Cass. crim., 3 mars 2020, n° 18-86.939
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Ingall-Montagnier
Avocat général :
M. Quintard
Avocat :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. R... T..., gérant du bar tabac "La Cervoise", associé de la société en nom collectif (SNC) "La Cervoise" a porté plainte contre un des employés de celle-ci, M. V... pour vols. Par jugement, devenu définitif, du 4 octobre 2013, le tribunal correctionnel a déclaré M. V... coupable de vols au préjudice de M. T... et de la SNC La Cervoise, a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. T..., déclaré M. V... entièrement responsable des conséquences dommageables de l'infraction et a ordonné le renvoi de l'affaire devant la chambre des intérêts civils.
3. Par jugement du 10 novembre 2015 le tribunal correctionnel, statuant sur intérêts civils, a condamné M. V... à payer à M. T... la somme de 45 196,55 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel et celle de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.
4. M. V... a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation de l'article L. 221-1 du code de commerce, du principe de la réparation intégrale, des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale.
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué "en ce qu'il a fixé à la somme de 45 196,55 euros le préjudice économique de M. T... et condamné M. V... à lui payer la somme de 47 196,55 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice économique et de son préjudice moral, alors que seul le préjudice personnel et certain est sujet à réparation ; que si les associés d'une société en nom collectif répondent indéfiniment et personnellement des dettes sociales, ils ne peuvent être contraints au paiement par les créanciers de la société qu'après une mise en demeure par acte extrajudiciaire de la société restée infructueuse ; qu'il s'ensuit qu'ils ne subissent pas de préjudice personnel et certain du simple fait du vol subi par la société en nom collectif ; qu'en l'espèce, M. V... faisait valoir que M. T..., qui s'était constitué partie civile à titre personnel, ne justifiait d'aucun préjudice propre à raison des détournements allégués car seule la société en nom collectif La Cervoise, exploitant le bar-tabac, pouvait se prévaloir de ce que ces détournements lui auraient causé un préjudice, tandis que M. T... n'établissait pas avoir été poursuivi personnellement à raison de pertes de la société à ce propos (concl., p. 7) ; que la cour d'appel ne pouvait juger que M. T... justifiait d'un préjudice personnel et direct à raison des détournements litigieux « puisque en sa qualité d'associé d'une société en nom collectif, il a la qualité de commerçant et répond indéfiniment et solidairement des dettes sociales de ladite société » (arrêt, p. 5 § 6), sans caractériser en quoi M. T... aurait payé les dettes de la société La Cervoise ou subi une perte de revenus consécutive aux détournements imputés à M. V...".
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour confirmer le jugement condamnant M. V... à payer diverses sommes à M. T..., l'arrêt attaqué relève que ce dernier apparaît être créancier de ces sommes exclusivement à titre personnel.
9. Les juges ajoutent que M. T..., dont la qualité de gérant associé de la SNC n'est pas contestée, justifie souffrir d'un préjudice personnel et direct à raison des détournements dont M. V... a été déclaré coupable, puisque en sa qualité d'associé d'une société en nom collectif, il a la qualité de commerçant et répond indéfiniment et solidairement des dettes sociales de la dite société, en application de l'article L. 221-1 du code de commerce.
10. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. V... qui faisait valoir que M. T... ne justifiait d'aucun préjudice propre consécutif aux détournements, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2018 ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.