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Décisions

Cass. com., 24 octobre 2000, n° 97-21.796

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Métivet

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Bouzidi, Me Guinard, Me Luc-Thaler

Rouen, 2e ch. civ., du 25 sept. 1997

25 septembre 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 septembre 1997), que la société Educinvest, devenue Compagnie générale de formation, ayant acquis les fonds de commerce des sociétés du groupe Educatel et Ecole universelle, qui connaissaient de graves difficultés financières et se trouvaient débitrices d'un groupe de vingt banques, dont la banque CIB, devenue CARIPLO (la banque) pour un montant de 163 185 074 francs, a constitué une filiale la société Nouvelle groupe Educatel (la société Nouvelle) immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 11 octobre 1991 ; que le 29 août 1991 un acte dit "protocole de restructuration" était signé entre les banques et la société Educinvest "agissant tant pour elle-même, qu'en qualité de porte-fort de la société Nouvelle", aux termes duquel la créance des banques se trouverait pour partie convertie en un prêt à long terme à la société Nouvelle et pour le surplus, en une participation à une augmentation à réaliser du capital de cette dernière, ce qui a été fait respectivement les 20 janvier et 26 mai 1992 ; que la société Educinvest s'engageait en outre personnellement à "assurer l'intégralité des besoins financiers de la société Nouvelle par apports en compte courant" ; que la société Nouvelle rencontrant à son tour des difficultés a cessé le remboursement du prêt en janvier 1993 ; qu'après de vaines mises en demeure, la banque a, le 21 juillet 1993 assigné la société Educinvest devant le tribunal de commerce de Rouen en exécution de ses engagements ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le pourvoi, d'une part, elle avait fait valoir que l'engagement souscrit par la société Educinvest au nom de la société Nouvelle en formation n'avait jamais été repris dans les conditions légales, rappelant que seule "une décision spéciale de reprise de ces actes postérieure à l'immatriculation de la société et adoptée à la majorité des associés, était en mesure de dégager la société Educinvest de sa responsabilité solidaire et indéfinie", décision qui n'avait jamais été prise d'après les documents déposés au greffe du tribunal de commerce, pas plus qu'il n'y avait eu de reprise automatique dès lors que les statuts d'origine de la société Nouvelle déposés au greffe n'incluait pas la liste des actes réalisés pour le compte de la société en formation ; qu'en affirmant que la société Nouvelle une fois immatriculée a dûment ratifié ces opérations en déclarant les reprendre à son compte et en procédant aux formalités nécessaires tel qu'il résulte du protocole réitératif du 25 octobre 1991 auquel elle-même n'était pas partie, sans constater que cette ratification répondait aux exigences légales de reprise des actes accomplis pour le compte d'une société en formation, la cour d'appel n'a par là-même pas constaté que la société Educinvest rapportait la preuve de ses obligations selon lesquels la société Nouvelle avait repris les actes pour lesquels elle s'était portée fort, a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 de la loi du 24 juillet 1966, 74 du décret du 23 mars 1967 et 6, alinéa 4, du décret du 3 juillet 1978 ; alors, d'autre part, que la reprise des actes accomplis au cours de la période constitutive d'une société en formation ne peut résulter que d'une reprise automatique ou volontaire dans les conditions de la loi ; qu'en retenant, pour considérer que la société Nouvelle avait ratifié les actes auxquels s'était engagée la société Educinvest en qualité de porte-fort, qu'une fois immatriculée la société Nouvelle avait procédé aux formalités nécessaires telles qu'elles résultent du protocole réitératif du 25 octobre 1991 auquel elle-même n'était pas partie, la cour d'appel n'a par là-même pas constaté la régularité de la reprise des actes accomplis au cours de la période de formation et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 du Code civil, ensemble les articles 5 de la loi du 24 juillet 1966, 74 du décret du 23 mars 1967 et 6, alinéa 4, du décret du 3 juillet 1978 ; alors, en outre, que la reprise des actes accomplis au cours de la période constitutive au nom d'une société en formation ne peuvent être repris que dans l'une des formes prévues par la loi ; qu'en retenant que le 20 janvier 1992, la société Nouvelle avait souscrit le prêt prévu par le protocole du 29 août 1991 et le 26 mai 1992 avait procédé à l'augmentation de capital prévue par ce même protocole pour en déduire à une ratification des engagements stipulés par le porte-fort dans l'acte du 29 août 1991, la cour d'appel n'a par là-même pas constaté une reprise explicité dans les conditions légales a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 de la loi du 24 juillet 1966, 74 du décret du 23 mars 1967 et 6, alinéa 4, du décret du 3 juillet 1978 ; et alors, enfin, que la reprise des actes accomplis pour le compte d'une société en formation ne peut résulter de leur seule exécution ; qu'en relevant encore que le 20 janvier 1992 la société Nouvelle avait souscrit le prêt prévu par le protocole du 29 août 1991 et le 26 mai 1992 avait procédé à l'augmentation de capital prévue par ce même protocole pour en déduire que cette société avait ratifié les engagements pris par la société Educinvest en qualité de porte-fort pour sa filiale alors en formation, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 de la loi du 24 juillet 1966, 74 du décret du 23 mars 1967 et 6, alinéa 4, du décret du 3 juillet 1978 ;

Mais attendu que, statuant sur les engagements de la société Educinvest en qualité de porte-fort de la société Nouvelle, l'arrêt retient que cette dernière a, une fois immatriculée, ratifié ces engagements nécessaires à la restructuration de sa dette envers les banques, en déclarant dans un "protocole" du 25 octobre 1991, les reprendre à son compte et en exécutant les obligations qu'ils contenaient et qu'ainsi la société Educinvest se trouvait libérée de ses engagements de porte-fort ; que la cour d'appel, ayant ainsi constaté que la société Nouvelle avait ratifié les promesses faites pour elle par le promettant, le moyen n'est pas fondé à critiquer l'arrêt en invoquant les dispositions régissant la reprise des actes passés au nom et pour le compte d'une société en formation ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la banque fait le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de l'acte du 29 août 1991 que la société Educinvest agissait "tant pour elle-même qu'en qualité de porte-fort de la société nouvelle, en cours de formation" et qu'elle faisait valoir que la circonstance que la société Nouvelle ait commencé à rembourser les intérêts du prêt de restructuration était inopérant, le porte-fort n'étant libéré que par l'exécution complète par le tiers des obligations souscrites ; qu'en affirmant qu'une telle interprétation est tout à fait contraire à la lettre du protocole du 29 août 1991 et à l'intention des parties dès lors qu'il ressort des circonstances de l'espèce, de l'attitude des parties et de la rédaction du protocole que l'engagement de porte-fort de la société Educinvest ne portait nullement sur une exécution du prêt mais simplement sur une ratification de celui-ci, la cour d'appel, qui ne précise nullement les circonstances de l'espèce et l'attitude des parties dont elle déduit que l'engagement était limité à la ratification et non pas à l'exécution du prêt par la filiale, a procédé par voie d'affirmation et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il résulte du protocole de restructuration que la société Educinvest agissait "tant pour elle-même qu'en qualité de porte-fort de la société Nouvelle en cours de formation", elle-même faisant valoir que la circonstance que la société Nouvelle ait commencé à rembourser les intérêts du prêt de restructuration était inopérant, le porte-fort se trouvant rétroactivement libéré du fait de l'exécution par le tiers des obligations souscrites ; qu'en retenant qu'une telle interprétation est tout à fait contraire à la lettre du protocole du 29 août 1991 et à l'intention des parties dès lors qu'il résulte des circonstances de l'espèce, de l'attitude des parties et de la rédaction du protocole que l'engagement de porte-fort ne portait nullement sur l'exécution du prêt mais simplement sur la ratification de celui-ci, sans préciser en quoi la rédaction du protocole permettait d'affirmer que l'engagement de porte-fort ne portait pas sur l'exécution mais seulement sur sa ratification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1120 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en retenant qu'il résulte en outre notamment du procès-verbal du conseil d'administration de la société Educinvest du 4 septembre 1991 qui délimite les engagements de la société, à savoir créer le groupe Educatel Eurodis et souscrire à son capital pour la somme de 10 millions de francs, que le conseil précise même que toutes les autres obligations prévues par le protocole sont de la seule responsabilité de la société Nouvelle pour décider que l'engagement de porte-fort ne portait nullement sur l'exécution du prêt mais simplement sur sa ratification, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un document anéanti par le conseil d'administration du 16 septembre 1991 ayant autorisé le président à prendre au nom de la société tous engagements "découlant de la reprise des sociétés Educatel et Ecole Universelle", n'a pas légalement justifié sa décision et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1119 et suivants du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'appréciant le sens et la portée des dispositions du protocole du 29 août 1991, la cour d'appel a estimé que l'engagement souscrit par la société Educinvest en qualité de porte-fort pour la société Nouvelle se limitait à promettre que cette dernière ratifierait l'engagement pris pour elle de souscrire au prêt de restructuration ; qu'en l'état de cette appréciation, elle a par une décision motivée légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions que la banque ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'elle fait valoir à l'appui de la troisième branche de son moyen ; que celui-ci est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches et est irrecevable en sa troisième branche ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la banque fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, que la clause "C7" du protocole relative "à l'engagement du groupe Educinvest" stipulait que "la société Educinvest s'engage à assurer l'intégralité des besoins financiers de la société Nouvelle par apport en compte courant et à ne pas céder ni donner en garantie, pendant toute la durée de l'emprunt, les éléments incorporels sans l'accord des banques et institutions financières, parties prenantes au capital", le protocole de restructuration indiquant en outre que la société Educinvest agissait tant pour elle-même qu'en qualité de porte-fort de la société Nouvelle en cours de constitution ; qu'il résultait de cette stipulation, qui ne constituait pas une garantie, un engagement direct pris par la société Educinvest d'assurer l'intégralité des besoins financiers de sa filiale par apports en compte courant, engagement qui était propre et personnel à la société Educinvest qui était général et non limité au seul prêt de restructuration ; qu'ayant relevé que le Tribunal avait considéré que cette clause était constitutive d'une garantie relevant des dispositions des articles 98, alinéa 4, de la loi du 24 juillet 1966 et 89 du décret du 23 mars 1967, ce qui la rendait inopposable à la société Educinvest pour défaut d'autorisation préalable du conseil d'administration, la cour d'appel, qui affirme péremptoirement sans autre analyse que l'engagement de prêter est une garantie entrant dans le champ d'application de l'article 98, alinéa 4, sans préciser en quoi l'engagement propre et personnel de la société Educinvest constituait une telle garantie, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; et alors, d'autre part, que la clause "C7" du protocole relative "à l'engagement du groupe Educinvest" stipulait que "la société Educinvest s'engage à assurer l'intégralité des besoins financiers de la société Nouvelle par apport en compte courant et à ne pas céder ni donner en garantie, pendant toute la durée de l'emprunt, les éléments incorporels sans l'accord des banques et institutions financières, parties prenantes au capital" le protocole de restructuration indiquant en outre que la société Educinvest agissait tant pour elle-même qu'en qualité de porte-fort de la société Nouvelle en cours de constitution ; qu'il résultait de cette stipulation, qui ne constituait pas une garantie, un engagement direct pris par la société Educinvest d'assurer l'intégralité des besoins financiers de sa filiale par apports en compte courant, engagement qui était propre et personnel à la société Educinvest ; qu'en affirmant par motifs propres et adoptés que l'engagement de prêter est également une garantie entrant dans le champ d'application de l'article 98, alinéa 4, la cour d'appel a dénaturé les stipulations du contrat et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que dans un protocole d'accord ayant pour objet la restructuration de la créance des banques sur sa filiale, la société Educinvest s'était engagée personnellement à assurer l'intégralité des besoins financiers de celle-ci par des apports en compte courant, ce dont il résultait qu'elle avait pris l'engagement de résultat de permettre à la société Nouvelle de tenir ses engagements à l'égard des banques, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.