CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 16 février 2021, n° 19/20204
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Selas Étude JP (ès qual.) , Isli Conseil (SARL), Aurencia (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Neidhart, Me Bernabe, Me Ranieri, Me Cazenave, Me Largillière
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte authentique du 7 mai 2009, la société Aurencia, dont la gérante est Mme K.., a acquis un immeuble détenu par la SCI E.. et A..., au prix de 1.460.000 euros, bien qui a fait l'objet d'un état descriptif de division en 122 lots.
La société Aurencia ne s'étant pas acquittée du solde du prix pour un montant de 405.000 euros, les parties ont conclu un accord transactionnel le 24 janvier 2012 aux termes duquel :
- la SCI E.. et A... acquiert de la société Aurencia 6 lots et 3 parkings d'une valeur de 172.000 euros, le prix étant payé par compensation avec la créance de la SCI,
- la SCI abandonne le solde de sa créance d'un montant de 232.000 euros.
La cession a été réitérée par acte authentique du 12 avril 2012. Le même jour, la SCI E.. et A... a vendu les lots et parkings à M. A... I... et à Mme E... H.. au prix de 86.000 euros chacun.
Par ailleurs, le 22 octobre 2012, la société Aurencia a cédé à la société Isli conseil, dont la gérante est également Mme K..., des droits et biens immobiliers au prix de 119.600 euros et ce, selon la société Isli conseil, en contrepartie des commissions de commercialisation qui lui restaient dues par la société Aurencia.
Sur déclaration de cessation des paiements du 13 décembre 2012 et par jugement du 3 janvier 2013, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Aurencia, la SELAFA MJA prise en la personne de Me D... étant désignée en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 3 novembre 2013, le tribunal a converti les opérations en liquidation judiciaire et désigné la SELAFA MJA prise en la personne de Me D... en qualité de liquidateur judiciaire. Par jugement du 28 mars 2014, confirmé par arrêt du 21 octobre suivant, le tribunal a avancé la date de cessation des paiements au 4 juillet 2011.
Par actes des 21 et 27 décembre 2016, la SELAFA MJA ès qualités a assigné les sociétés Isli conseil et E... et A... en nullité des compensations et des ventes des droits et biens immobiliers résultant des actes conclus par la société Aurencia avec la société E... et A... le 12 avril 2012 et avec la société Isli conseil le 22 octobre 2012 et ce, sur le fondement des articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-4 du code de commerce et 1356 du code civil.
Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal a fait droit aux demandes du liquidateur judiciaire. Il a ainsi :
- prononcé la nullité de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la société Isli conseil le 22 octobre 2012 et la nullité de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la SCI E... et A... le 12 avril 2012,
- condamné la SCI E... et A... à payer à la SELAFA MJA ès qualités le prix de cession, soit la somme de 172.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016,
- constaté la nullité des compensations résultant des transactions conclues par la société Aurencia avec la société Isli conseil et la SCI E... et A... le 22 octobre 2012 et le 12 avril 2012,
- condamné la société Isli conseil et la SCI E... et A... à payer à la SELAFA MJA ès qualités, chacune, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la moitié des dépens,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire sauf pour ce qui concerne la condamnation de la SCI E... et A... au paiement de la somme de 172.000 euros.
Par déclaration du 29 octobre 2019, la SCI E... et A... a fait appel de ce jugement en intimant la société Isli conseil et la SELAFA MJA ès qualités et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 novembre 2020, elle demande à la cour :
- de dire et juger irrecevable à agir la SELAS Etude JP, agissant par Me F... en qualité de liquidateur de la société Aurencia, venant aux droits de la SELAFA MJA,
- de dire et juger que la cour n'est pas valablement saisie de la demande d'annulation du protocole d'accord transactionnel du 24 janvier 2012 et de son avenant,
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau, de débouter la SELAFA MJA ès qualités de sa demande principale d'annulation et de ses demandes accessoires,
- de condamner la SELAFA MJA ès qualités à lui payer la somme de 5.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 décembre 2020, la société Isli conseil demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la dation des droits et biens immobiliers entre la société Aurencia et elle ;
- en conséquence et à raison de l'omission de statuer sur les effets de cette nullité, d'ordonner à la SELAS Etude JP ès qualités de procéder à la publicité de l'arrêt à intervenir constatant ladite dation et ce, sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt, de fixer sa créance de restitution au passif de la société Aurencia à la somme de 119.600 euros, de condamner la SELAS Etude JP ès qualités à lui payer le remboursement de l'ensemble des charges de copropriété et des taxes foncières depuis le 22 octobre 2012 des lots et des parkings, soit la somme de 11.418,20 euros à parfaire et celle de 6.353 euros, et jusqu'à ce que la SELAS Etude JP ès qualités ait procédé aux formalités relatives au transfert de propriété des lots litigieux auprès du service de la publicité foncière compétent,
- de condamner la SELAS Etude JP à payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 décembre 2020, la
SELAS Etude JP ès qualités demande à la cour :
- de dire et juger que toute compensation est irrégulière et frappée de nullité au même titre que la dation en paiement elle-même,
- en conséquence, de prononcer la nullité du protocole transactionnel du 24 janvier 2012 et son avenant, comme sollicité en première instance,
- subsidiairement, et en tant que de besoin, sur omission de statuer et sur appel incident, de prononcer la nullité du protocole transactionnel du 24 janvier 2012 et son avenant,
- en tout état de cause, de prononcer la nullité de l'acte de vente du 12 avril 2012 à l'égard de la SCI E... et A... ainsi que de tous les actes joints et notamment le protocole d'accord transactionnel du 24 janvier 2012 et son avenant qui forment un ensemble indissociable, avec toutes conséquences de droit,
- de voir constater, et, en tant que de besoin, de prononcer la nullité des compensations résultant des transactions conclues entre la société Aurencia avec les sociétés Isli conseil et la SCI E... et A... le 12 avril 2012 et le 22 octobre 2012,
- de voir constater, et, en tant que de besoin, de prononcer la nullité de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la société Isli conseil le 22 octobre 2012 et de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la SCI E... et A... le 12 avril 2012 et ce, avec toutes conséquences de droit,
- à titre subsidiaire, de constater que la SCI E... et A... était parfaitement consciente de l'état de cessation des paiements de la société Aurencia et de prononcer par conséquent, à titre subsidiaire, la nullité des ventes intervenues sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce,
- de constater que, compte tenu de la cession des lots acquis par la SCI E... et A..., la société se
trouve dans l'impossibilité de restituer lesdits droits et biens immobiliers et de la condamner au paiement du prix de cession correspondant, soit 86.000 euros par vente, soit 172.000 euros au total, et ce, avec intérêts à compter du 12 avril 2012,
- en conséquence et en tout état de cause, de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- sur les demandes de la société Isli conseil, de rejeter la demande d'astreinte, de déclarer la cour incompétente pour fixer une créance au passif, de rejeter les demandes nouvelles de la société Isli conseil comme irrecevables, de dire et juger que les dépenses engagées au titre des charges de copropriété et de taxes foncières ne constituent pas des créances de restitution et que leur qualification relève de la compétence exclusive des organes de la procédure, subsidiairement de dire et juger qu'elles constituent en tout état de cause des créances antérieures au jugement d'ouverture, qu'elles sont soumises au régime de la déclaration de créance dont il appartiendra aux organes de la procédure de relever, le cas échéant, leur manifeste tardiveté, et d'ordonner la communication par la société Isli conseil de l'ensemble des revenus résultant de la jouissance des lots de copropriété pour lui permettre de formuler une demande de condamnation au titre du remboursement des revenus locatifs dont elle a été privée jusqu'à ce jour,
- y ajoutant, de condamner la société Isli conseil et la SCI E... et A..., chacune, à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum aux dépens avec droit de recouvrement direct.
SUR CE,
Sur la qualité à agir de la SELAS Etude JP agissant par Me F... :
La SELAS Etude JP agissant par Me F... justifie de sa qualité à agir en produisant l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris datée du 10 septembre 2018 la désignant en qualité de liquidateur de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aurencia en remplacement de la SELAFA MJA prise en la personne de Me F....
La fin de non-recevoir soulevée par la SCI E... et A... doit donc être rejetée.
Sur les actes conclus entre la société Aurencia et la société Isli conseil :
Tant le liquidateur judiciaire que la société Isli conseil demandent la confirmation du jugement quant à la nullité de la dation en paiement et aucune d'elles ne demandent l'infirmation des dispositions du jugement concernant la société Isli conseil. Seules les demandes formées en cause d'appel seront donc examinées.
Sur la demande de voir ordonner au liquidateur judiciaire de procéder à la publicité de l'arrêt sous astreinte :
La mesure sollicitée par la société Isli conseil relève de l'exécution de la décision à intervenir et l'abstention du liquidateur judiciaire de procéder aux formalités induites par le jugement, malgré le prononcé de l'exécution provisoire, motivée par la prudence et la préservation des deniers de la liquidation judiciaire dans l'attente de l'issue de la procédure d'appel, ne suffit pas à justifier le prononcé d'une astreinte. Les demandes de la société Isli conseil seront donc rejetées.
Sur la demande de fixation d'une créance au passif de la société Aurencia formée par la société Isli conseil :
La société Isli conseil se prévaut d'une créance d'un montant de 119.600 euros constituée de factures émises au titre de sa rémunération de mandataire pour la commercialisation d'immeubles appartenant à la société Aurencia. Elle considère que la dation en paiement étant annulée, elle est de nouveau créancière de la société Aurencia au titre de factures impayées.
Le liquidateur soulève l'irrecevabilité de cette demande au premier motif qu'elle est nouvelle en cause d'appel et au second motif que la cour, saisie sur appel d'une décision rendue en matière de nullité en période suspecte, n'a pas compétence pour fixer une créance au passif de la société sous procédure, et que la créance déclarée par la société Isli conseil doit faire l'objet d'une vérification selon les règles d'ordre public prévues par l'article L. 624-1 du code de commerce.
La société Isli conseil réplique que sa demande est recevable en vertu du pouvoir d'évocation de la cour, prévu par l'article 568 du code de procédure civile, et de la nécessité de donner une solution globale au litige.
La cour ne peut exercer son pouvoir d'évocation dès lors qu'elle n'infirme ni n'annule les dispositions du jugement concernant la société Isli conseil, lesquelles au demeurant n'ont ni ordonné une mesure d'instruction ni, statuant sur une exception de procédure, mis fin à l'instance.
La demande de la société Isli conseil est une demande reconventionnelle en ce qu'elle est formée en réplique à la nullité de la vente et de la compensation obtenue par le liquidateur judiciaire. A ce titre et en vertu de l'article 567 du code de procédure civile, elle est recevable.
Cependant une telle demande de fixation de créance ne relève pas des pouvoirs de la cour statuant en matière de nullité en période suspecte dès lors qu'aucune instance en cours n'a été introduite par la société Isli conseil à l'encontre de la société Aurencia relativement au paiement de factures avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. Au surplus, la société Aurencia n'a pas été attraite en la cause en la personne de son représentant légal et ne peut dès lors exercer ses droits propres reconnus en matière de vérification de créances. La demande de la société Isli conseil sera donc déclarée irrecevable.
Sur la demande en paiement formée par la société Isli conseil :
La société Isli conseil demande la condamnation de la SELAS Etude JP ès qualités en paiement des charges de copropriété et taxes foncières qu'elle a assumées depuis la vente des biens immobiliers aujourd'hui annulée. Elle considère qu'il s'agit de créances de restitution, fondées sur l'article 1352-5 du code civil, car consécutives à la nullité de la vente jugée de surcroît après le jugement d'ouverture de la procédure collective du 3 janvier 2013, que de telles créances sont postérieures au jugement d'ouverture et qu'en tout état de cause, après le 3 janvier 2013, les sommes qu'elle a payées au titre des charges de copropriété et de la taxe foncière sont postérieures et éligibles au traitement préférentiel.
Le liquidateur soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle est nouvelle en cause d'appel. La société Isli conseil réplique que sa demande est recevable en vertu du pouvoir d'évocation de la cour, prévu par l'article 568 du code de procédure civile, et de la nécessité de donner une solution globale au litige. Comme il a été précédemment jugé, la cour ne peut exercer son pouvoir d'évocation dès lors qu'elle n'infirme ni n'annule les dispositions du jugement concernant la société Isli conseil qui n'ont ni ordonné une mesure d'instruction ni mis fin à l'instance. La demande de la société Isli conseil est toutefois également une demande reconventionnelle en ce qu'elle est formée en réplique à la nullité de la vente obtenue par le liquidateur judiciaire. A ce titre et en vertu de l'article 567 du code de procédure civile, elle est recevable.
Le liquidateur soutient en outre que les dépenses engagées au titre des charges de copropriété et de la taxe foncière ne sont pas des créances de restitution, que leur qualification relève de la compétence exclusive des organes de la procédure et qu'en tout état de cause elles sont soumises au régime de la déclaration de créances au passif de la société Aurencia.
La société Isli conseil ne sollicite pas la restitution du prix de vente des biens immobiliers mais, au titre des restitutions découlant de l'annulation d'une vente et en application de l'article 1352-5 du code civil, la restitution par le liquidateur, auquel les biens sont rendus, des dépenses nécessaires à la conservation desdits biens, ces dépenses étant selon elles les charges de copropriété et la taxe foncière. Or, à supposer dues par la liquidation de telles dépenses nécessaires à la conservation des biens restitués, ces créances, qui résultent d'une telle obligation à la suite de l'annulation de la vente en application de l'article L. 632-1 du code de commerce, sont nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. Il s'ensuit que, comme le fait observer le liquidateur, elles sont soumises à la procédure de déclaration au passif de la société Aurencia et de vérification des créances. La société Isli conseil ne soutient pas avoir procédé à une telle déclaration et la société Aurencia n'ayant pas été attraite en la cause en la personne de son représentant légal ne peut exercer ses droits propres reconnus en matière de vérification de créances. La demande de la société Isli conseil n'est donc pas recevable.
Sur la demande de communication par la société Isli conseil des revenus résultant de la jouissance des biens immobiliers aux fins de demande en remboursement des revenus locatifs :
Le liquidateur judiciaire observe que la démarche de la société Isli conseil tendant à faire valoir des créances de remboursement de charges de copropriété et de taxes foncières le 'conduit à considérer qu'il est totalement inéquitable que la société Isli conseil puisse oser solliciter [un tel] remboursement sans proposer, en contrepartie, la restitution de tous les revenus tirés de la détention, depuis 2013, de biens immobiliers' et qu' 'en juger autrement reviendrait à contrevenir aux dispositions des articles 1303 et suivants du code civil destinés à sanctionner et réparer l'enrichissement injustifié'.
Il résulte de ces écritures qu'il convient de considérer que la demande du liquidateur est formée reconventionnellement dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes de la société Isli conseil. La cour jugeant irrecevables les demandes en paiement des charges de copropriété et des taxes foncières formées par la société Isli conseil, la demande du liquidateur devient sans objet.
Sur les actes conclus entre la société Aurencia et la SCI E... et A... :
La SCI E... et A... fait observer que la vente immobilière du 7 mai 2009, le protocole d'accord transactionnel et son avenant et l'acte du 12 avril 2012 forment un ensemble indissociable de sorte que la critique de la remise de dette et de la compensation soulevée par le liquidateur ne peuvent, sans l'annulation du protocole et de son avenant, suffire à justifier la nullité de l'acte de vente du 12 avril 2012, que le liquidateur ne peut faire appel incident de la prétendue omission de statuer sur la nullité du protocole et de son avenant en invitant la cour à se référer à ses conclusions de première instance et que la cour n'est donc pas valablement saisie de la demande d'annulation du protocole et de son avenant.
Devant le tribunal, le liquidateur a sollicité la nullité de la compensation et de la vente conclue le 12 avril 2012 en invoquant en premier lieu la nullité de plein droit des paiements pour dettes échues intervenus en période suspecte et en second lieu 'si par impossible le tribunal considérait que les compensations opérées n'étaient pas nulles' la nullité de plein droit des transactions qui en sont à l'origine compte tenu de leur caractère déséquilibré et frauduleux. Tant sur le moyen principal que sur le moyen subsidiaire le liquidateur a fait référence au seul acte du 12 avril 2012 sans mentionner le protocole transactionnel du 24 janvier 2012 et il s'est borné à demander la nullité de la vente et non celle de ce protocole transactionnel.
Il s'ensuit que la demande de nullité dudit protocole est nouvelle en cause d'appel. Toutefois, le liquidateur est recevable à former une telle demande dès lors qu'elle est le complément aux demandes de nullité de la compensation et de l'acte de vente du 12 avril 2012. La cour est donc 'valablement saisie' de cette demande contrairement à ce que soutient la SCI E... et A....
Devant la cour, si dans le dispositif de ses conclusions, le liquidateur demande en premier lieu la nullité du protocole et de son avenant, dans le corps de ses écritures, cette nullité, fondée sur le caractère frauduleux et déséquilibré de l'accord transactionnel, est invoquée en réplique aux arguments de la SCI E... et A... et par renvoi aux conclusions de première instance. Il doit en être déduit que, comme devant les premiers juges, le liquidateur judiciaire sollicite en premier lieu la nullité de la compensation et de la vente conclue le 12 avril 2012 en invoquant la nullité de plein droit des paiements pour dettes échues intervenus en période suspecte et en second lieu la nullité des transactions en raison de leur caractère frauduleux et déséquilibré, les transactions visées étant le protocole transactionnel, son avenant et l'acte de cession du 12 avril 2012.
Il convient dès lors d'examiner la demande d'infirmation du jugement formée par la SCI E... et A... et la demande de confirmation formée par le liquidateur à l'aune des dispositions invoquées en premier lieu par ce dernier. Ces dispositions sont celles du 4° du paragraphe I de l'article L. 632-1 du code de commerce selon lesquelles sont nuls lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation les paiements pour dettes échues faits autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires.
Le liquidateur judiciaire sollicite ainsi la nullité de la cession de biens conclue le 12 avril 2012 et la condamnation en paiement de la SCI E... et A... aux motifs que doivent être annulées les compensations opérées grâce à l'acquisition par le créancier d'un bien du débiteur au cours de la période suspecte, une telle opération étant assimilée à une dation en paiement justifiant son annulation sur le fondement de l'article L. 632-1, I, 4° du code de commerce, et que la cession des biens par la SCI rend impossible leur restitution. Il fait valoir que la compensation opérée par la SCI E... et A... par suite de la dation en paiement constitue un mode anormal de paiement, qu'elle ne correspond pas à un mode de paiement communément admis et qu'elle a été opérée en fraude des droits des créanciers de la liquidation judiciaire.
La SCI E... et A... soutient que les conditions d'annulation de plein droit des paiements pour dettes échues ne sont pas remplies. Elle fait valoir en premier lieu que la remise de dette qu'elle a consentie était inhérente à l'ancienneté de la vente immobilière et à l'existence d'une garantie de paiement à son profit interdisant tout transfert de propriété ultérieur, que cette remise favorisait notablement la société Aurencia car elle était supérieure à l'avantage retiré par le créancier, que l'actif de la société Aurencia n'a pas été vidé à vil prix de sorte que l'acte litigieux ne comprenait pas des obligations à la charge du débiteur excédant notablement celles de l'autre partie, qu'enfin l'abandon de créance en faveur de la société Aurencia a été envisagé au regard de l'ajustement de valeur des lots cédés. Elle prétend en second lieu que la compensation entre le solde du prix dû par la société Aurencia et le prix de cession qu'elle-même devait constitue un mode de règlement communément admis et utilisé par la société Aurencia dans des actes de vente conclus avec ses clients, que les créances et dettes réciproques compensées sont unies par un lien de connexité qui est la conséquence de la vente du 7 mai 2009 et du protocole du 24 janvier 2012 dont la validité n'est pas contestée, qu'elle n'a été réalisée en période suspecte que par effet du report de la date de cessation des paiements et que sa prétendue mauvaise foi est dès lors impossible à démontrer. Elle souligne qu'elle ne peut bénéficier des conséquences d'une annulation, n'ayant pas déclaré sa créance de 172.000 euros, et qu'il serait inique de statuer comme l'a fait le tribunal sans envisager les conséquences de cette annulation.
Le 12 avril 2012, les sociétés Aurencia et E... et A... ont signé l'acte de cession à la seconde de droits et biens immobiliers appartenant à la première au prix de 172.000 euros. L'acte stipule que le prix demeurera compensé avec la somme identique dont le vendeur est redevable envers l'acquéreur et précise que 'les dispositions et modalités de ce paiement résulte d'un protocole d'accord transactionnel signé sous seings privés entre les parties à Vincennes le 24 janvier 2012 suivi d'un avenant en date à Paris du 15 mars 2012", ces protocole et avenant étant annexés à l'acte de cession.
Dès lors que la cession litigieuse constitue un acte d'exécution du protocole d'accord transactionnel et de son avenant, elle doit être appréciée à la lumière de ces deux derniers actes. Ce protocole indique que la société Aurencia était redevable de la somme de 405.000 euros correspondant au solde du prix de vente de l'ensemble immobilier cédé par la SCI E... et A... le 7 mai 2009, que les parties ont entendu mettre un terme définitif au paiement de ce solde de prix, que la société Aurencia cède à la SCI des lots et parkings pour la somme de 172.000 euros, que le prix de 172.000 euros est payé par compensation avec le compte courant créditeur de la SCI ouvert dans les comptes de la société Aurencia, et que la SCI E... et A... abandonne le solde de sa créance pour un montant de 232.000 euros. L'avenant signé par les parties le 15 mars 2012 modifie la date-butoir de signature de la vente.
Ainsi, alors que la SCI E... et A... n'avait aucune dette à l'égard de la société Aurencia, la cession de droits et biens immobiliers appartenant à la société Aurencia a eu pour effet d'en créer une à l'égard de la société Aurencia rendant possible le paiement partiel de la dette de celle-ci par compensation. Un tel paiement, décidé et mis en oeuvre pendant la période suspecte et opéré grâce à une compensation provoquée par la cession litigieuse elle-même, ne constitue pas un mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires. La SCI E... et A... ne rapporte en outre pas la preuve de ce que la société Aurencia avait usé à plusieurs reprises d'un tel procédé de paiement de ses propres dettes à l'égard de ses cocontractants, aucune pièce n'étant produite aux débats à l'appui de ces dires. L'opération litigieuse constitue ainsi une dation en paiement dont la nullité de plein droit est encourue en vertu de l'article L. 632-1 du code de commerce compte tenu de son caractère anormal.
Dès lors qu'est seule recherchée la nullité du paiement d'une dette échue, la circonstance que cette dette résulte de l'acte de vente du 7 mai 2009 dont la validité n'est pas contestée est indifférente. De même le fait que la dation en paiement a été réalisée pendant la période suspecte telle que définie par un jugement de report de la date de cessation des paiements n'est pas de nature à écarter une telle nullité. Enfin, la nullité encourue étant de plein droit, la mauvaise foi de société Aurencia n'a pas à être démontrée.
Il résulte de tout ce qui précède que le paiement de la dette échue de la société Aurencia opéré par dation à hauteur de 172.000 euros pendant la période suspecte doit être annulé et la SCI E... et A... condamnée à payer au liquidateur judiciaire ce montant. Le jugement sera confirmé sur ce point.
En revanche, la cour observe que le 4° du paragraphe I de l'article L. 632-1 du code de commerce prévoit la nullité du seul paiement de la dette de sorte qu'il convient de s'interroger sur la possibilité de faire droit, à ce titre, à la demande de nullité de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la SCI E... et A... 12 avril 2012. Les parties n'ayant pas conclu sur ce point, la réouverture des débats sera ordonnée.
La cour entend également faire préciser par le liquidateur judiciaire si ses demandes de nullité du protocole d'accord transactionnel, de son avenant et de la vente du 12 avril 2012 sont formées en sus de la nullité du paiement, le liquidateur observant que la restitution des biens par la SCI E... et A... n'est pas possible, et si de telles demandes sont formées sur le fondement de la nullité de plein droit du 2° du paragraphe I de l'article L. 632-1 du code de commerce et/ou de la nullité facultative prévue par L. 632-2 du code de commerce.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SCI E... et A... tirée du défaut de qualité à agir de la SELAS Etude JP ès qualités ;
Sur les actes conclus entre la société Aurencia et la société Isli conseil :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la société Isli conseil le 22 octobre 2012, a constaté la nullité de la compensation résultant de la transaction conclue par la société Aurencia avec la société Isli conseil le 22 octobre 2012 et a condamné la société Isli conseil à payer à la SELAFA MJA ès qualités de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la moitié des dépens ;
Y ajoutant,
Déboute la société Isli conseil de sa demande de publicité de l'arrêt à intervenir sous astreinte ;
Déclare irrecevable la demande de fixation d'une créance au passif de la société Aurencia formée par la société Isli conseil ;
Déclare irrecevables les demandes en paiement des charges de copropriété et de la taxe foncière formées par la société Isli conseil à l'encontre de la SELAS Etude JP ès qualités ;
Dit sans objet la demande, formée par la SELAS Etude JP ès qualités, de communication par la société Isli conseil des revenus résultant de la jouissance des biens immobiliers aux fins de demande en remboursement des revenus locatifs ;
Condamne la société Isli conseil à payer à la SELAS Etude JP ès qualités la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Sur les actes conclus entre la société Aurencia et la SCI E... et A... :
Déclare recevable la demande de nullité du protocole d'accord transactionnel du 24 janvier 2012 et de son avenant du 15 mars 2012 formée par la SELAS Etude JP ès qualités ;
Prononce la nullité du paiement pour dette échue de la somme de 172.000 euros au profit de la SCI E... et A...;
En conséquence, confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI E... et A... à payer à la SELAFA MJA ès qualités, dont la SELAS Etude JP prise en la personne de Me F... vient aux droits, la somme de 172.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016 ;
Ordonne la réouverture des débats entre la SCI E... et A... et la SELAS Etude JP ès qualités et renvoie l'affaire à l'audience du 13 avril 2021 ;
Les invite à faire des observations sur la possibilité de faire droit, sur le fondement de l'article L. 632-1, I, 4 ° du code de commerce, à la demande de nullité de la vente des droits et biens immobiliers conclue entre la société Aurencia et la SCI E... et A... 12 avril 2012 ;
Invite la SELAS Etude JP ès qualités à préciser si ses demandes de nullité du protocole d'accord transactionnel du 24 janvier 2012, de son avenant du 15 mars 2012 et de la vente du 12 avril 2012 sont formées en sus de la nullité du paiement et si de telles demandes sont formées sur le fondement de la nullité de plein droit du 2° du paragraphe I de l'article L. 632-1 du code de commerce et/ou de la nullité facultative prévue par L. 632-2 du code de commerce, et invite, le cas échéant, la
SCI E... et A... à faire des observations sur les précisions apportées par la SELAS Etude JP ès qualités ;
Dit que l'ensemble des observations devront être déposées au greffe et communiquées avant le 26 mars 2021 ;
Réserve la moitié des dépens de première instance, l'ensemble des dépens d'appel, la condamnation par le tribunal de la SCI E... et A... au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes formées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la SELAS Etude JP ès qualités et la SCI E... et A....