Livv
Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 18 mai 2021, n° 20/00060

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Office De Tourisme Du Massif Du Sancy (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Marcelin

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

TGI Clermont-Ferrand, du 17 sept. 2019, …

17 septembre 2019

EXPOSE DES FAITS DE LA PROCEDURE ET DES MOYENS DES PARTIES :

Selon contrat en date du 22 mars 2010, l'office de tourisme du Sancy a demandé à Monsieur Thomas M. de réaliser une oeuvre originale, éphémère et inédite destinée à être présentée du 26 juin au 19 octobre 2010 dans le cadre de Horizons ' Rencontres Arts Nature 2010.

Monsieur Thomas M. livrait son oeuvre intitulée DORDONHA VIPERINAE, serpent monumental de plus de 70 mètres de long, faite d'une structure légère en métal et bois, et d'environ 5.000 tuiles d'ardoise, se déployant le long de la Dordogne.

Monsieur Thomas M. percevait une rémunération forfaitaire d'un montant de 8.000 euros comprenant la réalisation de l'oeuvre, son installation et sa promotion.

L'oeuvre était maintenue au delà du 19 octobre 2010 et Monsieur Thomas M. percevait une nouvelle indemnité forfaitaire de 1.000 euros pour chacune des années 2011 et 2012, puis de 1.500 euros pour chacune des années 2013 et 2014, au titre de la restauration de 1'oeuvre, en particulier du corps du serpent abîmé par les conditions climatiques.

En 2015, le Maire de la commune du Mont-Dore décidait unilatéralement de la fin de l'exposition. Monsieur Thomas M. donnait son accord de principe pour la désintallation de son oeuvre par les Services Techniques Municipaux, mais ne parvenait pas à en reprendre possession et ce, malgré différentes demandes amiables, puis mise en demeure écrite en date du 6 septembre 2016.

Saisi par Monsieur Thomas M., le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand rejetait ses demandes de restitution sous astreinte au motif de l'existence de contestations sérieuses.

Par acte en date du 08 février 2018, Monsieur Thomas M. a fait assigner l'Office de Tourisme du Nancy à l'effet d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice matériel subi, outre une somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral et une somme de 1.500 euros sur 1e fondementde1'artic1e 700 du code code de procédure civile.

Par jugement rendu le 17 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :

- débouté Monsieur Thomas M. de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur Thomas M. à verser à l'Office de Tourisme du massif du Nancy la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur Thomas M. aux entiers dépens.

Par déclaration électronique du 08 janvier 2020, Monsieur Thomas M. a interjeté appel de cette décision en ce que la décision a :

- débouté Monsieur Thomas M. de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer et porter à l'Office du Tourisme du Massif du Sancy la somme de 1.000 € sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile comme aux entiers dépens de l'instance.

Il conviendra d'annuler ladite décision rendue le 17 septembre 2019, le Premier Juge, bien qu'ayant rappelé les dispositions de l'article 1215 du Code Civil, a considéré que le contrat entre Monsieur M. et l'Office du Tourisme du Massif du Sancy conclu le 22 mars 2010 ne s'étant pas renouvelé par tacite reconduction mais qu'au contraire le contrat a cessé au 31 décembre 2010 sans néanmoins sanctionner l'Office du Tourisme du Massif du Sancy qui bien qu'ayant obligation de rendre la chose reçue dans l'état ou elle se trouvait aux termes du contrat ne l'a pas fait.

Opérant manifestement une confusion entre l'Office de Tourisme du Massif du Sancy et la Mairie du MONT DORE, la juridiction de première instance semble inviter Monsieur M. à se retourner à l'encontre de cette entité morale, et ce alors même qu'il n'existe aucun contrat liant les parties.

Monsieur Thomas M. est donc bien fondé à interjeter appel de la décision critiquée afin qu'il soit statué de nouveau sur ses demandes et que faisant application des Articles L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, 1921 et suivants du Code Civil, 1927 et suivants du Code Civil, 1932 et suivants du Code Civil, l'Office du Tourisme du Massif du Sancy ayant gravement manqué à ses obligations contractuelles, soit condamnée à indemniser Monsieur Thomas M. de ses différents postes de préjudices subis à hauteur de 50.000 € en réparation du préjudice matériel, 10.000 € en réparation de son préjudice moral et que l'intégralité des frais engagés pour faire valoir ses droits soient mis a la charge a hauteur de 1.500 € de l'Office du Tourisme du Massif du Nancy.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 31 mars 2020, Monsieur Thomas M. demande à la cour de :

« - Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur Thomas M. à l'encontre du jugement rendu le 17 SEPTEMBRE 2019 par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND.

En conséquence,

Vu le contrat de droit privé liant les parties en date du 22 MARS 2010,

Vu les dispositions des Articles L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, 1921 et suivants du Code Civil, 1927 et suivants du Code Civil, 1932 et suivants du Code Civil, 1351 et suivants du Code Civil,

- Annuler purement et simplement le jugement critiqué.

- Déclarer recevable et bien fondée l'action en responsabilité contractuelle engagée par Monsieur Thomas M. a l'encontre de l'Office de Tourisme du MASSIF DU SANCY.

- Dire que l'Office de Tourisme du SANCY a gravement manqué à ses obligations contractuelles de garde et restitution de l'oeuvre DORDONHA VIPERINAE à son auteur, Monsieur Thomas M..

- En conséquence, indemniser les différents postes de préjudices subis par Thomas M. en condamnant l'Office du Tourisme du SANCY à lui payer et verser :

- 50.000 euros en réparation du préjudice matériel subi.

- 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi.

- A titre subsidiaire et si la présente juridiction ne se considérait pas suffisamment informée, ordonner une mesure d'expertise confiée à tel Expert qu'il plaira tels galiériste ou commissaire-priseur afin que soit estimée de manière contradictoire la valeur artistique et pécuniaire de l'oeuvre dont s'agit dont Monsieur Thomas M. est l'auteur.

- Condamner l'Office du Tourisme du Sancy à payer à Monsieur M. une indemnité de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner l'Office du Tourisme du Sancy aux entiers dépens. »

Par conclusions déposées par voie électronique le 09 avril 2020, l'Office du Tourisme du Massif du Sancy demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL

- DEBOUTER Monsieur M. de l'intégralité de ses demandes

- CONFIRMER le jugement du 17 septembre 2019

A TITRE SUBSIDIAIRE

- RAMENER à de plus justes proportions les montants des dommages et intérêts sollicités par Monsieur M.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER Monsieur M. à payer à l'Office de Tourisme du Massif du SANCY la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- CONDAMNER Monsieur M. aux entiers dépens. »

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

La clôture de la présente instance a été prononcée le 11 février 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la demande principale :

Les trois premiers alinéas de l'article L.111- du code de la propriété intellectuelle disposent que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.

L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n'est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l'auteur de l'oeuvre de l'esprit est un agent de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale, de la Banque de France, de l'Institut de France, de l'Académie française, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, de l'Académie des sciences, de l'Académie des beaux-arts ou de l'Académie des sciences morales et politique.

Aux termes de l'article 1710 du code civil, le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

Il résulte des pièces versées aux débats que l'office du tourisme du Nancy, organisateur, a conclu avec Monsieur Thomas M., artiste, un contrat par lequel l'organisateur chargeait l'artiste de réaliser une oeuvre éphémère originale et inédite destinée à être présentée dans le cadre de Horizons-Rencontres Art Nature 2010 programmée du 26 juin au 19 septembre 2010. La réalisation et son installation s'effectuera entre le 1er mai et le 20 juin 2010 et l'artiste s'engage à venir désinstaller son oeuvre à la fin de l'événement entre le 20 septembre et le 10 octobre 2010. La rémunération était fixée à la somme de 8.000 euros et le contrat prenait fin le 31 décembre 2010.

Le contrat précise que 'l'oeuvre est pensée éphémère : sa durée de vie à compter de l'installation de l'oeuvre est celle de l'événement qui s'achève le 19 septembre 2010. Les conditions climatiques pouvant être extrêmes (vent violent, pluie forte, grêle possible l'été, neige tardive parfois jusqu'en mai) les artistes s'engagent à tout mettre en oeuvre pour que les oeuvres réalisées résistent aux intempéries'.

En raison de la durée de vie limitée de l'oeuvre, le contrat conclu par les parties est un contrat de commande relevant de l'article 1710 du code civil et des dispositions du code de la propriété intellectuelle et non un contrat de dépôt comme le soutient Monsieur Thomas M.. Au surplus, l'article 1215 nouveau du code civil n'est pas applicable à ce contrat conclu en 2010.

Il n'est pas contesté que l'exposition de l'oeuvre intitulée Drodonha Viperinae s'est poursuivie jusqu'en 2014 et Monsieur Thomas M. a perçu la somme de 1.000 euros en 2011 et 2012 par virement de la Trésorerie du Mont-Dore intitulé 'restauration oeuvre Dordonha Viperinae commune du Mont-Dore', la somme de 1.500 euros en 2013 et celle de 2.500 euros en 2014.

Manifestement, le contrat s'est poursuivi avec la mairie du Mont-Dore comme le confirme Monsieur Thomas M. dans un courrier adressé le 06 septembre 2016 à Madame Christine B., directrice générale des services de la mairie du Mont-Dore à laquelle il écrit 'votre mairie avait toutefois choisi de prolonger l'exposition de l'oeuvre en me chargeant de la restaurer plusieurs années durant avec l'aide des services techniques pour la somme de 1.500 euros. Hormis ces frais de restauration (la mairie avait également pris à sa charge le remplacement des tuiles endommagées ou volées), j'ai donc consenti entre 2010 et 2014 à vous prêter gracieusement mon oeuvre'.

Dans un courriel en date du 04 mars 2013 adressé à Madame Magalie M., responsable de l'événement Horizons-Rencontres Arts Nature, Monsieur Thomas M. écrivait ,'mon travail en effet est le seul à ma connaissance qui soit encore installé tel quel et restauré chaque année par la volonté de la municipalité concernée'. Madame Magalie M. lui répondait par courriel du même jour 'au sujet de la restauration de votre oeuvre chaque année et du bénéfice nul dont vous en retirez, je ne peux que malheureusement pas vous apporter de réponse car ce dossier est géré directement par la mairie du Mont-Dore. Vous êtes en contact avec la mairie du Mont-Dore et je pense que si cela est important pour vous, il faut l'aborder avec votre contact direct'.

Dans les courriels en date des 29 mai 2012 et 13 mai 2013, Monsieur Thomas M. lui écrivait qu'il restaurait son oeuvre avec 'une équipe de la mairie'. L'office du tourisme du Sancy chargé de l'exposition Horizons-Rencontres Art Nature a seulement continué de communiquer sur l'oeuvre de Monsieur Thomas M. mise à la disposition de la commune du Mont-Dore en 2011, 2012, 2013 et 2014 comme le démontrent les échanges de courriels entre Madame Magalie M. et l'artiste.

Dans le courrier précité adressé à la mairie du Mont-Dore le 06 septembre 2016, Monsieur Thomas M. 'avait exprimé mon accord de principe à Magalie M. l'organisatrice de l'événement Horizons Sancy pour le démantèlement de mon oeuvre par les services techniques de votre mairie. C'est sans m'en avertir que vous avez début 2016 fait le choix d'ordonner le démantèlement, empêchant de fait ma présence et les précautions requises pour les parties lourdes et fragiles, en particulier pour la tête de la bête'.

Ainsi, le contrat conclu avec l'office du tourisme du Sancy a pris fin le 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrat, Monsieur Thomas M. a fait le choix de prêter son oeuvre gracieusement à la commune du Mont-Dore qui a assumé le coût de la restauration chaque année jusqu'à la fin de l'année 2014. L'office du tourisme ne peut être tenu responsable de la perte de l'oeuvre qui a été confiée à la commune à laquelle l'artiste avait donné son accord de principe pour le démantèlement.

En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé.

Sur les demandes accessoires :

Il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la part de ses frais irrépétibles.

Monsieur Thomas M. sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 17 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand

Dit que chaque partie conservera la part de ses frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne Thomas M. aux entiers dépens qui seront recouvrés comme il est dit en matière d'aide juridictionnelle.