CJUE, 3e ch., 13 octobre 2022, n° C-64/21
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Rigall Arteria Management sp. z o.o. sp.k.
Défendeur :
Bank Handlowy w Warszawie S.A.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jürimäe (rapporteure)
Juges :
M. Safjan, M. Jääskinen, M. Piçarra, M. Gavalec
Avocat général :
Mme Ćapeta
Avocats :
Me Skrycki, Me Pietras, M. Rzepka
LA COUR (troisième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO 1986, L 382, p. 17).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Rigall Arteria Management sp. z o.o. sp.k. à Bank Handlowy w Warszawie S.A. (ci-après « Bank Handlowy ») au sujet de la fourniture des informations nécessaires pour permettre à la première de déterminer le montant de la commission qui lui serait due en relation avec les contrats conclus par Bank Handlowy avec des clients dont la clientèle a été obtenue antérieurement par l’intermédiaire de Rigall Arteria Management.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les deuxième et troisièmes considérants de la directive 86/653 sont ainsi libellés :
« considérant que les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l’intérieur de la Communauté, les conditions de concurrence et l’exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu’à la sécurité des opérations commerciales ; que, par ailleurs, ces différences sont de nature à gêner sensiblement l’établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents ;
considérant que les échanges de marchandises entre États membres doivent s’effectuer dans des conditions analogues à celles d’un marché unique, ce qui impose le rapprochement des systèmes juridiques des États membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement de ce marché commun ; que, à cet égard, les règles de conflit de lois, même unifiées, n’éliminent pas, dans le domaine de la représentation commerciale, les inconvénients relevés ci-dessus et ne dispensent dès lors pas de l’harmonisation proposée ».
4 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive :
« Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée “commettant”, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. »
5 Le chapitre III de ladite directive est intitulé « Rémunération ». Il comprend les articles 6 à 12. Le premier de ces articles dispose :
« 1. En l’absence d’accord à ce sujet entre les parties et sans préjudice de l’application des dispositions obligatoires des États membres sur le niveau des rémunérations, l’agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués là où il exerce son activité et pour la représentation des marchandises faisant l’objet du contrat d’agence. En l’absence de tels usages, l’agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération.
2. Tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires sera considéré comme constituant une commission aux fins de la présente directive.
3. Les articles 7 à 12 ne s’appliquent pas dans la mesure où l’agent commercial n’est pas rémunéré en tout ou en partie à la commission. »
6 L’article 7, paragraphe 1, de la même directive énonce :
« 1. Pour une opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission :
a) lorsque l’opération a été conclue grâce à son intervention
ou
b) lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre. »
7 L’article 10 de la directive 86/653 prévoit :
« 1. La commission est acquise dès que et dans la mesure où l’une des circonstances suivantes se présente :
a) le commettant a exécuté l’opération ;
b) le commettant devrait avoir exécuté l’opération en vertu de l’accord conclu avec le tiers ;
c) le tiers a exécuté l’opération.
2. La commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l’opération ou devrait l’avoir exécutée si le commettant avait exécuté sa part de l’opération.
3. La commission est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise.
4. Il ne peut être dérogé par accord aux dispositions des paragraphes 2 et 3 au détriment de l’agent commercial. »
8 L’article 11 de cette directive est ainsi libellé :
« 1. Le droit à la commission ne peut s’éteindre que si et dans la mesure où :
– il est établi que le contrat entre le tiers et le commettant ne sera pas exécuté
et
– l’inexécution n’est pas due à des circonstances imputables au commettant.
2. Les commissions que l’agent commercial a déjà perçues sont remboursées si le droit y afférent est éteint.
3. Il ne peut être dérogé par accord à la disposition du paragraphe 1 au détriment de l’agent commercial. »
9 Aux termes de l’article 12 de ladite directive :
« 1. Le commettant remet à l’agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments essentiels sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.
2. L’agent commercial a le droit d’exiger que lui soient fournies toutes les informations, en particulier un extrait des livres comptables, qui sont à la disposition du commettant et qui lui sont nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.
3. Il ne peut être dérogé par accord aux dispositions des paragraphes 1 et 2 au détriment de l’agent commercial.
[...] »
Le droit polonais
10 L’article 7, paragraphe 1, de la directive 86/653 a été transposé dans le droit polonais par l’article 761, paragraphe 1, de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. de 2019, position 1145) (ci-après le « code civil »). Aux termes de cette disposition :
« L’agent peut exiger une commission sur les contrats conclus pendant la durée du contrat d’agence, si ceux-ci résultent de son activité ou s’ils ont été conclus avec des clients dont il avait obtenu antérieurement la clientèle pour des contrats du même genre. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 Rigall Arteria Management et Bank Handlowy ont été liées par des contrats d’agence entre le 1er juin 1999 et le 30 juin 2015. Le dernier de ces contrats prenait la forme d’un contrat-cadre, complété par des contrats d’agence spécifiques. Les contrats conclus entre les parties au principal concernaient l’exécution d’une activité d’intermédiation financière, y compris l’intermédiation dans l’exercice d’activités accessoires et promotionnelles liées au service et à l’acquisition de cartes de crédit ainsi que d’autres services financiers proposés par Bank Handlowy.
12 Ces contrats précisaient le mode de rémunération de l’agent et imposaient, notamment, le calcul de celle-ci en fonction du nombre de contrats conclus. Dans la plupart des cas, il s’agissait d’un montant déterminé prélevé sur chaque carte de crédit émise ou chaque demande de crédit traitée avec succès. Aucun de ces contrats ne définissait d’autre forme de rémunération par commission que celle due au titre des contrats conclus avec l’intervention directe de l’agent. En outre, à la fin du contrat d’agence, l’agent avait droit à une prestation compensatoire dont le montant était fixé dans le contrat. Ce contrat indiquait aussi que ce montant épuisait l’intégralité de la prestation compensatoire à laquelle l’agent avait droit.
13 À la suite de la résiliation du contrat-cadre par Bank Handlowy le 17 décembre 2014, Rigall Arteria Management lui a demandé de fournir des informations sur la commission qui lui était due pour la période allant du 1er juin 1999 au 31 janvier 2015. En réponse à des demandes répétées, Bank Handlowy a fait valoir que les informations communiquées jusqu’alors correspondaient à la rémunération totale due en vertu des contrats d’agence conclus et que, par conséquent, il n’y avait aucune raison de transmettre d’autres informations. Bank Handlowy soutenait, par ailleurs, que les informations demandées étaient couvertes par le secret bancaire.
14 Devant ce refus, Rigall Arteria Management a saisi le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne) d’une demande de divulgation des informations nécessaires pour calculer le montant de la commission due pour la durée du contrat.
15 Le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie) a rejeté le recours par jugement du 20 juin 2016, au motif que les déclarations produites par le commettant pendant la durée du contrat d’agence étaient complètes et que l’agent n’avait pas émis d’objections au montant de la commission qu’il avait calculée. Cette juridiction a également considéré qu’il ne ressortait pas des termes des contrats liant les parties que l’agent était en droit de réclamer des commissions sur les contrats conclus par la banque avec des clients dont l’agent avait obtenu antérieurement la clientèle. Elle a également confirmé la position de Bank Handlowy selon laquelle une partie des informations demandées par l’agent relevait du secret bancaire.
16 Le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie, Pologne) a rejeté l’appel formé par Rigall Arteria Management par un arrêt du 28 février 2018. Il a confirmé l’essentiel de l’argumentation de la juridiction de première instance. Il a considéré, en outre, que l’action de Rigall Arteria Management n’était justifiée que dans la mesure où l’agent pouvait être en droit de réclamer le paiement du type de rémunération auquel se rapportaient les informations demandées. La juridiction d’appel a estimé qu’une telle situation ne se présentait pas dans les circonstances de l’espèce.
17 Selon le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie), la rémunération au titre des contrats conclus avec des clients dont un agent a obtenu antérieurement la clientèle conformément à l’article 761, paragraphe 1, du code civil est fondée sur une réglementation supplétive. Or, selon cette juridiction, il ressortait tant de l’absence de référence à cette forme de commission dans le texte du contrat que du comportement des parties au cours de son exécution que ces parties avaient implicitement exclu le droit de l’agent à la commission en cause.
18 Rigall Arteria Management a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt du Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), en l’occurrence la juridiction de renvoi.
19 Devant cette dernière, Rigall Arteria Management a invoqué, parmi les moyens soulevés à l’appui de son pourvoi, la violation de l’article 761, paragraphe 1, du code civil, interprété à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653, en ce que cette disposition avait été considérée comme étant supplétive. Selon Rigall Arteria Management, la norme résultant de cette disposition ne saurait être exclue par un contrat d’agence au détriment de l’agent. Dans sa réponse au pourvoi en cassation, Bank Handlowy a contesté cette allégation, en plaidant en faveur de la nature pleinement supplétive de l’article 761, paragraphe 1, du code civil.
20 Le Sąd Najwyższy (Cour suprême) éprouve des doutes quant à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653. D’une part, le libellé des dispositions de cette directive pourrait indiquer que leur nature supplétive n’est exclue que pour celles qui l’expriment explicitement. D’autre part, l’objectif de ladite directive, lequel vise à protéger l’agent commercial, suggérerait qu’elle devrait être interprétée dans son ensemble d’une manière qui empêche toute modification contractuelle au détriment des droits conférés à l’agent.
21 En outre, les articles 7 à 12 de la même directive établiraient un système cohérent et « fermé » de dispositions sur la rémunération de l’agent, lequel ne pourrait être supprimé que dans son intégralité et remplacé par un autre régime mis en place par les parties elles-mêmes. Ainsi, ces dispositions permettraient uniquement de remplacer le système de commission par un autre système de rémunération de l’agent commercial, et non d’en exclure certains éléments particuliers.
22 La conclusion selon laquelle le droit à une commission au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653 ne peut pas être exclu ou modifié au détriment de l’agent commercial serait également convaincante sous l’angle fonctionnel au regard de l’impossibilité pratique pour les agents commerciaux de négocier les contrats préparés unilatéralement par les commettants.
23 Dans ces circonstances, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive [86/653] doit-il être interprété, eu égard à son libellé et à son objectif, en ce sens qu’il confère à l’agent commercial indépendant un droit absolu à une commission sur un contrat conclu pendant la durée du contrat d’agence avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre, ou ce droit peut-il être exclu dans le contrat ? »
Sur la compétence de la Cour
24 À titre liminaire, il convient de relever que le contrat en cause dans l’affaire au principal porte sur la vente de services financiers. Or ce type de contrat n’entre pas dans le champ d’application de la directive 86/653, laquelle s’applique, selon la définition de la notion d’« agent commercial » figurant à son article 1er, paragraphe 2, aux seuls agents commerciaux chargés, de façon permanente, soit de négocier, soit de négocier et de conclure la vente ou l’achat de marchandises.
25 Toutefois, il résulte d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une législation nationale entend se conformer, pour les solutions qu’elle apporte à des situations purement internes, à celles retenues dans le droit de l’Union afin, notamment, d’éviter l’apparition de discriminations à l’égard des ressortissants nationaux ou d’éventuelles distorsions de concurrence, ou encore d’assurer une procédure unique dans des situations comparables, il existe un intérêt certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer (arrêt du 17 mai 2017, ERGO Poist’ovňa, C 48/16, EU:C:2017:377, point 29 et jurisprudence citée).
26 À cet égard, il ressort des éléments transmis par la juridiction de renvoi en réponse à une demande d’éclaircissements de la Cour que, lors de la transposition dans le droit national de la directive 86/653, le législateur polonais a défini le contrat d’agence sans référence à la vente ou à l’achat de marchandises, traduisant en cela son intention de traiter de manière uniforme les contrats d’agence portant sur la vente ou l’achat de marchandises et ceux portant sur la vente ou l’achat de services.
27 Partant, il y a lieu de constater que la Cour est compétente pour se prononcer sur la présente demande de décision préjudicielle.
Sur la question préjudicielle
28 Par son unique question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu’il ne peut être dérogé contractuellement au droit que cette disposition confère à l’agent commercial indépendant de percevoir une commission pour l’opération conclue, pendant la durée du contrat d’agence, avec un tiers dont cet agent a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.
29 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 86/653, l’agent commercial a droit, pour une opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, à la commission lorsque l’opération a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.
30 Comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 45 de ses conclusions, le libellé de cette disposition tend à indiquer, par l’emploi de la conjonction « ou », que le législateur de l’Union a entendu proposer un choix aux parties. Il n’est, pour autant, pas possible de déduire de ce libellé le caractère supplétif ou non de cette disposition.
31 Partant, la nature impérative de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653 n’étant énoncée, de manière explicite, ni à l’article 7 de cette directive ni aux autres dispositions de celle-ci, il convient de tenir compte, pour son interprétation, du contexte dans lequel il s’inscrit et des objectifs poursuivis par ladite directive. La genèse de cette disposition peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C 24/19, EU:C:2020:503, point 37].
32 S’agissant, tout d’abord, du contexte de ladite disposition, il ressort de l’économie générale de la directive 86/653 que, lorsqu’il n’est pas permis de déroger à l’une de ses dispositions, le législateur de l’Union a pris soin de l’indiquer. C’est en particulier le cas à l’article 10, paragraphe 4, à l’article 11, paragraphe 3, ou encore à l’article 12, paragraphe 3, de cette directive 86/653 qui, au même titre que l’article 7 de ladite directive, figurent tous au chapitre III de la même directive relatif à la rémunération de l’agent.
33 Par ailleurs, si le troisième paragraphe de l’article 6 de la directive 86/653 peut suggérer, dans une lecture a contrario, que le paiement de l’agent commercial, en tout ou en partie, à la commission entraîne nécessairement l’applicabilité des articles 7 à 12 de cette directive, il ressort néanmoins du premier paragraphe de l’article 6 de ladite directive, que le niveau de la rémunération de l’agent dépend, à titre principal, de l’accord des parties. Partant, il découle d’une lecture systématique de l’article 6 de la directive 86/653 que si le législateur de l’Union avait entendu déroger au principe énoncé au premier paragraphe de cette disposition à l’un des paragraphes subséquents, il l’aurait indiqué expressément.
34 S’agissant, ensuite, des objectifs poursuivis par la directive 86/653, il y a lieu de rappeler que celle-ci vise, ainsi qu’il ressort de ses deuxième et troisième considérants, à protéger les agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, à promouvoir la sécurité des opérations commerciales et à faciliter les échanges de marchandises entre États membres en rapprochant les systèmes juridiques de ces derniers dans le domaine de la représentation commerciale (arrêts du 23 mars 2006, Honyvem Informazioni Commerciali, C 465/04, EU:C:2006:199, point 19, et du 16 février 2017, Agro Foreign Trade & Agency, C 507/15, EU:C:2017:129, point 29).
35 À cet égard, il convient, toutefois, de relever qu’une interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653 qui lui conférerait une portée impérative ne conduirait pas nécessairement à une protection accrue des agents commerciaux. En effet, comme l’a expliqué Mme l’avocate générale au point 66 de ses conclusions, il ne saurait être exclu que, en pareille circonstance, certains commettants compenseraient le coût de la commission qui serait nécessairement due pour l’opération conclue, pendant la durée du contrat d’agence, avec un tiers dont l’agent a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre, en réduisant le taux de la commission de base, en limitant ou en excluant les frais antérieurement remboursés ou d’autres éléments de la rémunération, voire renonceraient à nouer une relation contractuelle avec un agent commercial.
36 Enfin, cette interprétation est corroborée par la genèse de la directive 86/653. En effet, il ressort de la proposition de directive du Conseil relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux (indépendants) (JO 1977, C 13, p. 2), que la Commission européenne avait initialement proposé que les dispositions auxquelles les parties ne pourraient pas déroger soient énoncées au sein d’un seul et même article, à savoir l’article 35 de cette proposition. Alors que la disposition correspondant à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive figurait dans cette liste, elle en fut retirée par la suite. En outre, si le principe même de la liste unique fut finalement abandonné par le législateur de l’Union au profit d’une interdiction de dérogation au cas par cas, le législateur de l’Union n’a pas retenu cette solution pour l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653.
37 Comme le relève Mme l’avocate générale au point 75 de ses conclusions, le retrait de la disposition correspondant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653 de la liste susmentionnée des dispositions impératives figurant à l’article 35 de la proposition de directive visée au point précédent du présent arrêt, ainsi que le choix de préciser article par article la portée impérative ou non des dispositions de la directive 86/653, confirment, en l’absence d’une indication explicite en ce sens à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, la nature supplétive de cette disposition.
38 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu’il peut être dérogé contractuellement au droit que cette disposition confère à l’agent commercial indépendant de percevoir une commission pour l’opération conclue, pendant la durée du contrat d’agence, avec un tiers dont cet agent a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.
Sur les dépens
39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
L’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants,
Doit être interprété en ce sens que :
Il peut être dérogé contractuellement au droit que cette disposition confère à l’agent commercial indépendant de percevoir une commission pour l’opération conclue, pendant la durée du contrat d’agence, avec un tiers dont cet agent a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.