Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 18 mai 2010, n° 09/02872

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Guyane Auto Location (SNC), Atoll (SARL), Gelnav (SARL)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouyssic

Conseillers :

M. Roger, M. Delmotte

Avoués :

SCP Nidecker Prieu-Philippot Jeusset, SCP Boyer Lescat Merle

Avocats :

Selarl Coteg & Azam Associes, Selarl Bouche

T. com. Toulouse, du 3 déc. 2008, n° 200…

3 décembre 2008

FAITS ET PROCÉDURE

La Société GUYANE AUTO LOCATION qui devait mener une activité de location de véhicules dans le département de la Guyane, a été constituée entre les consorts X, Y, Z, W, et A, tous médecins et associés, soit à titre personnel soit par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle. Ils affirment qu'ils ont été contactés par des professionnels aux fins de réaliser une opération de défiscalisation dans le cadre de la loi Pons, laquelle concède aux investisseurs privés dans les territoires et départements d'Outre-mer des avantages fiscaux.

C'est pour cet objet que la société a été constituée suivant acte constitutif et sous seing privé en date du 20 décembre 2000.

Son siège social a été fixé <adresse>, à la même adresse que le siège social de la Société SAD, filiale du groupe HESS, laquelle était chargée de vendre et livrer des véhicules neufs.

De même a été désigné comme gérant Monsieur W., lequel est partie liée avec la Société SAD.

13 véhicules devaient être acquis aux fins d'être loués par l'intermédiaire d'une société dénommée CAR RENT GUYANE, laquelle devait elle-même s'occuper des sous-locations directement en Guyane.

Par contrat en date du 5 février 2001, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP a consenti à la Société GUYANE AUTO LOCATION, un prêt de 1.400.000 Francs, soit 213.428,62 Euros, au taux de 8,60 %, destiné à financer l'acquisition de 13 véhicules NISSAN et MITSUBISHI pour un prix de 1.690.300 Francs, soit 257.684,57 Euros.

Ce crédit était stipulé remboursable en 48 mensualités de 35.314,63 Francs, soit 5.363,68 Euros.

Par annexe en date du même jour, la Société GUYANE AUTO LOCATION a consenti à la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP, un gage sur chacun des 13 véhicules financés et ce, pour garantir le remboursement du crédit. Les véhicules ont été livrés en Guyane mais le bail conclu entre la Société GUYANE AUTO LOCATION et la Société CAR RENT GUYANE n'a pas été exécuté, ce qui a mis GUYANE AUTO LOCATION dans l'impossibilité de régler ses échéances d'emprunt.

Les échéances du prêt n'étant pas honorées, la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP a mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, les 11 octobre et 8 novembre 2001, la Société GUYANE AUTO LOCATION de régler les échéances impayées.

Par commandement de payer en date du 29 novembre 2001, la Société BNP PARIBAS a informé la Société GUYANE AUTO LOCATION qu'à défaut de règlement des échéances impayées, le contrat de crédit serait résilié de plein droit. La Société GUYANE AUTO LOCATION a procédé à des versements mais a cessé tout règlement depuis juin 2004.

Devant la défaillance de son client, la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP a donc décidé de résilier le contrat de prêt, conformément à l'article 5.

Le 7 juin 2005, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BNP PARIBAS LEASE GROUP a assigné la société GUYANE AUTO en paiement des sommes dues en application du contrat de prêt devant le Tribunal de commerce de Toulouse.

Elle a demandé le paiement des sommes suivantes :

- échéances impayées: 188.426,80 Euros,

- indemnité de résiliation: 76.805,79 Euros.

Parallèlement, la SNC GUYANE AUTO LOCATION et ses associés ont recherché la responsabilité du gérant de ladite société, Monsieur W., ainsi que du concessionnaire automobile vendeur des véhicules, la SARL SAD.

Pour ce faire, la SNC GUYANE AUTO LOCATION a saisi le Tribunal de Grande Instance de DIJON le 4 mai 2005.

Par jugement en date du 14 décembre 2005, le Tribunal de Commerce de TOULOUSE a sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de Grande Instance de DIJON .

Le Tribunal de Grande Instance de DIJON a débouté de l'intégralité de leurs demandes les associés de la Société GUYANE AUTO LOCATIOA

Il a été jugé que les associés de la société ne rapportaient pas la preuve que la société SAD, Messieurs W. et X avaient commis des fautes dans l'exécution de leurs obligations respectives. Le Tribunal a, en outre, condamné les associés de la société à verser des dommages et intérêts à la société SAD pour procédure abusive.

Faisant suite à ce jugement, la Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a sollicité la réinscription de cette affaire au rôle du Tribunal de Commerce de TOULOUSE et assigné les associés .

La Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP a maintenu sa demande en paiement des sommes dues au titre de la résiliation du contrat de prêt.

Par jugement en date du 3 décembre 2008, le Tribunal de commerce de TOULOUSE a :

- Débouté la SNC GUYANE AUTO LOCATION, la SOCÉTÉ ATOLL, la SOCIÉTÉ GELNAV, Monsieur Jean Marc X, Monsieur Jean A et Monsieur Philippe W de l'ensemble de leurs demande,

- Dit que la SA CETELEM n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

- Condamné solidairement la SNC GUYANE AUTO LOCATION, la SOCIÉTÉ ATOLL, la SOCIÉTÉ GELNAV, Monsieur Jean Marc X, Monsieur Jean A et Monsieur Philippe W à payer à la SA CETELEM la somme de 265 234,59 € (deux cent soixante cinq mille deux cent trente quatre euros cinquante neuf centimes) majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 07/06/2005,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Condamné solidairement la SNC GUYANE AUTO LOCATION, la SOCIÉTÉ ATOLL, la SOCIÉTÉ GELNAV, Monsieur Jean Marc X, Monsieur Jean A et Monsieur Philippe W à payer à la SA CETELEM la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

La SNC GUYANE AUTO LOCATION, la SOCIÉTÉ ATOLL, la SOCIÉTÉ GELNAV, Monsieur Jean Marc X, Monsieur Jean A et Monsieur Philippe W ont interjeté appel le 16 janvier 2009.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants soutiennent que les principaux acteurs de l'opération de défiscalisation sont, en fait, les sociétés SAD ainsi que Messieurs X, W. et HESS, qui ont mené à grande échelle des opérations de défiscalisation de même nature et avec peu de soins. Ils produisent l'arrêt de la cour d'appel de Dijon qui a reconnu leur responsabilité.

Ils en concluent que la Banque BNP PARIBAS LEASE GROUP qui a été pressentie pour pourvoir

aux opérations de financement, a, de manière évidente, agi avec légèreté. Ils invoquent l'obligation générale d'information et de conseil du banquier à l'égard de ses clients, notamment lorsque ceux-ci sont des non professionnels.

Ils demandent à la Cour de :

- Réformer intégralement la décision prononcée par le Tribunal de Commerce de TOULOUSE,

Y ajoutant,

- Constater que la BNP PARIS LEASE GROUPE ne justifie pas des conditions dans lesquelles le crédit a été alloué à la SNC GUYANE AUTO LOCATION,

- Dire et juger qu'elle a engagé sa responsabilité pour ne pas avoir vérifié les conditions dans lesquelles le financement devait être consenti ni recherché le caractère sérieux des différents participants aux opérations de défiscalisation proposées à la Société GUYANE AUTO LOCATION,

- Dire et juger que la banque a engagé sa responsabilité en ne s'intéressant pas aux conditions de faisabilité de l'opération et en ne s'assurant pas de la solvabilité de la solvabilité de la Société GUYANE AUTO LOCATION,

- La condamner pour le préjudice subi par la Société GUYANE AUTO LOCATION, au paiement d'une somme de 265.234,59 € à titre de dommages et intérêts,

- Dire et juger que cette somme se compensera avec la somme réclamée par la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP,

- Condamner la même au paiement d'une somme de 25.000 € pour l'attitude dolosive dont elle a fait la démonstration ;

A titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait faire droit aux demandes exposées,

- Allouer les plus larges délais de paiement à la SNC GUYANE AUTO LOCATION,

- Réduire à de plus justes proportions le montant de la clause pénale ;

En tout état de cause,

- Condamner la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP au paiement d'une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- Dire que le recouvrement des dépens d'appel sera opéré par la SCP NIDECKE PRIEU, JEUSSET avoués à la Cour.

La Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la BNP PARIBAS LEASE GROUP demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TOULOUSE le 03 décembre 2008,

- Débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes,

- Dire et juger que la Société GUYANE AUTO LOCATION n'a pas exécuté ses obligations contractuelles,

- Dire et juger que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

- Dire et juger que la Société GUYANE AUTO LOCATION, la SOCIETE ATOLL, la SOCIETE GELNAV ainsi que Monsieur X, Monsieur W et Monsieur A sont tenus au paiement des sommes prêtées par la banque, ainsi qu'à l'indemnité de résiliation,

- Condamner solidairement les Sociétés GUYANE AUTO LOCATION, ATOLL et GELNAV ainsi que Monsieur X, Monsieur W et Monsieur A au paiement d'une somme de 265.234,59 Euros, à majorer des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 7 juin 2005,

- Les condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens et de dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par. La S.C.P. BOYER-LESCAT- MERLE Avoués.

Motifs

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la responsabilité de la BNP PARIBAS.

Les appelants qui évoquent une quasi escroquerie peuvent se prévaloir du fait que M. W. qui a reçu les fonds versés par les associés et a passé commande des véhicules auprès de la Société SAD, a été en relation avec la Banque BNP PARIBAS pour obtenir le financement des véhicules. Mais la responsabilité de M. W. dans l'échec de l'opération, reconnue par la Cour d'Appel de DIJON dans son arrêt n° 07/01246 du 22 mai 2009, ne peut s'étendre à celle de la Banque faute de rapporter la moindre preuve d'une faute de cette banque et d'un lien de causalité entre cette faute et leur préjudice. Les appelants n'établissent pas que la Banque avait connaissance que l'opération de défiscalisation était vouée à l'échec. Le seul fait qu'elle soit également intervenue dans deux autres affaires de défiscalisation à Mayotte et à La Réunion, ayant également mal tourné et mettant en cause les mêmes protagonistes n'est pas suffisant pour en conclure à une complicité. Il y a tout lieu de penser, au contraire, que si elle l'avait su, elle aurait renoncé à octroyer le financement.

Les appelants invoquent en outre un défaut de conseil et d'information de la part de la BNP et regrettent qu'elle ait consenti un prêt d'un montant substantiel sur la seule foi d'un contrat de crédit ne comportant aucune espèce d'information particulière.

Certes, la BNP devait s'assurer de la solvabilité de ses clients, mais il convient de rappeler que le client était une SNC dont les associés, commerçants, sont indéfiniment et solidairement responsables et que le prêt avait pour objet le financement de 13 véhicules gagés au profit de la banque et dont la mise en location devait permettre de développer un chiffre d'affaires suffisant pour assurer le remboursement. C'est parce que les loyers n'ont pas été perçus par GUYANE AUTO LOCATION que les échéances du prêt n'ont pu être respectées, ce que la banque ne pouvait prévoir, d'autant plus qu'il ne lui appartenait pas de se substituer à son client dans l'appréciation de la rentabilité du projet. Aucune faute ne peut donc lui être reprochée.

Les appelants demandent encore de leur allouer les plus larges délais de paiement et de réduire à de plus justes proportions le montant de la clause pénale mais, du fait des procédures déjà engagées ils ont obtenu les plus larges délais de paiement et ils ne démontrent pas en quoi la clause pénale serait manifestement excessive, Ils seront donc déboutés de ces demandes.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à l'intimé contraint d'exposer des frais devant la cour.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TOULOUSE le 3 décembre 2008,

Y ajoutant,

Condamne solidairement les Sociétés GUYANE AUTO LOCATION, ATOLL et GELNAV ainsi que Monsieur X, Monsieur W et Monsieur A au paiement d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par La S.C.P. BOYER-LESCAT- MERLE Avoués.