estimation de son budget annuel63, afin de lui permettre de comparer les différentes offres disponibles et de choisir l’offre la plus appropriée à ses besoins. Seules les OM de Gaz de Bordeaux étaient, en effet, proposées à l’issue de la simulation réalisée pour un client résidant à Bordeaux64, ainsi que l’illustrent les figures 9 et 10 ci-dessous.

Figure 9 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2018) – page d’entrée du simulateur

Source cote 1028, cadre rouge ajouté

Figure 10 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2018) – page de résultats du simulateur

Source cote 1031, cadre rouge ajouté

62. En dernier lieu, le document d’information disponible65, sur le site internet, par le biais d’un lien relatif à « la documentation Gaz Naturel correspondant à votre Ville [Bordeaux] » évoquait les seules OM, à l’exclusion de l’offre au tarif réglementé, en dépit de son intitulé

« Offre de fourniture de gaz ».

Source cote 1034, cadre rouge ajouté

63. Outre la mise en retrait de l’offre au TRV sur son site internet, Gaz de Bordeaux a mis un terme à la faculté de souscription de l’offre au TRV via le canal en ligne à compter d’avril 2019, alors même que l’entreprise était toujours tenue de la commercialiser à cette date. Gaz de Bordeaux indique à cet égard que « le client souhaitant conclure un contrat aux TRV pouvait le faire par téléphone. »66.

3. L’OMISSION DE L’OFFRE AU TARIF REGLEMENTE PAR L’ACCUEIL TELEPHONIQUE DE GAZ DE BORDEAUX

64. En parallèle de sa mise en retrait sur le site internet de Gaz de Bordeaux puis de la cessation de sa commercialisation via le canal en ligne, l’offre au TRV a été reléguée au second plan par les conseillers clientèle chargés de l’accueil téléphonique de l’entreprise. Des consignes en ce sens leur ont été transmises dès la présentation de la nouvelle OM de Gaz de Bordeaux en janvier 2017, et ce afin de favoriser la commercialisation de celle-ci (cf. paragraphe 56 de la présente décision).

65. Lors de cette même présentation, les éléments de discours transmis aux conseillers, reproduits ci-dessous en figures 11 et 12, invitaient à présenter l’OM comme « la plus avantageuse » pour les clients, « la plus adaptée à [leurs] usages »67, et présentant « une réelle sécurité »68 en comparaison de l’offre au tarif réglementé, laquelle ne constituait « qu’une offre de repli »69.

Figure 11 – extrait du document de présentation de l’offre Gaz + aux conseillers commerciaux de Gaz de Bordeaux (janvier 2017)

Source cote 824, cadre rouge ajouté

Figure 12 – extrait du document de présentation de l’offre Gaz + aux conseillers commerciaux de Gaz de Bordeaux (janvier 2017)

Source cote 825, cadre rouge ajouté

66. Par la suite, l’offre de fourniture au TRV a cessé d’être présentée auprès des équipes commerciales comme faisant partie de la « palette d’offres » commercialisées par Gaz de Bordeaux70, ainsi qu’il résulte d’un document de présentation des offres de l’entreprise aux conseillers clientèle d’octobre 2018, reproduit partiellement ci-dessous en figure 13. Le même document ne mentionne ailleurs le tarif réglementé qu’en référence au passé de Gaz de Bordeaux, comme le met en évidence la figure 1471.

Figure 13 – extrait d’un document interne de présentation des offres Gaz de Bordeaux (octobre 2018)

Source cote 305, cadre rouge ajouté

Figure 14 – extrait d’un document interne de présentation des offres Gaz de Bordeaux (octobre 2018)

Source cote 287, cadre rouge ajouté

67. La mise en avant, par les conseillers clientèle, des OM au détriment de l’offre au tarif réglementé a pu aller jusqu’à l’occultation de cette dernière. Ainsi, en réponse à un « appel mystère » passé par la CRE, un conseiller clientèle a répondu par la négative à la question de savoir s’il existait d’autres offres que l’OM dont il venait de faire la promotion72, comme illustré en figure 15.

Figure 15 – extrait du verbatim d’un appel entrant passé à Gaz de Bordeaux (août 2018)

Source cote 824, cadre rouge ajouté

4. L’UTILISATION PAR GAZ DE BORDEAUX DE MOYENS HERITES DE SON MONOPOLE HISTORIQUE POUR COMMERCIALISER SES OFFRES DE MARCHE

68. Afin de favoriser la commercialisation de ses nouvelles OM lancées à partir de 2017, Gaz de Bordeaux a utilisé certains moyens hérités de son monopole historique.

69. Dans sa saisine, la CRE relève ainsi que ses premières observations « semblent indiquer que la communication commerciale de Gaz de Bordeaux, notamment sur son site internet et par le bais de son service clientèle, serait de nature à entraîner une confusion entre son activité de service public de fourniture de gaz naturel au tarif réglementé de vente et son activité concurrentielle de commercialisation d’offres de fourniture de gaz à prix de marché »73.

70. Tout d’abord, sur la période considérée, Gaz de Bordeaux n’a procédé à aucune séparation de ses moyens logistiques permettant de distinguer ceux dédiés à la commercialisation de son offre au TRV et ceux dédiés à la commercialisation de ses offres de marché.

71. En effet, entre 2017 et 2019, le Service Relation Client de Gaz de Bordeaux était en charge, d’une part, de la gestion des contrats, de la facturation et de la prise en compte des règlements, d’autre part, de la commercialisation de toutes les offres de fourniture de gaz naturel (en ce compris les offres au TRV et les OM), à la fois auprès des clients résidentiels et des clients non-résidentiels consommant moins de 30 MWh/an74.

72. Ensuite, le site internet de Gaz de Bordeaux, dédié à la commercialisation des OM de manière quasi-exclusive à partir de 2017, puis de manière exclusive à partir d’avril 2019, fait état de manière répétée de son « expérience d’acteur historique » ainsi que de sa présence sur la zone correspondant à celle de l’ELD de Régaz-Bordeaux « depuis 1875 »75, ainsi que le montre les figures 16 et 17 ci-dessous.

Figure 16 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2019)

Figure 17 – capture d’écran du site internet de Gaz de Bordeaux (2019)

73. Cette communication commerciale s’inscrit dans un contexte marqué, ainsi qu’il a été rappelé, par un fort attachement des consommateurs de gaz situés dans les zones ELD, et dans celle de Régaz-Bordeaux en particulier, au nom historique du fournisseur, ainsi qu’à une faible connaissance du marché du gaz par ces mêmes consommateurs.

5. LE BASCULEMENT MARQUE DES NOUVEAUX CLIENTS SUR LES OFFRES DE MARCHE A COMPTER DE 2017

74. À partir de 2017, soit concomitamment à la mise en avant par Gaz de Bordeaux de ses offres de marché et à la mise en retrait de son offre au tarif réglementé sur ses deux canaux de souscription – par internet à travers la modification de son site et par téléphone à travers les consignes mises en œuvre par ses conseillers clientèle – une forte migration des nouveaux clients vers les offres de marché a pu être constatée.

75. Ainsi que le relève la CRE dans sa saisine, « sur le marché résidentiel de la zone de desserte de Régaz, plus de 16 % de la clientèle de Gaz de Bordeaux, précédemment aux tarifs réglementés de vente, a migré, entre janvier 2017 et mars 2018, vers une offre de marché de Gaz de Bordeaux. Sur cette période, environ 2 000 clients par mois ont souscrit l’offre de marché de Gaz de Bordeaux. Le mouvement est constant sur cette période après mars 2018 à une allure identique »76.

76. Les données relatives aux nouvelles souscriptions permettent ainsi de constater que 97 % d’entre elles ont concerné des OM entre le 1er janvier 2017 et le 30 novembre 2019. À titre de comparaison, seules 0,10 % de ces nouvelles souscriptions concernaient des OM en 2016. La part des nouvelles souscriptions au TRV a ainsi été considérablement réduite77, comme permet de le constater la figure 18 ci-dessous.

Figure 18 – graphiques réalisés à partir des données communiquées par

Gaz de Bordeaux et par la CRE et relatifs à l’évolution du nombre de souscriptions au tarif réglementé de vente et en offres de marché

120,00%

Souscriptions TRV

100,00%

80,00%

60,00%

40,00%

20,00%

0,00%

120,00%

2016

2017 2018 2019

Souscriptions OM

100,00%

80,00%

60,00%

40,00%

20,00%

0,00%

2016

 

2017

2018

2019

2016

OM : 0,10%

TRV : 99,90%

TRV OM

2017

TRV : 3,74%

OM : 96,25% TRV OM

2017 - 11/2019

TRV : 3%

OM : 97%

TRV OM

Source CRE (cote 1168) et Gaz de Bordeaux (cotes 921 et 3488)

77. À cet égard, la comparaison pour la période 2017-2019 entre l’offre au TRV et l’OM la moins chère proposée par Gaz de Bordeaux permet de constater que cette dernière n’était pas toujours la plus avantageuse, et ce qu’il s’agisse des clients résidentiels ou non-résidentiels moyens78, ainsi que l’illustre la figure 19 ci-dessous. Ainsi, à titre d’exemple, au cours de la période allant d’avril à juin 2018, l’offre au TRV apparaît plus avantageuse que l’offre de marché.

Figure 19 – graphiques réalisés à partir des données communiquées par

Gaz de Bordeaux et relatifs à l’évolution comparée de l’offre au TRV et de l’OM la moins chère proposée par Gaz de Bordeaux, pour les clients résidentiels ou non-résidentiels moyens

Source Gaz de Bordeaux (cote 46 et 47)

E. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE

78. Au vu des éléments exposés dans la notification de griefs du 3 septembre 2021, les services d’instruction ont notifié le grief suivant :

« Il est fait grief à la société Gaz de Bordeaux (RCS de Bordeaux n° 502 941 479), d’avoir, du 5 janvier 2017 au 8 décembre 2019, abusé, sur le marché de la fourniture de gaz aux clients résidentiels et petits clients non-résidentiels consommant moins de 30 MWh/an, sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, de la position dominante qu'elle détient sur ce marché, en ayant utilisé les moyens commerciaux liés à son activité de service public et à son statut d’opérateur historique, d’une manière propre à opérer une confusion dans l’esprit des consommateurs, pour développer exclusivement son activité concurrentielle de fourniture de gaz en offres de marché. Cette pratique est susceptible d'avoir eu pour effet de fausser la concurrence sur le marché concerné et est contraire aux articles 102 TFUE et

L. 420-2 du code de commerce ».

II. Discussion

79. Seront successivement examinés les arguments de procédure (A.), l’applicabilité du droit de l’Union européenne (B.), la question du marché pertinent (C.), la position dominante de Gaz de Bordeaux (D.), le bien-fondé des griefs (E.), la durée des pratiques (F.), l’imputabilité des pratiques (G.), et enfin les sanctions (H.).

A. SUR LA PROCEDURE

80. En premier lieu, Gaz de Bordeaux relève que le recours à la procédure simplifiée l’a privée d’un tour de contradictoire. Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la société mise en cause, dès lors que celle-ci a disposé de la possibilité de contester, par écrit puis en séance devant le collège de l’Autorité, les faits qui lui étaient reprochés, et de la faculté d’interjeter appel, devant la cour d’appel de Paris, de la décision rendue par l’Autorité.

81. En second lieu, Gaz de Bordeaux soutient que l’instruction menée par les services d’instruction porte atteinte aux droits de la défense par son caractère « expéditif, lacunaire et partial ». Elle fait valoir que le dossier d’instruction se fonde uniquement sur la saisine de la CRE, trois questionnaires envoyés à Gaz de Bordeaux, un questionnaire envoyé à un autre acteur du secteur (ENI), des éléments tirés de son site internet (captures d’écran) et un

« appel mystère » effectué par la CRE, sans qu’elle ait pu être auditionnée ou mise en mesure de présenter des éléments à décharge. Selon la mise en cause, le caractère sommaire de l’instruction s’illustre dans la notification de griefs par « de nombreux contresens, des faits erronés, ainsi que des affirmations ne se basant sur aucun élément tangible. »79.

82. D’une part, s’agissant du manque d’impartialité allégué, il résulte d’une jurisprudence constante que le rapporteur fonde la notification de griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé. Le rapporteur, seul maître de l’instruction, a pour fonction d'instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis le cas échéant dans le rapport, ce qui à ses yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité examinant quant à elle le bien-fondé des éléments ainsi retenus80. En l’espèce, le rapporteur a rassemblé les éléments qui lui paraissaient utiles et suffisants pour fonder sa notification de griefs, à partir de l’ensemble des éléments produits par Gaz de Bordeaux, et Gaz de Bordeaux a eu accès à l’ensemble des pièces du dossier pour y répondre. L’argument de Gaz de Bordeaux doit donc être écarté comme infondé.

83. D’autre part, s’agissant du caractère partial, expéditif et lacunaire allégué de l’instruction, l'ensemble des critiques formulées par Gaz de Bordeaux repose sur une divergence d'interprétation d'éléments de preuve ou d'analyse des données du dossier, qui relèvent de l'appréciation des questions de fond81, ultérieurement traitées dans cette décision.

B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE

84. L’article 102 TFUE interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

85. Conformément à la jurisprudence constante des juridictions européennes, et à la lumière de la communication de la Commission européenne relative à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE), trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges, à tout le moins potentiels, entre États membres portant sur les services en cause (i), l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges (ii) et le caractère sensible de cette possible affectation (iii).

86. Le point 22 de la communication précitée indique que « l’application du critère de l’affectation du commerce est indépendante de la définition des marchés géographiques en cause, car le commerce entre États membres peut également être affecté dans des cas où le marché en cause est national ou subnational ».

87. En l’espèce, les marchés de fourniture de gaz ont été progressivement ouverts à la concurrence en France (et donc sur les territoires des ELD inclus) dans le cadre de directives européennes dont l’objectif était de réaliser un marché intérieur de l’énergie.

88. Par conséquent, cette ouverture progressive à la concurrence a permis le développement de courants d’échanges entre États membres, notamment au travers de l’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

89. Dans ce contexte, les pratiques mises en œuvre par Gaz de Bordeaux sont susceptibles de rendre plus difficile la pénétration de fournisseurs de gaz, dont les sièges sociaux sont établis dans d’autres États membres, sur la zone de Régaz-Bordeaux, et donc d’affecter le commerce entre États membres. En l’espèce, au demeurant, l’un des concurrents commercialisant des offres de fourniture sur cette zone française est ENI, fournisseur italien.

90. Dans la mesure où les pratiques en cause ne couvrent qu’une partie d’un État membre, il convient par ailleurs de procéder à une analyse des circonstances de l’espèce pour apprécier le caractère sensible de l’affectation du commerce intracommunautaire82. En effet, ainsi que l’a précisé la Cour de cassation83, « en l’état de pratiques cumulées d’entente et d’abus de position dominante commises sur une partie seulement d’un État membre, le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause, le volume de ventes global concerné par rapport au volume national n’étant qu’un élément parmi d’autres ».

91. Dans ce cadre, la Commission indique que « la position de marché des entreprises en cause et le chiffre d’affaires qu’elles réalisent avec les produits en cause renseignent sur la capacité d’un accord ou d’une pratique d’affecter le commerce entre États membres »84. À cet égard, il convient de relever que le chiffre d’affaires de Gaz de Bordeaux relatif aux ventes de gaz naturel aux clients résidentiels (TRV et OM confondus) était d’environ 159 millions d’euros en 2019 et ce, sur la seule zone de Régaz-Bordeaux85. Cela représentait une proportion considérable (environ 98 % en 201786) des ventes totales de Gaz de Bordeaux aux clients résidentiels au niveau national.

92. En outre, la part de marché de Gaz de Bordeaux sur le marché en cause était supérieure à 98 % de 2016 à 2019, ce qui lui confère une situation quasi-monopolistique sur la zone de Régaz-Bordeaux. Cette zone de desserte constitue, au demeurant, l’une des trois plus grandes ELD en France.

93. Aussi, si les pratiques de Gaz de Bordeaux ont été mises en œuvre sur une partie du territoire français, elles l’ont été par un opérateur en quasi-monopole sur ce territoire et ont constitué une restriction à l’entrée de concurrents français ou européens sur ce marché.

94. Enfin, il convient de souligner que Gaz de Bordeaux figure parmi les dix principaux fournisseurs d’énergie en France, avec une part de marché en augmentation entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 201987.

95. Il résulte de ce qui précède que, les pratiques mises en œuvre par Gaz de Bordeaux sont susceptibles d’avoir affecté de manière sensible le commerce entre États membres et peuvent donc être qualifiées au regard de l’article 102 TFUE.

C. SUR LE MARCHE PERTINENT

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

96. La définition des marchés de produits et des marchés géographiques, dans le cadre de l’application des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, est effectuée pour déterminer si l’entreprise concernée occupe une position dominante et si celle-ci lui permet d’empêcher le maintien d’une concurrence efficace sur le marché pertinent, en lui donnant le pouvoir de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients, et in fine, des consommateurs.

97. Le concept de marché pertinent implique qu’il puisse y avoir une concurrence efficace entre les produits et services qui appartiennent à ce marché. Cela présuppose qu’il y ait un degré suffisant de substituabilité entre tous les produits et services appartenant au même marché relativement à un usage spécifique de ceux-ci88.

98. Un examen à cette fin ne peut pas se limiter simplement aux caractéristiques objectives des produits et services concernés. Les conditions de concurrence et la structure de l’offre et de la demande sur le marché doivent également être prises en compte89.

99. L’identification de marchés de produits pertinents découle de l’existence de contraintes concurrentielles. À cet égard, les entreprises sont notamment soumises à la substituabilité du côté de la demande et à la substituabilité au niveau de l'offre. D’un point de vue économique, pour la définition du marché pertinent, la substituabilité de la demande constitue le facteur de discipline le plus immédiat vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné90.

100. La substituabilité de l’offre peut aussi être prise en compte dans le cadre de la définition du marché, dans les situations où ses effets sont équivalents à ceux de la substituabilité de la demande en termes d’effectivité et d’immédiateté. Il y a une substituabilité de l’offre lorsque les fournisseurs peuvent réorienter la production vers les produits ou services en cause et les commercialiser à court terme sans avoir à supporter ni coût ni risque supplémentaire substantiel en réponse à des variations légères, mais permanentes, des prix relatifs. Lorsque ces conditions sont remplies, le supplément de production qui est ainsi mis sur le marché devrait exercer un effet de discipline sur le comportement concurrentiel des entreprises en cause91.

101. Le marché géographique, quant à lui, comprend le territoire sur lequel les entreprises sont engagées dans l’offre et la demande en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont homogènes.

2. SUR LE MARCHE DE PRODUITS

102. Plusieurs activités doivent être distinguées s’agissant du secteur du gaz, selon le stade de la chaîne de valeur auquel elles se situent. Ces activités sont les suivantes : production-importation, transport, stockage, négoce, fourniture au détail92. Seules les pratiques portant sur la fourniture au détail de gaz naturel sont concernées au cas d’espèce.

103. La Commission = et l’Autorité ont distingué différents marchés selon le type de consommateur : fourniture de gaz aux gros clients industriels, aux petits clients industriels et commerciaux, aux producteurs d’électricité, aux revendeurs intermédiaires (ELD) et aux clients résidentiels. Cette distinction est fondée sur les différences d’usage du gaz, sur les différences ayant trait au profil des clients et à leurs volumes de consommation, ou encore sur le prix d’achat93.

104. Par ailleurs, en se fondant sur les travaux de la CRE et la position exprimée par la Commission94, l’Autorité a considéré qu’il pouvait être utile, parmi les clients non-résidentiels, d’opérer une distinction entre les gros clients industriels, raccordés au réseau de transport, et les petits clients industriels et commerciaux, qui sont raccordés au réseau de distribution95.

105. En outre, si la pratique décisionnelle des autorités de concurrence n’a pas défini un seuil précis de consommation permettant de distinguer les « gros clients industriels » et les

« petits clients industriels et commerciaux », la fin des TRV pour le gaz est intervenue à des échéances distinctes pour ces deux catégories de clients. Cette segmentation peut ainsi permettre une définition plus étroite des marchés pertinents. De plus, elle apparaît utile, dans la mesure où ces deux catégories de clients ont des profils de consommation distincts et où la dynamique concurrentielle est différente sur ces deux segments.

106. Il résulte de ce qui précède qu’en combinant les critères de distinction présentés ci-dessus, il est possible de retenir l’existence de trois marchés distincts :

 la fourniture de gaz naturel aux très gros clients non-résidentiels raccordés au réseau de transport ;

 la fourniture de gaz naturel aux gros clients non-résidentiels raccordés au réseau de distribution ayant une consommation supérieure à 30 MWh/an ;

 la fourniture de gaz naturel aux petits clients non-résidentiels et résidentiels raccordés au réseau de distribution ayant une consommation inférieure à 30 MWh/an.

107. Au cas d’espèce, il résulte de l’instruction que les pratiques mises en causes ont été déployées sur le dernier de ces trois marchés.

108. Enfin, la pratique décisionnelle de l’Autorité96 retient le caractère substituable d’une offre au TRV et d’une offre de marché, lesquelles correspondent au même produit répondant au même besoin, et entre lesquelles les clients résidentiels et petits clients non-résidentiels pouvaient, durant la période des pratiques relevées, soit de 2017 à 2019, procéder à un choix libre et réversible.

109. Le marché de produits pertinent est donc le marché de la fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels et aux petits clients non-résidentiels ayant une consommation inférieure à 30 MWh/an, que ces derniers aient souscrit à un contrat au TRV ou en OM.

3. SUR LE MARCHE GEOGRAPHIQUE

110. Selon la pratique décisionnelle de la Commission97, les marchés de la fourniture de gaz sont en France de dimension infranationale. Plus précisément, la Commission a retenu plusieurs marchés correspondant aux zones d’équilibrage physique globales du réseau, en raison des conditions de concurrence hétérogènes entre les différentes zones, reflétées notamment par les tarifs de transport du gaz naturel.

111. En vertu de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales et de l’article

L. 111-51 du code de l’énergie, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération sont des autorités concédantes en matière de distribution de gaz et d’électricité. La concession ainsi mise en place octroie un monopole à l’ELD concernée dans la distribution et la fourniture de gaz aux TRV dans sa zone de desserte98.

112. Si des OM peuvent être proposées sur ces zones par des fournisseurs alternatifs, cette situation est cependant rarement constatée, notamment du fait d’importantes barrières à l’entrée rendant la pénétration sur le territoire des ELD très coûteuse pour un nouveau fournisseur, compte tenu de la taille modeste du marché susceptible d’être concerné.

113. Ainsi, il apparaît que les conditions de concurrence ne sont pas homogènes entre la zone de desserte nationale (GRDF) et les zones de desserte propres à chaque ELD. Dès lors, en ce qu’elles constituent des figures d’exception dans le paysage gazier français, du fait des barrières existant sur leur territoire et amenant à une concurrence faible, les zones de desserte des ELD peuvent être considérées comme des marchés géographiques pertinents.

114. Dans le cas particulier de la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, les conditions de concurrence ne sont pas comparables à celles prévalant sur le reste du territoire national. Dès lors, le marché géographique pertinent correspond à la zone de desserte de distribution de gaz du gestionnaire de réseau Régaz-Bordeaux.

4. CONCLUSION

115. Il résulte de ce qui précède que le marché pertinent au cas d’espèce est le marché de la fourniture de gaz au détail aux clients résidentiels et petits clients non-résidentiels consommant moins de 30 MWh/an, qu’ils soient aux TRV ou en OM, dans la zone de desserte du gestionnaire de réseau de distribution Régaz-Bordeaux.

D. SUR L’EXISTENCE D’UNE POSITION DOMINANTE

1. PRINCIPES APPLICABLES

116. La position dominante est définie comme une « position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. L'existence d'une position dominante résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs, qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants »99.

117. Un des critères principaux de la détermination de la position dominante est l’existence de parts de marché importantes. Des « parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. En effet, la possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient pendant une période d’une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente – sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable –, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante »100. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, une part de marché de 50 % constitue par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante101.

118. Cependant, l’analyse de la position dominante d’une entreprise ne saurait toujours se limiter à un examen des parts de marché. D’autres facteurs peuvent être pris en compte, en particulier lorsque l’importance de la part de marché détenue par l’entreprise ne suffit pas à elle seule à caractériser sa position dominante sur le marché. Il pourra ainsi être tenu compte du rapport entre les parts de marché détenues par l’entreprise concernée et celles détenues

 

par ses concurrents, de l’intensité de la concurrence et des barrières à l’entrée sur le marché concerné ou encore des caractéristiques propres à l’entreprise en cause : capacité d’influence sur le marché, image de marque, puissance financière102.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

119. Selon les chiffres communiqués par Gaz de Bordeaux et par Régaz-Bordeaux103, sur le marché de la fourniture de gaz au détail aux clients résidentiels et petits clients non-résidentiels consommant moins de 30 MWh/an dans la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, Gaz de Bordeaux détenait :

 99,24 % des sites et 99,3 % de la consommation (mesurée en TWh) au 31 décembre 2016 ;

 98,8 % des sites et 98,75 % de la consommation au 31 décembre 2017 ;

 98,5 % des sites et 98,7 % de la consommation au 31 décembre 2018 ;

 98,6 % des sites et 98,6 % de la consommation au 31 décembre 2019.

120. Les parts de marché de Gaz de Bordeaux, en sites et en volume de consommation, sont détaillées dans le tableau ci-dessous, pour les années 2016 à 2019 :

TRV104

OM Gaz de Bordeaux105

Total sur Régaz-Bordeaux106

2016 Nombre de sites 211 170 188 212 974

 Part de marché (sites) 99,15 % 0,09 % 100 %

 Consommation (GWh) 2 489 7,17 2 513

Part de marché (consommation)

99 %

0,3 %

100 %

2017 Nombre de sites 1 94 475 18 933 215 947

 

Part de marché (sites)

90 %

8,8 %

100 %

Consommation (GWh)

2 336

155,16

2 521

Part de marché (consommation)

92,6 %

6,15 %

100 %

2018 Nombre de sites 176 584 39 520 219 459

Part de marché (sites)

80,5 %

18 %

100 %

Consommation (GWh)

2 093

315,2

2 440

Part de marché (consommation)

85,8 %

12,9 %

100 %

2019 Nombre de sites 161 284 57 464 221 891

Part de marché (sites)

72,7 %

25,9 %

100 %

Consommation (GWh)

2 034

499,2

2 568

Part de marché (consommation)

79,2 %

19,4 %

100 %

121. Au surplus, des éléments complémentaires à ces parts de marché très élevées attestent de l’existence d’une position dominante de Gaz de Bordeaux sur la zone de desserte de

Régaz-Bordeaux. En effet, comme il a été évoqué ci-dessus (voir paragraphes 18 à 21 et 51 à 54), le marché pertinent en cause se caractérise par l’existence de très fortes barrières à l’entrée : la position de Gaz de Bordeaux est dès lors d’autant plus difficile à contester.

122. Il convient également de noter qu’en tant qu’opérateur historique sur la zone de Régaz-Bordeaux, Gaz de Bordeaux détient des avantages concurrentiels importants, tels que détaillés aux paragraphes 22 et 23 et au paragraphe 55.

123. Au regard de ces éléments, la position dominante de Gaz de Bordeaux est établie sur le marché pertinent en cause. Dans ses écritures et lors de la séance devant l’Autorité, Gaz de Bordeaux ne l’a d’ailleurs pas contestée.

E. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

124. Aux termes de l’article 102 du TFUE : « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci (...) ».

125. L’article L. 420-2 du code de commerce dispose que : « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (...) ».

126. La notion d’abus est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence107. Une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun pèse en effet sur l'entreprise qui détient une position dominante108.

127. L’ampleur de la responsabilité d’une entreprise en position dominante s’apprécie concrètement au regard des circonstances propres à chaque espèce. L’importance de la dominance constitue, notamment, un critère d’appréciation de la responsabilité de l’entreprise. En effet, moins les clients d’une entreprise dominante ont la possibilité d’avoir des prestations alternatives équivalentes à celles proposées par l’entreprise dominante, plus cette entreprise a la capacité d’exploiter abusivement sa position, capacité qui accroît en contrepartie la responsabilité qu’elle a à l’égard de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs109.

128. Si les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce mentionnent certaines pratiques abusives, ces dernières ne constituent pas une liste exhaustive des pratiques susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante110.

129. Afin de déterminer si l’entreprise dominante a abusé de sa position, il est nécessaire d’apprécier l’ensemble des circonstances de fait pertinentes et d’examiner si les pratiques tendent, par exemple, à limiter l’accès au marché de concurrents, ou encore à renforcer la position de l’entreprise dominante, en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites111.

130. La Cour de justice a considéré qu’une pratique mise en œuvre par une entreprise dominante pouvait être abusive et interdite par l’article 102 du TFUE « quels que soient les moyens ou procédés utilisés », dès lors que cette pratique est susceptible d’avoir des effets anticoncurrentiels112.

131. Par ailleurs, la Cour de justice rappelle dans sa jurisprudence en matière d’abus de position dominante que « si, aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, il n’est nullement requis d’établir l’existence d’une intention anticoncurrentielle dans le chef de l’entreprise en position dominante, la preuve d’une telle intention, si elle ne saurait suffire à elle seule, constitue une circonstance factuelle susceptible d’être prise en compte aux fins de la détermination d’un abus de position dominante (...) »113.

132. S’agissant des effets du comportement de l’entreprise dominante, l’article L. 420-2 du code de commerce, comme l’article 102 du TFUE, interdit les comportements qui tendent à restreindre la concurrence ou sont susceptibles d’avoir un tel effet114. Cet effet anticoncurrentiel ne doit pas avoir un caractère purement hypothétique115, mais il n’est pas nécessaire qu’il se matérialise effectivement116. De même, la cour d’appel de Paris a jugé que « l’Autorité doit seulement démontrer l’existence d’un effet anticoncurrentiel au moins potentiel, sans avoir à apporter la preuve d’une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des autres opérateurs sur le marché »117.

133. Les principes dégagés en matière d’abus de position dominante ont notamment trouvé application s’agissant des anciens monopoles légaux, lorsque leurs secteurs se sont progressivement ouverts à la concurrence, mais également s’agissant d’entreprises en monopole ou disposant de droits exclusifs procédant à une diversification de leurs activités sur des marchés avals ou connexes, ouverts à la concurrence.

134. À cet égard, il résulte notamment de la pratique décisionnelle que, s’il est loisible à une entreprise qui dispose d’une position dominante sur un marché en vertu d’un monopole légal d’entrer sur des marchés relevant de secteurs concurrentiels, elle ne peut le faire qu’à la condition de ne pas abuser de sa position dominante « pour restreindre ou tenter de restreindre l’accès au marché de ses concurrents en recourant à des moyens autres que la concurrence par les mérites »118. Elle doit ainsi éviter que « les avantages concurrentiels liés au statut d’ancien monopole, et qui ne procèdent donc pas d’une concurrence par les mérites, soient utilisés d’une manière qui pourrait obérer le fonctionnement concurrentiel du marché »119.

135. Concernant l’utilisation des moyens dont bénéficie un opérateur du fait de son statut d’ancien monopole sur le marché nouvellement ouvert à la concurrence, la cour d’appel de Paris a jugé que cet opérateur « doit veiller à éviter toute exploitation abusive de moyens qui ne sont pas reproductibles par les nouveaux entrants sur le marché ouvert à la concurrence à un coût raisonnable et selon des délais acceptables, eu égard à sa responsabilité particulière sur ce marché, et à éviter que les avantages concurrentiels liés au statut d'ancien monopole, et qui ne procèdent donc pas d'une concurrence par les mérites, soient utilisés d'une manière qui pourrait obérer le fonctionnement concurrentiel du marché »120.

136. La Cour de justice a considéré que « lorsqu’une entreprise perd le monopole légal qu’elle détenait auparavant sur un marché, celle-ci doit s’abstenir, pendant toute la phase de libéralisation de ce marché, de recourir à des moyens dont elle disposait au titre de son ancien monopole et qui, à ce titre, ne sont pas disponibles pour ses concurrents, aux fins de conserver, autrement que par ses propres mérites, une position dominante sur le marché en cause nouvellement libéralisé »121.

137. L’utilisation par l’opérateur des moyens matériels et commerciaux employés dans le cadre de la gestion des contrats au TRV est susceptible d’être regardée comme abusive lorsque l’entreprise utilise son positionnement en tant qu’opérateur au TRV pour proposer des prestations en offres de marché122. Tel est également le cas, par exemple, de l’utilisation de moyens commerciaux ayant opéré une confusion dans l’esprit des consommateurs123.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

a) Sur l’utilisation par Gaz de Bordeaux de moyens dont elle disposait du fait de son statut d’opérateur au TRV, propre à opérer une confusion dans l’esprit des consommateurs

138. Il résulte des éléments factuels exposés ci-dessus que Gaz de Bordeaux n’a procédé sur la période considérée à aucune séparation de ses moyens logistiques et commerciaux qui aurait permis de distinguer les moyens dédiés à la commercialisation de son offre au tarif réglementé de vente de ceux dédiés à la commercialisation de ses offres de marché. Ainsi, sur la période considérée :

- le Service Relation Client de la société était en charge de la commercialisation de l’ensemble des offres de fourniture de gaz naturel sur le marché concerné, qu’il s’agisse des OM ou des offres au TRV124 ;

- le site internet de l’opérateur faisait état de manière répétée de son

« expérience d’acteur historique » ainsi que de sa présence sur la zone correspondant à celle de l’ELD de Régaz-Bordeaux « depuis 1875 »125.

139. Gaz de Bordeaux a utilisé les moyens commerciaux liés à son activité de service public et à son statut d’opérateur historique, d’une manière propre à créer une confusion dans l’esprit des consommateurs, pour développer exclusivement son activité concurrentielle de fourniture de gaz en offres de marché. Gaz de Bordeaux s’est appuyée sur ces moyens humains et techniques hérités de son monopole historique et liés aux TRV, qui n’étaient pas reproductibles par ses concurrents et qui constituaient un avantage concurrentiel, pour mettre en œuvre une stratégie visant, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence des marchés de la fourniture au détail du gaz, à préserver sa position sur ces marchés en orientant vers ses offres de marché la quasi-totalité de ses nouveaux clients, privés de fait de la possibilité de choisir une offre au tarif réglementé de vente.

140. Ainsi, Gaz de Bordeaux a utilisé les moyens humains et techniques liés aux TRV afin de se développer sur un marché concurrentiel, celui de la fourniture d’électricité en OM, dans une stratégie ne relevant pas de la concurrence par les mérites, en méconnaissance de la responsabilité particulière qui lui incombait en sa qualité d’ancien détenteur d’un monopole légal.

141. Cette stratégie a reposé plus précisément sur la mise en œuvre de cinq pratiques, comme cela a été mis en évidence aux paragraphes 56 à 78 de cette décision :

- la mise en retrait de l’offre au TRV sur le site internet de Gaz de Bordeaux ;

- l’omission de l’offre au TRV par les conseillers du standard téléphonique de Gaz de Bordeaux ;

- l’omission de l’offre au TRV sur le comparateur d’offres ;

- l’omission de l’offre au TRV sur le document de présentation des offres disponibles sur son site internet ;

 

- l’arrêt de la commercialisation de l’offre au TRV sur le site internet de Gaz de Bordeaux à compter d’avril 2019.

142. Il résulte de ce qui précède que Gaz de Bordeaux a abusé de la position dominante qu’elle détenait sur le marché de la fourniture au détail de gaz aux clients résidentiels et petits clients non-résidentiels consommant moins de 30 MWh/an, sur la zone de desserte de Régaz-Bordeaux, en opérant une confusion dans l’esprit des consommateurs, sur un marché caractérisé, comme rappelé aux paragraphes 26 à 28, par leur faible degré d’information, dans le but de développer son activité concurrentielle de fourniture de gaz en offres de marché.

143. Gaz de Bordeaux fait valoir en défense plusieurs arguments auxquels il sera répondu successivement.

144. En premier lieu, Gaz de Bordeaux considère que les services d’instruction ont commis une erreur de droit en appliquant aux faits de l’espèce les principes dégagés dans la décision Engie n° 17-D-06 du 21 mars 2017. Or, d’une part, la décision citée porte bien, notamment, sur une pratique de confusion entre l’activité de service public d’Engie et son activité concurrentielle de commercialisation d’offres de fourniture de gaz et d’électricité à prix de marché. D’autre part, la présente décision se fonde également sur une pratique décisionnelle de l’Autorité et une jurisprudence constantes, rappelées supra aux paragraphes 125 à 138.

145. En deuxième lieu, Gaz de Bordeaux soutient que sa stratégie commerciale relève d’une concurrence par les mérites lui permettant de se développer sur des territoires autres que celui de Régaz-Bordeaux. Toutefois, rien ne lui imposait d’occulter son offre au TRV pour assurer le développement de ses offres de marché auprès de clients situés en dehors de sa zone historique.

146. En troisième lieu, Gaz de Bordeaux soutient que sa stratégie a consisté à diversifier les offres disponibles. Bien au contraire, cette stratégie a consisté à mettre en retrait une offre, voire à occulter, une offre, l’offre au TRV, à laquelle des clients auraient pu souscrire sur sa zone de desserte historique.

147. En quatrième lieu, Gaz de Bordeaux soutient qu’elle se serait bornée, à travers son comportement, à anticiper l’extinction prévue des TRV, en cohérence avec le droit de la concurrence et le droit de l’Union européenne. Toutefois, elle n’était pas fondée à se substituer au législateur pour décider du calendrier et des modalités de mise en œuvre de l’extinction des TRV, en restreignant ce faisant, de manière anticipée, la liberté de choix du consommateur. En tout état de cause, le droit de l’Union européenne ne faisait pas injonction aux opérateurs de cesser la commercialisation des TRV.

148. En cinquième lieu, Gaz de Bordeaux fait valoir que l’objet anticoncurrentiel de son comportement n’est pas démontré. Or, il résulte d’une jurisprudence constante que la démonstration d’un objet anticoncurrentiel n’est pas requise pour caractériser un abus de position dominante, l’existence d’une pratique d’éviction abusive par une entreprise en position dominante devant être appréciée sur le fondement de la capacité de cette pratique à produire des effets anticoncurrentiels126.

149. En sixième lieu, Gaz de Bordeaux conteste les manquements qui lui sont reprochés en arguant de ce que le terme « offre » ne renverrait qu’aux offres de marché dans la terminologie interne à l’entreprise, à l’exclusion de l’offre au TRV, et qu’il était en conséquence naturel que le document présenté en octobre 2018 à ses conseillers clientèle, mentionné au paragraphe 67 de la présente décision, ne mentionne pas le TRV parmi la

« palette d’offres » commercialisées par Gaz de Bordeaux127. Toutefois, la société ne produit aucun élément justifiant de cette interprétation. Au demeurant, deux autres documents internes à Gaz de Bordeaux, mentionnés aux paragraphes 56 et 67, incluent les offres au TRV parmi l’ensemble des offres de la société128.

150. En dernier lieu, Gaz de Bordeaux n’est pas fondée à soutenir que les différents éléments mis en avant par les services d’instruction pour caractériser le grief notifié ne disposeraient pas, pris isolément, d’une force probatoire suffisante, dès lors que leur juxtaposition laisse apparaître un faisceau d’indices précis, graves et concordants permettant de rapporter la preuve de la pratique anticoncurrentielle reprochée.

151. Les arguments de Gaz de Bordeaux sont dès lors inopérants.

b) Sur les effets des pratiques

152. Il convient de relever que les pratiques ont été mises en œuvre dans un contexte particulier, dont il convient de rappeler les caractéristiques, mentionnées aux paragraphes 18 à 28 et 51 à 55 :

 l’existence d’un fort pouvoir de marché de l’opérateur historique sur le marché de la fourniture de gaz au détail sur la zone de Regaz-Bordeaux ;

 une faible intensité concurrentielle sur ce marché dans la période suivant son ouverture à la concurrence ;

 une forte inertie des consommateurs de l’ELD concerné ;

 un attachement des consommateurs à la marque du fournisseur historique ;

 un faible degré d’information des consommateurs sur l’état d’ouverture du marché ;

 une pénétration du marché rendue difficile par les coûts fixes importants qu’elle nécessite au regard de la faible taille de celui-ci ;

 l’existence de barrières à l’entrée liées notamment à la spécificité des systèmes d’information de cet ELD.

153. Dans un tel contexte, les pratiques relevées sont de nature à faire échec à la volonté des pouvoirs publics de procéder à la libéralisation du secteur de l’énergie. Ainsi, selon la cour d’appel de Paris, « des pratiques mises en œuvre par un opérateur détenteur historique d’un monopole ayant pour effet de freiner le développement de la concurrence sur le marché sur lequel il exerçait son monopole sont particulièrement néfastes en ce qu’elles sont susceptibles de ralentir, voire de faire échec à l’ouverture de ce marché à la concurrence par la mise en place d’une barrière à l’entrée »129.

154. Compte tenu des caractéristiques du marché rappelées ci-dessus, les pratiques en litige ont réduit la contestabilité du marché, en réduisant artificiellement le nombre de clients concernés, au stade de la disparition des TRV, par le dispositif décrit à l’article 63 de la LEC.

Or, ce dispositif constitue une étape clef de la libéralisation du marché, en ce qu’il incite, via l’envoi de cinq courriers réglementaires, les consommateurs restés au TRV à comparer les OM existantes, et en ce qu’il oblige les opérateurs historiques à mettre à la disposition des fournisseurs alternatifs qui en font la demande les données de contact et de consommation des clients. Gaz de Bordeaux a, ce faisant, limité les conséquences possibles de la libéralisation du marché de la fourniture de gaz. Ces pratiques ont ainsi eu des effets anticoncurrentiels potentiels sur le marché pertinent.

155. Gaz de Bordeaux soutient que les pratiques reprochées ne sont pas susceptibles d’avoir produit des effets anticoncurrentiels au moyen de plusieurs arguments auxquels il convient de répondre.

156. En premier lieu, Gaz de Bordeaux considère que les pratiques reprochées n’ont pas eu d’effets anticoncurrentiels, compte tenu à la fois de l’absence de concurrents sur la zone de l’ELD de Régaz-Bordeaux pendant la majeure partie de la période concernée et compte tenu de la disparition prochaine du TRV lors de cette période. Toutefois, la pratique a eu un effet anticoncurrentiel au stade de la disparition du TRV, la captation de clientèle en OM par Gaz de Bordeaux au moyen des pratiques reprochées se traduisant alors par une réduction de la contestabilité du marché. Ainsi, alors même que Gaz de Bordeaux ne comptait pas de concurrents pendant la majeure partie de la période concernée, les pratiques mises en œuvre pendant cette période ont été de nature à dissuader l’entrée de nouveaux concurrents au moment de la disparition du TRV. Par suite, l’argument de Gaz de Bordeaux doit être écarté comme infondé.

157. Au demeurant, il peut être constaté qu’au 31 décembre 2020, la part de marché en nombre de sites des fournisseurs alternatifs sur le segment résidentiel n’était que de 5,7 % sur la zone de Régaz-Bordeaux contre 38,5 % sur la zone GRDF130.

158. À supposer même, comme le fait valoir Gaz de Bordeaux dans ses observations, que les pratiques ne puissent être associées à des effets restrictifs concrets, cette circonstance n’est pas suffisante pour exclure le caractère abusif du comportement de l’entreprise.

159. Enfin, Gaz de Bordeaux conteste la proposition des services d’instruction selon laquelle les pratiques auraient contribué au maintien de sa position dominante. Toutefois, cette contestation est sans effet sur la qualification retenue : en effet, à supposer même que le maintien de la position de quasi-monopole de l’entreprise ne soit pas lié à son comportement, celui-ci n’en présente pas moins un caractère abusif. L’argumentation de Gaz de Bordeaux est donc inopérante sur ce point.

160. En deuxième lieu, Gaz de Bordeaux considère que le départ d’ENI de la zone de l’ELD de Régaz-Bordeaux au début des années 2010 n’est pas la conséquence de ses pratiques. Toutefois, cet argument est inopérant, les effets d’éviction correspondant aux pratiques reprochées à Gaz de Bordeaux étant appréciés au moment de la disparition des TRV.

161. En troisième lieu, Gaz de Bordeaux fait valoir que les services d’instruction ne sont pas fondés à attribuer aux pratiques qui lui sont reprochées des effets sur l’ensemble de la zone Sud-Ouest. Toutefois les pratiques lui sont reprochées sur le périmètre géographique correspondant au marché pertinent tel que défini aux paragraphes 103 à 116, et non sur l’ensemble de la zone Sud-Ouest.

162. En quatrième lieu, Gaz de Bordeaux estime que ses clients se seraient spontanément tournés vers les OM, compte tenu de leur caractère plus avantageux économiquement. Cet argument ne saurait davantage être retenu. Ainsi qu’il a été relevé au paragraphe 78, l’OM la moins chère proposée par Gaz de Bordeaux n’était pas toujours plus avantageuse que l’offre au TRV sur la période 2017-2019. L’inversion brutale entre 2016 et 2017 de la dynamique de souscription entre les OM et les TRV ne peut donc s’expliquer indépendamment des pratiques mises en œuvre par Gaz de Bordeaux. Compte tenu de ces pratiques, les consommateurs ont précisément été privés de la possibilité de choisir l’offre qu’ils jugeaient la plus avantageuse pour eux.

163. En dernier lieu, Gaz de Bordeaux soutient que la possibilité offerte pour les consommateurs ayant souscrit à une OM de résilier celle-ci pour revenir au TRV remettrait en cause les effets d’éviction constatés. Or, les pratiques reprochées ont empêché ces mêmes consommateurs d’être correctement informés de la possibilité de souscrire une offre au TRV, rendant plus difficile en pratique la possibilité de changer d’offre. Ainsi qu’il a été rappelé aux paragraphes 12 à 17, la LEC prévoit en effet l’envoi aux consommateurs restés au TRV de cinq courriers, entre le premier semestre 2020 et le mois de mars 2023, visant à permettre un choix libre et éclairé, courriers dont ont été privés les consommateurs ayant souscrit aux OM de Gaz de Bordeaux.

c) Conclusion

164. Il résulte de ce qui précède que Gaz de Bordeaux a abusé de la position dominante qu’elle détenait sur le marché de la fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels et aux petits clients non-résidentiels ayant une consommation inférieure à 30 MWh/an sur la zone de l’ELD de Régaz-Bordeaux, en opérant une confusion dans l’esprit des consommateurs entre offres de marché et tarif réglementé de vente, ce qui lui a permis de développer exclusivement son activité concurrentielle de fourniture de gaz en offres de marché. Cette stratégie a été susceptible de réduire la contestabilité du marché au moment de la suppression du tarif réglementé de vente.

F. SUR LA DUREE DES PRATIQUES

165. Afin de déterminer la durée d'une infraction aux règles du droit de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s'est écoulée entre la date de début des pratiques et la date à laquelle il y a été mis fin131.

166. S’agissant de la date de début des pratiques, Gaz de Bordeaux soutient que les services d’instruction ne démontrent pas en quoi le lancement de l’offre Gaz+ constituerait le point de départ d’une stratégie anticoncurrentielle.

167. Mais comme indiqué précédemment, c’est à compter du 5 janvier 2017, date correspondant au lancement de son offre de marché Gaz+ et à l’application des consignes de vente exposées aux paragraphes 56, 65 et 66, que Gaz de Bordeaux a utilisé son infrastructure commerciale initialement développée pour la gestion et la commercialisation des TRV au profit de ses seules OM. Cette date coïncide en outre avec l’inversion brutale de la dynamique de souscription entre les OM et les TRV.

168. Au regard de ce qui précède, il conviendra d’écarter les arguments de Gaz de Bordeaux et de retenir la date du 5 janvier 2017 comme date de début des pratiques.

169. Les pratiques ont donc débuté le 5 janvier 2017 et ont perduré jusqu’au 8 décembre 2019, date à partir de laquelle Gaz de Bordeaux était officiellement tenue de mettre un terme à la commercialisation des offres de fourniture de gaz naturel au TRV.

G. SUR L’IMPUTABILITE

1. PRINCIPES APPLICABLES

170. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE visent les infractions commises par des entreprises, notion qui désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Cette entité économique doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle132.

171. Ainsi, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques133.

172. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, présomption compatible avec les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. La société mère peut renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale134.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

173. Les pratiques en litige ont été mises en œuvre par l’intermédiaire de l’infrastructure commerciale de Gaz de Bordeaux (équipes commerciales, site internet et accueil téléphonique).

174. Il en résulte que la société Gaz de Bordeaux doit se voir imputer l’ensemble du grief en tant qu’auteure des pratiques.

175. En application des principes rappelés ci-dessus, la société Régaz-Bordeaux, société mère à 100 % de la société Gaz de Bordeaux jusqu’au 30 avril 2018, et la société Bordeaux Métropole Energies, société mère de la société Gaz de Bordeaux, qu’elle détient à 100 % depuis le 1er mai 2018, sont présumées exercer sur Gaz de Bordeaux une influence déterminante.

176. Gaz de Bordeaux conteste cette présomption d’influence déterminante. Elle soutient, en substance, que le cadre légal particulier institué à l’article. L.111-57 du code de l’énergie exige une séparation juridique, fonctionnelle et managériale totale entre Régaz-Bordeaux, GRD de gaz naturel et les fournisseurs de gaz tels que Gaz de Bordeaux. Elle en conclut que Régaz-Bordeaux n’a d’autre objet que de gérer un réseau de distribution et que la loi lui fait interdiction d’exercer sur sa filiale Gaz de Bordeaux une quelconque influence déterminante. Elle ajoute que la CRE, chargée de veiller au respect par les GRD des règles fixées par les codes de bonne conduite en application de l’article L.111-63 du code de l’énergie n’a pas constaté, au cours des audits réalisés depuis 2008, d’interférence de Régaz-Bordeaux dans la politique commerciale de Gaz de Bordeaux. Ces éléments seraient confirmés d’une part, par le rapport 2017 de la CRE (portant sur les années 2015 et 2016)135 dans lequel il serait indiqué que Régaz-Bordeaux est largement indépendant de ses filiales, et, d’autre part, par la lettre de mission du Directeur délégué de Régaz-Bordeaux136.

177. Ces arguments ne sont toutefois pas de nature à renverser la présomption d’influence déterminante.

178. Il convient de relever, d’une part, que le rapport 2017 de la CRE porte sur les années 2015 et 2016 et n’est donc pas concomitant des pratiques en litige et, d’autre part, que la délégation de pouvoir qu’invoque Gaz de Bordeaux se borne à énumérer les différentes missions qui incombent au Directeur délégué à la distribution de Régaz-Bordeaux. Aucun des documents en question ne mentionne par ailleurs Bordeaux Métropole Energies.

179. En l’absence d’éléments de preuve tangibles de nature à renverser la présomption d’influence déterminante, il convient donc d’imputer les pratiques en cause à Gaz de Bordeaux en tant qu’auteure de l’infraction et aux sociétés Régaz-Bordeaux, jusqu’au 30 avril 2018, et Bordeaux Métropole Energie, à partir du 1er mai 2018, en tant que sociétés mères de la société Gaz de Bordeaux.

180. Sur la période correspondant à celle des pratiques en cause, la société Régaz-Bordeaux a été société mère de Gaz de Bordeaux du 5 janvier 2017 au 30 avril 2018, soit 45 % de la durée totale. La société Bordeaux Métropole Energie a été société mère du 1er mai 2018 au 8 décembre 2019, soit 55 % de la durée totale. Elles sont donc solidaires de Gaz de Bordeaux à hauteur, respectivement, de 45 % et de 55 % du montant de la sanction prononcée par la présente décision.

H. SUR LA SANCTION PECUNIAIRE

1. SUR L’ADOPTION D’UNE METHODE FORFAITAIRE

a) RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

181. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce et l’article 5 du règlement n° 1/2003 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

182. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la présente affaire, prévoit que « Les sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

183. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

184. L’Autorité apprécie, en général, les critères légaux rappelés ci-avant selon les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après « communiqué sanctions »). Le point 6 du communiqué sanction précise que « L’Autorité peut toutefois, après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, décider de s’en écarter, en motivant ce choix. ».

185. En outre, par application de l’article L. 463-3 du code de commerce : « Le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence peut décider que l'affaire sera examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport ».

186. Jusqu’à son abrogation par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, l’article L. 464-5 du code de commerce prévoyait que lorsque l’Autorité statue selon la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3 précité, « […] la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs de pratiques prohibées ». Au cas d’espèce, l’article L. 464-5 est inapplicable, la notification des griefs ayant été adoptée postérieurement à cette abrogation législative.

b) APPLICATION AU CAS D’ESPECE

187. Le grief notifié concerne des pratiques d’éviction de la part d’une entreprise dominante. Ces pratiques s’inscrivent dans un contexte réglementaire particulier et sont d’une nature spécifique, en ce qu’elles ont consisté à entretenir, par le recours à différents leviers, la confusion dans l’esprit des consommateurs qui souhaitaient souscrire une offre de gaz, en s’appuyant uniquement sur les clients s’adressant spontanément à Gaz de Bordeaux pour souscrire un contrat de fourniture de gaz. Elles ont, de surcroît, été mises en œuvre par une entreprise, Gaz de Bordeaux, qui, bien qu’étant un acteur important au niveau local, est de taille modeste en comparaison des opérateurs historiques nationaux.

188. À cet égard, compte tenu de la nature particulière, au cas d’espèce, des pratiques en cause, il convient de relever que le prononcé d’une injonction de publication, visant à améliorer l’information des consommateurs ayant été dirigés de manière abusive par Gaz de Bordeaux vers ses OM, en portant à leur connaissance l’ouverture du marché de la fourniture de gaz au détail et l’existence de fournisseurs alternatifs, est de nature à engendrer un effet correctif important sur le marché.

189. Au regard de la combinaison de ces différents éléments et des caractéristiques du dossier, l’Autorité est fondée à s’écarter de la méthode décrite dans le communiqué sanctions et à retenir un mode de fixation forfaitaire de la sanction pécuniaire.

2. SUR LA DETERMINATION FORFAITAIRE DU MONTANT DE SANCTION

190. D’après le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2, l’Autorité peut infliger des sanctions proportionnées à la gravité des faits reprochés, à la durée de l'infraction, à la situation de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient, et à l’éventuelle réitération de pratiques anticoncurrentielles. Seront analysés successivement le premier et le deuxième de ces critères, seuls susceptibles, dans les circonstances de l’espèce, d’exercer une influence sur le montant de la sanction.

a) SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES

191. Les pratiques d’éviction de la part d’une entreprise dominante emportant un effet mécanique et automatique d’exclusion des concurrents et sont à ce titre « traditionnellement qualifiées par les autorités de concurrence et par les juridictions européennes et nationales de graves »137. L’Autorité a également souligné que ce type de pratique revêtait « un degré certain de gravité en ce qu’elle tend à élever les barrières à l’entrée et à empêcher un concurrent de se développer sur le marché en dépit de ses mérites propres »138.

192. Le statut de fournisseur historique et d’entreprise chargée d’une mission de service public confère en outre à Gaz de Bordeaux une responsabilité particulière de ne pas restreindre la concurrence par des moyens étrangers à la concurrence par les mérites. Il en est de même eu égard à sa position dominante sur le marché concerné, Gaz de Bordeaux disposant de parts de marché très significatives (98,8 % des sites et 98,75 % de la consommation au 31 décembre 2017).

193. Les pratiques d’éviction reprochées à Gaz de Bordeaux ont eu pour effet de freiner l’ouverture du marché de la fourniture de gaz naturel, récemment ouvert à la concurrence. Elles ont affecté les clients finaux, ménages et petits professionnels, en entretenant la confusion sur l’étendue de leur choix en matière de souscription d’offres de fourniture de gaz, produit d’une importance particulière. L’ensemble de ces circonstances tend à rehausser le degré de gravité des pratiques reprochées.

b) SUR LA DUREE DES PRATIQUES

194. Au cas présent, les pratiques reprochées ont été mises en œuvre sur une période de près de trois ans, puisqu’elles ont débuté le 5 janvier 2017 et ont perduré jusqu’au 8 décembre 2019.

3. SUR LE MONTANT DE LA SANCTION PECUNIAIRE

195. Au vu de l’ensemble de ces éléments, le montant de la sanction infligée à Gaz de Bordeaux est fixé à 1 000 000 euros. Ce montant est inférieur au plafond légal de sanction prévu par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce.

4. SUR LA SITUATION FINANCIERE DE L’ENTREPRISE

196. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l’Autorité s’est engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive dont les parties invoquent l’existence, selon les modalités pratiques indiquées dans le communiqué sanctions. Le point 57 du communiqué sanctions précise à ce titre qu’il appartient à « l’entreprise concernée de justifier l’existence des difficultés financières particulières dont elle se prévaut et leur incidence sur sa capacité contributive, en s’appuyant notamment sur les éléments figurant dans le questionnaire mis à sa disposition à cet effet sur le site de l’Autorité. Une réduction du montant final de la sanction pécuniaire ne peut être accordée à ce titre que si les éléments transmis constituent des preuves fiables, complètes et objectives attestant de l’existence de difficultés réelles et actuelles empêchant l’entreprise en cause de s’acquitter, en tout ou partie, de la sanction pécuniaire pouvant lui être imposée. La situation de l’intéressée s’apprécie au jour de la prise de la décision de l’Autorité, et au regard de l’ensemble des exercices pertinents. ».

197. En l’espèce, Gaz de Bordeaux a fait valoir, dans ses observations en réponse à la notification de grief, puis en séance, que sa capacité contributive était limitée.

198. Toutefois les pièces justificatives produites par ses soins en amont et en aval de la séance ne permettent pas d’établir l’existence de difficultés financières particulières affectant la capacité contributive de l’entreprise et de ses sociétés mères. En tout état de cause, Gaz de Bordeaux n’a pas fourni l’ensemble des éléments mentionnés dans le questionnaire « capacité contributive » mentionné au point 57 du communiqué sanctions.

I. SUR L’INJONCTION DE PUBLICATION

199. Aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut également ordonner

« la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle -ci selon les modalités qu’elle précise (...). Les frais sont supportés par la personne intéressée ».

200. Afin d’appeler l’attention des consommateurs de gaz au détail présents sur la zone de l’ELD de Régaz-Bordeaux, il y a lieu d’ordonner sur le fondement du I de l’article L. 464- 2 du code de commerce la publication du résumé figurant à la page 2 de la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Ce résumé devra être accessible par un lien html intitulé « Gaz de Bordeaux condamnée par l’Autorité de la concurrence française » immédiatement placé sous le logo « Gaz de Bordeaux » de la page d’accueil du site www.gazdebordeaux.fr, dans une police d’écriture de taille 14, et pendant une durée de 3 mois consécutifs. Ce lien pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la société Gaz de Bordeaux a enfreint les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, en utilisant les moyens commerciaux liés à son activité de service public et à son statut d’opérateur historique, d’une manière propre à opérer une confusion dans l’esprit des consommateurs entre offres de marché et tarif réglementé de vente, ce qui lui a permis de développer exclusivement son activité concurrentielle de fourniture de gaz en offres de marché. Cette stratégie a été susceptible de réduire la contestabilité du marché au moment de la suppression du tarif réglementé de vente.

Article 2 : Au titre des pratiques visées à l’article 1er, il est infligé conjointement et solidairement une sanction pécuniaire de 1 000 000 euros à la société Gaz de Bordeaux, à la société Régaz-Bordeaux et à la société Bordeaux Métropole Energies, les sociétés Régaz-Bordeaux et Bordeaux Métropole Energies étant solidaires à hauteur, respectivement, de 45 % et de 55 % de ce montant total.

Article 3 : Il est ordonné à la société Gaz de Bordeaux de se conformer à l’injonction prévue au paragraphe 200 de la présente décision.

NOTES :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 https://www.cre.fr/Gaz-naturel/Reseaux-de-gaz-naturel/Presentation-des-reseaux-de-gaz-naturel.

3 Directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (JOUE L 204 du 21 juillet 1998, p. 1-12) ; directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (JOUE L 176 du 15 juillet 2003, p. 57-78) ; directive 2009/73/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JOUE L 211 du 14 août 2009 p. 94-136).

4 Cf. décision 17-D-06 du 21 mars 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de gaz naturel, d'électricité et de services énergétiques, paragraphe 135.

5 CRE, « Etat des lieux des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel en 2017 », p. 11.

6 Cote 1045.

7 Voir la décision n° 17-D-06 du 21 mars 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de gaz naturel, d'électricité et de services énergétiques, paragraphe 135.

8 CRE, « Rapport de surveillance portant sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel », Rapport 2016-2017, pages 8 et 28, et Rapport 2018-2019, pages 6 et 34.

9 CRE, « Etat des lieux des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel », Rapport 2017, page 9.

10 Cote 6.

11 Cote 6.

12 CRE, Rapport de surveillance 2018-2019, précité, page 34.

13 Cote 8.

14 Cote 10.

15 CRE, Rapport de surveillance 2018-2019, précité, page 6. Voir également, CRE, Délibération n° 2021-121 du 10 juin 2021 portant orientations sur les mesures à mettre en place par les GRD pour permettre le développement de la concurrence sur les territoires des ELD, pages 3 et 6.

16 Cote 3309.

17 Cote 3353.

18 Cote 801.

19 Cote 803

20 Cote 3311.

21 Cote 3334.

22 Cote 3335.

23 Cote 3354.

24 Cote 3353.

25 CRE, « Le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel », Rapport 2018-2019, p. 16.

26 Édition 2017 du baromètre : https://www.energie-mediateur.fr/publication/2017-11eme-edition-barometre- annuel-energie-info-louverture-marches/ ; édition 2018 : https://www.energie-mediateur.fr/publication/2018- 12eme-edition-du-barometre-annuel-energie-info-sur-louverture-des-marches/ ; édition 2019 :

https://www.energie-mediateur.fr/publication/2019-13eme-edition-du-barometre-energie-info/.

27 Édition 2017 du baromètre : https://www.energie-mediateur.fr/publication/2017-11eme-edition-barometre- annuel-energie-info-louverture-marches/ ; édition 2018 : https://www.energie-mediateur.fr/publication/2018- 12eme-edition-du-barometre-annuel-energie-info-sur-louverture-des-marches/ ; édition 2019 :

https://www.energie-mediateur.fr/publication/2019-13eme-edition-du-barometre-energie-info/.

28 Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, JORF n° 0284 du 8 décembre 2006

29 Cotes 40 et 41.

30 https://www.gazdebordeaux.fr/l-energie-et-nous/l-histoire-de-gaz-de-bordeaux.

31 https://www.gazdebordeaux.fr/qui-sommes-nous.

32 https://www.gazdebordeaux.fr/l-energie-et-nous/l-histoire-de-gaz-de-bordeaux et CRE,

« Le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel », Rapport 2018-2019,

p. 4.

33 https://www.gazdebordeaux.fr/professionnel.

34 Cotes 45 et 46.

35 Le point d’interface Transport Distribution correspond à la frontière entre les prestations d’acheminement transport et distribution.

36 Cote 808.

37 Cotes 48 et 809.

38 Cote 1001 VNC – 989 VC. Pour ce qui concerne les clients non-résidentiels consommant plus de 30 MWh/an sur la zone de Régaz-Bordeaux, qui ne sont plus éligibles au TRV depuis le 31 décembre 2015, c’est la Direction Energie qui traite des demandes d’information et de souscription (cote 1001 VNC, 989 VC).

39 Cote 48.

40 Cote 47.

41 Cote 467 VNC – 53 VC.

42 Cote 809.

43 Cote 43.

44 Cote 49.

45 Cote 808.

46 Cote 49.

47 Cote 808.

48 Cotes 43-44.

49 Cote 41.

50 Cote 804.

51 Cote 804.

52 Cote 804.

53 Cote 818.

54 Cote 1045.

55 Cote 1045.

56 Cote 180.

57 Cote 182.

58 Cote 183.

59 Cote 184.

60 Cote 187.

61 Cote 1015.

62 Cote 13.

63 Cote 1028.

64 Cote 1031.

65 Cote 1034.

66 Cote 811.

67 Cote 824.

68 Cote 825.

69 Cote 818.

70 Cote 305.

71 Cote 287 (VC), cote 591 (VNC).

72 Cote 924.

73 Cote 2.

74 Cotes 48, 809 et 1001.

75 Cotes 1016, 1017, 1018 et 1022.

78 Cotes 46 et 47.

79 Cote 3058.

80 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mai 2018, Umicore, n° 16/16621.

81 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mai 2018, Umicore, n° 16/16621.

82 Voir, en ce sens, le point 45 de la communication de la Commission européenne relative à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE).

83 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe, n° 10-25772, page 6.

84 Point 47 de la communication de la Commission européenne relative à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE).

85 Cote 46.

86 Calcul fondé sur les données présentées aux paragraphes 30-31 ci-dessus et à la cote 45.

87 CRE, « Le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel », Rapport 2018-2019, page 4.

88 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche c/ Commission, 85/76, paragraphe 28. Voir aussi la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, JO C 372, 9.12.1997, paragraphe 5.

89 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 1983, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin/Commission, 322/81 paragraphe 37 et l’arrêt du Tribunal du 25 mars 2015, Slovenská pošta contre Commission, T-556/08, paragraphe 112.

90 Voir les paragraphes 13 et suivants de la Communication européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, 9 décembre 1997.

91 Ibid., paragraphe 20.

92 Voir notamment décision de la Commission européenne COMP/M.5978 du 26 janvier 2011, GDF Suez/International Power ; décision de l'Autorité n° 11-DCC-142 du 22 septembre 2011 relative à la prise de contrôle de la société Poweo par la société Direct Energie, paragraphes 8 à 19.

93 Voir notamment décision de l’Autorité n° 11-DCC-34 du 25 février 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez, paragraphe 30 ; décision de la Commission européenne COMP/M.4180. du 14 novembre 2006, Gaz de France/Suez, paragraphes 63 et suivants. Voir également décision de l’Autorité n° 14-MC-02 du 9 septembre 2014 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Direct Energie dans les secteurs du gaz et de l’électricité, paragraphes 45 à 48.

94 Décision de la Commission européenne COMP/M.4180 précitée.

95 Décision n° 14-MC-02, précitée, paragraphes 45 à 48 et 61.

96 Décision de l’Autorité n° 14-MC-02 du 9 septembre 2014 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Direct Energie dans les secteurs du gaz et de l’électricité, paragraphe 61. Voir également décision de l’Autorité n° 16-MC-01 du 2 mai 2016 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Direct Energie dans le secteur de l’énergie, paragraphe 63.

97 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.4180, Gaz de France/Suez, 14 novembre 2006, § 380-385.

98 À noter que certaines ELD sont tenues de séparer juridiquement leurs activités de distribution et celles de fourniture, comme c’est le cas pour Gaz de Bordeaux et Régaz-Bordeaux.

99 Voir, par exemple, l’arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal BV/Commission, 27/76, paragraphes 64 et 65.

100 Voir l’arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, paragraphes 275 à 279.

101 Voir l’arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991, Akzo c/ Commission, C-62/86, paragraphe 60.

102 Voir, à cet égard, les décisions de l’Autorité n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la télévision payante, paragraphe 532, n° 10-D-02 du 14 janvier 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des héparines à bas poids moléculaire, et n° 13-D-11 du 14 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique, paragraphe 311.

103 Cotes 45, 789, 983 et 988.

104 Calculs effectués à partir des cotes 45 et 988.

105 Calculs effectués à partir des cotes 45 et 988.

106 Calculs effectués à partir des cotes 789 et 983.

107 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche c/ Commission, 85/76, point 91 ; du 9 novembre 1983, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin c/ Commission, 322/81, points 57 et 70 ; du 3 juillet 1991, Akzo c/ Commission, C-62/86, point 69 ; du 15 mars 2007, British Airways c/ Commission, C-95/04 P, point 66 ; du 2 avril 2009, France Télécom c/ Commission, C-202/07 P, point 104 ; du 14 octobre 2010, Deutsche Telecom c/ Commission, C-280/08 P, point 173 ; du 17 février 2011, Konkurrensverket c/ TeliaSonera Sverige AB, C-52/09, point 27.

108 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 octobre 2017, RG n° 15/14038, page 31.

118 Décision n° 17-D-06 du 21 mars 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de gaz naturel, d'électricité et de services énergétiques, paragraphe 126.

119 Décision n° 17-D-06 du 21 mars 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de gaz naturel, d'électricité et de services énergétiques, paragraphe 128.

120 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 septembre 2018, RG n° 18/04914. Voir, également en ce sens, décision n° 17-D-06, précitée, paragraphe 128.

121 Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 2022, C377/20 Servizio Elettrico Nazionale SpA ENEL SpA, Enel

Energia SpA, point 92.

122 Décision n° 17-D-06 précitée, paragraphes 133 et 134.

123 Décision n° 17-D-06 précitée, paragraphe 129.

124 Cotes 48, 809 et 1001.

125 Cotes 1016, 1017, 1018 et 1022.

126 Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 2022, C377/20 Servizio Elettrico Nazionale SpA ENEL SpA, Enel

Energia SpA, point 64.

127 Cote 305.

128 Cotes 287 (VC), 591 (VNC) et cote 818.

129 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 octobre 2014, GDF Suez, RG n° 2014/19335.

130 CRE, Délibération n° 2021-121 du 10 juin 2021 portant orientations sur les mesures à mettre en place par les GRD pour permettre le développement de la concurrence sur les territoires des ELD, pages 3 et 6. 4.

131 Voir, en ce sens, les arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. 113033, point 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. 114567, point 138 ; ou encore la décision de l’Autorité n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphes 740 à 742.

132 Voir, notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a. contre Commission, C-97/08 P, points 55 et 56, et du 20 janvier 2011, General Quimica contre Commission, C-90/09 P, point 36 ; voir, également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., points 18 et 20.

133 Voir les arrêts précités Akzo Nobel e.a. contre Commission, point 58, General Quimica/Commission, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., points 18 et 19.

134 Voir les arrêts de la Cour de justice dans les affaires Akzo Nobel e.a. contre Commission, points 60 et 61 et General Quimica contre Commission, points 39 et 40 ; voir également l’arrêt précité de la cour d’appel de Paris dans l’affaire Lacroix Signalisation e.a., points 19 et 20.

137 Cf. décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, paragraphe 620.

138 Cf. décision n° 14-D-05 du 13 juin 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle à La Réunion et à Mayotte, paragraphe 358.