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Décisions

CA Rennes, ch. com., 12 octobre 2010, n° 09/05151

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire Atlantique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avoués :

SCP Gauvain & Demidoff, SCP Bazille Jean-Jacques, SCP Jacqueline Brebion Et Jean-David Chaudet

Avocats :

Me Orain, Me Riou

T. com. Nantes, du 15 juill. 2009

15 juillet 2009

EXPOSE DU LITIGE.

Par acte notarié du ministère de Maître B.., notaire à ORVAULT, en date du 26 mars 2006, Madame Y.. a consenti à Mademoiselle A... un bail commercial sur un immeuble lui appartenant..., pour l'exploitation d'un commerce de café-restaurant.

Le bail a été souscrit pour une durée de neuf ans allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2015.

Le loyer a été fixé à la somme annuelle de 6. 120, 00 euros, payable mensuellement par avance et le 1er de chaque mois.

Selon jugement du 11 mars 2009, le Tribunal de Commerce de NANTES a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de Madame A....

Madame Y.. indiquait être créancière à la date du jugement, des sommes suivantes :

- solde de consommation d'eau froide + droit de voierie : 504, 80 euros

- solde des charges 2008 : 480, 00 euros

- loyer du mois de mars 2009 : 122, 00 euros

- charges du 1er trimestre 2009 : 127, 00 euros

TOTAL : 1. 733, 80 euros

Cette dernière a produit sa créance au passif de la liquidation judiciaire par lettres recommandées avec avis de réception en date des 23 et 26 mars 2009.

Suivant requête du 1er juillet 2009, la SCP DOLLEY-COLLET, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mademoiselle A..., a sollicité l'autorisation de la part du Juge Commissaire de céder le fonds de commerce de Mademoiselle A... à Mademoiselle Z... ;

Par ordonnance du même jour, le Juge Commissaire a autorisé cette cession ;

Madame Y... en a relevé appel le 15 juillet 2009 ;

Celle-ci demande à la Cour de :

'Vu le bail du 29 mars 2006,

- infirmer l'ordonnance de Monsieur le Juge Commissaire à la liquidation judiciaire de Madame A... en date du 1er juillet 2009 ;

En conséquence, rejeter la demande de cession du fonds de commerce de Madame A... au profit de Mademoiselle Z... ;

- déclarer irrecevable et en tous cas mal fondée la demande reconventionnelle de la SCP DOLLEY-COLLET ;

- condamner la SCP DOLLEY-COLLET, es qualité, à payer à Madame Y... la somme de 2. 000, 00 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- déclarer commun à la BPA l'arrêt à intervenir ;

- la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

A titre subsidiaire, condamner la SCP DOLLEY-COLLET à garantir Madame Y... de toute demande dirigée à son encontre par la BPA ou les autres intimés ;

- condamner la SCP DOLLEY-COLLET, es qualité, en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, avoués, par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.'

La SCP DOLLEY-COLLET es qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Madame Annick A..., conclut ainsi :

'Vu l'article L 642-19 du Code de Commerce, ensemble l'article 1382 du Code Civil,

- confirmer la décision dont appel,

- condamner Madame Jeanne Françoise Y... née DE X... à payer à la SCP DOLLEY-COLLET, ès-qualité de mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de Madame Annick A..., la somme de 24. 700 euros,

- condamner la même à payer à la SCP DOLLEY-COLLET, es qualité de mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de Madame Annick A..., la somme de 3. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner la même en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP BREBION-CHAUDET'.

La BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE formule les prétentions suivantes :

'- décerner acte à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel interjeté par Madame Y... à l'encontre de l'ordonnance du Juge commissaire rendue le 1er juillet 2009 par le Tribunal de Commerce.

Y ajoutant

-condamner Madame Y... à payer à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE la somme de 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner Madame Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoué.'

Bien qu'assignée à sa personne, Madame Carole Z... n'a pas constitué avoué ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;

Le dossier de la procédure a été transmis au Ministère Public, qui en a donné visa ;

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence aux écritures de Madame Y... en date du 3 mars 2010, de la SCP DOLLEY-COLLET, es qualités, en date du 16 août 2010 et de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE en date du 16 février 2010 ;

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que le bail stipulait au profit du bailleur une faculté d'agrément de la cession litigieuse, en ces termes :'Le preneur ne pourra ni sous-louer ni céder son bail, ni faire occuper les lieux par un tiers à quelque titre que ce soit. Toutefois, et s'il désire céder son fonds de commerce, il devra préalablement à toute cession demander par écrit l'autorisation de céder son droit au bail à un successeur dans son commerce, à charge d'indiquer dans sa demande, les prénoms, nom, profession et adresse de l'acheteur éventuel, ainsi que toutes les conditions de la cession projetée, et de joindre à sa demande la justification de la parfaite honorabilité, solvabilité et capacité professionnelles du cessionnaire éventuel’ ;

Considérant qu'il est constant que dans sa requête aux fins de cession du fonds de commerce le liquidateur n'a pas sollicité l'application de la clause d'agrément du bailleur, pourtant expressément prévue par le bail ;

Que cette clause d'agrément conventionnel n'a donc pas été respectée, ce qui rend la cession du fonds de commerce de Mme A... au profit de Mlle Z... irrégulière ;

Considérant qu’être valable, la cession doit comporter l'agrément préalable du bailleur ;

Qu'en l'espèce, c'est bien une cession du fonds de commerce, valant vente, qui a été autorisée par l'ordonnance déférée, laquelle mentionne notamment :

'Autorisons la cession du fonds de commerce de Café Restaurant, dépendant de la liquidation judiciaire de Madame Annick A..., Café Restaurant L'ARTISAN,..., dans les conditions ci-dessus définies, au profit de Mademoiselle Carole Z..., avec faculté de substitution, moyennant le prix principal net vendeur de 24. 700 euros.

Disons qu'en cas de substitution, Mademoiselle Carole Z... restera garant des engagements pris.

Constatons qu'à l'appui de son offre l'intéressée a versé, la somme de 2. 470 euros, à titre d'acompte, qui s'imputera sur le prix convenu.

Disons qu'en cas de défaillance ultérieure de sa part, ce versement restera acquis à la liquidation judiciaire sans préjuger d'éventuels dommages et intérêts complémentaires, en réparation du préjudice subi.

Disons que le solde du prix de cession sera payé comptant le jour de la signature de l'acte.'

Que le Juge Commissaire ait autorisé une véritable vente du fonds de commerce et ne s'est pas seulement contenté d'autoriser le liquidateur à procéder à la vente 'dans le respect des clauses et conditions du bail, c'est-à-dire en sollicitant l'agrément postérieurement à l'autorisation de cession 'comme le soutient la SCP DOLLEY-COLLET ;

Que la circonstance que le texte applicable au litige emploie la formule 'Autorise' au lieu de 'Ordonne' ne modifie pas cette analyse ;

Qu'au cas contraire, Mme Y..., à laquelle l'ordonnance de cession du bail avait été notifiée, n'avait d'autre choix que d'en relever appel ; que le législateur n'a pu ainsi vouloir que le bailleur puisse faire valoir son refus que par un recours contre l'ordonnance de cession ;

Considérant que les cessions irrégulières sont inopposables au bailleur et constituent un motif de résiliation du bail ;

Considérant qu'il convient, dès lors, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de rejeter la demande de cession du fonds de commerce de Mme A... au profit de Mlle Z... ;

Considérant que si la demande reconventionnelle de la SCP DOLLEY-COLLET est recevable sur le fondement de l'article 564 et 567 du Code de Procédure Civile, elle se trouve mal fondée ;

Qu'en effet, ainsi qu'il a été sus-démontré, la cession du bail autorisée n'est pas régulière et que Madame Y... n'a commis aucune faute ;

Considérant que la SCP DOLLEY-COLLET, es qualité, qui succombe, supportera les dépens ;

Qu'en raison de la situation pécuniaire obérée de Mme A..., il n'y a pas lieu à application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'appelante et de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ;

 

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

- déclare irrégulière la cession de fonds de commerce de Mme A... au profit de Mlle Z... et la rejette ;

- déclare mal fondée la demande reconventionnelle de la SCP DOLLEY-COLLET en paiement de dommages et intérêts ;

- condamne ladite SCP, es qualité de liquidateur judiciaire de Madame A... aux entiers dépens qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de Procédure Civile par les SCP d'avoués GAUVAIN-DEMIDOFF et JJ. BAZILLE.

 

Rejette toutes prétentions autres ou contraires.