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Décisions

CJUE, 10e ch., 13 octobre 2022, n° C-405/21

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Višje sodišče v Mariboru

Défendeur :

Nova Kreditna Banka Maribor D.D.,

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ilešič

Juges :

I. Jarukaitis, Z. Csehi (rapporteur), G. Pitruzzella

CJUE n° C-405/21

12 octobre 2022

LA COUR (dixième chambre),

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, ainsi que des articles 8 et 8 bis de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011 (JO 2011, L 304, p. 64) (ci-après la « directive 93/13 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant FV, consommatrice, à NOVA KREDITNA BANKA MARIBOR d.d., établissement bancaire de droit slovène, au sujet d’un contrat de crédit et des actes juridiques afférents à ce contrat.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les douzième et seizième considérants de la directive 93/13 sont libellés comme suit :

« considérant [...] qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive ; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ;

[...]

considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».

4 L’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

5 L’article 5 de ladite directive dispose :  

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »

6 L’article 8 de la même directive énonce :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

7 L’article 8 bis de la directive 93/13 dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Lorsqu’un État membre adopte des dispositions conformément à l’article 8, il informe la Commission de l’adoption desdites dispositions ainsi que de toutes modifications ultérieures, en particulier lorsque ces dispositions :

– étendent l’appréciation de leur caractère abusif aux clauses contractuelles négociées individuellement ou aux clauses relatives à l’adéquation du prix ou de la rémunération, ou

– contiennent des listes de clauses contractuelles réputées abusives.

2. La Commission s’assure que les informations visées au paragraphe 1 sont aisément accessibles aux consommateurs et aux professionnels, entre autres sur un site internet spécifique. »

Le droit slovène

8 L’article 24 du Zakon o varstvu potrošnikov (loi relative à la protection des consommateurs) (Uradni list RS, no 98/04, version consolidée, ci-après le « ZVPot ») prévoit, à son paragraphe 1 :

« 1. Des clauses contractuelles sont considérées comme abusives si :

– elles créent, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, ou

– si elles rendent l’exécution du contrat indûment préjudiciable au consommateur, ou

– si elles rendent l’exécution du contrat nettement différente de ce que le consommateur pouvait légitimement attendre, ou

 si elles méconnaissent le principe de bonne foi et de loyauté. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9 Le 19 septembre 2007, NOVA KREDITNA BANKA MARIBOR et la mère de FV ont conclu un contrat de crédit. Cette dernière étant décédée, FV s’est engagée, le 21 juillet 2014, en vertu d’un contrat d’adhésion à la dette, à rembourser le solde restant du contrat de crédit à la défenderesse au principal. Par ce dernier contrat, la preneuse du crédit a emprunté un montant de 149 220 francs suisses (CHF) (environ 89 568 euros à la date de conclusion du contrat de crédit), à rembourser dans un délai de 240 mois.

10 Ledit contrat de crédit ne comporte pas de stipulations quant au taux de change applicable. En revanche, aux termes de l’article 12 de ce contrat, le risque de change est assumé entièrement par la preneuse de crédit.

11 La juridiction de renvoi indique que, en l’occurrence, le risque de change s’est réalisé, puisque la preneuse de crédit devait encore rembourser à la défenderesse au principal, à la date du 29 janvier 2018, un montant de 72 049,58 euros.

12 Le 9 avril 2018, FV a introduit un recours devant l’Okrožno sodišče v Mariboru (tribunal régional de Maribor, Slovénie) tendant à faire constater notamment la nullité du contrat de crédit en cause au principal, en faisant valoir les changements du taux de change entre l’euro et le franc suisse. À la suite du rejet de ce recours par cette juridiction, FV a interjeté appel devant le Višje sodišče v Mariboru (cour d’appel de Maribor, Slovénie), la juridiction de renvoi.

13 Selon cette juridiction, la résolution du litige dont elle est saisie dépend, en substance, du point de savoir si l’article 24, paragraphe 1, du ZVPot est conforme aux termes et aux objectifs de la directive 93/13. Plus concrètement, cette juridiction cherche à savoir si l’article 3, paragraphe 1, de cette directive peut être transposé en droit national de telle manière que les conditions de « bonne foi » et de « déséquilibre significatif » soient distinctes et indépendantes l’une de l’autre, de sorte que, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, elle n’aurait pas besoin d’examiner si la défenderesse au principal a agi de bonne foi.

14 La juridiction de renvoi estime qu’il ressort de la lecture combinée des douzième et seizième considérants de la directive 93/13 ainsi que des articles 8 et 8 bis de celle-ci que les États membres peuvent adopter des dispositions assurant un niveau de protection plus élevé des consommateurs que celui garanti par cette directive et que, dans ce cas, de telles dispositions doivent être communiquées à la Commission. Or, selon elle, les dispositions portant sur les conditions visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 n’ont pas été communiquées par la République de Slovénie à la Commission.

15 En outre, la juridiction de renvoi indique qu’aucune interprétation claire de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, sur la base de laquelle elle pourrait décider si l’interprétation et l’application de la disposition pertinente du droit national est conforme aux objectifs de cette directive, ne ressort de la jurisprudence de la Cour. La juridiction de renvoi indique par ailleurs qu’il résulte de plusieurs décisions du Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie) que les deux conditions visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être lues comme étant cumulatives, ce qui serait contraire aux intérêts du consommateur et offrirait une protection de celui-ci inférieure à celle garantie par le droit national. La juridiction de renvoi considère qu’une telle position n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour qui, tout en autorisant les juridictions suprêmes nationales à définir de manière plus précise les critères que la Cour a elle-même définis, ne leur permet pas d’empêcher les juridictions inférieures de garantir aux consommateurs le plein effet de la directive 93/13 ainsi qu’une voie de recours effective pour défendre leurs droits.

16 Dans ces conditions, le Višje sodišče v Mariboru (cour d’appel de Maribor, Slovénie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive [93/13], lu en combinaison avec les articles 8 et 8 bis de [cette] directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas aux dispositions d’une législation nationale qui définissent les conditions de la “bonne foi” et du “déséquilibre significatif” d’alternatives (conditions distinctes, autonomes et indépendantes l’une de l’autre) de telle sorte [que], pour décider du caractère abusif d’une clause contractuelle, [il suffit] qu’existent des faits déterminants ne relevant que de l’une de ces deux conditions ? »

Sur la question préjudicielle

17 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet de constater le caractère abusif d’une clause contractuelle lorsqu’elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, sans toutefois procéder à l’examen, dans une telle hypothèse, de l’exigence de « bonne foi », au sens de cet article 3, paragraphe 1.

18 Il importe de préciser d’emblée que la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif. Dans ce cadre, il incombe à la juridiction nationale de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C 419/18 et C 483/18, EU:C:2019:930, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

19 En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant de ce contrat.

20 En faisant référence aux notions de « bonne foi » et de « déséquilibre significatif » au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui confèrent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland, C 229/19 et C 289/19, EU:C:2021:68, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

21 La Cour a ainsi jugé que, afin de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties en ce sens. C’est à travers une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue dans le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à cette fin, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ce consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives (arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland, C 229/19 et C 289/19, EU:C:2021:68, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

22 Par ailleurs, l’examen de l’existence d’un éventuel « déséquilibre significatif » ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause, d’autre part. En effet, un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat concerné, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland, C 229/19 et C 289/19, EU:C:2021:68, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

23 S’agissant de la question de savoir si l’exigence de « bonne foi », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, est respectée, il ressort de la jurisprudence que, eu égard au seizième considérant de cette directive, le juge national doit vérifier à cet effet si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause en cause à la suite d’une négociation individuelle (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C 621/17, EU:C:2019:820, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

24 Ainsi, comme cela découle du seizième considérant de cette directive, l’exigence de « bonne foi », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, est un élément qui permet de vérifier si le professionnel a traité de façon loyale et équitable avec le consommateur, dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes. Il ressort également de ce considérant que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur.

25 Par ailleurs, la Cour a déjà précisé que la notion de « bonne foi » est inhérente à l’examen de la nature abusive d’une clause contractuelle (ordonnance du 17 novembre 2021, Unión de Créditos Inmobiliarios, C 79/21, non publiée, EU:C:2021:945, point 38).

26 Par conséquent, il incombe au juge national d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire concernée, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C 621/17, EU:C:2019:820, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

27 Dans ces conditions, il convient de considérer que les deux éléments visés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 exigent, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire concernée, une appréciation par le juge national à la lumière des critères qui leur sont propres, afin de déterminer, par la suite, si la clause en cause revêt un caractère abusif, étant précisé que l’appréciation de ces éléments sur la base de ces critères n’exclut pas qu’un lien existe entre ceux-ci.

28 En outre, le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à l’article 5 de la directive 93/13, constitue également l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C 609/19, EU:C:2021:469, point 62 et jurisprudence citée).

29 En l’occurrence, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si elle peut, en application de la réglementation slovène, statuer sur le litige au principal sans examiner la question de savoir si le professionnel a agi de bonne foi. La question se pose donc de savoir si l’existence, au détriment du consommateur, d’un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat pourrait suffire, dans le respect du droit de l’Union, aux fins d’établir le caractère abusif d’une clause contractuelle.

30 À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, selon le douzième considérant de la directive 93/13, celle-ci ne procède qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, en laissant la possibilité aux États membres, dans le respect du traité FUE, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de cette directive. En outre, en vertu de l’article 8 de ladite directive, les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine qu’elle régit, des dispositions plus strictes, compatibles avec ce traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur (arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C 243/20, EU:C:2021:1045, point 54 et jurisprudence citée).

31 Il convient de rappeler, ensuite, que la directive 93/13 est transposée dans l’ordre juridique slovène par le ZVPot. Ainsi, l’article 24, paragraphe 1, du ZVPot prévoit quatre hypothèses, reliées par la conjonction « ou », dans lesquelles une clause contractuelle est considérée comme étant abusive. Parmi ces hypothèses figurent celle de la création par la clause contractuelle, au détriment du consommateur, d’un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat (premier tiret) et celle de la méconnaissance par la clause contractuelle du principe de bonne foi et de loyauté (quatrième tiret).

32 Dans ce contexte, eu égard aux observations écrites du gouvernement slovène concernant la notion de « principe de bonne foi et de loyauté », il convient de souligner que, conformément à une jurisprudence constante, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre cette dernière et les juridictions nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi, de sorte que l’examen d’un renvoi préjudiciel ne saurait être effectué au regard de l’interprétation du droit national invoquée par le gouvernement d’un État membre ou par une partie au litige au principal [voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert), C 194/19, EU:C:2021:270, point 26 et jurisprudence citée].

33 Au demeurant, ainsi qu’il a été rappelé aux points 23 et 24 du présent arrêt, l’exigence de « bonne foi », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, doit être interprétée à la lumière du seizième considérant de cette directive.

34 Enfin, conformément à l’article 8 de la directive 93/13, les États membres sont libres, en principe, d’étendre la protection prévue à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Lovasné Tóth, C 34/18, EU:C:2019:764, point 47), pour autant que la réglementation nationale concernée assure un niveau de protection plus élevé aux consommateurs et ne porte pas atteinte aux dispositions des traités (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda, C 329/19, EU:C:2020:263, point 37).

35 Or, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal poursuit l’objectif de protection des consommateurs garanti par la directive 93/13. En outre, elle est susceptible d’assurer aux consommateurs, conformément à l’article 8 de cette directive, un niveau de protection effective plus élevé que celui établi par celle-ci, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte également de la jurisprudence nationale en la matière.

36 Par ailleurs, compte tenu des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient de relever que la Commission a indiqué dans ses observations déposées à la Cour que les autorités slovènes l’avaient bien informée des règles pertinentes, relatives aux critères et aux modalités d’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, conformément à ce que l’article 8 bis de la directive 93/13 prévoit, de sorte que cette disposition ne saurait, en l’occurrence, avoir d’incidence sur l’interprétation demandée.

37 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui permet de constater le caractère abusif d’une clause contractuelle lorsqu’elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, sans toutefois procéder à l’examen, dans une telle hypothèse, de l’exigence de « bonne foi », au sens de cet article 3, paragraphe 1.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 3, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui permet de constater le caractère abusif d’une clause contractuelle lorsqu’elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, sans toutefois procéder à l’examen, dans une telle hypothèse, de l’exigence de « bonne foi », au sens de cet article 3, paragraphe 1.