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Décisions

Cass. com., 5 octobre 2022, n° 20-16.665

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

SD Lease (Sté)

Défendeur :

Econocom infogérance systèmes (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Kass-Danno

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Piwnica et Molinié

Versailles, 12e ch., du 9 juill. 2019

9 juillet 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 juillet 2019), le 1er juillet 2013, la société SD Lease a conclu un contrat d'agence commerciale avec la société Econocom Services (la société Econocom), laquelle a fusionné avec la société Econocom Osiatis France. S'étant vu notifier la modification de son secteur de représentation et la reprise du client AG2R La Mondiale (AG2R), la société SD Lease a assigné ces dernières en résiliation du contrat d'agence commerciale aux torts de la société Econocom et en paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité de cessation de contrat et de l'indemnité compensatrice de préavis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société SD Lease fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer nulle et non écrite la clause 4.9.3 du contrat d'agence commerciale et de rejeter toutes ses demandes, notamment, celle portant sur le versement d'une indemnité de cessation de contrat, alors :

« 1°/ que l'article L. 134-12 du code de commerce, qui procède de la transposition en droit français de l'article 17 de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, doit s'entendre en ce sens qu'une clause du contrat d'agent commercial ne peut, sans méconnaître la protection due à l'agent qui prohibe les clauses fixant l'indemnité de rupture de façon forfaitaire et non en fonction du préjudice subi, prévoir d'indemniser forfaitairement le retrait d'un client, dès lors qu'un tel procédé revient à opérer une rupture partielle du contrat ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'argumentation de l'exposante, soutenant que la clause 4.9.3 du contrat devait être réputée non écrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que dès lors qu'en l'espèce le périmètre du contrat d'agent commercial de la société SD Lease n'avait pas été modifié de façon conséquente, puisqu'un seul client lui avait été retiré, la clause litigieuse ne caractérisait pas une clause de résiliation dissimulée sous couvert du retrait d'un client ; qu'en se retranchant ainsi derrière les conditions dans lesquelles, au cas particulier, la société Econocom s'était prévalue de la clause litigieuse pour offrir une indemnisation forfaitaire en contrepartie du retrait d'un seul client de l'agent commercial, pour en déduire que cette clause n'était pas contraire aux règles d'ordre public édictées par les textes susvisés, quand une telle clause, en prévoyant d'indemniser de façon forfaitaire le retrait d'un client à l'initiative du mandant, était incompatible avec la protection due à l'agent en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que l'article L. 134-12 du code de commerce, qui procède de la transposition en droit français de l'article 17 de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, doit s'entendre en ce sens qu'une clause du contrat d'agent commercial ne peut, sans méconnaître la protection due à l'agent qui prohibe les clauses fixant l'indemnité de rupture de façon forfaitaire et non en fonction du préjudice subi, prévoir d'indemniser forfaitairement le retrait d'un client, dès lors qu'un tel procédé revient à opérer une rupture partielle du contrat ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'argumentation de l'exposante, soutenant que la clause 4.9.3 du contrat devait être réputée non écrite, en ce qu'elle prévoit que le retrait d'un client à l'initiative du mandant ne peut donner lieu, pour l'agent, qu'à une indemnisation forfaitaire et dont les bases de calculs sont prédéfinies, dès lors qu'elle permet le cas échéant au mandant d'indemniser forfaitairement la perte de tous les clients confiés à l'agent et ainsi de provoquer la rupture du contrat sans pour autant indemniser celle-ci à hauteur du préjudice subi, au mépris des dispositions impératives des articles L. 134-12 et L. 134-16 du code de commerce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que dès lors qu'en l'espèce le périmètre du contrat d'agent commercial de la société SD Lease n'avait pas été modifié de façon conséquente, puisqu'un seul client lui avait été retiré, la clause litigieuse ne caractérisait pas une clause de résiliation dissimulée sous couvert du retrait d'un client ; qu'en se retranchant ainsi derrière les conditions dans lesquelles, au cas particulier, la société Econocom s'était prévalue de la clause litigieuse pour offrir une indemnisation forfaitaire en contrepartie du retrait d'un seul client de l'agent commercial, pour en déduire que cette clause n'était pas contraire aux règles d'ordre public édictées par les textes susvisés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de l'exposante, si, dès lors que la portée de la clause était telle qu'elle permettait au mandant de procéder à une indemnisation forfaitaire en contrepartie de retraits, quels qu'en soit le nombre et quelle qu'en soit l'importance, des clients de l'agent, elle n'était pas de nature à permettre, en définitive, l'indemnisation forfaitaire d'une résiliation du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

3. Après avoir énoncé que l'article L. 134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et qu'en vertu de l'article L. 134-16 du même code, toute clause contraire est réputée non écrite, l'arrêt constate que l'article 4.9 du contrat litigieux, subdivisé en trois parties, prévoit, à l'article 4.9.1, que le mandant pourra avec un préavis de six mois modifier les clients entrant dans le secteur de représentation de l'agent à condition de respecter les conditions prévues à l'article 4.9.2, qui stipule : « Le mandant communiquera par écrit à l'agent le ou les clients dont il souhaite reprendre l'exploitation. En contrepartie, le mandant proposera à l'agent, en remplacement du ou des clients qui lui sont retirés un ou plusieurs clients et/ou prospects représentant un potentiel de chiffre d'affaires équivalent afin de maintenir à l'agent le même potentiel de rémunération » et qui, à l'article 4.9.3, prévoit : « En cas de désaccord entre l'agent et le mandant sur le potentiel représenté par le ou les clients ou prospects proposés ou en cas d'impossibilité pour le mandant de faire une proposition de remplacement, l'agent et le mandant tenteront par tout moyen de trouver une solution amiable. A cet effet, il est prévu que le mandant pourra proposer à l'agent une indemnité destinée à compenser la perte potentielle de rémunération subie par l'agent du fait de la modification de son secteur. Cette perte potentielle est estimée à un montant forfaitaire égal à douze mois de commissions versées au titre des contrats sur le ou les clients concernés par la modification, ces commissions étant calculées sur la base de la moyenne des vingt-quatre derniers mois pour un client de plus de deux ans et des douze derniers mois pour un client de moins de deux ans. (...) »

4. Puis l'arrêt retient que la société Econocom n'a pas souhaité mettre un terme au contrat d'agence commerciale mais seulement revoir le périmètre de la clientèle de la société SD Lease et que ce périmètre n'a pas été modifié de façon conséquente. Et il en déduit que, sauf à interdire toute évolution du portefeuille de l'agent commercial, la clause litigieuse ne dissimule pas une clause de résiliation du contrat sous couvert du retrait d'un client.

5. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu au moyen, prétendument délaissé, invoqué par la seconde branche, a exactement retenu que la clause litigieuse, qui ne prévoyait pas une indemnisation forfaitaire du préjudice résultant d'une cessation des relations avec le mandant, n'était pas contraire aux dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

7. Selon l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 6 octobre 1982, Cilfit (C-283/81, point 10), les juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne ne sont pas tenues de renvoyer une question d'interprétation de droit de l'Union soulevée devant elles si la question n'est pas pertinente, c'est-à-dire dans les cas où la réponse à cette question, quelle qu'elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige.

8. La question préjudicielle suggérée par la société SD Lease n'est pas pertinente, dans la mesure où la cour d'appel a retenu, sans encourir les griefs de violation de la loi et de manque de base légale, que la clause litigieuse ne permettait pas d'indemniser forfaitairement le préjudice résultant d'une résiliation du contrat, ce dont il résulte que cette clause ne vise pas à éluder les dispositions de l'article 17 de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, qui instaure un système d'indemnisation en faveur de l'agent commercial en cas de cessation de ses relations avec le commettant.

9. Il n'y a donc pas lieu à renvoi préjudiciel.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société SD Lease fait grief à l'arrêt de dire que la société Econocom a respecté les stipulations du contrat d'agence commerciale et de rejeter sa demande portant sur le versement d'une indemnité d'un montant de 350 000 euros et toutes ses autres demandes, alors « que pour conclure que la société exposante ne pouvait reprocher à la société Econocom de ne pas avoir respecté son obligation de lui proposer d'autres clients en remplacement du client AG2R dont elle avait souhaité reprendre l'exploitation, la cour d'appel qui se borne à relever que par lettre du 20 février 2015 adressée à la société Econocom, la société exposante avait écrit qu' « elle savait qu'il n'était pas possible de retrouver un compte équivalent avec la même dimension et le même potentiel en chiffre d'affaires », sans nullement rechercher d'où il ressortait que la société Econocom démontrait qu'elle aurait été dans l'impossibilité, en contrepartie de la reprise du client AG2R, de proposer à la société exposante sinon un client du moins « plusieurs clients et/ou prospects représentant un potentiel de chiffre d'affaires équivalent afin de (lui) maintenir le même potentiel de rémunération » conformément aux dispositions expresses des articles 4-9-2 et 4-9-3 du contrat d'agent commercial a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, devenu les articles 1103 et 1104 dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

11. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

12. Pour dire que la société Econocom a respecté les stipulations du contrat litigieux et rejeter la demande d'indemnisation de la société SD Lease, l'arrêt retient encore qu'après avoir été informée de la volonté de la société Econocom de lui retirer le client AG2R, la société SD Lease lui a écrit qu'elle savait qu'il n'était pas possible de retrouver un compte équivalent avec la même dimension et le même potentiel en chiffre d'affaires mais que faute pour la société Econocom de lui proposer un compte de remplacement, conformément aux stipulations de l'article 4.9.2, elle sollicitait le versement d'une indemnité de 100 000 euros pendant trois ans. Il en déduit que la société Econocom a respecté la procédure en envoyant une lettre pour manifester son intention de modifier les clients entrant dans le secteur de l'agent, que la société SD Lease a pris acte de ce qu'il était impossible de retrouver un compte équivalent à la société AG2R et qu'elle ne peut dès lors reprocher à la société Econocom de ne pas avoir respecté son obligation de lui proposer d'autres clients, cette dernière exposant, pour sa part, avoir été dans l'impossibilité de le faire.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'où il ressortait que la société Econocom avait été dans l'impossibilité de proposer à la société SD Lease le remplacement du client AG2R, sinon par un client, du moins par plusieurs clients ou prospects représentant un potentiel de chiffre d'affaires équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il dit que la société Econocom a respecté les stipulations du contrat d'agence commerciale signé le 1er juillet 2013 et déboute la société SD Lease de sa demande portant sur le versement d'une indemnité d'un montant de 350 000 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée