CJUE, 4e ch., 13 octobre 2022, n° C-164/21
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
« Baltijas Starptautiskā Akadēmija » SIA, « Stockholm School of Economics in Riga » SIA
Défendeur :
Latvijas Zinātnes padome
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Lycourgos
Juges :
M. Bonichot, M. Rossi, M. Rodin, M. Spineanu Matei (rapporteure)
Avocat général :
T. Ćapeta
Avocats :
M. Balode-Buraka, M. Driče, M. Rasnačs
LA COUR (quatrième chambre),
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 2, point 83, du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant «Baltijas Starptautiskā Akadēmija» SIA (ci-après « BSA ») et « Stockholm School of Economics in Riga » SIA (ci-après « SSE »), des établissements d’enseignement supérieur de droit privé, au Latvijas Zinātnes padome (Conseil letton de la science, Lettonie) au sujet du rejet des demandes de financement de projets présentées par ces établissements dans le cadre d’appels à projets de recherche fondamentale et appliquée lancés par le Conseil letton de la science.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 651/2014
3 Les considérants 45, 47, 48 et 49 du règlement no 651/2014 sont ainsi libellés:
« (45) Les aides à la recherche et au développement et les aides à l’innovation peuvent contribuer à une croissance économique durable, renforcer la compétitivité et stimuler l’emploi. L’expérience acquise dans l’application du règlement (CE) no 800/2008 [de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles [107 et 108 TFUE] (Règlement général d’exemption par catégorie) (JO 2008, L 214, p. 3)] et de l’encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation a fait apparaître que les défaillances du marché peuvent empêcher celui-ci d’atteindre le volume de production optimal et générer des pertes d’efficience liées aux effets externes, à la diffusion des biens publics/des connaissances, au caractère imparfait et asymétrique de l’information et aux problèmes de coordination et de réseau.
[...]
(47) En ce qui concerne les aides aux projets de recherche et de développement, il convient que le volet du projet de recherche bénéficiant de l’aide relève intégralement des catégories suivantes : recherche fondamentale, recherche industrielle ou développement expérimental. [...]
(48) Les infrastructures de recherche de haute qualité sont toujours plus nécessaires à la réalisation de percées dans la recherche et l’innovation du fait qu’elles attirent les chercheurs du monde entier et sont indispensables pour soutenir le développement de nouvelles technologies de l’information et de la communication et des technologies génériques essentielles. [...]
(49) Les infrastructures de recherche peuvent exercer à la fois des activités économiques et des activités non économiques. Afin d’éviter l’octroi d’aides d’État en faveur d’activités économiques par l’intermédiaire du financement public d’activités non économiques, il convient que les coûts et le financement des activités économiques et des activités non économiques soient clairement séparés. Lorsqu’une infrastructure est utilisée à la fois pour des activités économiques et pour des activités non économiques, le financement au moyen de ressources d’État des coûts liés aux activités non économiques de l’infrastructure ne constitue pas une aide d’État. [...] »
4 L’article 1erde ce règlement, intitulé « Champ d’application », énonce, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement s’applique aux catégories d’aides suivantes:
[...]
d) aux aides à la recherche, au développement et à l’innovation ;
[...] »
5 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
Définitions applicables aux aides à la recherche, au développement et à l’innovation
83. “organisme de recherche et de diffusion des connaissances” : une entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche), quel que soit son statut légal (de droit public ou de droit privé) ou son mode de financement, dont le but premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. Lorsqu’une telle entité exerce également des activités économiques, le financement, les coûts et les revenus de ces activités économiques doivent être comptabilisés séparément. Les entreprises qui peuvent exercer une influence déterminante sur une telle entité, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne peuvent pas bénéficier d’un accès privilégié aux résultats qu’elle produit ».
La communication de la Commission de 2014
6 La communication de la Commission européenne intitulée « Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation » (JO 2014, C 198, p. 1) (ci après la « communication de la Commission de 2014 »), prévoit, à ses points 17, 19 et 20 :
« 17. Les organismes de recherche et de diffusion des connaissances (“organismes de recherche”) et les infrastructures de recherche sont des bénéficiaires d’aides d’État si leur financement public remplit toutes les conditions de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE]. Comme expliqué dans la communication relative à la notion d’aide d’État et conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, le bénéficiaire doit être qualifié d’entreprise, mais cette qualification ne dépend pas de son statut juridique (organisme de droit public ou privé) ni de son caractère économique (organisme poursuivant ou non un but lucratif). L’élément déterminant est plutôt que l’organisme en cause exerce une activité économique consistant à offrir des produits ou des services sur un marché donné [...]
[...]
19. La Commission considère que les activités ci-après revêtent généralement un caractère non économique :
a) les activités principales des organismes de recherche et des infrastructures de recherche, et notamment :
– les activités de formation en vue de ressources humaines accrues et plus qualifiées. Conformément à la jurisprudence [...] et à la pratique décisionnelle de la Commission [...], et comme expliqué dans la communication relative à la notion d’aide d’État et dans la communication sur les SIEG [...], l’enseignement public organisé dans le cadre du système d’éducation national, financé principalement ou intégralement par l’État et supervisé par ce dernier peut être considéré comme une activité non économique [...],
– les activités de R&D indépendantes en vue de connaissances plus étendues et d’une meilleure compréhension, y compris les activités de R&D en collaboration dans le cadre desquelles l’organisme de recherche ou l’infrastructure de recherche mène une collaboration effective [...],
– une large diffusion des résultats de la recherche sur une base non exclusive et non discriminatoire, par exemple au moyen d’apprentissages et de bases de données, de publications et de logiciels en libre accès ;
b) les activités de transfert de connaissances, dès lors qu’elles sont effectuées ou bien par l’organisme de recherche ou l’infrastructure de recherche (et leurs services ou filiales), ou bien conjointement avec d’autres entités de cette nature ou en leur nom, et que tous les bénéfices tirés de ces activités sont réinvestis dans les activités principales de l’organisme de recherche ou de l’infrastructure de recherche. Le caractère non économique de ces activités n’est pas affecté par la sous-traitance de services correspondants à des tiers au moyen d’appels d’offres ouverts.
20. Lorsqu’un organisme de recherche ou une infrastructure de recherche est utilisé à la fois pour des activités économiques et des activités non économiques, le financement public est régi par les règles en matière d’aides d’État uniquement dans la mesure où il couvre les coûts liés aux activités économiques [...]. [...]»
Le droit letton
7 Le décret no 725 du Conseil des ministres, du 12 décembre 2017 (Latvijas Vēstnesis, 2017, no 248), intitulé « Fundamentālo un lietišķo pētījumu projektu izvērtēšanas un finansējuma administrēšanas kārtība » (procédures pour l’évaluation des projets de recherche fondamentale et appliquée et les modalités de l’administration de leur financement), énonce, à son point 2.7 :
« [L]e soumissionnaire est une institution scientifique inscrite au registre des institutions scientifiques qui, indépendamment de son statut légal (de droit public ou de droit privé) ou de son mode de financement conformément aux dispositions réglementaires régissant ses activités (statuts, règlement intérieur, acte constitutif), exerce des activités principales de nature non économique et qui répond à la définition d’un organisme de recherche figurant à l’article 2, point 83, du [règlement no 651/2014]. »
8 Aux termes du point 6 du décret no 725 :
« Le soumissionnaire met en œuvre un projet sans rapport avec son activité économique. Il sépare clairement les activités principales qui ne sont pas de nature économique (et les flux financiers correspondants) des activités qui sont considérées comme des activités économiques. Les activités exercées pour le compte d’un commerçant, la location d’infrastructures de recherche et les services de conseil sont considérées comme des activités économiques. Lorsque l’institution scientifique exerce également d’autres activités économiques ne correspondant pas aux activités principales qui ne sont pas de nature économique, elle sépare ses activités principales et les flux financiers correspondants de ses autres activités et des flux financiers correspondant à ces dernières. »
9 Le point 12.5 du décret no 725 dispose :
« Le [Conseil letton de la science] apprécie la conformité de la proposition de projet aux critères d’admissibilité administrative suivants : le projet sera mis en œuvre dans un établissement scientifique qui répond aux exigences du présent décret. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
10 Dans les deux affaires portées devant les juridictions de renvoi, les requérantes au principal sont des établissements d’enseignement supérieur de droit privé qui ont répondu à deux appels à projets distincts lancés, au cours des années 2019 et 2020, par le Conseil letton de la science pour le financement de projets de recherche.
11 Le Conseil letton de la science est une autorité administrative placée sous le contrôle du ministre de l’Éducation et de la Science, dont l’objectif est de mettre en œuvre la politique nationale de développement scientifique et technologique en assurant l’expertise, la mise en œuvre et la supervision des programmes et des projets de recherche scientifique qui sont financés par le budget de l’État, par les Fonds structurels de l’Union européenne et par d’autres instruments financiers étrangers.
L’affaire C-164/21
12 BSA est une société commerciale à responsabilité limitée établie en Lettonie, dont l’activité consiste à fournir des services d’enseignement supérieur à caractère académique et non académique. Il s’agit d’un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’État, qui est, par ailleurs, inscrit au registre des institutions scientifiques.
13 Par décision du 23 janvier 2020, le Conseil letton de la science a approuvé le règlement de l’appel général à projets de recherche fondamentale et appliquée pour l’année 2020, dans le cadre duquel BSA a soumis une proposition de projet.
14 Par décision du 14 avril 2020, le Conseil letton de la science a rejeté la proposition de projet de BSA comme étant inéligible à un financement, au motif qu’elle ne pouvait pas être considérée comme une institution scientifique, au sens du décret no 725, dès lors qu’elle ne répondait pas à la définition de la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances » figurant à l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014.
15 Plus précisément, le Conseil letton de la science a indiqué que les documents soumis par BSA ne contenaient aucune information permettant de savoir si la réalisation de recherches indépendantes constituait son activité principale. Il a, à cet égard, relevé que, pour l’année 2019, 84 % de son chiffre d’affaires était constitué de frais de scolarité qui, compte tenu du type d’activité de BSA (société à responsabilité limitée dont le but principal est la réalisation de bénéfices), correspondaient à une activité économique. Par conséquent, le Conseil letton de la science a conclu que l’activité principale de la BSA devait être considérée comme étant de nature commerciale.
16 Le Conseil letton de la science a également considéré que les documents soumis par BSA ne contenaient pas suffisamment d’indications quant au fait que les entreprises susceptibles d’exercer une influence sur elle, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne pourraient bénéficier d’aucun accès privilégié à ses capacités de recherche ni aux résultats de recherche qu’elle produit. Par conséquent, le Conseil letton de la science a estimé que BSA ne pouvait garantir que la mise en œuvre du projet et l’utilisation de sa part de financement seraient conformes au point 6 du décret no 725, qui requiert que le soumissionnaire mette en œuvre un projet sans rapport avec son activité économique et sépare clairement les activités principales qui ne sont pas de nature économique (et les flux financiers correspondants) des activités qui sont considérées comme constituant des activités économiques.
17 BSA a contesté la décision de refus du Conseil letton de la science devant l’Administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie), faisant valoir que la recherche indépendante constitue son activité principale. Selon BSA, ni le règlement no 651/2014, ni le règlement de l’appel à projets n’indiquent que le soumissionnaire ne peut pas exercer une activité économique et en tirer un bénéfice, pas plus qu’ils ne déterminent quelle proportion des activités doit être économique et quelle proportion doit être non économique. BSA soutient encore qu’elle dissocie clairement les activités principales de nature non économique de celles qui sont économiques, ainsi que les flux financiers correspondants.
18 La juridiction de renvoi s’interroge, dès lors, sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, auquel la législation lettonne renvoie, et sur les critères permettant de caractériser un tel organisme.
19 Dans ces conditions, l’Administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Un organisme (de droit privé) qui exerce plusieurs activités principales, dont la recherche, mais dont les revenus proviennent en majeure partie de la prestation de services d’enseignement à titre onéreux, peut-il être qualifié d’“entité”, au sens de l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014 ?
2) Est-il justifié d’appliquer l’exigence relative à la proportion de financement (recettes et dépenses) des activités économiques et non économiques afin de déterminer si l’entité concernée satisfait à l’exigence énoncée à l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014, selon laquelle le but premier de l’entité est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ? En cas de réponse affirmative, quelle serait la proportion appropriée de financement des activités économiques et non économiques pour déterminer l’objectif principal des activités de ladite entité ?
3) Est-il justifié, en vertu de l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014, d’appliquer l’exigence selon laquelle les revenus tirés de l’activité principale doivent être réinvestis dans l’activité principale de l’entité concernée, et convient-il d’apprécier d’autres aspects afin de pouvoir déterminer correctement l’objectif principal des activités du soumissionnaire ? L’utilisation des revenus générés (réinvestis dans l’activité principale ou, par exemple, dans le cas d’un fondateur privé, versés sous forme de dividendes aux actionnaires) modifierait-elle une telle appréciation même si la majeure partie des revenus provenait de frais de scolarité ?
4) Le statut légal des associés du soumissionnaire constitue-t-il un élément essentiel pour apprécier si ledit soumissionnaire répond à la définition visée à l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014, c’est-à-dire s’agit-il d’une société constituée en vertu du droit commercial pour exercer une activité économique (à titre onéreux) à des fins lucratives (article 1er du code de commerce) ou ses associés ou actionnaires sont-ils des personnes physiques ou morales à but lucratif (y compris la prestation de services d’enseignement à titre onéreux) ou créées à but non lucratif (par exemple, en tant qu’association ou fondation) ?
5) La proportion d’étudiants nationaux et de ceux des États membres de l’Union par rapport à celle d’étudiants étrangers (provenant de pays tiers, ne faisant pas partie de l’Union européenne) et le fait que l’objectif de l’activité principale exercée par le soumissionnaire consiste à fournir aux étudiants un enseignement supérieur et une qualification compétitifs sur le marché international du travail répondant aux exigences internationales actuelles (article 5 des statuts du soumissionnaire) constituent-ils un élément essentiel pour apprécier la nature économique des activités du soumissionnaire ? »
L’affaire C-318/21
20 SSE est une société à responsabilité limitée établie en Lettonie, qui a, notamment, pour objet le développement scientifique et dont l’une des missions consiste à faire de la recherche fondamentale et appliquée en sciences économiques. Elle dispense également un enseignement supérieur universitaire et professionnel. Son unique associé est la fondation Rīgas Ekonomikas augstskola – Stockholm School of Economics in Riga, qui est inscrite au registre des associations et des fondations.
21 Par décision du 22 mai 2019, le Conseil letton de la science a approuvé le règlement de l’appel général à projets de recherche fondamentale et appliquée pour l’année 2019, dans le cadre duquel SSE a soumis une proposition de projet.
22 Par décision du 19 septembre 2019, le Conseil letton de la science a rejeté la proposition de projet de SSE comme étant inéligible à un financement, au motif qu’elle ne pouvait pas être considérée comme une institution scientifique, au sens du décret no 725, dès lors qu’elle ne répondait pas à la définition de la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », figurant à l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014.
23 Cette décision reposait principalement sur le fait qu’il ressortait de la proposition de projet de SSE que, au cours de l’année 2018, la proportion du chiffre d’affaires des activités non économiques de SSE par rapport à celui de ses activités économiques était de 34 % contre 66 %.
24 Le Conseil letton de la science en a conclu que l’activité principale de SSE était de nature commerciale et qu’il ne pouvait pas être considéré que son but premier était d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. Il a également considéré que les documents soumis par SSE ne contenaient pas non plus d’informations indiquant que tous les revenus de SSE provenant de son activité principale seraient réinvestis dans cette activité.
25 SSE a contesté la décision de refus du Conseil letton de la science devant l’Administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district), en faisant notamment valoir qu’elle satisfaisait aux exigences imposées par le décret no 725 dès lors qu’elle était inscrite au registre des institutions scientifiques et que son activité principale était de nature non économique. À cet égard, SSE a présenté des documents établissant que les flux financiers générés par son activité principale étaient dissociés des activités économiques et que les bénéfices provenant de ses activités économiques étaient réinvestis dans l’activité principale de l’institution de recherche.
26 Par jugement du 8 juin 2020, l’Administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) a rejeté le recours de SSE. Tout en admettant que l’activité scientifique constituait l’un des domaines d’activité de SSE, cette juridiction a relevé que le rapport sur le chiffre d’affaires pour l’année 2018 indiquait que les activités économiques de SSE représentaient une part des recettes et des dépenses plus importante que celles provenant de ses activités non économiques. Elle en a déduit que SSE n’était pas une institution scientifique susceptible de bénéficier d’un financement de l’État pour la recherche fondamentale et appliquée.
27 SSE a interjeté appel de ce jugement devant l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie).
28 Celle-ci nourrit des doutes sur les appréciations portées par le Conseil letton de la science et par l’Administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district). Elle estime que, si les critères fixés par ceux-ci pour l’octroi d’aides à une institution scientifique devaient être approuvés, critères selon lesquels les recettes et les dépenses liées à ses activités économiques doivent être inférieures à celles provenant d’activités non économiques, les établissements d’enseignement supérieur privés ne pourraient pas bénéficier d’aides publiques en faveur de la recherche, ce qui créerait à leur détriment une différence de traitement.
29 L’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) est d’avis que le règlement nº 651/2014 n’établit pas clairement s’il est justifié, aux fins de la qualification d’une entité en tant qu’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », de tenir compte de la proportion respective des recettes et des dépenses de cette entité provenant de ses activités économiques et non économiques.
30 Elle estime que la solution de l’affaire qui lui est soumise dépend de l’interprétation par la Cour de l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014.
31 Dans ces conditions, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 2, point 83, du règlement [nº 651/2014] doit-il être interprété en ce sens qu’une entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche) dont l’un des buts est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances, mais dont la majeure partie du financement propre est constituée de revenus provenant d’activités économiques, peut être considérée comme un organisme de recherche et de diffusion des connaissances ?
2) Est-il justifié d’appliquer l’exigence d’une proportion de financement (recettes et dépenses) provenant d’activités économiques et non économiques afin de déterminer si l’entité respecte l’obligation prévue à l’article 2, point 83, du règlement [nº 651/2014], selon laquelle le but premier des activités de l’entité est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, quel doit être le pourcentage de financement réparti entre les activités économiques et les activités non économiques afin d’établir que le but premier de l’entité est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ?
4) La règle contenue à l’article 2, point 83, du règlement [nº 651/2014], selon laquelle les entreprises qui peuvent exercer une influence déterminante sur un soumissionnaire, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne peuvent pas bénéficier d’un accès privilégié aux résultats qu’il produit, doit elle être comprise en ce sens que les associés ou les actionnaires du soumissionnaire peuvent être soit des personnes physiques ou morales ayant un but lucratif (y compris la fourniture de services d’enseignement à titre onéreux), soit des personnes constituées sans but lucratif (telles qu’une association ou une fondation) ? »
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
32 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 10 décembre 2020, J & S Service, C-620/19, EU:C:2020:1011, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
33 Les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient ainsi d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, que la Cour ne dispose pas des éléments de droit ou de fait nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ou que le problème est de nature hypothétique (arrêt du 24 février 2022, Tiketa, C 536/20, EU:C:2022:112, point 39 et jurisprudence citée).
34 Dans les présentes affaires, la Cour est interrogée sur l’interprétation à donner de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, qui définit la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances ». C’est toutefois dans le cadre de litiges relatifs à l’application du décret no 725 et portant sur l’octroi de financements publics pour la recherche fondamentale et appliquée par le Conseil letton de la science que les juridictions de renvoi ont formulé leurs demandes de décision préjudicielle. Ainsi que l’exposent ces juridictions, le point 2.7 du décret no 725 renvoie, de manière claire et inconditionnelle, à l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 et précise que, afin d’être éligibles aux financements publics de recherche fondamentale du Conseil letton de la science, les soumissionnaires de projet doivent satisfaire à la définition d’organisme de recherche telle qu’elle est prévue à l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014. Dès lors que, ainsi que lesdites juridictions l’ont à suffisance exposé, la solution des litiges au principal dépend de l’interprétation de cette disposition du règlement no 651/2014, les réponses de la Cour aux questions préjudicielles posées apparaissent nécessaires aux juridictions de renvoi pour être en mesure de rendre leur jugement.
35 À cet égard, il convient également de rappeler que la Cour a reconnu comme étant recevables des demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situaient en dehors du champ d’application de ce droit, mais dans lesquelles ces dispositions avaient, sans modification de leur objet ou de leur portée, été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi direct et inconditionnel opéré par ce dernier au contenu de celles-ci. La Cour a, en outre, jugé de manière constante qu’il est, dans ce type de situations, de l’intérêt manifeste de l’ordre juridique de l’Union que, afin d’éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi, C 297/88 et C 197/89, EU:C:1990:360, points 36 et 37 ; du 24 octobre 2019, Belgische Staat, C 469/18 et C 470/18, EU:C:2019:895, points 21 à 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 décembre 2020, J & S Service, C 620/19, EU:C:2020:1011, points 34, 44 et 45).
36 Il ressort des demandes de décision préjudicielle que, en renvoyant, au point 2.7 du décret no 725, de manière directe et inconditionnelle à l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 dans le cadre de la définition des critères d’éligibilité aux financements publics de la recherche fondamentale, les autorités lettonnes ont voulu garantir la concordance entre le droit national et le droit de l’Union pertinent et assurer la compatibilité de leur système de financement public de la recherche fondamentale avec les règles de droit de l’Union relatives aux aides d’État, si bien que ledit renvoi ne modifie ni l’objet ni la portée de cette disposition.
37 Dans ces conditions, il y a lieu, pour la Cour, de répondre aux première à quatrième questions posées dans chacune des présentes affaires, en ce qu’elles portent sur l’interprétation à donner de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014.
38 Toutefois, s’agissant de la cinquième question dans l’affaire C 164/21, relative à la pertinence de l’origine des étudiants qu’une entité accueille et du type d’enseignement qu’elle dispense en tant que critères aux fins de sa qualification en tant qu’organisme de recherche et de diffusion des connaissances, il y a lieu de constater qu’elle présente un caractère hypothétique dès lors que la juridiction de renvoi n’expose pas avec un niveau de clarté et de précision suffisant les raisons qui l’ont conduite à poser cette question et la mesure dans laquelle une réponse à ladite question est nécessaire pour trancher le litige dont elle est saisie.
39 En effet, la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C 164/21 n’indique pas en quoi les critères sur lesquels porte cette question sont pertinents dans le cadre de la procédure au principal, par exemple en tant qu’ils auraient fondé la décision du Conseil letton de la science ou en tant qu’ils auraient été invoqués par BSA dans le cadre de son recours devant la juridiction de renvoi. Partant, la cinquième question dans l’affaire C 164/21 doit être déclarée comme étant irrecevable.
Sur les première et deuxième questions dans l’affaire C-164/21 ainsi que sur les première à troisième questions dans l’affaire C-318/21
40 Par les première et deuxième questions dans l’affaire C-164/21 ainsi que par les première à troisième questions dans l’affaire C-318/21, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 doit être interprété en ce sens qu’une entité de droit privé qui exerce plusieurs activités, dont la recherche, mais dont la majeure partie des revenus provient d’activités économiques, telles que la prestation de services d’enseignement à titre onéreux, peut être considérée comme étant un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition.
41 Ce faisant, les juridictions de renvoi interrogent la Cour sur l’interprétation qu’il y a lieu de donner de la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », telle qu’elle est définie à l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, et sur les critères permettant d’identifier un tel organisme.
42 Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie, C 202/18 et C 238/18, EU:C:2019:139, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
43 L’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 définit l’organisme de recherche et de diffusion des connaissances comme « une entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche), quel que soit son statut légal (de droit public ou de droit privé) ou son mode de financement, dont le but premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ».
44 Cette disposition précise, par ailleurs, que, lorsqu’une telle entité exerce également des activités économiques, le financement, les coûts et les revenus de ces activités économiques doivent être comptabilisés séparément. Elle dispose encore que les entreprises qui peuvent exercer une influence déterminante sur une telle entité, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne peuvent pas bénéficier d’un accès privilégié aux résultats qu’elle produit.
45 Il ressort d’une interprétation littérale de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 que le critère central pour la qualification d’une entité en tant qu’organisme de recherche et de diffusion des connaissances est le but premier qu’elle poursuit, qui doit consister soit à exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, soit à diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances.
46 Premièrement, en ce qui concerne la notion de « but premier », il y a lieu de constater qu’elle n’est pas définie par le règlement no 651/2014. Il appartient, dès lors, à la Cour d’en déterminer la signification et la portée conformément au sens habituel de celle-ci dans le langage courant [voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2020, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Enrôlement des marins dans le port de Rotterdam), C 341/18, EU:C:2020:76, point 42 et jurisprudence citée]. Dans ce langage, le but d’une entité fait référence à l’objectif qu’elle se propose d’atteindre et l’adjectif « premier » souligne l’importance supérieure du but en cause, et donc sa préséance sur les éventuels autres buts poursuivis par l’entité.
47 De ce point de vue, l’utilisation de la notion de « but premier » dans l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 laisse entendre qu’un organisme de recherche et de diffusion des connaissances, au sens de cette disposition, peut poursuivre une pluralité de buts et exercer différents types d’activités, à la condition que, parmi ces différents buts, l’exercice d’activités indépendantes de recherche ou de diffusion large des résultats de ces activités constitue l’objectif principal, prépondérant par rapport aux éventuels autres objectifs poursuivis par cet organisme.
48 Cette interprétation, suivant laquelle l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 et la notion de « but premier » sur laquelle cette disposition s’appuie ne font pas obstacle à ce qu’un organisme de recherche et de diffusion des connaissances exerce également d’autres activités, éventuellement de nature économique, telles que des activités d’enseignement à titre onéreux, pour autant que ces activités conservent un caractère secondaire, non prépondérant par rapport aux activités principales, généralement de nature non économique, de recherche indépendante ou de diffusion des résultats de cette recherche, est corroborée par le considérant 49 de ce règlement et le point 20 de la communication de la Commission de 2014, dont il découle qu’un organisme de recherche ou une infrastructure de recherche peut exercer à la fois des activités économiques et des activités non économiques.
49 Deuxièmement, en ce qui concerne les activités exercées dans la poursuite du but premier de l’entité, si le libellé de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 et l’utilisation de la conjonction de coordination « ou » laissent entendre que les organismes de recherche et de diffusion des connaissances ne doivent pas forcément réaliser cumulativement des activités de recherche et des activités de diffusion des résultats, en revanche, l’expression « les résultats de ces activités » suppose nécessairement que les activités de diffusion des connaissances de l’organisme ne puissent pas indistinctement porter sur les résultats de tout type de recherche, même sans lien aucun avec l’entité en cause, mais doivent concerner, au moins en partie, les résultats des activités de recherche menées par l’entité elle-même.
50 Il résulte de ces éléments que, pour être qualifiée d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, une entité doit exercer des activités indépendantes de recherche, éventuellement complétées par des activités de diffusion des résultats de ces activités de recherche.
51 Par conséquent, des établissements exclusivement dédiés à des activités d’enseignement et de formation qui diffusent, de manière générale, l’état actuel de la science ne peuvent être qualifiés d’organismes de recherche et de diffusion des connaissances. Cette interprétation est confortée par la finalité et l’économie générale du règlement no 651/2014, et du régime que celui-ci établit pour les aides à la recherche, au développement et à l’innovation, qui, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 45, 47 et 48 de ce règlement, ne sauraient avoir pour objet d’exempter des aides octroyées à des entités exclusivement dédiées à l’enseignement et à la diffusion de connaissances générales, aucunement liées à des activités de recherche que, du reste, elles n’exercent pas.
52 Troisièmement, en ce qui concerne les critères à l’aune desquels la condition essentielle du but premier d’une entité doit s’apprécier aux fins de sa qualification comme « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, il convient, avant tout, de constater qu’ils ne sont pas spécifiés audit article 2, point 83. Il y a lieu d’en déduire que cette disposition permet, afin d’apprécier le but premier d’une entité, la prise en compte de tous les critères pertinents, tels que le cadre réglementaire applicable ou les statuts de l’entité en cause.
53 À cet égard, la Cour est interrogée sur le caractère déterminant de la structure du chiffre d’affaires d’une entité et de la part qu’y représentent les revenus tirés de ses activités économiques, aux fins de l’appréciation du but premier qu’elle poursuit. Plus particulièrement, les juridictions de renvoi se demandent si le fait qu’une entité tire plus de la moitié de ses revenus de telles activités économiques implique forcément qu’elle ne puisse être qualifiée d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014.
54 Sur ce point, il y a lieu, tout d’abord, de constater que l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 n’énonce aucune exigence quant à la structure et à l’origine du financement des activités de l’entité aux fins de l’appréciation de son but premier, et de sa qualification comme « organisme de recherche et de diffusion des connaissances ». Cette disposition précise même qu’une telle qualification doit être réalisée sans avoir égard au mode de financement de l’entité ou à son statut légal de droit public ou de droit privé.
55 Ensuite, l’exigence de comptabilité séparée qu’impose l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 confirme qu’un organisme de recherche et de diffusion des connaissances peut également exercer des activités de nature économique, génératrices de revenus.
56 Enfin, comme le soulignent les gouvernements letton et néerlandais ainsi que la Commission, il convient de constater que le critère de la structure du chiffre d’affaires d’une entité, et de la part respective qu’y représentent les revenus tirés des activités économiques de cette entité et ceux tirés des activités, généralement non économiques, de recherche et de diffusion des résultats de celle-ci, est, s’il est pris isolément, susceptible de donner une image déformée des activités réelles d’une entité et de son but premier, par exemple en sous-estimant l’importance réelle d’une activité qui ne générerait que peu de revenus.
57 Partant, il y a lieu de considérer que le critère de la structure du chiffre d’affaires d’une entité, et de la part qu’y représentent les revenus tirés des activités économiques de cette entité, ne peut être utilisé comme seul critère déterminant de l’appréciation du but premier de ladite entité aux fins de l’éventuelle qualification de celle-ci en tant qu’organisme de recherche et de diffusion des connaissances.
58 Toutefois, l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 ne s’oppose pas à ce que ce critère puisse être pris en compte, dans le contexte plus large d’une analyse de l’ensemble des circonstances pertinentes, comme un indice parmi d’autres du but premier poursuivi par une entité.
59 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions dans l’affaire C-164/21 et aux première à troisième questions dans l’affaire C-318/21 que l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 doit être interprété en ce sens qu’une entité de droit privé qui exerce plusieurs activités, dont la recherche, mais dont la majeure partie des revenus provient d’activités économiques, telles que la prestation de services d’enseignement à titre onéreux, peut être considérée comme étant un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition, à condition qu’il puisse être établi, à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce, que son but premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, éventuellement complétées par des activités de diffusion des résultats de ces activités de recherche, au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. Dans ce cadre, il ne peut être requis d’une telle entité qu’elle tire une certaine proportion de ses revenus d’activités non économiques de recherche et de diffusion des connaissances.
Sur la troisième question dans l’affaire C-164/21
60 Par la troisième question dans l’affaire C-164/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 doit être interprété en ce sens qu’il est nécessaire, afin qu’une entité puisse être considérée comme étant un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition, que cette entité réinvestisse les revenus générés par son activité principale dans cette même activité.
61 Il convient, tout d’abord, de constater que l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, au-delà de l’obligation de comptabiliser séparément le financement, les coûts et les revenus des éventuelles activités économiques qu’exerce une entité, n’impose, aux fins de sa qualification en tant qu’organisme de recherche et de diffusion des connaissances, aucune exigence relative à l’utilisation, et à l’éventuel réinvestissement, par celle-ci de ses revenus.
62 À cet égard, il y a lieu, ensuite, d’observer, ainsi que le relèvent le gouvernement néerlandais et la Commission dans leurs observations, qu’une telle exigence de réinvestissement des revenus existait sous le régime antérieur du règlement no 800/2008, dont l’article 30, point 1, disposait, notamment, que « les profits doivent être intégralement réinvestis dans ces activités [de recherche], dans la diffusion de leurs résultats ou dans l’enseignement », et que cette exigence n’a pas été reprise dans le règlement no 651/2014.
63 Enfin, contrairement à ce que soutient le gouvernement letton, une telle exigence de réinvestissement ne peut être déduite du point 19, sous b), de la communication de la Commission de 2014, qui, contrairement au point 19, sous a), de celle-ci, n’a pas pour objet de qualifier les activités principales des organismes de recherche, mais porte uniquement sur la qualification des activités de transfert de connaissances. Ce n’est qu’aux fins d’indiquer dans quelles conditions ces dernières activités peuvent être qualifiées de « non économiques » que ce point 19, sous b), se réfère à une exigence de réinvestissement de revenus dans les activités principales de l’organisme de recherche.
64 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question dans l’affaire C-164/21 que l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas nécessaire, afin qu’une entité puisse être considérée comme étant un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition, que cette entité réinvestisse les revenus générés par son activité principale dans cette même activité principale.
Sur les quatrièmes questions dans l’affaire C-164/21 et dans l’affaire C 318/21
65 Par leurs quatrièmes questions dans les affaires C-164/21 et C 318/21, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014 doit être interprété en ce sens que le statut juridique des associés et des actionnaires d’une entité ainsi que le caractère éventuellement lucratif des activités exercées par ces derniers et des objectifs qu’ils poursuivent constituent des critères déterminants aux fins de la qualification de ladite entité en tant qu’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition.
66 Premièrement, l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014 prévoit expressément que le statut légal de l’entité (de droit public ou de droit privé) et son mode de financement sont indifférents afin de déterminer si elle peut être qualifiée d’organisme de recherche et de diffusion des connaissances. Cela atteste de la volonté de la Commission, auteure du règlement no 651/2014, de ne pas avoir égard, aux fins de la qualification d’une entité en tant qu’organisme de recherche et de diffusion des connaissances, à des critères formels liés au statut juridique et à l’organisation interne de l’entité.
67 Deuxièmement, la règle, figurant à l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014, selon laquelle les entreprises qui peuvent exercer une influence déterminante sur un organisme de recherche et de diffusion des connaissances, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne peuvent pas bénéficier d’un accès privilégié aux résultats que celui-ci produit, laisse entendre que le statut juridique des associés ou des actionnaires d’une entité et le caractère lucratif ou non de leurs activités ou de leurs objectifs ne sauraient être déterminants aux fins de la qualification de ladite entité comme « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition.
68 En outre, il y a lieu de relever que cette règle ne concerne que les entités qui peuvent être considérées comme des entreprises. Or, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé (voir, en ce sens, arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a., C 309/99, EU:C:2002:98, points 46 et 47, ainsi que du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist’ovňa, C 262/18 P et C 271/18 P, EU:C:2020:450, points 28 et 29), et comme l’article 1er de l’annexe I du règlement no 651/2014 ainsi que le point 17 de la communication de la Commission de 2014 le confirment, constitue une « entreprise », au sens du droit de l’Union, toute entité exerçant une activité économique consistant à offrir des produits ou des services sur un marché donné, indépendamment de son statut juridique ou du caractère lucratif du but qu’elle poursuit. Partant, et comme le soutiennent notamment les gouvernements letton et néerlandais ainsi que la Commission, la règle figurant à l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014 n’emporte aucune restriction concernant le statut juridique des éventuels associés ou actionnaires d’un organisme de recherche et de diffusion des connaissances, et le caractère lucratif ou non des activités exercées par ces derniers et des objectifs qu’ils poursuivent.
69 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux quatrièmes questions dans les affaires C-164/21 et C 318/21 que l’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014 doit être interprété en ce sens que le statut juridique des associés et des actionnaires d’une entité ainsi que le caractère éventuellement lucratif des activités exercées par ces derniers et des objectifs qu’ils poursuivent ne constituent pas des critères déterminants aux fins de la qualification de ladite entité en tant qu’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition.
Sur les dépens
70 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 2, point 83, du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE],
doit être interprété en ce sens que :
une entité de droit privé qui exerce plusieurs activités, dont la recherche, mais dont la majeure partie des revenus provient d’activités économiques, telles que la prestation de services d’enseignement à titre onéreux, peut être considérée comme étant un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition, à condition qu’il puisse être établi, à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce, que son but premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, éventuellement complétées par des activités de diffusion des résultats de ces activités de recherche, au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. Dans ce cadre, il ne peut être requis d’une telle entité qu’elle tire une certaine proportion de ses revenus d’activités non économiques de recherche et de diffusion des connaissances.
2) L’article 2, point 83, du règlement no 651/2014
doit être interprété en ce sens que :
il n’est pas nécessaire, afin qu’une entité puisse être considérée comme étant un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition, que cette entité réinvestisse les revenus générés par son activité principale dans cette même activité principale.
3) L’article 2, point 83, du règlement nº 651/2014
doit être interprété en ce sens que :
le statut juridique des associés et des actionnaires d’une entité ainsi que le caractère éventuellement lucratif des activités exercées par ces derniers et des objectifs qu’ils poursuivent ne constituent pas des critères déterminants aux fins de la qualification de ladite entité en tant qu’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de cette disposition.