Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 4 avril 2012, n° 09/24009

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Societe De Transactions Immobilieres (SARL)

Défendeur :

Immo 33 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Gaber

Avocats :

SCP Garnier, Me Manceau, SCP Grappotte-Benetreau-Jumel, Me Benelli

T. com. Paris, du 29 juill. 2009, n° 200…

29 juillet 2009

Vu l'appel interjeté le 24 novembre 2009 par la SOCIETE DE TRANSACTIONS IMMOBILIERES (SARL), ci-après SOTRAM, exerçant sous l'enseigne ALMA IMMOBILIER, du jugement rendu contradictoirement par le tribunal de commerce de Paris le 29 juillet 2009 dans le litige l'opposant à la société IMMO 33 (SARL) ;

Vu l'appel interjeté le 12 mai 2010 par la société IMMO 33, du jugement rectificatif en date du 20 avril 2010 ;

Vu la jonction des procédures prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 juin 2010 ;

Vu les dernières conclusions de la société SOTRAM, signifiées le 5 janvier 2012;

Vu les ultimes écritures de la société IMMO 33, signifiées le 19 janvier 2012;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 7 février 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures, précédemment visées, des parties;

Qu'il suffit de rappeler que la société IMMO 33, s'étant vue confier le mandat, non exclusif, de vendre deux hôtels particuliers respectivement situés [...] et [...], a fait publier, au cours de l'année 2006, des plaquettes publicitaires dans les revues PROPRIETES DE FRANCE et DEMEURES ET CHATEAUX ;

Qu'elle devait constater que la société SOTRAM, exerçant l'activité d'agent immobilier sous l'enseigne ALMA IMMOBILIER, se livrait à la reproduction, dans son catalogue de vente du second trimestre 2006, des deux plaquettes publicitaires constituées d'une série de plans photographiques du bien immobilier offert à la vente et d'une notice descriptive;

Qu'elle a, dans ces circonstances, suivant acte du 20 février 2007, assigné la société SOTRAM devant le tribunal de commerce de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale ;

Que les premiers juges, par les jugements dont appel, ont retenu la contrefaçon mais écarté la concurrence déloyale et condamné la société SOTRAM à payer à la société IMMO 33 la somme de 22.100 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que la société SOTRAM, prie la cour de rejeter la demande en contrefaçon de la société IMMO 33 et de réformer le jugement déféré de ce chef, tandis que la société IMMO 33 demande à voir augmenter à 30.000 euros le montant des dommages-intérêts pour contrefaçon, outre à se voir allouer, au fondement de concurrence déloyale, la somme de 100.000 euros ;

Sur la demande en contrefaçon,

Considérant que la société IMMO 33 revendique des droits d'auteur sur les plaquettes promotionnelles qu'elle a conçues, réalisées et diffusées et fait grief à la société SOTRAM d'avoir commis des actes de contrefaçon en les reproduisant sans autorisation ;

Que la société SOTRAM, qui ne discute pas la titularité des droits ni, partant, la qualité à agir, conteste en revanche la contrefaçon en faisant valoir d'une part, que les créations opposées seraient dénuées de toute originalité, d'autre part, que la prétendue reproduction ne serait pas établie ;

Considérant, ceci étant posé, qu'en vertu de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;

Que ce droit est conféré, selon l'article L. 112-1 du même Code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, que sont notamment considérées comme oeuvres de l'esprit, en vertu de l'article L. 112-2, les oeuvres graphiques et typographiques et encore, les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;

Qu'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale, portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant que les deux plaquettes promotionnelles revendiquées sont parfaitement identifiées en ce qu'elles portent respectivement sur les hôtels particuliers précités pour lesquels la société IMMO 33 a reçu mandat de vente et en ce qu'elles correspondent aux publications effectuées sous le nom de la société IMMO 33 dans les numéros successifs des revues PROPRIETES DE FRANCE et DEMEURES ET CHATEAUX de l'année 2006 ;

Considérant que chacune de ces plaquettes est composée de 4 photographies différentes du bien immobilier et d'un commentaire descriptif ; que la plaquette relative à l'hôtel particulier parisien donne à voir :

- la façade,

- le grand escalier montant,

- le pallier-rotonde,

- la triple réception,

tandis que celle relative à l'immeuble de Neuilly-sur-Seine expose :

- l'entrée,

- l'escalier montant,

- la mezzanine et son billard,

- une chambre avec terrasse ;

Et considérant qu'il résulte de l'examen, auquel la cour s'est livrée, des photographies litigieuses, que leur auteur a procédé, incontestablement, à des choix délibérés tenant à l'objectif visé, à l'angle de la prise de vue, au cadrage, à l'éclairage, au jeu de la lumière et des volumes, de manière à créer des effets de perspective plongeante, à faire ressortir des contrastes de couleurs et de reliefs, à mettre en exergue tel élément ou tel fragment de l'ensemble saisi ;

Qu'il s'ensuit que la démarche globale du photographe, qui s'inscrit dans la recherche d'un résultat esthétique et procède d'un effort créatif, n'est pas celle d'un technicien, ainsi que le soutient à tort la société SOTRAM, mais d'un artiste qui exprime à travers le résultat obtenu sa sensibilité personnelle et le talent qui lui est propre ;

Qu'il s'ensuit que les photographies en cause présentent le caractère d'originalité requis pour bénéficier de la protection conférée aux oeuvres de l'esprit par les dispositions légales précitées ;

Considérant, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, que la société SOTRAM ne conteste pas que ces photographies ont été divulguées et exploitées sous le nom de la société IMMO 33 et ne discute pas davantage que cette dernière, en l'absence de revendication de l'auteur, est présumée à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, titulaire, sur les oeuvres concernées, des droits patrimoniaux de l'auteur ;

Considérant qu'il résulte des constatations de la cour que le catalogue de vente du second semestre 2006 de la société SOTRAM reproduit à l'identique les quatre photographies de la plaquette publicitaire de la société IMMO 33 relative au bien immobilier de l'[...] ainsi que les quatre photographies de la plaquette publicitaire du bien immobilier de Neuilly-sur-Seine ;

Qu'une telle circonstance suffit à caractériser la contrefaçon sans qu'il y ait lieu de faire cas de l'argumentation de la société SOTRAM, mettant en avant des différences, dénuées de toute pertinence, dans la mise en page du commentaire descriptif et dans la police des caractères ;

Qu'il résulte en effet de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, que la contrefaçon est constituée par toute représentation, reproduction ou exploitation de l'oeuvre faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause ;

Que, par voie de conséquence, la reproduction par la société SOTRAM des photographies originales composant les plaquettes publicitaires de la société IMMO 33 réalise au préjudice de celle-ci une contrefaçon ainsi que l'a retenu à raison le tribunal ;

Sur la concurrence déloyale,

Considérant que force est de relever que la société SOTRAM, outre qu'elle a reproduit les photographies originales ainsi qu'il a été précédemment relevé pour retenir la contrefaçon, a disposé ces photographies selon la même mise en page que celle observée sur les plaquettes publicitaires de la société IMMO 33 et les a accompagnées d'un commentaire descriptif qui reprend mot pour mot le texte des plaquettes publicitaires de la société IMMO 33 ;

Considérant que ces faits, distincts de la contrefaçon, ont permis à la société SOTRAM de profiter indûment des investissements financiers et humains auxquels la société IMMO 33 a consenti pour la réalisation de sa campagne promotionnelle et caractérisent une captation parasitaire, contraire à un exercice paisible et loyal de la liberté du commerce ;

Considérant, de surcroît, qu'il ressort des propres écritures de la société SOTRAM (page 3), que celle-ci s'est appropriée et a exploité les plaquettes promotionnelles de la société IMMO 33 alors qu'elle n'était investie, pour les immeubles promus, d'aucun mandat de vente au sens de la loi du 2 janvier 1970 ;

Qu'une telle pratique, consistant à gonfler le volume de ses références et visant ainsi à renforcer son pouvoir d'attraction et à consolider son image auprès de la clientèle, caractérise au préjudice de la société IMMO 33, régulièrement mandatée pour les références en cause, une concurrence déloyale ;

Que le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a écarté le grief de concurrence déloyale ;

Sur les mesures réparatrices,

Considérant que le tribunal a procédé, au regard des circonstances de la cause, notamment de la dépense exposée par la société IMMO 33 pour la conception et la réalisation de la publicité en cause, à une juste évaluation du préjudice de contrefaçon en fixant à 22.100 euros le montant des dommages-intérêts ;

Considérant que les actes de concurrence parasitaire et déloyale ouvrent droit à réparation pour la société IMMO 33 qui se verra allouer de ce chef la somme de 20. 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur les autres demandes,

Considérant que l'équité ne commande de faire droit aux demandes respectivement formées au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du 29 juillet 2009 tel que rectifié par le jugement du 20 avril 2010, sauf en ce qu'il a débouté la société IMMO 33 de sa demande en concurrence déloyale,

Statuant à nouveau du chef réformé,

Condamne la société SOTRAM à payer à la société IMMO 33 la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,

Déboute du surplus des demandes,

Condamne la société SOTRAM aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.