CA Nîmes, ch. com., 28 septembre 2022, n° 22/00953
NÎMES
Ordonnance
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Stephan Spagnolo (Selarl) (ès qual.)
Défendeur :
Pixie (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Chabaud, Me Galtier
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 11 mars 2022 par la Selarl Stephan Spagnolo ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU Pixie suivant jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 17 février 2021, à l'encontre du jugement prononcé le 3 février 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon sous le numéro RG n° 20/02994 ;
Vu l'appel nullité interjeté le 11 avril 2022 par la Selarl Stephan Spagnolo ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU Pixie suivant jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 17 février 2021, à l'encontre du jugement prononcé le 3 février 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon sous le numéro RG n° 20/02994 ;
Vu l'ordonnance de jonction de ces deux procédures du 2 mai 2022 ;
Vu la signification de ces deux déclarations d'appel et de l'ordonnance de jonction délivrée le 17 mai 2022 à Monsieur [X] [C], intimé, par remise à domicile et à la SASU Pixie, intimée, par dépôt à l'étude de l'huissier instrumentaire ;
Vu les conclusions d'incident remises par la voie électronique le 8 juin 2022 par la Selarl Stephan Spagnolo ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU Pixie, appelante ;
Vu les dernières conclusions sur incident remises par la voie électronique le 12 septembre 2022 par cette appelante ;
Vu les dernières conclusions sur incident remises par la voie électronique le 9 septembre 2022 par la SCI JPG, intimée ;
Vu les conclusions du ministère public remises par la voie électronique le 8 juillet 2022 ;
Vu l'audience d'incident de mise en état du 15 septembre 2022, date à laquelle les parties ont été entendues en leurs explications et informées que l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe ;
* * *
Par ses conclusions d'incident, la Selarl Stephan Spagnolo ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU Pixie, appelante, demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 377 et suivants du code de procédure civile :
d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure d'appel pendante devant la cour d'appel de Nîmes, enrôlée sous le numéro RG 21/02991 ;
de rejeter toutes demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires,
de condamner la société JPG à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose que, par jugements du tribunal de commerce d'Avignon du 10 janvier 2018 et du 30 janvier 2019, elle a été désignée en qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la SAS Pixie, laquelle exploite un fonds de commerce de restauration dans des locaux appartenant à la SCI JPG en vertu d'un bail commercial conclu le 26 septembre 2006.
Par jugement du 17 février 2021, la résolution du plan de redressement a été ordonnée et une procédure de liquidation judiciaire ouverte, la Selarl Spagnolo étant désignée ès-qualités de liquidateur judiciaire.
Les 16 et 17 avril 2020, le bailleur a fait signifier commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant total de 15.874,90 euros de loyers, charges et taxe impayés, à sa locataire et au mandataire judiciaire de celle-ci.
Par exploit du 8 juillet 2020, la SASU Pixie locataire et Monsieur [X] [C] ont fait assigner le bailleur JPG devant le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins principales d'opposition au commandement de payer visant la clause résolutoire du 17 avril 2020 et d'indemnisation de leur trouble de jouissance et, par acte du 29 juillet 2021, cette assignation a été signifiée à la Selarl Spagnolo ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Pixie.
Par jugement du 3 février 2022, le tribunal judiciaire d'Avignon a, notamment, sur la demande reconventionnelle du bailleur, constaté la résiliation de plein droit du bail commercial signé le 17 mai 2020, débouté la locataire de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de ses demandes d'indemnisation, et ordonné son expulsion.
La Cour est en l'instance précisément saisie de l'appel de ce jugement interjeté par le mandataire judiciaire.
Mais, en parallèle, et par ordonnance du 12 juillet 2021, le juge commissaire de la SAS Pixie a autorisé la cession du fonds de commerce au bénéfice de la SASU Succelus pour un prix net vendeur de 54.455 euros.
L'appelante fait valoir que cette vente de gré à gré est parfaite dès l'ordonnance puisqu'elle marque la rencontre des consentements du cédant et du cessionnaire, et en déduit que le bailleur ne peut plus dès lors rechercher la résiliation du bail contre le cessionnaire en raison du défaut de paiement des loyers par ce dernier.
Pour autant, le bailleur, la société JPG, ayant interjeté appel de cette décision du 12 juillet 2021, l'arrêt à intervenir sur ce recours affectera la présente procédure.
Dès lors, il convient de surseoir à statuer sur la résiliation ou non du bail commercial dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Nîmes sur l'appel interjeté par la société JPG contre l'ordonnance du juge commissaire du 12 juilet 2021, d'autant que le prix de cession permettrait d'apurer les dettes de loyer.
L'appelante ajoute que si la société Succelus a effectivement renoncé à la reprise du fonds de commerce c'est uniquement du fait de la société JPG puisque celle-ci a introduit quatre procédures pour faire obstacle à la cession du fonds de commerce. En conséquence, si le candidat-acquéreur refuse de signer les actes de cession, le juge commissaire retrouve alors plein pouvoir pour autoriser la cession à une autre personne.
Par conclusions en réponse, la SCI JPG, intimée, demande au conseiller de la mise en état de débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que la société désignée comme acquéreur du fonds par ordonnance du juge commissaire du 12 juillet 2021 'ne semble toujours pas avoir consigné le montant du prix de cession et semble même avoir renoncé à la reprise', et que l'ordonnance serait donc devenue sans objet.
Elle soutient que si elle a relevé appel de cette ordonnance c'est précisément parce qu'elle considère que le droit au bail qui est inclus dans le fonds de commerce ne peut être cédé puisqu'il doit être résilié de plein droit, et en conclut que, à l'inverse, ce serait plutot dans le cadre de l'appel interjeté sur l'ordonnance du juge commissaire, qu'il y aurait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision sur le fond quant à la résiliation du bail.
Le ministère public s'en rapporte pour sa part à l'appréciation de la Cour.
SUR QUOI
Les parties concluantes s'accordent à dire que la société Sucellus, au bénéfice de laquelle la cession de gré à gré a été autorisée par ordonnance du juge commissaire du 12 juillet 2021, a renoncé à cette cession, ce que tendent à confirmer les pièces 16 et 18 de l'intimée.
Pour autant, c'est à raison que l'appelante fait valoir que la vente est parfaite, avant même que l'acte de cession ne soit rédigé, dès que l'ordonnance du juge commissaire autorisant la vente de gré à gré passe en force de chose jugée, En cas de refus de l'acquéreur de signer l'acte de cession, le liquidateur judiciaire peut obtenir le constat judiciaire de la vente.
Il n'en demeure pas moins que cette ordonnance a été rendue le 12 juillet 2021, soit plus d'un an après la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire le 17 avril 2020, et qu'elle a été frappée d'appel, de sorte que, chronologiquement, le droit au bail ne pouvait être cédé avec le fonds de commerce que s'il n'avait pas été résilié par l'effet de cette clause résolutoire.
En conséquence, il n'est pas d'une bonne administration de la justice que d'attendre l'arrêt à intervenir sur cette ordonnance pour statuer dans le cadre de l'instance en cours sur l'éventuelle résiliation du bail commercial.
La demande formulée en incident doit donc être rejetée.
L'équité ne commande pas d'allouer sur l'incident quelque somme à quelque partie sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de l'incident doivent être mis à la charge de l'appelante, demanderesse et partie succombante à l'incident.
Nous, Claire Ougier, conseiller de la mise en état, statuant par ordonnance susceptible de déféré par requête devant la cour dans le délai de 15 jours,
Rejetons la demande de sursis à statuer de la Selarl Stephan Spagnolo ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SASU Pixie ;
Disons n'y avoir lieu à indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la Selarl Stephan Spagnolo ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SASU Pixie aux dépens de l'incident.