Cass. com., 14 février 1995, n° 93-11.030
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Lassalle
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Defrénois et Levis, Me Cossa, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 86, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu qu'aux termes de cet article, les contrats dont le Tribunal ordonne la cession doivent, nonobstant toute clause contraire, être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture du redressement judiciaire ; qu'il en résulte que la cession des contrats intervenant en vertu d'une décision du Tribunal et non de la volonté des parties n'emporte pas extinction de l'obligation préexistante et remplacement de celle-ci par une obligation nouvelle substituée à l'ancienne, aucun effet novatoire n'étant ainsi attaché à l'opération ; que, dès lors, et le contrat dans l'exécution duquel le repreneur succède au débiteur en redressement judiciaire étant celui-là même qui liait le cocontractant cédé au débiteur, ce dernier n'est pas déchargé du passif contractuel afférent à sa propre gestion ; que, si la caution n'a pas à garantir les créances nouvelles nées du chef du repreneur depuis la cession, elle demeure tenue au titre des créances nées du chef du débiteur antérieurement à la cession ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans la procédure de redressement judiciaire de la société SICOB, le Tribunal a arrêté, par jugement du 21 septembre 1987, le plan de cession de l'entreprise au profit de la société nouvelle SICOB et ordonné la cession au repreneur du contrat de prêt conclu par la Banque nationale de Paris (la banque) avec la débitrice, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, et dont MM. X... et Y... s'étaient portés cautions ; que la banque a assigné M. X... en paiement sur le fondement de son engagement de caution ; que celui-ci a appelé son cofidéjusseur en garantie ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la banque, l'arrêt, après avoir relevé que le plan de cession et ses modalités particulières de remboursement du prêt, à concurrence de 10 % environ, avec échelonnement dans le temps, ont été acceptés par celle-ci, retient que cette acceptation constitue une novation par changement de débiteur et énonce que la novation opérée à l'égard du débiteur principal libère les cautions ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la novation par changement de débiteur ne pouvait résulter de la cession du contrat ni de l'acceptation par la banque des délais et remises tels qu'ils ont été repris par le plan, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la banque, l'arrêt retient aussi que celle-ci ne justifie pas de ce que l'admission de sa créance au passif du redressement judiciaire de la société SICOB, prononcée le 3 mai 1991, soit passée en force de chose jugée ;
Attendu qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.