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Décisions

Cass. com., 14 février 1995, n° 93-11.770

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Goutet, Me Capron, Me Foussard

Caen, 1re ch. civ. et com., du 7 janv. 1…

7 janvier 1993

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi de la banque :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable cet appel, alors, selon le pourvoi, d'une part, que celui-ci ayant, selon l'arrêt, été interjeté le 19 février 1992, la constatation de la désignation de M. X... comme liquidateur de la société le 22 octobre 1992, et le fait qu'il ait eu, à partir de cette date, qualité pour la représenter, n'étaient pas de nature à justifier légalement la recevabilité de l'appel, de sorte que l'arrêt est dépourvu de base légale au regard des articles 31 et 102 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que, s'agissant de M. Z..., l'arrêt, qui ne fait aucune allusion à sa situation, ne justifie pas de ses pouvoirs, malgré les conclusions dont la cour d'appel était saisie et qui contestaient sa qualité pour agir, et malgré les dispositions des articles 31 et 102 de la loi du 25 janvier 1985 aux termes desquels l'appel de l'administrateur n'est recevable que lorsqu'il a pour mission d'assurer l'administration, ce qui n'est pas constaté en l'espèce ; que, dès lors, l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de ces dispositions ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 102 de la loi du 25 janvier 1985, lorsque la matière est de la compétence du tribunal qui a ouvert le redressement judiciaire, la décision du juge-commissaire admettant ou rejetant la créance peut faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de la part du débiteur, fût-il dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens ; qu'ayant relevé, tandis que la banque ne discutait que la qualité pour agir de l'administrateur de la procédure collective, que la Société européenne de location, "prise en la personne de son représentant légal", était aussi appelante des ordonnances du juge-commissaire, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, du même pourvoi :

Vu les articles 1328 du Code civil, 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;

Attendu que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les deux derniers textes susvisés, former lui-même ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;

Attendu que, pour décider que les créances étaient éteintes comme ayant été déclarées irrégulièrement et n'ayant pas fait l'objet d'une action en relevé de forclusion dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture, l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration de créance, qui s'analyse en une demande en justice, doit être faite pour une société par le président du conseil d'administration, le président du directoire, le directeur général unique, le directeur général spécialement habilité ou le gérant, et, à défaut, par un avocat, un avoué ou par un mandataire muni d'un pouvoir spécial ayant date certaine, établi avant l'expiration du délai de déclaration des créances, retient qu'en l'espèce n'a été produit, après l'expiration de ce délai, qu'un pouvoir notarié délivré le 3 juillet 1989 au profit de divers préposés par le président du conseil d'administration de la banque ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces préposés n'avaient pas ainsi reçu, par une délégation générale ou spéciale, le pouvoir de déclarer les créances, peu important l'absence de date certaine du pouvoir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du même pourvoi :

Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour décider que les créances étaient éteintes, l'arrêt retient encore que "le signataire des déclarations de créances n'est pas identifié" ;

Attendu qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter au préalable les parties, qui s'étaient bornées à discuter de l'existence et de la validité du pouvoir délivré par le président du conseil d'administration de la banque, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi de Mme A..., ès qualités :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels, l'arrêt n 38 rendu le 7 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.