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Décisions

Cass. crim., 18 avril 2000, n° 99-84.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Desportes

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Choucroy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, 5e ch., du 19 mai 1999

19 mai 1999

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Edgard X...et pris de la violation des articles 121-1, 433-1 et 312-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Edgard X...coupable de corruption active de personne dépositaire de l'autorité publique et d'extorsion de signature ;

" aux motifs que Rosalina Z...qui avait été placée en détention provisoire pendant six mois dans le cadre d'une information a, plusieurs mois après avoir été relâchée, spontanément révélé que, pendant sa détention, son ex-mari et le frère de celui-ci, Edgard X..., lui avaient fait croire que contre le versement de 20 000 francs, ils pouvaient faciliter sa libération par l'intermédiaire de leurs relations dans le milieu policier ; qu'elle avait effectivement versé cette somme sous la forme de deux chèques de 12 500 francs et de 2 500 francs et de 5 000 francs en numéraire ;

qu'il est constant que le chèque de 12 500 francs a été encaissé sur le compte de Jeanne Y..., mère de Michel Y..., cette dernière faisant immédiatement après un virement de 5 000 francs sur un compte d'épargne à son profit et émettant un chèque de 7 500 francs au bénéfice de son fils ;

" que Rosalina Z...a expressément mis en cause Michel Y...lieutenant de police à Marseille, ami d'enfant de la famille X...comme devant être le fonctionnaire de police susceptible, selon les frères X..., de faciliter sa libération ;

" que ses déclarations sont confirmées par celles de sa fille Nathalie A... qui a indiqué que son père, André X..., lui avait dit avoir contacté Edgard X...pour intervenir au profit de Rosalina Z...moyennant le paiement de la somme de 20 000 francs, qu'elle précise encore avoir eu personnellement en main l'enveloppe contenant les 5 000 francs en numéraire et les deux chèques et avoir remis celui de 12 500 francs à Michel Y...et le reste à son père ;

" que sa soeur et sa tante devaient également confirmer ces déclarations et en particulier qu'André X...leur avait affirmé pouvoir accélérer la libération de Rosalina Z...avec l'aide de son frère Edgard ;

" que Michel Y...nie les faits mais ne peut contester la matérialité de la remise du chèque de 12 500 francs à sa mère dont il a reçu 7 500 francs ; que, pour expliquer ces mouvements de fonds il fait état, ainsi que sa mère (bien que celle-ci dans un premier temps ait même nié connaître les frères X...), du remboursement d'un prêt consenti par sa mère à Edgard X...et que celui-ci aurait ainsi remboursé ;

" qu'Edgard X..., pour justifier ces mouvements de fonds fait état d'un prêt qu'il aurait consenti à son frère André et que celui-ci lui aurait donc remboursé par les deux chèques de 12 500 francs et 2 500 francs, lui-même remboursant à son tour Jeanne Y...;

" que ces prétendus prêts ne sont justifiés par aucun écrit si ce n'est une feuille écrite par André X...dont celui-ci a déclaré tout au long de l'instruction qu'elle lui avait été imposée par son frère Edgard après le début de l'enquête de police et notamment, l'audition de Michel Y..., et sous la menace de la délivrance d'un mandat d'arrêt à son encontre ;

" que ce n'est que devant la Cour qu'André X...s'empresse de disculper son frère sur ce point prétendant désormais lui avoir effectivement emprunté une somme de 15 000 francs remboursée par les chèques litigieux ;

" mais que ce revirement tardif ne saurait entraîner la conviction de la Cour tant il est en contradiction avec l'ensemble du dossier d'instruction ; qu'il est également important de rappeler que ce document a été rédigé après que Michel Y...avait été entendu par les enquêteurs et que celui-ci s'était rendu chez Edgard X...et avait eu, avec ce dernier, une explication des plus orageuses ;

que le rôle actif de Michel Y...dans l'établissement de ce document résulte des déclarations faites à l'instruction en particulier par André X...;

" qu'enfin, Mme Y...n'a pu prouver de façon irréfutable qu'elle aurait effectivement prêté 12 500 francs à Edgard X...;

" qu'en conséquence les déclarations formelles et constantes de Rosalina Z...et de ses filles, les éléments matériels incontestables (établissement des chèques et dépôt du plus important sur le compte de la mère du prévenu Michel Y...puis encaissement par ce dernier d'une partie de ce chèque) et les déclarations des prévenus André et Edgard X...eux-mêmes qui ont, plus ou moins admis les faits, établissent la matérialité des faits de corruption active et passive et d'extorsion de signature et complicité ;

" alors que, d'une part, le délit de corruption active prévu par l'article 433-1 du Code pénal suppose pour être constitué, que son auteur ait proposé des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une des personnes visées par ce texte, soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, soit qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir une décision favorable ; qu'en l'espèce où il ne résulte d'aucune des constatations des juges du fond qu'Edgard X...ait fait de telles offres à Michel Y...et où il est au contraire formellement constaté que c'est la fille de Rosalina Z...qui, à l'instigation de son père, a remis des fonds à ce policier dans l'espoir qu'il faciliterait la libération anticipée de sa mère, la Cour n'a pas caractérisé le délit de corruption active dont elle a déclaré le demandeur coupable, violant ainsi le texte précité ;

" alors que, d'autre part, le délit d'extorsion prévu par l'article 312-1 du Code pénal, suppose que l'auteur ait obtenu par violence, menace de violences ou contrainte, soit une signature, soit un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien ; qu'en l'espèce où il résulte de l'opinion des juges du fond qu'André X...aurait signé une reconnaissance de dette établie au profit du demandeur afin de tenter de justifier le versement de fonds effectué par son intermédiaire au profit d'un policier et d'éviter ainsi les poursuites judiciaires susceptibles d'être exercées à son encontre pour sa participation à l'opération de corruption de ce policier faisant lui-même l'objet d'une enquête, à la suite de la découverte des versements de fonds dont il avait bénéficié, la Cour a violé le texte précité en faisant application à l'encontre d'Edgard X...bien que ce dernier ne soit manifestement pas l'auteur des menaces ou de la contrainte résultant des investigations policières ayant pesé sur son frère et que l'écrit signé par ce dernier n'ait pas eu pour objet de constater un engagement de sa part mais seulement de justifier un versement déjà réalisé en exécution de la créance qui y était mentionnée " ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Michel Y...et pris de la violation des articles 432-11 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble renversement de la charge de la preuve, méconnaissance du principe de la présomption d'innocence ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y...coupable du délit de trafic d'influence et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs que Rosalina Z...a soutenu que son ex-mari, André X..., et son beau-frère Edgard X..., lui avaient fait croire que, contre versement d'agent, ils pouvaient faciliter sa sortie de prison par l'intervention de relations dans le milieu policier ; que Rosalina Z...a mis en cause Michel Y...comme étant le fonctionnaire susceptible, selon les frères X..., de faciliter sa libération ; que la fille de Rosalina Z...affirme avoir remis pour le compte de sa mère un chèque de 12 500 francs à Michel Y...; qu'il est constant qu'un chèque de cette somme a été versé au crédit du compte de Jeanne Y..., mère de Michel Y..., cette dernière ayant, ensuite, émis un chèque de 7 500 francs au profit de son fils ; que l'existence d'un prêt à la famille X...pour expliquer le versement de 12 500 francs n'est pas crédible, dès lors que Jeanne Y...n'a pu prouver l'existence du prêt dont le chèque de 12 500 francs serait le remboursement ;

" alors, d'une part, que le délit de trafic d'influence exige, de la part du fonctionnaire dépositaire de l'autorité publique, une démarche concrète de sollicitation ; qu'en se bornant à énoncer que Rosalina Z...avait mis en cause Michel Y...comme étant le fonctionnaire susceptible, selon les frères X..., de faciliter sa libération, sans caractériser, à l'encontre de Michel Y..., des actes concrets et effectifs de sollicitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors, d'autre part, qu'en déduisant l'existence d'un trafic d'influence de la prétendue acceptation, par Michel Y..., d'un don de 12 500 francs, au motif que Jeanne Y..., mère de Michel Y..., sur le compte de laquelle un chèque de 12 500 francs avait été versé, ne parvenait pas à démonter qu'il s'agissait du remboursement d'un prêt, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d'innocence " ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Michel Y...et pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal, 121-6 et 121-7 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y...coupable de complicité du délit d'extorsion, d'engagement ou de signature ;

" aux motifs propres et adoptés qu'André X...prétendait, dans un premier temps, que sa fille lui avait prêté les 15 000 francs pour rembourser Edgard des sommes réglées pendant son incarcération à la suite notamment d'un achat de voiture ; qu'il avouait ensuite qu'Edgard l'avait obligé à inventer cette version et à rédiger, en décembre 1996, une reconnaissance de dettes fausse, après avoir fait pression sur lui en lui laissant croire qu'un mandat d'arrêt pouvait être décerné à son encontre ; que la signature du document a donc été imposée par Edgard X...à son frère André sous la menace d'un mandat d'arrêt ; que ce document a été rédigé par André X...après que Michel Y...avait été entendu par les enquêteurs et que celui-ci s'était rendu chez Edgard X...pour avoir avec lui une explication ; que le rôle actif de Michel Y...dans l'établissement de ce document résulte des déclarations faites à l'instruction, en particulier par André X...;

" alors, d'une part, que le délit d'extorsion suppose l'usage de violences, menace de violences ou contrainte ; que le simple fait pour Edgard X...d'avertir, en décembre 1996, son frère André qu'il pourrait faire l'objet d'un mandat de dépôt (circonstance qui s'est effectivement réalisée le 31 janvier 1997) n'est pas constitutif d'une contrainte ou menace au sens de l'article 312-1 du Code pénal ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas caractérisé le délit principal d'extorsion ;

" alors, d'autre part, qu'en déclarant Michel Y...coupable de complicité du délit d'extorsion, sans préciser le mode éventuel de complicité et sans caractériser le moindre acte concret de complicité, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

" alors, enfin, qu'en déduisant la complicité de Michel Y..." des déclarations faites à l'instruction, en particulier par André X...", sans préciser de quelles déclarations il s'agit, sans en résumer le contenu et sans les analyser, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation des textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits reprochés aux prévenus ;

D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne peuvent être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.