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Décisions

Cass. 1re civ., 19 février 2002, n° 00-12.151

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 18 juin 1999

18 juin 1999

 

Attendu que la société Dune a été contactée par Mme Coline X..., auteur du film " Trois hommes et un couffin " pour produire des épisodes télévisés qui en constitueraient la suite ; que la société Flach film, productrice de l'oeuvre cinématographique et cessionnaire des droits afférents, avertie du projet, a informé la société Dune et les chaînes de télévision qu'il le tenait pour contraire à ses droits ; que, sur assignation de Mme X..., la Cour de Paris, le 13 juillet 1993, par arrêt confirmatif et définitif, a dit la série télévisuelle annoncée, de par ses caractères prévus, oeuvre nouvelle et insusceptible de confusion avec le film antérieur, les droits exclusifs de la société Flach film se limitant à son titre ; que les deux sociétés Flach film et Dune se sont alors mutuellement assignées, la première continuant de dénoncer dans le projet persistant un emploi contrefaisant du film et de son titre, la seconde lui réclamant des dommages-intérêts pour avoir fait échouer ses pourparlers avec la société TF1, et se réservant de lui imputer l'échec éventuel de ceux qu'elle menait avec la société France 2 ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 18 juin 1999), déboutant la société Flach film, a fait droit aux demandes de la société Dune, la société France 2 ayant entre-temps renoncé elle-même à la série envisagée ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Flach film fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en contrefaçon du titre " Trois hommes et un couffin ", malgré des emplois relevés de celui-ci dans des bulletins de salaire et contrats émanés de la société Dune, en violation des articles L. 112-4 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que la contrefaçon du titre d'une oeuvre de l'esprit s'entend de la reprise des mots et formules qui le constituent pour en faire la locution distinctive sous laquelle une autre sera divulguée ; que l'arrêt, en relevant qu'aucune preuve n'était rapportée d'une utilisation du titre pour désigner au public la série télévisée projetée, dont le synopsis présenté s'intitulait " La Maison en caoutchouc ", est donc légalement justifié ;

Et sur les deux dernières branches du même moyen :

Attendu que la société Flach film reproche aussi à l'arrêt, en violation de l'article L. 121-1 du même Code, d'avoir laissé sans conséquence des références publiques faites par Mme X... ou la société Dune au film " Trois hommes et un couffin " afin de rechercher le succès de la série télévisée envisagée ;

Mais attendu que l'auteur d'une première oeuvre de l'esprit, seul habilité à dénoncer les atteintes portées à son droit moral, tient, en outre, de sa paternité sur elle la faculté de faire ou laisser faire état de sa qualité pour aider à la promotion d'une autre, distincte, qu'il s'apprête à réaliser ; que, en l'absence d'abus établi à cet égard, le moyen n'est pas davantage fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est ensuite reproché à la cour d'appel d'avoir débouté la société Flach film, cessionnaire de tous les droits d'auteur sur le film " Trois hommes et un couffin ", de son action en concurrence déloyale et parasitaire pour avoir utilisé de diverses manières ce titre dans la préparation et la promotion d'une suite à ce film, alors que, selon le moyen, la Cour aurait violé l'article 1382 du Code civil en refusant de dire abusive la référence constante faite par la société Dune à une oeuvrepréexistante dont elle ne détenait pas les droits pour bénéficier de sa notoriété et promouvoir son propre projet, et l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en ne répondant pas à ses conclusions soulignant que la société Dune s'était mensongèrement présentée comme acquéreur des droits d'adaptation télévisuelle et du titre du film " Trois hommes et un couffin " ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas tenu pour établi qu'une référence " constante " ait été faite par la société Dune au film préexistant pour préparer ou promouvoir la suite télévisée qu'elle voulait produire, a, en revanche, relevé que l'affirmation publique du lien entre les deux oeuvres avait été tantôt le fait d'un journaliste par voie de presse, tantôt l'expression d'une information rendue non reprochable en raison du rapport objectif de suite entre l'une et l'autre ; que la prétention de la société Dune à se présenter inexactement comme propriétaire des droits nécessaires aux émissions envisagées, faite seulement dans ses relations avec les auteurs, était inopérante ; qu'ainsi sa décision n'encourt pas les critiques du moyen ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est enfin fait grief à la cour d'appel d'avoir condamné la société Flach film à dommages-intérêts pour avoir adressé à la société France 2 une lettre dissuasive relatant inexactement le contenu de l'arrêt du 13 juillet 1993, alors que, en retenant des désordres crées par l'envoi de cette lettre sans que la preuve de son rôle dans l'abandon du projet télévisuel par ladite société ait été établie, elle se serait contredite, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et que, en n'ayant pas précisé la nature des désordres réparés, elle aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que la société Dune a été faussement présentée dans la lettre dont s'agit comme s'étant vue judiciairement interdire toute référence directe ou indirecte au titre " Trois hommes et un couffin " ; qu'elle en a éprouvé un préjudice dont la certitude et l'ampleur ont été souverainement appréciées ; qu'en outre, il confirme en même temps une réparation, prononcée en première instance et non contestée, à raison de la responsabilité de la société Flach film dans l'échec antérieur des pourparlers avec la société TF1 ; que le moyen est infondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.