Livv
Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 7 avril 2009, n° 07/01331

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Blanchard (Epoux), Blanchard 85 (SCI)

Défendeur :

BC Creations (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Du Rostu

Conseillers :

Mme Pignon, M. Charlon

Avoués :

SCP Paille & Thibault&Clerc, SCP Landry & Tapon

Avocats :

Me Iffenecker, Me Naux

CA Poitiers n° 07/01331

6 avril 2009

DEBATS :

A l'audience publique du 26 Mai 2008,

Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour êtres mise à disposition des parties au greffe le 30 Septembre 2008, date prorogée au 7 avril 2009,

Ce jour, a été rendu, Contradictoirement en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :

Par jugement en date du 2 mars 2007, le tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE, statuant dans un litige opposant la société BC CREATIONS à Monsieur Marcel BLANCHARD et à Madame Odile BLANCHARD (ci après les époux BLANCHARD), a notamment :

- condamné les époux BLANCHARD à payer à la société BC CREATIONS la somme de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouté la société BC CREATIONS du surplus de ses demandes de dommages et intérêts ;

- condamné les époux BLANCHARD à payer à la société BC CREATIONS la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par acte en date du 23 avril 2007 la société BC CREATIONS a régulièrement interjeté appel de cette décision, recours inscrit au rôle de la Cour sous le N° 07/01509;

Par acte en date du 10 avril 2007 les époux BLANCHARD ont régulièrement interjeté appel de cette décision, recours inscrit au rôle de la Cour sous le N° 07/01331 ;

Par ordonnance en date du 19 septembre 2007, Madame le Conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures ;

La SCI BLANCHARD 85 intervient volontairement aux débats ;

Vu les conclusions des époux BLANCHARD et de la SCI BLANCHARD 85 signifiées le 13 novembre 2007 et celles de la société BC CREATIONS signifiées le 11 avril 2008 auxquelles il est renvoyé pour un examen complet et détaillé des moyens et prétentions des parties ;

Aux termes de leurs conclusions les époux BLANCHARD et la SCI BLANCHARD 85 demandent à la Cour de débouter la société BC CREATIONS de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à, payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 12 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Aux termes de ses conclusions la société BC CREATIONS demande à la Cour de confirmer le jugement déféré sauf à condamner les époux BLANCHARD ou la SCI BLANCHARD 85 au paiement des sommes suivantes :

- 37 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 10 306, 54 euros au titre des frais inutilement exposés,

- 1 500 euros au titre du préjudice moral,

- 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2008 ;

SUR QUOI LA COUR

Attendu qu'il ressort des faits constants de la cause tels qu'ils sont établis par les écritures des parties et les documents versés aux débats :

- que le 13 avril 2001 la société BC CREATIONS a acheté le droit au bail commercial d'un local à usage de magasin situé [...], propriété des époux BLANCHARD ;

- que le 30 août 2004 le bail commercial ail a été renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 9 janvier 2004 ;

- que le 7 décembre 2004 la société BC CREATIONS a cédé son droit au bail à la société OBJECTIF ZEN sous condition suspensive de l'acceptation du bailleur et moyennant le prix de 117 000 euros ;

- que par lettres en date des 10 décembre 2004, 15 décembre 2004 , 12 janvier 2005, et 10 février 2005 la société BC CREATIONS a sollicité des époux BLANCHARD leur agrément quant à la cession ;

- qu'en l'absence de réponse la société BC CREATIONS a saisi le Juge des référés par assignation en date du 21 mars 2005 ;

- que le 4 avril 2005 la société OBJECTIF ZEN a renoncé à son acquisition;

- que par ordonnance en date du 31 mai 2005, le Juge des référés s'est déclaré incompétent ;

- que le 29 juillet 2005 la société BC CREATIONS a cédé son droit au bail à la société OPTIQUE DU MARAIS moyennant le prix de 80 000 euros et avec l'agrément des époux BLANCHARD ;

- que par assignation en date du 9 janvier 2006 la société BC CREATIONS a saisi le tribunal d'une demande de dommages et intérêts pour abus de droit ;

Sur l'intervention volontaire en cause d'appel de la SCI BLANCHARD 85

Attendu que pour justifier de son intervention la SCI BLANCHARD 85 fait valoir qu'elle est seule propriétaire de l'immeuble loué à usage commercial à la société BC CREATIONS et qu'en conséquence la société BC CREATIONS se devait de s'adresser à elle seule pour obtenir son agrément à la cession projetée ;

Attendu que si les époux BLANCHARD ont constitué le 4 juillet 2000 une société civile immobilière entre eux et leurs deux enfants à laquelle ils ont fait apport de l'immeuble loué commercialement, mention spéciale étant faite de l'existence d'un bail commercial, il y a lieu cependant de relever qu'aucune notification de l'existence de la SCI BLANCHARD 85 se substituant aux époux BLANCHARD n'a été faite à la société BC CREATIONS ;

Attendu par ailleurs que lors de l'acquisition du droit au bail par la société BC CREATIONS le 13 avril 2001, seuls les époux BLANCHARD sont intervenus à l'acte en qualité de propriétaires et qu'il en a été de même lors du renouvellement du bail par acte en date du 30 août 2004 ;

Attendu au surplus que lorsque la société BLANCHARD CREATIONS a saisi le Juge des référés la SCI BLANCHARD 85 n'est pas intervenue à la procédure pas plus qu'elle n'est intervenue dans la cadre de la procédure initiée par les époux BLANCHARD devant le premier Juge ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que l'existence de la SCI BLANCHARD 85 en sa qualité de propriétaire du local à usage commercial objet du présent litige n'est pas opposable à la société BC CREATIONS et il convient en conséquence de déclarer la SCI BLANCHARD 85 irrecevable en son intervention, la société BC CREATIONS étant par conséquent recevable en ses demandes dirigées à l'encontre des seuls époux BLANCHARD ;

sur le rejet des pièces 15 et 16 communiquées par les époux BLANCHARD

Attendu que les époux BLANCHARD ont communiqué par bordereau deux pièces sous les numéros 15 et 16 et qu'il s'agit de deux lettres en date des 11 février 2005 et 21 février 2005 émanant de l'avocat des époux BLANCHARD adressées à l'avocat de la société BC CREATION ;

Attendu qu'il convient d'écarter des débats ces documents en application des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocats qui disposent que toutes les correspondances échangées entre avocats sont couvertes par le secret professionnel alors qu'au surplus ces documents ne portent pas la mention 'officielle';

Sur la demande de dommages et intérêts de la société BC CREATIONS

Attendu qu'au soutien de son appel la société BC CREATIONS fait valoir qu'en présence de la clause d'agrément incluse dans le bail les propriétaires bailleurs ont engagé leur responsabilité en refusant d'agréer sans motif légitime le successeur dans les lieux et qu'ils doivent en conséquence réparer le préjudice subi lequel comprend la perte de valorisation du droit au bail à concurrence de 37 000 euros, les frais inutilement exposés à concurrence de 10 306,54 euros ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral à concurrence de 1 500 euros, tous éléments contestés par les époux BLANCHARD ;

Attendu qu'il résulte du renouvellement du bail intervenu entre les parties et plus particulièrement en son article 13 relatif à la cession et à la sous location que :

' le preneur ne pourra en aucun cas et sous aucun prétexte céder son droit au bail ni sous louer tout ou partie des locaux loués, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, sauf toutefois dans le cas de cession du bail à son successeur dans le commerce (ce dernier devant toutefois avoir obtenu au préalable et par écrit l'agrément du bailleur)';

Attendu qu'en application de cette stipulation contractuelle la société BC CREATIONS a notifié aux époux BLANCHARD par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé le 14 décembre 2004 la cession du droit au bail au profit de la société OBJECTIF ZEN tout en spécifiant que cette dernière s'engageait à respecter les termes du bail renouvelé et qu'en retour l'agrément des bailleurs était sollicité ;

Attendu que les époux BLANCHARD ont été de nouveau sollicités pour qu'ils donnent leur agrément par deux nouveaux courriers recommandés en date des 15 décembre 2004 et 13 janvier 2005 ;

Attendu que les époux BLANCHARD n'ont pas cru devoir répondre à ces correspondances ni expliquer les motifs qui présidaient à ce silence ;

Attendu que c'est seulement dans la cadre de la procédure de référé initiée par la société BC CREATIONS que les époux BLANCHARD ont justifié leur silence au motif qu'ils ne pouvaient, d'une part être contraints de donner leur agrément, et que, d'autre part, la cession projetée au profit de la société OBJECTIF ZEN était contraire à la destination des lieux loués ;

Attendu cependant que cette affirmation des époux BLANCHARD ne repose sur aucun élément de preuve alors qu'il est au contraire démontré que la société OBJECTIF ZEN s'était engagée à respecter les clauses du bail dans leur intégralité; que cette affirmation ne constitue de surcroît qu'une simple éventualité inhérente a toute cession de droit de bail alors que le bailleur se trouve spécialement protégé par les dispositions légale en cas de manquement du bailleur à ses obligations ; que les bailleurs ne peuvent à l'avance préjuger du comportement de leur futur locataire ;

Attendu au surplus et dès lors que les bailleurs ne disposaient d'aucun motif légitime la société BC CREATION était en droit de les y contraindre judiciairement ;

Attendu que la société BC CREATION, du fait de la renonciation de la société OBJECTIF ZEN à son acquisition, est donc en droit d'invoquer la comportement fautif des époux BLANCHARD lequel se trouve caractérisé en l'espèce par l'absence de motif légitime pour refuser de donner leur agrément à la cession ; qu'il convient en conséquence de confirmer sur ce point le jugement déféré ;

Attendu que s'agissant du préjudice subi par la société BC CREATION en relation directe avec ce comportement fautif il ya lieu de prendre en considération le fait que la cession initiale avec la société OBJECTIF ZEN avait été convenue pour le prix de 117 000 euros et que la cession finalement intervenue avec l'agrément des époux BLANCHARD a été convenue au prix de 80 000 euros ; qu'il s'en est donc suivie une perte de 37 000 euros ;

Attendu par ailleurs qu'il est justifié par les documents versés aux débats que la société BC CREATION dont la gérante était enceinte avait décidé de procéder à la liquidation amiable de son activité et qu'en conséquence elle s'est trouvée contrainte de la maintenir sans toutefois continuer une activité commerciale génératrice d'un chiffre d'affaire et qu'elle a été ainsi contrainte pour la période s'étant écoulée entre la cession initialement convenue et celle effectivement agrée de supporter des charges d'exploitation dont il est justifié pour un montant total de 10 790, 16 euros l'essentiel de cette somme étant constituée par les loyers payés de janvier 2005 à juillet 2005 :

Attendu qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de la société BC CREATIONS ;

Attendu qu'en persévérant dans leur attitude de silence équivalent à un refus les époux BLANCHARD ont causé à la société BC CREATIONS un préjudice distinct de celui ci-dessus indemnisé et qu'il convient de réparer en lui allouant une somme de 1 200 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu en définitive que le préjudice global de la société BC CREATIONS s'élève à la somme de 48 990,16 euros et il convient en conséquence de réformer sur ce point le jugement déféré ;

Sur la demande de dommages et intérêts des époux BLANCHARD

Attendu que les époux BLANCHARD succombant dans leurs prétentions seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour harcèlement et préjudice

moral ;

Sur les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la société BC CREATIONS la charge de ses frais irrépétibles qu'elle a du exposer en cause d'appel; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité complémentaire de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé ;

Que la demande présentée sur le même fondement par les époux BLANCHARD, qui succombent, sera en revanche rejetée et ils supporteront seuls la charge des dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

- déclare la SCI BLANCHARD 85 irrecevable en son intervention ;

- écarte des débats les pièces numérotées 15 et 16 communiquées par les époux BLANCHARD ;

- confirme le jugement déféré en ses seules dispositions relatives :

- à l'article 700 du Code de Procédure Civile

- aux dépens ;

le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

- condamne solidairement Monsieur Marcel BLANCHARD et son épouse Madame Odile BLANCHARD à payer à la société BC CREATIONS la somme de 48 990, 16 euros à titre de dommages et intérêts ;

- déboute Monsieur Marcel BLANCHARD et son épouse Madame Odile BLANCHARD de leur demande de dommages et intérêts ;

- déboute Monsieur Marcel BLANCHARD et son épouse Madame Odile BLANCHARD de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- condamne solidairement Monsieur Marcel BLANCHARD et son épouse Madame Odile BLANCHARD à payer à la société BC CREATIONS la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamne solidairement Monsieur BLANCHARD et son épouse Mdame Odile BLANCHARD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.