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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. cbv, 20 novembre 1991, n° XP201191X

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société Quadral (SA), M. Leguillon, Mme Conrady, M. Coillot, Mme Cormouls-Houles épouse Laforcade, M. Paul, Mme Cormouls-Houles épouse Valantin, M. Michel, M. Cognaco, M. Cormouls-Houles, M. Lagrave, M. Pionier, M. Morel, Mlle Cartigny, SPPP Cormouls Houles et Cie, Gaston Cormouls-Houles (SA), Delainage et Lavage (SARL)

Défendeur :

Finmeccanica International (SA), Société Astérisque Holding (SA), Société SCEE (SA), Conseils des Bourses de Valeurs, M. Le Président de la Commission des Opérations de Bourse, M. Le Commissaire du Gouvernement-Ministère de l'Economie-Bureau des Marchés Financiers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ezratty

Conseillers :

M. Vengeon, M. Guerin, M. Canivet, Mlle Aubert

Avoués :

SCP Valedelievre - Garnier, Me Kieffer-Jolly, SCP Duboscq-Pellerin

Avocat :

Me Vassogne

CA Paris n° XP201191X

19 novembre 1991

Statuant en application de la loi no 88-70 du 22 janv. 1988 sur les Bourses de valeurs et du décret no 88-603 du 7 mai 1988 relatif aux recours exercés devant la Cour d'appel de Paris contre les décisions du Conseil des marchés à terme et du Conseil des bourses de valeurs.

Et après avoir entendu les conseils des parties et des Bourses de valeurs, le repésentant du président de ka Commission des opérations de bourse et le ministère public en leur observation.

La cour statue conformément aux dispositions de l'art. 2 du décret du 7 mai 1988 sur les recours formés : 

- d'une part, le 18 sept. 1991, par la Sté Quadral et enregistré au greffe sous le numéro 91/19441 ;

- d'autre part, le 26 sept. 1991, par André Leguillon et quinze autres actionnaires de la Sté Compagnie des signaux et d'équipements (CSEE) et enregistré au greffe sous le numéro 91/19918 ;

Contre une décision du Conseil des bourses de valeurs (le Conseil), publiée le 16 sept. 1991, constatant qu'à cette date aucune règle de droit ne permettait d'exiger du groupe Finmeccanica le dépôt d'une offre publique de retrait non plus qu'une offre publique concurrente sur les actions de la Sté CSEE.

Selon les mémoires et les pièces déposées par le Conseils et ceux produits par les parties, les faits relatifs au litige s'énoncent comme suit :

La Sté CSEE est une entreprise d'électronique cotée en bourse, spécialisée dans la signalisation ferroviaire et les transports, la défense et la communication informatique.

Au mois d'octobre 1989, puis au mois de septembre 1990, elle a successivement apporté ses activités transport et défense à deux filiales par elle créées dont elle a aussitôt cédé 49 % du capital respectivement à deux sociétés italiennes, filiales de la Sté de holding Finmeccanica SPA dépendant elle-même du groupe étatique italien IRI : la Sté Ansaldo pour CSEE Transport et la Sté Selenia pour CSEE Défense, avec lesquelles elle a conclu des accords de partenariat portant sur l'administration de la société et prévoyant le rachat mutuel des parts par chacun des deux actionnaires en cas de désaccords entre eux.

Dans le but d'éviter la mise en oeuvre de la procédure d'offre publique de retrait prévue par l'art. 7-2-5 du règlement général du Conseil en cas d'apports du principal des actifs d'une société à une autre, le directeur financier de la CSEE a, par une lettre du 25 juin 1990, informé le Conseil du transfert déjà réalisé des activités transport et de celui envisagé pour les activités défense et communication, en présentant ces opérations comme la valorisation de filiales par le renfort industriel de partenaires minoritaires, sans toutefois révéler la teneur des accords conclus avec les sociétés cessionnaires des parts du capital.

Aux termes d'une lettre du 6 juill. 1990, la Sté des bourses françaises a informé la Sté CSEE que, dès lors qu'elle entendait conserver le contrôle des divisions filialisées et que les transferts en cours ne sont pas de nature à entraîner de modifications substantielles des droits et intérêts des actionnaires, le Conseil avait estimé qu'en l'état, l'art. 7-2-5 de son règlement général n'était pas applicable.

La société CSEE a ensuite convoqué, le 12 sept. 1990, une assemblée générale extraordinaire pour informer ses actionnaires de l'opération en cours, identique à celle déjà accomplie. Elle avait au préalable mis à la disposition du public un document d'information décrivant l'objet et les modalités de l'apport partiel des actifs de son secteur défense à sa filiale CSEE Défense en vue de l'entrée de la Sté Selenia, partenaire minoritaire au capital de cette filiale.

Le transfert du secteur communication de la Sté CSEE envisagé dans des conditions identiques n'a pas été réalisé.

Le 15 mai 1991, la Sté Quadral et la banque SAGA ont informé la Société des bourses françaises que le 7 mai précédent, agissant de concert, elles avaient franchi à la hausse le seuil de 20 % des droits de vote de la Sté CSEE dont elles détenaient ensemble 22,69 % ; elles précisaient qu'elles n'avaient pas l'intention d'acquérir plus du tiers du capital de ladite société mais qu'elles se réservaient la faculté de poursuivre leurs achats sur le marché et éventuellement de demander une représentation au conseil d'administration en qualité d'actionnaire significatif.

Dans un communiqué inséré dans le journal « Les Echos » du 6 juin 1991, elles faisaient toutefois savoir que lors de l'assemblée générale ordinaire de la Sté CSEE qui se tiendrait le 10 juin suivant, elles solliciteraient une représentation majoritaire au conseil d'administration.

Ainsi, disposant de la majorité des droits de vote exprimés lors de cette assemblée générale, la Sté Quadral a fait remplacer six des huit administrateurs de la Sté CSEE dont son propre président, Yazid Sabeg, est devenu président du conseil d'administration.

Ayant refusé d'approuver les comptes et fait réaliser un audit sur la situation financière, le nouveau conseil d'administration de la Sté CSEE a, par des communiqués des 5 et 17 juill. 1991, informé le public, d'une part que les résultats consolidés de 1990 et prévisionnels de 1991 devaient être profondément révisés à la baisse et d'autre part que des conventions non révélées conclues avec la Sté Finmeccanica remettaient en cause le contrôle effectif de la Sté CSEE sur ses filiales Transport et Défense.

Après avoir obtenu la suspension provisoire de la cotation de ses titres, la Sté CSEE a décidé, le 19 juill. 1991, de procéder à une augmentation de capital assortie d'une émission d'obligations convertibles en actions.

En souscrivant elle-même à ces augmentation et émission réalisées au cours du mois d'août 1991 et en procédant aussitôt à la conversion de ses obligations, la Sté Quadral a franchi le seuil du tiers du capital de la Sté CSEE, en sorte que, le 6 sept. 1991, elle a saisi la Société des bourses françaises d'un projet d'offre public d'achat obligatoire visant la totalité des actions de cette société, projet que le Conseil a déclaré recevable le 16 sept. 1991, alors que, le 11 septembre précédent, la Sté Quadral avait informé l'autorité de marché que, toujours de concert avec la banque SAGA, elle détenait désormais 42,6 % des droits de vote de la Sté CSEE.

Durant la même période, le groupe Finmeccanica est entré dans le capital de la Sté CSEE dont il a acquis les 20 et 25 juin 1991, par ses filiales luxembourgeoises les Stés Sifa International et Meccanica Finanza International, 10 % des droits de vote aux assemblées générales tout en faisant savoir, par une interview de son directeur publiée par le journal « Les Echos » du 11 juillet, qu'il avait l'intention d'accroître sa participation dans la société mais que son objectif prioritaire n'était pas d'en prendre le contrôle.

Le 10 juill. 1991, la Sté Finmeccanica avait en effet, conformément aux prescriptions de l'art. 12 du décret du 29 déc. 1989, réglementant les relations financières avec l'étranger, soumis son projet d'acquérir plus de 20 % du capital de la CSEE à l'autorisation préalable du ministre de l'Economie, des Finances et du Budget qui, le 6 sept. 1991, lui a fait connaître qu'il renonçait à son droit d'ajourner cette opération, en prenant note de l'engagement du groupe italien de ne pas porter sa participation au-delà du tiers.

Postérieurement au dépôt par la Sté Quadral du projet d'offre publique d'achat des actions de la Sté CSEE, le groupe Finmeccanica a, par un avis publié le 9 sept. 1991, déclaré son intention de ne pas apporter ses titres à l'offre et de faire usage de l'autorisation ministérielle qui lui a été donnée pour renforcer dans la limite du tiers sa position dans le capital de la société visée. 

Prétendant que la volonté du groupe Finmeccanica était d'obtenir le contrôle de fait de la Sté CSEE, tout en l'empêchant d'en prendre le contrôle de droit, la Sté Quadral a, le 10 sept. 1991, demandé au Conseil d'ordonner au groupe italien le dépôt d'une offre publique de retrait sur 100 % du capital de la société concernée ou, à tout le moins, de lui imposer un seuil de participation qu'il ne pourrait franchir sans faire une telle offre.

Par la décision soumise à recours, le Conseil a rejeté cette demande ; la période d'offre publique prolongée jusqu'au 22 nov. 1991 s'étant depuis lors poursuivie, alors que par des achats en bourse à des prix supérieurs à celui proposé par la Sté Quadral, le groupe Finmeccanica a, le 23 sept. 1991, franchi à la hausse le seuil de 20 % du capital de la société visée dont il détiendrait actuellement 29,50 % des droits de vote (outre 2250 obligations convertibles donnant à terme accès à 51 750 droits de vote), tout en précisant qu'il agit de manière indépendante et qu'il n'exclut pas de poursuivre ses achats sur le marché, dans les limites du tiers du capital de la société visée, dans la seule intention de demander une représentation au conseil d'administration en qualité d'actionnaire significatif.

Dans le cadre de ces opérations de bourse, est également intervenue la société Groupement Privé de Gestion qui aurait franchi sans déclaration le seuil de 5 % du capital de la société CSEE et serait de ce fait privée de ses droits de vote pendant deux ans, un litige sur ce point étant actuellement soumis au tribunal de commerce de Nanterre, alors qu'en outre, la société QUADRAL a demandé à la Commission des opérations de bourse (la Commission) une enquête relative au comportement de cette société sur le marché de titre concerné

En marge de la procédure de recours contre la décision du Conseil, la Sté Quadral a, le 8 oct. 1991, introduit devant le président du Tribunal de commerce de Paris une action en référé visant à faire interdire au groupe Finmeccanica l'acquisition d'actions de la Sté CSEE au-delà du seuil de 20,70 % du capital et séquestrer provisoirement les actions déjà achetées par celui-ci depuis l'ouverture de l'offre, toutes mesures qui ont été rejetées par une ordonnance rendue le 22 oct. 1991 contre laquelle la Sté Quadral a relevé un appel sur lequel il est statué par un arrêt distinct [V., infra, le second arrêt rapporté ].

Au sein de leurs recours, la société QUADRAL, d'une part, et seize autres actionnaires de la société CSEE, d'autre part, font valoir ensemble ou individuellement aux termes de leurs mémoires distincts :

- que, bien que n'ayant acquis par ses propres filiales ANSALDO et SELENIA que 49 % du capital des filiales Transport et Défense de la société CSEE, grâce aux accord annexes qui prévoient la parité des deux actionnaires dans les conseils d'administration, l'accord unanime pour les décisions essentielles et les clauses de sorties favorisant le partenaire le plus solide financièrement, le groupe FINMECCANICA contrôle conjointement avec la société CSEE les sociétés CSEE Transport et CSEE Défense, lesquelles représentent la totalité de l'actif net et 70% du chiffre d'affaires de leur société mère ;

- que, par les créations de filiales effectuées dans de telles conditions, la société CSEE a apporté à d'autre sociétés, dont elle n'a pas le contrôle effectif, le principal de ses actifs et qu'en conséquence, par application de l'article 7-2-5 de son Règlement Général, le Conseil aurait dû, dès le 6 juillet 1990, en tout cas par sa décision du 16 septembre 1991, imposer aux anciens dirigeants de la société CSEE et/ou au groupe FINMECCANICA une offre publique de retrait sur les actions de cette société ;

- qu'en visant comme il l'annonce une participation à 33 % dans le capital de la société CSEE, sans que cette limitation ne constitue pour lui une contrainte irrévocable, le groupe FINMECCANICA entend prendre le contrôle de fait de cette société ou de la totalité de ses actifs, en tout cas empêcher la réussite de l'offre publique d'achat initié par la société QUADRAL ;

- qu'en refusant de soumettre ledit groupe à une offre concurrente, le Conseil permet à celui-ci, avec lequel la société QUADRAL est compétition, d'atteindre ses propres objectifs en ne ramassant en bourse qu'une fraction limitée du capital de la société CSEE à n'importe quel prix et sans contrainte alors que la société QUADRAL s'est engagée à acheter la totalité du capital de la société visée à un prix qu'elle ne peut augmenter sans présenter une contre-offre majorée sur la même quantité d'actions ;

- qu'ainsi la décision attaquée a méconnu le principe général d'égalité de traitement des actionnaires et des protagonistes à l'offre, repris par l'article 3 du règlement 89-03 de la Commission et dont la mise en oeuvre s'impose au Conseil comme règle de droit positif, sans aucune restriction quant aux personne concernées ;

- selon les moyens sus-exposés, la société QUADRAL demande à la cour d'annuler la décision soumise à recours et en outre de dire le groupe FINMECCANICA tenu de déposer, à titre principal, une offre concurrentes à la sienne ou, subsidiairement, une offre publique de retrait sur la totalité du capital de la société CSEE.

Les autres requérants poursuivent aussi l'annulation de la décision déférée, mais restreignent leur demande de réformation à la mise en oeuvre d'une procédure d'offre publique de retrait

La société FINMECCANICA SPA et sa filiale ASTERISQUE HOLDING SA, actuellement détentrices des actions de la société CSEE acquises par le groupe auxquelles elles appartiennent, ont conclu au soutien de la validité de la décision du Conseil en faisant valoir :

- que le recours d'André LEGUILLON et des autres actionnaires est irrecevable, en premier lieu, parce que ceux-ci, qui n'indiquent pas précisément la date d'acquisition de leurs actions, n'ont aucune qualité pour agir et, en second lieu, parce qu'ils n'apportent pas la preuve de leur intérêt pécuniaire à poursuivre la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait ;

- que contrairement à ce que soutiennent les requérants, le groupe FINMECCANICA n'a aucun contrôle ni sur la société CSEE ni sur ses filiales et qu'en conséquence, c'est ) bon droit que le Conseil à écarté la mise en oeuvre de la procédure d'offre publique de retrait prévue par les dispositions de l'article 7-2-5 de son Règlement Général  ;

- que le dit groupe n'a commis ni fraude ni dissimulation visant à le soustraire à l'application de ce texte ;

- que c'est également à bon droit que la décision soumise à recours a estimé que l'article 3 alinéa 3 du Règlement 89-03 de la Commission n'est pas e, l'espèce réduite à la mise en oeuvre de son propre Règlement Général qui ne prévoit pas de cas d'offre publique concurrente, ensuite, parce que le texte susvisé ne soumet pas les tiers à la procédure d'offre à une telle obligation, enfin, parce que le groupe FINMECCANICA n'est pas en compétition avec la société QUADRAL ;

- subsidiairement, que la Cour n'a pas le pouvoir de réformer la décision du Conseil et que, même si tel était le cas, elle n'aurait que la possibilité de renvoyer cette autorité soit à mettre en oeuvre une procédure d'offre concurrente soir à apprécier l'opportunité d'ouvrir une procédure d'offre publique de retrait ; qu'enfin, dans le cadre spécifique de la procédure du recours, ne peut être discutée la validité de ses acquisitions de titres de la société CSEE.

Au termes de ses observations écrites, le Conseil expose :

- que l'article 5-2-21 de son Règlement Général pose en principe la licéité des interventions sur le marché en période d'offre publique, les seules restrictions prévues n'intéressant que l'initiateur de l'offre et les personnes agissant de concert avec lui, alors que les tiers ne sont soumis qu'à une obligation de déclaration ;

- que si le règlement 89-03 de la Commission a vocation à régir toute offre publique, fût-elle obligatoire, l'alinéa 3 de son article 3 ne restreint les possibilités d'intervention sur le marché que lorsqu'une compétition oppose divers protagonistes, ce qui en l'espèce n'est pas le cas, dès lors qu'aux conditions auxquelles l'autorisation ministérielle lui a été consentie, le groupe FINMECCANICA ne peut acquérir le contrôle de la société CSEE et que ses achats sur le marché ne visent pas à empêcher la société QUADRAL de l'obtenir ;

- que la filialisation par la société CSEE de ses activités transport et défense, les participations au capital de ces sociétés prises par les filiales du groupe FINMECCANICA et les accords de partenariat conclus avec celles-ci ne pouvaient justifier le déclenchement d'une offre publique de retrait, en raison de ce que ces opérations ne peuvent s'assimiler à des apports d'actifs d'une société à une autre ou à la réorientation des ses activités sociales mais encore, de ce qu'à l'époque des ces transferts, ni FINMECCANICA, ni aucune autre personne ne contrôlait la société CSEE.

Appelé à disposer des conclusions et à les développer oralement à l'audience, conformément à l'article 12-A alinéa 2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, le Président de la commission des opérations de bourse a estimé :

- que l'article 3 alinéa 3 du Règlement 89-03 de la Commission ne s'applique pas davantage, aux motifs que la société QUADRAL avait pleinement connaissance de la situation de la société CSEE et de celle de ses filiales avant de s'obliger à procéder à une offre publique et que les acquisitions depuis lors réalisées par le groupe FINMECCANICA, conformes à la stratégie industrielle suivie par celui-ci depuis deux années, ne le placent pas en compétition avec l'initiateur de l'offre.

Le Ministère public a déposé des conclusions écrites et présenté des conclusions orales à l'audience.

SUR QUOI :

I. - Sur la procédure : 

Considérant que le recours de la société QUADRAL et celui des autres actionnaires de la société CSEE sont connexes et visent partiellement aux mêmes fins ; qu'en conséquence dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice les deux procédures seront jointes afin qu'il soit statué sur l'une et l'autre par un seul et même arrêt ;

Considérant qu'André Leguillon et les quinze autres personnes physiques ou morales associées à son recours justifient qu'à la date de publication de la décision attaquée ils étaient actionnaires de la Société CSEE ; que de ce seul fait, et sans avoir à apporter la preuve des avantages pécuniaires qu'ils attendent d'une offre publique de retrait, ils ont intérêt à poursuivre la mise en oeuvre d'une procédure boursière précisément destinée à protéger leurs droits d'actionnaires minoritaires dans une société cotée contre certaines décisions prises par ceux qui la contrôlent ;

II. - Sur le fond :

Considérant que les procédures d'offres obligatoires visent à imposer aux personnes qui y sont tenues l'acquisition par achat ou échange d'une quantité déterminée d'actions d'une société à un prix et selon des modalités fixés sous le contrôle des autorités de marché ; que de telles obligations dérogatoires aux dispositions des art. 1108 s. c. civ. ne peuvent résulter que de prescriptions légales expresses et impératives ;

Considérant qu'aux termes de l'art. 6 bis de la loi no 88-70 du 22 janv. 1988 sur les bourses de valeurs, le Conseil établit un règlement général qui, afin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence du marché, fixe notamment :

  • les conditions applicables aux procédures d'offre et de demande de retrait, lorsque les actionnaires majoritaires d'une société inscrite à la cote officielle détiennent une fraction déterminée des droits de vote ;
  • - les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert et venant à détenir, directement ou indirectement, une fraction du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d'une société inscrite à la cote officielle, est tenue d'en informer le Conseil et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée de titres de la société ;

A. - Sur la demande d'ouverture d'une offre publique de retrait :

Considérant que le règlement général du Conseil, pris par application de la loi susvisée, prévoit en son art. 7-2-5 que la ou les personnes qui contrôlent une société dont les titres sont inscrits à la cote officielle avertissent le Conseil et examinent avec lui la mise en oeuvre éventuelle d'une offre publique de retrait, en particulier lorsqu'elles décident le principe de l'apport de la totalité ou du principal des actifs à une autre société ou de la réorientation de l'activité sociale ;

Considérant que les requérants soutiennent que les filialisations de ses activités transport et défense réalisées en 1989 et 1990 par la Sté CSEE, suivies des cessions d'actions aux filiales du groupe Finmeccanica et des accords conclus avec celles-ci, devaient conduire à imposer le dépôt d'une offre publique de retrait audit groupe, celui-ci ayant, selon ce qui est soutenu, agi de concert avec les membres du conseil d'administration de la Sté CSEE ;

Mais considérant qu'à la date des opérations susvisées, le groupe Finmeccanica ne possédait aucune action de la Sté CSEE ; qu'il ne saurait par conséquent se voir contraint à des obligations qui ne s'imposent qu'aux personnes assurant le contrôle de la société, alors qu'au surplus la solidarité entre des actionnaires de la société et des tiers, résultant d'une action de concert au sens de l'art. 356-1-3 de la loi du 24 juill. 1966, n'est pas en ce cas prévue par le texte invoqué ;

Qu'en outre, ni les membres du conseil d'administration ni aucun autre actionnaire ou groupe d'actionnaires n'exerçaient à cette époque le contrôle sur la Sté CSEE au sens de l'art. 351-1 de la loi précitée ;

Qu'il s'ensuit que les dispositions de l'art. 7-2-5 du règlement général du Conseil sont en l'espèce inapplicables, sans qu'il y ait lieu de rechercher si sont réunies les autres conditions de mise en oeuvre des prescriptions qu'il édicte et notamment si les cessions critiquées ont constitué l'apport par la Sté CSEE de la totalité ou du principal de ses actifs à une autre société ou constituent une réorientation de son activité sociale ;

Considérant que l'allégation d'une fraude résultant de la dissimulation des accords de partenariat conclus entre les filiales respectives des Stés CSEE et Finmeccanica est sans portée, dès lors que les conventions litigieuses ne se rattachent qu'à l'existence des conditions annexes susvisées, lesquelles, à défaut d'un contrôle exercé sur la société concernée par les personnes prétendument tenues à l'offre de retrait, ne peuvent à elles seules déterminer la mise en oeuvre d'une telle procédure de bourse ;

Considérant, en conséquence, que c'est par une exacte interprétation de son règlement général au regard des faits litigieux que le Conseil a estimé n'y avoir lieu au dépôt d'un projet d'offre publique de retrait ;

B. - Sur la demande d'ouverture d'une offre concurrente :

Considérant que même dans l'hypothèse où une procédure d'offre publique est en cours, le règlement général du Conseil n'impose expressément aucune obligation de dépôt d'un projet d'offre concurrente aux personnes qui n'ont pas acquis plus du tiers des titres du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d'une société ;

Considérant toutefois que pour l'exécution des missions de service public qui lui sont déléguées par la loi du 22 janv. 1988, le Conseil est tenu au respect de l'ensemble des règles légales qui s'y rattachent et en particulier des règlements concernant le fonctionnement des marchés de valeurs mobilières pris par la Commission conformément aux dispositions de l'art. 4-1 de l'ordonnance du 28 sept. 1967 ;

Considérant que, pour prétendre le groupe Finmeccanica tenu au dépôt d'un projet d'offre publique concurrente, la Sté Quadral se fonde sur la première phrase du 3e al. de l'art. 3 du règlement no 89-03 de la Commission, relatif aux offres publiques et aux acquisitions de blocs de contrôle, selon laquelle « la compétition que peut impliquer une offre publique s'effectue par le libre jeu des offres et de leurs surenchères » ;

Considérant que, dès lors qu'elle ne vise qu'à imposer dans le déroulement des offres publiques le respect des principes d'égalité des actionnaires, de loyauté des transactions et de transparence du marché issus de l'ordonnance du 28 sept. 1967 et de la loi du 22 janv. 1988, la règle susvisée revêt une portée générale et intéresse aussi bien le comportement de l'initiateur de l'offre et de la société visée que celui des tiers ;

Considérant toutefois que le principe d'égalité ne saurait conduire à soumettre à une offre concurrente un opérateur, qui n'est ni l'initiateur de l'offre originale ni la société visée, qu'à la condition que les achats sur le marché, auxquels il procède durant le déroulement d'une offre publique et qui par principe ne sont pas prohibés, visent des objectifs incompatibles avec ceux d'autres intervenants et le placent de ce fait dans une situation de compétition avec ceux-ci ;

Or considérant qu'en l'espèce, si la Sté Quadral s'est, de par la loi, obligée, en acquérant plus du tiers des droits de vote de la Sté CSEE, à déposer une offre publique d'achat qu'elle a choisi de faire porter sur la totalité des actions de la société visée, tentant par ce moyen d'en prendre le contrôle, tels ne sont ni la position ni l'objectif poursuivis par le groupe Finmeccanica ;

Considérant que celui-ci, dont la participation dans le capital de la Sté CSEE était dès avant l'ouverture de l'offre publique de plus de 10 % et qui avait sollicité l'autorisation du ministre de l'Economie, des Finances et du Budget de franchir à la hausse le seuil de 20 %, a constamment assuré ne pas vouloir prendre le contrôle de la Sté CSEE mais rechercher seulement une position d'actionnaire significatif lui permettant d'être représenté au conseil d'administration afin de protéger ses intérêts industriels dans les filiales de la société visée ;

Que même si, comme le fait observer la Sté Quadral, l'engagement publiquement pris par le groupe Finmeccanica de limiter au tiers sa participation dans le capital de la Sté CSEE dont la décision ministérielle susvisée a pris acte n'est pas en principe intangible, il n'apparaît pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour que les intentions déclarées par le groupe Finmeccanica puissent être mises en doute ; 

Que les prises de positions ci-dessus rappelées, en apparence conformes à la logique des investissements industriels auxquels a procédé le groupe depuis deux ans, ne sont nullement démenties par son comportement sur le marché, dès lors qu'il a pris soin d'annoncer publiquement la limite de ses interventions au respect de laquelle il s'est engagé envers l'autorité administrative ;

Considérant qu'ainsi restreintes au tiers du capital de la Sté CSEE, les acquisitions faites par la Sté Finmeccanica sur le marché ne peuvent viser ni à en prendre le contrôle ni empêcher la Sté Quadral d'obtenir la majorité des droits de votes aux assemblées générales de la société visée ;

Considérant en outre que, même s'ils lui confèrent un rôle important dans l'administration et la gestion des filiales de la CSEE, les accords de participation conclus par les sociétés du groupe Finmeccanica ne donnaient à ces sociétés, au sens de l'art. 355-1 de la loi du 24 juill. 1966, ni le contrôle desdites filiales ni celui de la société mère ; qu'un tel résultat ne serait pas davantage atteint s'il venait au surplus à acquérir le tiers des droits de vote aux assemblées générales de la Sté CSEE ;

Considérant en conséquence que le groupe Finmeccanica, qui ne détient pas plus du tiers des titres de capital ou des droits de vote aux assemblées générales de la Sté CSEE et qui, par la restriction délibérée et proclamée de ses acquisitions sur le marché, s'écarte de toute compétition avec la Sté Quadral, initiatrice d'une offre publique d'achat obligatoire sur les mêmes titres, ne peut être tenu à déposer une offre concurrente ;

Considérant au surplus que les interventions sur le marché du groupe Finmeccanica ne portent pas atteinte à l'égalité des autres actionnaires qui, sans discrimination entre eux, ont le choix de vendre leurs titres de capital de la CSEE au cours coté ou de les apporter à l'offre de la Sté Quadral ;

Considérant enfin que, les accords de partenariat concernant les filiales de la Sté CSEE ayant été rendus publics avant l'ouverture de la procédure d'offre, le groupe Finmeccanica, qui a régulièrement procédé aux déclarations de franchissement de seuils ainsi qu'aux avis d'opérations d'achat de titres concernés telles que prescrites par les règlements du Conseil et de la Commission et qui a clairement fait connaître ses intentions, n'a pas porté atteinte à la transparence du marché ;

Considérant en conséquence que le Conseil a estimé à bon droit qu'aucune règle en vigueur n'impose en l'état au groupe Finmeccanica le dépôt d'une offre concurrente ;

Par ces motifs :

Joint les procédures enregistrées sous les numéros 91/19441 et 91/19918 ;

Rejette les recours ;

Laisse à chacun des requérants la charge de ses propres dépens.