CA Paris, 16e ch. B, 29 mai 2008, n° 07/02234
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Kuzu France (SARL)
Défendeur :
Nouvelle La Maille Souple (SAS), Honore Royale (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouly De Lesdain
Conseillers :
M. Zavaro, M. Maubrey
Avoués :
SCP Fisselier - Chiloux - Boulay, Me Teytaud
Avocats :
Me Tascioglu-Tanguy, Me Bourdon, Me Santos
Vu le jugement rendu le 16 novembre 2006 par le tribunal de grande instance de PARIS.
Vu l'appel formé le 7 février 2007 par la Société KUZU FRANCE.
Vu les conclusions déposées le 7 juin 2007 par la Société KUZU FRANCE.
Vu les conclusions déposées le 27 mars 2008 par la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE.
Vu les conclusions déposées le 20 mars 2008 par la SCI HONORE ROYALE.
Vu l'ordonnance de clôture du 3 avril 2008.
Considérant que par acte du 15 juin 2005 la Société KUZU FRANCE a assigné devant le tribunal de grande instance de PARIS la SCI HONORE ROYALE, son bailleur, en paiement de dommages-intérêts par suite de la non réalisation - dont elle lui imputait la responsabilité - de la cession du bail sur l'immeuble du [...] qu'elle avait envisagé de céder à la Société KUZU FRANCE ;
Considérant que le tribunal de grande instance de PARIS a rendu le jugement déféré par lequel il a, entre autres dispositions, avec exécution provisoire :
- dit que la SCI HONORE ROYALE a commis une faute contractuelle en ne se présentant pas au rendez-vous de signature organisé à la suite de l'accord qu'elle avait donné au projet de cession de bail devant intervenir entre la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE et la Société KUZU FRANCE,
- condamné en conséquence la SCI HONORE ROYALE à payer à la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE la somme de 600'000 € au titre de l'absence de réalisation de cette cession et à la Société KUZU FRANCE la somme de 35'993,42 € au titre des frais engagés et du préjudice commercial subi par elle ;
Considérant que la SCI HONORE ROYALE demande à la cour de dire qu'elle n'a commis aucune faute et de débouter la Société KUZU FRANCE et la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE de leurs demandes de dommages-intérêts ;
Que la Société KUZU FRANCE et la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE concluent, au contraire, à la confirmation du jugement déféré sur la faute commise par la SCI HONORE ROYALE et demandent à la cour de condamner celle-ci à leur payer :
- à la Société KUZU FRANCE : 1'145'875 € pour perte de la clientèle, de la vente de stocks à perte et de la fermeture du magasin, 15'993 € pour frais de désinstallation et réinstallation des meubles et immeubles par incorporation, 20'000 € pour les désagréments liés à l'espoir perdu de voir se vendre le fonds de commerce qu'elle souhaitait céder,
- la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE : 4 millions d'euros pour le manque à gagner subi du fait de la non réalisation de la cession ;
Considérant que la SCI HONORE ROYALE justifie de la réalité de son siège social et de la domiciliation de ses gérants à l'adresse des lieux loués ; que l'irrecevabilité soulevée à cet égard ne peut donc prospérer ;
Considérant que la Société KUZU FRANCE est locataire depuis le 24 juillet 1997 de la SCI HONORE ROYALE pour un local commercial situé [...] à destination de commerce de vêtements de cuir et de commerce de peaux et fourrures à l'exclusion de tout autre ;
Considérant que par acte sous seing privé en date du 30 janvier 2004 une promesse synallagmatique de cession du droit au bail sous conditions suspensives était conclue entre la Société KUZU FRANCE et la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE exerçant sous l'enseigne 'Petit Bâteau' ;
Considérant que par courrier du 25 février 2004 la SCI HONORE ROYALE faisait part à la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE de son accord de principe sous diverses réserves que la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE acceptait sauf à connaître le montant prévisionnel des frais et honoraires à la charge du preneur et à trouver un accord 'sur les quelques modifications au bail demandées' ;
Considérant qu'un rendez-vous de signature était organisé le 26 juillet 2004 auquel la SCI HONORE ROYALE ne se présentait pas ;
Que malgré une sommation d'assister à un nouveau rendez-vous devant se tenir le 3 août 2004 et qui n'est pas contestée et qui était signifiée conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, la SCI HONORE ROYALE ne se déplaçait pas non plus ; qu'à cette date la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE renonçait à signer l'acte de cession estimant que l'absence de la SCI HONORE ROYALE ne permettait pas à l'ensemble des conditions suspensives d'être levées ;
Considérant qu'en cet état des seuls éléments utiles du dossier, la SCI HONORE ROYALE qui n'avait donné qu'un accord de principe à la cession du bail mais qui savait que la promesse conclue entre la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE et la Société KUZU FRANCE stipulait un accord express du bailleur sans contrepartie financière et son engagement de régulariser la cession a bien commis la faute contractuelle exactement et minutieusement décrite par les premiers juges, la Société KUZU FRANCE et la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE ne pouvant prendre le risque de réaliser la promesse conclue entre elles en l'absence et dans le silence du bailleur dont la position exacte sur l'avenir était ignorée ;
Considérant que la SCI HONORE ROYALE doit en conséquence réparer les préjudices subis par la Société KUZU FRANCE et par la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE dans la limite des justifications produites ;
Considérant que la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE ne peut justifier du montant du préjudice qu'elle réclame par rapport aux résultats des autres boutiques, ces résultats n'étant pas transposables de la moyenne des magasins en activité à la boutique qu'il était envisagé de créer ; que les premiers juges ont apprécié à sa juste valeur le préjudice subi par la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE du fait de l'impossibilité de réaliser la cession projetée ;
Considérant que la Société KUZU FRANCE ne justifie de son préjudice qu'à hauteur des frais engagés pour libérer le magasin et le réaménager à la suite de l'échec de la cession pour 15'993,42 €, somme à laquelle doit s'ajouter celle de 20'000 € équitablement appréciée par le tribunal à raison des désagréments liés à l'espoir perdu de vendre le fonds et l'obligation de débarrasser le magasin et de le réinstaller immédiatement après ;
Considérant que le jugement déféré sera ainsi confirmé dans toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les conclusions d'appel de la SCI HONORE ROYALE ;
Confirme le jugement déféré ;
Condamne la SCI HONORE ROYALE à payer à la Société KUZU FRANCE et à la Société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE, chacune, 5'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI HONORE ROYALE aux dépens avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile pour les avoués adverses.