Cass. com., 28 septembre 2022, n° 19-16.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
MJA (Sté), Cambio (Sté)
Défendeur :
Orange (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SARL Ortscheidt
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2018), afin de permettre aux opérateurs alternatifs à la société France Télécom d'accéder à la boucle locale pour le développement de l'accès à l'internet à haut débit par la technologie Asymetric digital subscriber line (ADSL) dans les meilleures conditions, cinq options ont été identifiées par l'Autorité de régulation des télécommunications (l'ART), dont l'option 1, dénommée « dégroupage de la boucle locale », consistant dans la fourniture de paires de cuivre nues à un opérateur alternatif qui installe ses équipements sur ces paires, soit en colocalisation physique, soit en colocalisation distante.
2. La société Cambio, dont le créateur est M. [Y], souhaitait développer ses activités dans le domaine de l'internet haut débit destiné aux très petites, petites et moyennes entreprises en utilisant la technologie ADSL. Elle a obtenu, le 8 novembre 2000, une autorisation d'exploitation pour un réseau expérimental jusqu'au 31 décembre 2001. Elle s'est d'abord tournée vers l'option 1.
3. Par jugement du 19 mai 2008, la liquidation judiciaire de la société Cambio a été ouverte et la société MJA, en la personne de Mme [B], a été désignée en qualité de liquidateur.
4. Reprochant à la société France Télécom d'avoir, par ses pratiques anticoncurrentielles, empêché la société Cambio de pénétrer sur le marché de l'ADSL entre 2001 et 2005, la société MJA, en qualité de liquidateur de celle-ci, ainsi que M. [Y], l'ont assignée, par acte du 31 décembre 2010, en réparation de leurs préjudices.
5. En cours de procédure devant les premiers juges, la société France Télécom est devenue la société Orange.
Examen des moyens
Recevabilité des moyens
6. La société Orange conteste la recevabilité des moyens en ce qu'ils concernent les chefs de dispositifs concernant M. [Y]. Elle fait valoir que la société MJA n'est pas recevable à critiquer les dispositions concernant M. [Y], qui n'a pas formé de pourvoi, lesquelles ne lui font pas grief.
7. Si la société MJA est sans intérêt à la cassation des dispositions de l'arrêt qui ne lui font pas grief, et que les moyens ne sont donc pas recevables en ce qu'ils concernent M. [Y], la société MJA est recevable à contester les seuls chefs de dispositif de l'arrêt attaqué lui faisant grief.
8. Les moyens sont donc recevables dans cette limite.
Sur le deuxième et le troisième moyen, ci-après annexés
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. La société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que l'Autorité de régulation des télécommunications avait imposé, en 2001, à la société France Télécom devenue Orange de fournir une prestation de câbles de renvoi de manière transparente et non discriminatoire ; qu'en se bornant à retenir, pour exclure toute faute de la société Orange dans la mise en œuvre de la colocalisation distante, qu'il n'était pas établi que cette obligation n'avait pas été respectée par la société Orange, sans analyser, comme elle y avait été invitée, si les offres adressées par la société Orange à la société Cambio entre 2001 et 2005 étaient conformes aux textes lui imposant de fournir un tarif objectif, transparent, non discriminatoire et orienté vers les coûts, tels que résultant du règlement CE du 18 décembre 2000 et du décret du 12 septembre 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
11. L'arrêt relève d'abord que, s'agissant de la colocalisation distante, le règlement CE n° 2887/2000 du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale vise, au point B « service de colocalisation » de son annexe, les « Possibilités de colocalisation sur les sites mentionnés au point 1 (y compris colocalisation physique et, le cas échéant, colocalisation distante et colocalisation virtuelle) », sans plus de précision. Il observe que dans sa décision n° 05-0277 du 19 mai 2005, l'ART considère comme « proportionné que France Télécom propose aux opérateurs une offre de localisation distante de leurs équipements de dégroupage dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables ».
12. L'arrêt retient ensuite que, le 12 décembre 2003, la société France Télécom a publié une grille tarifaire pour la colocalisation distante, divisée entre les tarifs applicables aux câbles de renvoi entre les infrastructures de l'opérateur tiers et ses répartiteurs de moins de 5 000 lignes, pour lesquels une tarification précise était donnée, et les tarifs applicables aux câbles de renvoi entre les infrastructures de l'opérateur tiers et ses répartiteurs de plus de 5 000 lignes, pour lesquels un devis était requis, et que la grille tarifaire pour l'ensemble des répartiteurs a été proposée en 2005.
13. ll retient encore que le document fourni aux débats par la société MJA, intitulé « Analyse de l'offre de référence du 23 février 2001 en matière de dégroupage de la boucle locale », rédigé par elle-même, et dans lequel elle critique notamment la pratique de prestation « sur devis » de la société France Télécom, ne peut suffire à caractériser un manquement de la part de cette société et que la décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 précitée, qui « porte sur la détermination des obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre », adoptée indépendamment de toute procédure de sanction prévue par l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, ne relève aucun manquement quant à la prestation « sur devis » proposée par la société France Télécom concernant la colocalisation distante, manquement qui ne résulte pas plus de l'annexe de cette décision énumérant, parmi les éléments que l'offre de référence devra comprendre, a minima, une grille tarifaire comportant notamment « tous les tarifs liés à la colocalisation des équipements et tous les tarifs liés à l'environnement de la colocalisation ». Il retient enfin que la société MJA n'établit pas que l'obligation de fournir une prestation de câbles de renvoi de manière transparente et non discriminatoire, imposée par l'ART selon injonction du 8 février 2001 prise par décision n° 01-135, ainsi que la mise en demeure du 4 avril 2001, résultant de la décision n° 01-354, n'ont pas été respectées par la société France Télécom.
14. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a examiné, sur la période considérée, le comportement de la société France Télécom, s'agissant des offres relatives à la colocalisation distante au regard de l'état de ses obligations pour cette forme d'accès à la boucle locale et n'était pas tenue de suivre la société MJA, ès qualités, dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;