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Décisions

Cass. com., 19 janvier 2010, n° 09-14.438

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Chambéry, du 10 mars 2009

10 mars 2009

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 mars 2009), que la société Nief Plastic (la société NP) s'est engagée par lettre du 18 février 2002 à l'égard de la société Crédit lyonnais (la banque) à soutenir sa filiale, la société NP Sainte-Savine, à laquelle la banque a consenti un prêt ; que la société NP Sainte-Savine ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a reproché à la société NP d'avoir manqué à son obligation et demandé qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts ;

Attendu que la société NP fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que nul ne peut être obligé au delà des termes de son engagement ; que la cour d'appel a constaté que la société Nief Plastic avait manifesté sans équivoque sa volonté de s'engager dans les limites d'une obligation de moyens en refusant le modèle de lettre d'intention proposé par le Crédit lyonnais -dont les termes emportaient une obligation de faire constitutive d'une obligation de résultat- et en proposant d'y substituer sa propre lettre qui ne l'engageait que sur la base d'une obligation de moyens ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner la société Nief Plastic sur le fondement d'une obligation de résultat, que celle-ci "ne rapporte pas la preuve du consentement du Crédit lyonnais à transformer l'obligation de résultat qu'il exigeait en une simple obligation de moyens", cependant que l'établissement d'une telle preuve était inopérant dès lors qu'elle constatait que la société Nief Plastic avait entendu limiter l'étendue de son engagement à une obligation de moyens, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que le Crédit lyonnais avait accepté en toute connaissance de cause la substitution de son modèle de lettre d'intention emportant une obligation de résultat par le modèle fourni par la société Nief Plastic, emportant une simple obligation de moyens, procédant à la suite de la réception de cette nouvelle lettre d'intention, au déblocage des fonds prêtés, ce dont il se déduisait nécessairement que la banque avait accepté que la société Nief Plastic limite la portée de son engagement à la souscription d'une obligation de moyens ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la société Nief Plastic "ne rapporte pas la preuve du consentement du Crédit lyonnais à transformer l'obligation de résultat qu'il exigeait en une simple obligation de moyens" cependant que la connaissance par la banque destinataire de la volonté de la société Nief Plastic de limiter la portée de son engagement à une obligation de moyens ainsi que la renonciation expresse de la banque à son propre modèle de lettre d'intention au profit de celui de la société Nief Plastic emportait nécessairement un tel consentement, matérialisé par le déblocage des fonds prêtés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'au surplus, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'après avoir constaté que la société Nief Plastic, par son manquement à son obligation de mettre à disposition de sa filiale les fonds lui permettant de faire face au paiement des échéances du prêt, avait seulement fait perdre au Crédit lyonnais la chance de recouvrer les sommes lui restant dues au titre de ce prêt, la cour d'appel ne pouvait allouer à cette dernière la totalité des sommes restant dues au titre des échéances du prêt, en principal et intérêts à la date de mise en jeu de la déchéance du terme, augmentées du montant de la clause pénale, sans violer l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la société NP s'était obligée à faire le nécessaire pour que sa filiale dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face à son obligation de remboursement du prêt, qui s'analysait en une obligation de résultat, et relevé qu'elle ne rapportait pas la preuve du consentement de la banque à transformer l'obligation de résultat qu'elle exigeait en une simple obligation de moyens, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a statué comme l'a fait ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant évalué le préjudice subi par la banque du fait de l'inexécution de l'obligation de résultat contractée par la société NP au montant des sommes restant dues au titre du prêt, en principal et intérêts, augmentées du montant de la clause pénale, faisant ainsi ressortir que ce préjudice n'était grevé d'aucun aléa, la cour d'appel a, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche, qui est surabondant, fait l'exacte application de l'article 1147 du code civil en condamnant la société NP à payer à la banque une indemnité du même montant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.