CA Paris, 16e ch. A, 19 mars 2008, n° 06/19830
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Eurotribal (SARL)
Défendeur :
Gelateria Cafe Menilmontant (SARL), Fernandez
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaboriau
Conseillers :
Mme Imbaud-Content, M. Peyron
Avoués :
SCP Guizard, SCP Bolling - Durand - Lallement
Avocats :
Me Kreps, Me Fougere, Me Berrada
I- EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 9 février 2006, la Sarl EUROTRIBAL a consenti à la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT en cours de formation, représentée par son gérant Emmanuel FERNANDEZ, une promesse de cession du droit au bail d'une boutique située [...].
La Cour statue sur l'appel interjeté par la Sarl EUROTRIBAL du jugement rendu le 2 novembre 2006 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :
- Dit que la promesse de cession de droit au bail n'est pas entachée de nullité,
- Prononcé la résiliation de cette promesse,
- Ordonné à Maitre Richard ARBIB, séquestre amiable, de restituer à la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT, ayant pour gérant Emmanuel FERNANDEZ, la somme de 14 500 € versée entre ses mains au titre de l'indemnité d'immobilisation,
- Condamné la Société EUROTRIBAL à verser à la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT ayant pour gérant Emmanuel FERNANDEZ, la somme de 20 000 € au titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial,
- Condamné la Société EUROTRIBAL à verser à la Société GELATERIA CAFE MENII.MONTANT ayant pour gérant Emmanuel FERNANDEZ, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres,
- Condamné la SOCIETE EUROTRIBAL au paiement des dépens.
Dans ses dernières conclusions du 29 octobre 2007, la Sarl EUROTRIBAL demande à la Cour de :
- Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 2 Novembre 2006 en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,
- Dire que la promesse de cession de droit au bail du 9 Février 2006 est nulle pour incapacité de contracter de la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT par application des articles 210-6 alinéa 1 du Code de Commerce et 1 108 du Code Civil,
- Subsidiairement, dire que la promesse de cession de droit au bail du 9 Février 2006 encourt la nullité par application de l'article 1591 du Code Civil pour indétermination du prix de cession,
- Très subsidiairement, vu les articles 1109 et suivants du Code Civil , prononcer la nullité de la promesse de cession de droit au bail du 9 Février 2006 pour vice du consentement aux torts et griefs exclusifs de Monsieur Emmanuel FERNANDEZ,
- Dire qu'en conséquence de la nullité de la promesse de cession de droit au bail du 9 Février 2006, doit être restitué à Monsieur FERNANDEZ le chèque de 14 500 € correspondant à l'indemnité d'immobilisation réglée par la société dénommée GELATERIA CAFE MENILMONTANT,
- En vertu de l'article 1382 du Code Civil, condamner Monsieur FERNANDEZ à dédommager la Société EUROTRIBAL du préjudice matériel causé par la nullité de la promesse de cession de droit au bail du 6 février 2006 en lui versant la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,
- Débouter Monsieur FERNANDEZ et la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner Monsieur FERNANDEZ à payer à la société EUROTRIBAL la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamner Monsieur FERNANDEZ aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP GUIZARD, avoué.
- Dans ses dernières conclusions du 21 novembre 2007, Emmanuel FERNANDEZ demande à la Cour de :
- Débouter l'EURL EUROTRIBAL de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- Déclarer l'incident sans fondement,
- Constater que Monsieur Emmanuel FERNANDEZ est co-contractant à titre personnel dans le compromis de cession de droit au bail,
- Constater qu'il s'est en sus substitué à la SARL GELATERIA CAFE MENILMONTANT aux droits de laquelle il intervient, et qui doit être déclarée hors de cause,
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a désigné par erreur la SARL GELATERIA CAFE MENILMONTANT en qualité de bénéficiaire des dispositions dudit jugement,
- Confirmer les condamnations prononcées aux termes dudit jugement et dire qu'elles interviendront au profit de Monsieur Emmanuel FERNANDEZ.
- En conséquence, confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 novembre 2006 comme suit :
·
- DIRE que l'acte de promesse de cession de droit au bail est parfait et exempt de tout vice,
- ORDONNER la résiliation de l'acte de promesse de cession de droit au bail aux torts exclusifs de la société EUROTRIBAL,
- ORDONNER à Maître Richard ARBIB, séquestre amiable, de restituer à Monsieur Emmanuel FERNANDEZ la somme de 14 500 € versée entre ses mains à titre d'indemnité d'immobilisation,
- CONDAMNER la société EUROTRIBAL au paiement de la somme de 14 500 € à Monsieur FERNANDEZ à titre d'indemnité contractuelle d'immobilisation,
- CONDAMNER la société EUROTRIBAL au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 100 000 € à Emmanuel FERNANDEZ au titre du préjudice subi et du manque à gagner,
- CONDAMNER la Société EUROTRIBAL au remboursement des frais exposés par la SARL GELATERIA CAFE MENILMONTANT en formation et par Monsieur Emmanuel FERNANDEZ, soit la somme totale de 4 721,73 €,
- CONDAMNER la Société EUROTRIBAL à verser à Monsieur FERNNADEZ la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- CONDAMNER la Société EUROTRIBAL aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, Avoué près la Cour d'Appel de Paris.
II - MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant qu'Emmanuel FERNANDEZ avait décidé avec un certain Pascal MAIRE de constituer une société dénommée 'Gelateria Cafe Menilmontant' à l'enseigne 'ice to ice' ;
Qu'il résulte du projet de statuts, qui n'a jamais été signé, que cette Sarl devait avoir une activité de glacier, que son siège devait être fixé au [...], que son capital, de 8 000 €, devait être apporté à concurrence de 7 700 € par Emmanuel FERNANDEZ et pour 100 € par son associé, qu'Emmanuel FERNANDEZ en devait être nommé gérant ;
Qu'il en ressort encore que les associés devaient autoriser la gérance 'à contracter les engagements suivants pour le compte de la société et au besoin autoris[er] son gérant, Monsieur Emmanuel FERNANDEZ, à se substituer à elle dans tous ses droits et actions (...) signature du compromis de l'acte d'acquisition de droit au bail sis [...] au prix qu'il estimera utile, ce en vue de l'acquisition du droit au bail des locaux indiqués ci-dessus. À défaut de l'immatriculation de la société au Registre du Commerce et des Sociétés, Monsieur Emmanuel FERNANDEZ est autorisé à se substituer personnellement aux droits et actions de la société' ;
Que c'est dans ces conditions qu'au mois de janvier 2006, Emmanuel FERNANDEZ est entré en relations avec la Société EUROTRIBAL, qui proposait à la vente un droit au bail pour une boutique située [...] ;
Qu'après négociations avec le concours d'un avocat conseil pour chacune des parties, une promesse de vente pour la somme de '145 000 € toutes causes confondues' a été signée le 9 février 2006 dans l'après-midi au cabinet de l'avocat d'Emmanuel FERNANDEZ ;
Que dès le lendemain les parties se sont opposées sur le contenu du prix convenu, Emmanuel FERNANDEZ estimant qu'il incluait le montant du dépôt de garantie versé au bailleur, soit 38 000 €, et la Société EUROTRIBAL le contraire, soutenant que la convention laissait à la charge de l'acquéreur l'obligation de la verser au bailleur ; que les positions ont été formalisées en ce sens le 10 février 2006 par un courrier de l'avocat d'EUROTRIBAL adressé à celui d'Emmanuel FERNANDEZ et le 13 février 2006 par un courrier en sens inverse ;
Que le 10 février 2006, Emmanuel FERNANDEZ faisait enregistrer la promesse de vente ;
Que le 23 février 2006, l'avocat d'Emmanuel FERNANDEZ faisait parvenir à son confrère un chèque de 14 500 € correspondant à l'indemnité d'immobilisation ;
Qu'Emmanuel FERNANDEZ signait le 8 mars 2006 un contrat avec un architecte, et obtenait le même jour du bailleur un engagement de déspécialisation par courrier en contrepartie d'une indemnité de 35 000 € ;
Que le 10 mars 2006, Emmanuel FERNANDEZ faisait sommation à la société EUROTRIBAL de se présenter à la signature de l'acte de cession de droit au bail le lundi 13 mars 2006 à 14:00 au cabinet de son avocat ;
Qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 13 mars 2006 établissait la défaillance du promettant ;
Considérant que c'est dans ces conditions que le 14 mars 2006 la Sarl EUROTRIBAL assignait Emmanuel FERNANDEZ, pris en sa qualité de gérant de la société en formation GELATERIA CAFE, aux fins d'annulation de la promesse de vente du 9 mars 2006 et que le jugement critiqué a été rendu ;
*
Considérant que pour demander l'infirmation du jugement, la Sarl EUROTRIBAL soulève la nullité de la promesse de cession du droit au bail du 9 février 2006 ;
Considérant qu'elle soutient en premier lieu que cet acte est nul pour incapacité de contracter de la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT par application des articles 210-6 alinéa 1 du Code de Commerce et 1108 du Code Civil ;
Mais considérant que s'il est constant qu'à la suite de l'absence de signature de l'acte de cession de droit au bail le 13 mars 2006 la société GELATERIA CAFE MENILMONTANT n'a pas été immatriculée au registre du commerce et n'a pas acquis la personnalité morale, il reste qu'à la date du 9 février 2006 elle était en cours de formation et que c'est, dès lors, très régulièrement qu'Emmanuel FERNANDEZ, personne qui agissait en son nom au sens des articles 1843 du Code civil et L. 210-6 du Code de commerce, a signé l'acte incriminé ;
Considérant que l'appelante soutient en deuxième lieu que la promesse de cession de droit au bail du 9 Février 2006 encourt la nullité par application de l'article 1591 du Code Civil pour indétermination du prix de cession ;
Qu'à cet égard elle fait valoir que la stipulation du prix de 145 000 € toutes causes confondues ne permet pas de déterminer si ce prix intègre ou non le montant du dépôt de garantie de 38 000 € ;
Mais considérant que la convention du 9 février 2006 comporte 13 articles ;
Que l'article VII, relatif au PRIX, précise :
Cette cession de droit au bail sera faite moyennant le prix de 145 000 €, toutes causes confondues
Que si cet article ne comporte aucune stipulation expresse relative au dépôt de garantie, il en va différemment de l'article V relatif aux conditions générales qui comporte les stipulations suivantes :
Le bénéficiaire deviendra le propriétaire et bénéficiaire du dépôt de garantie aux lieu et place du promettant, et ce, par le paiement du prix global et forfaitaire comme indiqué ci-après.
Puis :
(...) Étant ici précisé que le dépôt de garantie actuellement détenu entre les mains du bailleur reviendra au bénéficiaire même en cas de signature d'un nouveau bail commercial.
Qu'il découle explicitement de la lecture de ces clauses, peu important qu'elles ne se situent pas dans la même section du contrat, que le prix de 145 000 €, qui intègre le montant du dépôt de garantie dont la propriété est transférée au bénéficiaire, n'est pas indéterminé ;
Considérant, en troisième lieu, que l'appelante soutient avoir commis une erreur en ayant cru que le prix de 145 000 € ne comprenait pas le montant du dépôt de garantie ; qu'elle indique que les deux clauses ci-dessus examinées de l'article V ont été ajoutées sournoisement le jour même de la promesse de vente, alors que l'avocat du bénéficiaire ne lui en aurait pas donné lecture et que son propre avocat n'a pu être présent au moment de la signature ;
Considérant, sur ce point, qu'ont été produits aux débats plusieurs projets de la promesse de cession de droit au bail adressés par fax par l'avocat du bénéficiaire à l'avocat du promettant le 8 février 2006 à 21:40, le 9 février 2006 à 19:25 et le 9 février 2006 à 19:56, comportant des annotations manuscrites tendant à l'approbation ou à la modification de clauses du bail ;
Que de très nombreuses clauses ont été ainsi maintenues, modifiées ou précisées ;
Qu'il convient d'examiner dans un tableau comparatif l'évolution des clauses relatives aux conditions générales et au prix qui intéressent le litige :
Article | projet du 8/2/06 à 21:40 | projet du 9/2/06 à 19:25 | projet du 9/2/06 à 19:56 |
conditions générales | (...) La présente cession est faite sous les conditions suivantes que le cessionnaire s'oblige à exécuter et accomplir, savoir : 1°) il exécutera, aux lieu et place du cédant, toutes les clauses, loyers, charges et conditions dont l'accomplissement leur incombait aux termes du bail, étant ici précisé qu'un nouveau bail commercial devra être établi au profit du bénéficiaire avec pour activité tout commerce et dans les charges d'usage. La présente promesse de cession est faite sous les conditions suivantes que le bénéficiaire s'oblige à exécuter et accomplir, savoir : (...) 3°) Il fera son affaire personnelle, en fin de bail, de la remise des lieux au propriétaire dans l'état ou ce dernier aura le droit de les exiger en vertu des stipulations du bail ou de tous états des lieux qui auraient pu être dressés. | (...) La présente cession est faite sous les conditions suivantes que le cessionnaire s'oblige à exécuter et accomplir, savoir : 1°) il exécutera, aux lieu et place du cédant, toutes les clauses, loyers, charges et conditions dont l'accomplissement leur incombait aux termes du bail, étant ici précisé qu'un nouveau bail commercial devra être établi au profit du bénéficiaire avec pour activité tout commerce et dans les charges d'usage. Le bénéficiaire deviendra le propriétaire et bénéficiaire du dépôt de garantie aux lieu et place du promettant, et ce, par le paiement du prix global et forfaitaire comme indiqué ci-après. La présente promesse de cession est faite sous les conditions suivantes que le bénéficiaire s'oblige à exécuter et accomplir, savoir : (...) 3°) Il fera son affaire personnelle, en fin de bail, de la remise des lieux au propriétaire dans l'état ou ce dernier aura le droit de les exiger en vertu des stipulations du bail ou de tous états des lieux qui auraient pu être dressés. | (...) La présente cession est faite sous les conditions suivantes que le cessionnaire s'oblige à exécuter et accomplir, savoir : 1°) il exécutera, aux lieu et place du cédant, toutes les clauses, loyers, charges et conditions dont l'accomplissement leur incombait aux termes du bail, étant ici précisé qu'un nouveau bail commercial devra être établi au profit du bénéficiaire avec pour activité tout commerce et avec les charges d'usage. Le bénéficiaire deviendra le propriétaire et bénéficiaire du dépôt de garantie aux lieu et place du promettant, et ce, par le paiement du prix global et forfaitaire comme indiqué ci-après. La présente promesse de cession est faite sous les conditions suivantes que le bénéficiaire s'oblige à exécuter et accomplir, savoir : (...) 3°) Il fera son affaire personnelle, en fin de bail, de la remise des lieux au propriétaire dans l'état ou ce dernier aura le droit de les exiger en vertu des stipulations du bail ou de tous états des lieux qui auraient pu être dressés, étant ici précisé que le dépôt de garantie actuellement détenu entre les mains du bailleur reviendra au bénéficiaire même en cas de signature d'un nouveau bail commercial. |
prix | Cette cession de droit au bail sera faite moyennant le prix de 145 000 €, toutes clauses confondues. Le prix sera payable au comptant le jour de la signature de l'acte de cession de droit au bail | Cette cession de droit au bail sera faite moyennant le prix faite moyennant le prix de 145 000 €, toutes clauses confondues. Le prix sera payable au comptant le de jour de la signature de l'acte de de droit au bail. À ce titre et par le paiement comptant du prix indiqué ci-dessus, le bénéficiaire se substitue et bénéficie de tous les droits et actions du promettant auprès du bailleur, et même en cas de signature d'un nouveau bail commercial | Cette cession de droit au bail sera faite moyennant le prix faite moyennant le prix de 145 000 €, toutes clauses confondues. Le prix sera payable au comptant le jour de la signature de l'acte de cession de droit de bail. À ce titre et par le paiement comptant du prix indiqué ci-dessus, le bénéficiaire se substitue et bénéficie de tous les droits et actions du promettant auprès du bailleur, et même en cas de signature d'un nouveau bail commercial |
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la première version du 8 février 2006 de la promesse était totalement taisante sur la question du dépôt de garantie, ne permettant pas de déterminer si celui-ci devait être, ou non, compris dans le prix de 145 000 € ;
Que ce sont les modifications apportées à deux reprises le 9 février 2006 qui ont permis de préciser expressément que le dépôt de garantie était intégré dans le prix global ;
Considérant que le promettant soutient que ces clauses ont été ajoutées 'sournoisement' ;
Considérant que le bénéficiaire observe que les deux dernières versions du document ont été adressées par fax à l'avocat du promettant et que celui-ci les a retournées sans observations, et avec sa signature sur toutes les pages en ce qui concerne la dernière version ; qu'il ajoute que l'acte a été ensuite relu et contrôlé avant signature ;
Considérant que le promettant rétorque que son avocat, qui a porté son attention sur les seules clauses en discussion, n'a pas eu son attention attirée sur ces modifications qui n'étaient pas envisagées ;
Considérant que le seul examen des actes et des affirmations contraires des parties ne permet pas de se prononcer utilement ;
Qu'en matière commerciale la preuve se fait par tous moyens ;
Considérant que sont produites aux débats une lettre du 25 novembre 2005 adressée par l'ÉTUDE DES VOSGES confirmant la commercialisation du droit au bail litigieux pour le prix de 160 000 € net vendeur avec (...) le versement en sus d'un dépôt de garantie de 35 734 € correspondant à 6 mois de loyer, outre l'attestation d'un client de cette agence qui atteste que celle-ci lui a proposé le 8 décembre 2005 ce bail pour la somme de 188 700 €, frais d'agence inclus et dépôt de garantie non compris ; qu'il est ainsi établi qu'à l'origine le vendeur n'entendait pas comprendre le dépôt de garantie dans un prix de vente envisagé à 160 000 € ;
Considérant qu'au 8 février 2006, date du premier projet de promesse de cession, rien ne permet de supposer que le promettant ait modifié son intention initiale, alors qu'aucune clause ne figurait dans ce projet quant au dépôt de garantie ;
Qu'il ne peut être qu'observé que le prix de 145 000 € était déjà inférieur de près de 10% à celui initialement souhaité par le vendeur, et que retirer encore un montant de 35 000 € aurait signifié une baisse de 50 000 €, qui aurait, alors, été très importante ;
Qu'il existe, dès lors, des présomptions sérieuses de ce qu'au 8 février 2006 le promettant n'avait pas l'intention d'inclure le dépôt de garantie dans le prix de 145 000 € ;
Considérant que le 9 février 2006, les termes de la promesse de cession ont été modifiés en intégrant expressément, bien que par une clause séparée, le montant du dépôt de garantie dans le prix de vente ;
Qu'il est acquis que l'avocat du promettant a examiné avec attention les projets successifs de promesses qui lui ont été adressés et les a annotés, obtenant plusieurs modifications et précisions ; qu'il est aussi certain qu'il a signé toutes les pages du dernier projet avant de le retourner par fax ; qu'enfin le promettant lui-même a ensuite signé toutes les pages de la promesse définitive ;
Considérant, cependant, que rien ne permet de comprendre pourquoi, et comment, ce jour là le promettant et son avocat auraient accepté d'inclure le montant du dépôt de garantie dans le prix de vente ;
Qu'il n'est pas allégué une quelconque contrepartie concédée par le bénéficiaire à cette modification substantielle de l'équilibre contractuel ;
Qu'aussi, alors qu'il est acquis, notamment par de nombreuses mentions manuscrites, que le promettant et son avocat ont été pointilleux sur des détails de rédaction de la convention, on n'explique pas que cette clause substantielle, contraire à l'intention initiale, n'ait pas fait l'objet de discussions et d'annotations avant et pendant leur rédaction ;
Qu'enfin, on ne peut que noter les termes forts et indignés du courrier adressé dès le 10 février 2006 par l'avocat du promettant à celui du bénéficiaire, que rien ne justifierait si un accord parfait s'était réalisé la veille ;
Considérant, en définitive, que la Cour constate que les consentements des parties ne se sont pas parfaitement rencontrés lors de la signature de la promesse de cession du droit au bail du 9 février 2006 ; que cette absence de consentement ne porte pas seulement sur le prix de la convention, mais aussi sur son objet, l'une des parties estimant qu'il incluait le dépôt de garantie et l'autre non ; que dans ces conditions la nullité de la convention ne peut qu'être prononcée ;
Considérant qu'il n'est pas établi que cette absence de rencontre des consentements soit imputable à faute d'Emmanuel FERNANDEZ ; que la Sarl EUROTRIBAL sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Que succombant Emmanuel FERNANDEZ supportera tous les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort,
I Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
II Prononce la nullité de la promesse de cession de droit au bail du 9 février 2006,
III Ordonne la restitution à Emmanuel FERNANDEZ de la somme de 14 500 € que celui-ci a versée à Maître Richard ARBIB à titre d'indemnité d'immobilisation,
IV Condamne Emmanuel FERNANDEZ à payer à la Sarl EUROTRIBAL une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
V Condamne Emmanuel FERNANDEZ aux dépens dont distraction au profit de la Scp GUIZARD, avoué.