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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 22 juillet 2021, n° 19/02766

AMIENS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertoux

Conseillers :

Mme Leroy Richard, Mme Vannier

Avocats :

Me Broutin, Me Maton, Me Selosse Bouvet, SCP Bejin Camus Belot, Me Rouvroy

T. com. Amiens, du 26 mars 2019

26 mars 2019

DECISION

Par un jugement du 2 juillet 2004, la SCS X, entreprise familiale spécialisée dans le textile, a été placée en redressement judiciaire le 2 juillet 2004 puis en liquidation judiciaire le 3 février 2006. M. Z, associé majoritaire commandité, a été lui-même placé en liquidation judiciaire le même jour.

La SCS X exploitait son activité au sein de locaux détenus par la SNC Y détenue par les membres de la même famille X, M. Z, détenant 1362 parts sociales de la SNC sur 24 000 parts.

La mise en liquidation judiciaire de M. Z a créé un important contentieux avec la SNC dans le cadre du remboursement de ses droits sociaux au sens de l'article L. 221-16 du code de commerce, aucune solution amiable n'ayant pu aboutir.

C'est dans ce contexte que le président du tribunal de commerce d'Amiens a nommé un expert en janvier 2007 avec pour mission d'évaluer les parts sociales détenues par M. Z dans le capital de la SNC. Les opérations d'expertise n'ont pas abouti.

Par ordonnance du 19 juillet 2011, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. Z a commis un nouvel expert. À la suite de l'opposition de M. Z à l'encontre de cette nomination, le tribunal de commerce d'Amiens a confirmé la décision par jugement du 27 septembre 2011.

L'expert Mme I H a déposé son rapport le 24 février 2012 évaluant la valeur à hauteur de 72 619 €.

Par ordonnance du 24 juillet 2012, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. Z a autorisé la cession des parts détenues par ce dernier dans le capital de la SNC à concurrence de 90 000 €. Suite à l'opposition de M. Z à l'encontre de cette décision, le tribunal de commerce d'Amiens a confirmé la décision par jugement du 20 novembre 2012.

Par arrêt du 26 septembre 2013, la cour d'appel d'Amiens a annulé les jugements des 27 septembre 2011 et 20 novembre 2012.

Le juge des référés du tribunal de commerce d'Amiens a à nouveau été saisi aux fins de nomination d'un expert afin de procéder à l'évaluation des droits sociaux de M. Z. Une ordonnance a été rendue le 24 juin 2015 en ce sens. À la suite de l'appel nullité de M. Z à l'encontre de cette décision, la cour d'appel d'Amiens a rendu un arrêt de confirmation le 29 septembre 2016. M. B D a déposé son rapport le 22 juin 2018.

Le tribunal de commerce d'Amiens a ordonné l'annulation de ce rapport d'expertise pour erreur grossière suivant un jugement du 23 décembre 2019.

Parallèlement, par acte notarié du 1er juin 2018, la SNC Y a vendu un immeuble pour la somme de 4 600 000 €.

Par acte d'huissier de justice en date du 5 février 2019, Me G J, es qualités de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la société dite Y d'une part et de la liquidation judiciaire de M. Z d'autre part, aux droits de qui est venue la SELAS MJS Partners, M. Z, et Me Rouvroy, son mandataire ad hoc ont saisi le président du tribunal de commerce d'Amiens afin, notamment de se voir communiquer les documents liés à la vente de l'immeuble et de se voir verser une provision de 261 050 €.

Par ordonnance de référé du 26 mars 2019, le président du tribunal de commerce d'Amiens a rejeté les demandes de communication formulées par M. Z et a condamné la SNC Y à payer à la Selas MJS Partners ès qualités de liquidateur de M. Z, la somme de 200 000 € à valoir sur la liquidation de ses droits d'ancien associé de la SNC Y, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SNC Y a relevé appel de cette décision par déclaration du 9 avril 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 7 octobre 2019, l'appelante demande à la cour de:

- juger M. Z irrecevable en son appel incident,

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 200 000 €,

- condamner in solidum M. Z, maître Eric Rouvroy ès qualités de mandataire ad hoc de M. Z et la Selas MJS Partners ès qualités de liquidateur de M. Z et de la SCS X à lui payer la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SNC Y soutient que la demande des intimés au titre de la caducité de l'appel est tout d'abord irrecevable en ce qu'elle relève de la compétence du président de chambre au sens des articles 905 et suivants et 914 du code de procédure civile. Elle souligne ensuite que cette demande n'est pas soutenue par un moyen sérieux.

Elle soulève l'incompétence rationae materiae du président du tribunal de commerce pour statuer sur le litige. Elle précise qu'une telle demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile en ce qu'elle a pour but de faire écarter une prétention adverse.

Elle fait valoir que l'expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil à l'occasion d'un précédent contentieux entre les parties, a déposé son rapport en juin 2018 et a conclu à la fixation de la valeur des droits sociaux à hauteur de 70 411,04 €. Elle expose que le caractère d'ordre public des dispositions de l'article précité limite la compétence du juge des référés en ce que l'expert détient un monopole pour évaluer la valeur des droits sociaux. Elle soutient en conséquence que le premier juge a excédé sa compétence en octroyant un prix plus élevé et en procédant à une réactualisation de la valeur, en l'absence de toute démonstration d'une erreur grossière de l'expert.

Elle soutient qu'en tout état de cause, la demande se heurte à une contestation sérieuse quant au calcul de la somme provisionnelle, la méthode de calcul opérant une confusion entre le chiffre d'affaires et le résultat net.

Elle soulève en outre le défaut de qualité à agir de M. Z en liquidation judiciaire, notamment concernant la demande au titre de la communication des documents.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 décembre 2019, M. Z, Me Eric Rouvroy ès qualités de mandataire ad hoc de M. Z et la Selas MJS Partners ès qualités de liquidateur de M. Z et de la SCS X, formant appel incident, demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné :

* déboutons les parties de toutes demandes plus amples ou contraires de celles auxquelles le présent dispositif fait provisoirement droit,

* condamnons la SNC Y à payer à la Selas MJS Partners ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z, la somme de 200 000 € à valoir sur la liquidation de ses droits d'ancien associé de la SNC Y, statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire qu'il appartiendra à l'appelante de produire l'avis du greffe de la cour sur le fondement de l'article 902 du code de procédure civile et dire qu'il y a aura lieu d'ordonner la caducité de l'appel en l'absence de justification du respect du délai d'un mois prévu à l'article susvisé,

- dire que le mandataire ad hoc de M. Z a qualité et intérêt à agir, et qu'en toute hypothèse, la Selas MJS Partners ès qualités de liquidateur judiciaire a intérêt et qualité à agir,

- dire irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile l'argumentaire de l'appelante concernant l'opposabilité du rapport d'expertise de M. D,

- dire que l'appelante a implicitement mais nécessairement renoncé à se prévaloir du rapport d'expertise susvisé ainsi que des conséquences susceptibles d'être tirées de l'article 1843-4 du code civil et des conséquences et effets de l'article 1843 du code civil, vu les conclusions déposées par la SNC Y en première instance, et l'absence de production en justice du rapport d'expertise de B D en date du 22 juin 2018,

- dire que le rapport de M. D ne saurait être opposé aux parties à la cause et que le jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 23 décembre 2019 s'impose à ces dernières,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- au visa de l'article 872 du code de procédure civile, des droits sociaux détenus par M. Z à hauteur de 1362 parts sociales en pleine propriété dans le capital de la SNC Y divisé en 24.000 parts, du prix de vente d'un ensemble immobilier d'un montant de 4.600.000 € tel que ressortant de l'acte de vente immobilière du 01.06.2018, et l'absence de contestation sérieuse émanant de SNC Y dans les prévisions de l'article 872 du code de procédure civile, condamner l'appelante à payer au liquidateur ès qualités une provision d'un montant de 261 050 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019, date de délivrance de l'assignation devant le premier juge,

- au visa notamment de l'article 872 du code de procédure civile, condamner l'appelante à préciser le montant des fonds reçus à la suite de la vente immobilière, et donner toutes précisions utiles sur l'affectation/utilisation des fonds, pièces justificatives (dont les relevés bancaires) à l'appui, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner l'appelante aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Hervé Selosse Bouvet ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Z indique au visa de l'article 902 du code de procédure civile que dans l'hypothèse où les actes de signification auraient été délivrés avec retard, l'appel devra être déclaré caduc à l'égard de l'ensemble des intimés au vu de l'indivisibilité du litige.

M. Z fait valoir que la vente de l'immeuble par la SNC Y le concerne directement en tant qu'associé de la société et que son placement en liquidation ne le dessaisit pas de ses droits propres telle la possibilité de se faire communiquer les documents sociaux au sens de l'article L. 221-8 du code de commerce.

Il soutient d'ailleurs que malgré son placement en liquidation, et malgré les dispositions de l'article L. 221-16 du code de commerce, il garde la qualité d'associé en vertu de l'article 13 des statuts de la SNC Y qui fait référence aux dispositions du code civil et notamment à l'article 1868 alinéa 5 du code civil qui est à rapprocher de l'article 1860 qui prévoit que la perte de qualité d'associé n'intervient qu'au jour de l'indemnisation des droits sociaux.

Il soutient que le liquidateur ès qualités est en droit de recevoir une provision à hauteur de la quote part devant lui revenir sur les fonds provenant de la vente. Il ajoute que la saisine du premier juge par le mandataire ad hoc, Me Rouvroy, et sa présence en appel ne saurait vicier la procédure et ne saurait affecter l'intérêt et la qualité à agir du liquidateur ès qualités, MJS Partners.

Les intimés soutiennent que le moyen fondé sur les dispositions de l'article 1843-4 n'est pas recevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile en ce qu'il n'a pas été soulevé en première instance. Ils ajoutent que dans ces circonstances, l'appelante a renoncé à se prévaloir de ces dispositions et des évaluations de M. E

Sur le fond, les intimés soutiennent que le rapport d'expertise ne saurait leur être opposé. Ils font valoir qu'il recèle des erreurs grossières reconnues par le tribunal de commerce d'Amiens dans son jugement du 23 décembre 2019.

Ils soutiennent enfin que l'appelante ne peut demander la compensation entre les créances et les dettes réciproques, celle-ci ne justifiant pas de sa créance, et en l'absence de toute connexité. Elle ajoute que la SNC Y n'a procédé à aucune déclaration de créance.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été close le 7 janvier 2020.

Par arrêt en date du 05 novembre 2020, la présente cour a déclaré irrecevable la société MJS Partners es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société 'Y' d'une part, et es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z, d'autre part, M. Z et Me Rouvroy, administrateur judiciaire, es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z en leur demande de caducité de la déclaration d'appel et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 4 février 2021 pour permettre à la SNC Y de mettre ses conclusions en conformité avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions après réouverture des débats remises le 2 février 2021 la SNC Y demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel ;

A titre principal

- déclarer irrecevables les demandes de M. Z, Me Rouvroy es qualité de mandataire ad'hoc de M. Z, et la SELAS MJS Partners, es qualités de liquidateur judiciaire de M. Z comme ayant été formées devant une juridiction incompétente pour en connaître, en l'occurrence le juge des référés du tribunal de commerce d'AMIENS,

- déclarer irrecevables M. Z irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir ;

A titre subsidiaire,

- débouter M. Z, Me Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z, et la SELAS MJS Partners es qualités

SUR CE :

L'ordonnance entreprise n'est pas critiquée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de Me Eric Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z. Elle sera confirmée.

Selon l'article 872 du code de procédure civile, 'dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.'

L'article 873 alinéa 2 de ce code dispose que ' dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il [le président] peut accorder une provision.'

- sur l'examen des demandes de condamnation sous astreinte formées à la requête du seul Z en sa qualité d'associé en nom de la SNC Y

Le premier juge a écarté les demandes formulées par M. Z en sa qualité d'associé en nom de la SNC Y et en vertu des droits propres qui sont les siens, considérant que ces demandes ressortaient de la qualité prétendue d'associé de ladite société, et retenant que dans une ordonnance du même jour, sa qualité d'associé n'a pas été reconnue du fait de sa liquidation judiciaire.

M. Z, revendiquant sa qualité d'associé en nom de la SNC Y et les droits propres qui sont les siens réitèrent, en cause d'appel, sa demande de précisions et de communication relative à la vente immobilière ressortant de l'acte dressé par Me Neviaski, notaire associé à AMIENS en date du 01er juin 2018 : précision du montant des fonds reçus par la SNC Y, précisions utiles sur l'affectation des fonds et justification, sur ce qui a pu être décidé par qui de droit au titre de l'affectation des fonds dont s'agit, communication de tous documents utiles portant directement ou indirectement sur les fonds provenant de cette vente immobilière et sur leur affectation et leur utilisation, communication de l'ensemble des relevés bancaires ayant trait à cette vente immobilière.

Selon l'article L.221-16 du code de commerce, seul applicable à l'égard d'une SNC, 'Lorsqu'un jugement de liquidation judiciaire ou arrêtant un plan de cession totale, une mesure d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou une mesure d'incapacité est devenu définitif à l'égard de l'un des associés, la société est dissoute, à moins que sa continuation ne soit prévue par les statuts ou que les autres associés ne le décident à l'unanimité.

Dans le cas de continuation, la valeur des droits sociaux à rembourser à l'associé qui perd cette qualité est déterminée conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil. Toute clause contraire à l'article 1843-4 dudit code est réputée non écrite.'

En l'espèce, l'article 13 des statuts de la SNC Y stipule que 'la faillite, la liquidation de biens, le règlement judiciaire, la déconfiture, l'insolvabilité frappant l'un des associés n'entrainent pas la dissolution de la société.

La valeur des droits sociaux à rembourser à l'associé qui perd cette qualité, est déterminée conformément aux dispositions de l'article 1868 alinéa 5 du code civil'.

Si du fait de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Z, celui-ci a perdu sa qualité de commerçant, condition fondamentale de l'appartenance à une société en nom collectif où les associés ont tous la qualité de commerçant, le fait de déterminer si M. Z dispose toujours de la qualité d'associé tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement de ses droits sociaux, et partant le droit de solliciter en cette qualité des précisions sur la vente d'un immeuble dépendant de la SNC Y et la communication de divers documents relatifs à cette vente, du fait de la référence des stipulations de l'article 13 des statuts de la SNC Y à l'article 1865 alinéa 5 du code civil et partant aux dispositions de l'article 1860 du code civil qui dit que la qualité d'associé ne se perd qu'à compter de l'indemnisation des droits sociaux, lesquelles concernent cependant les sociétés civiles et pas les sociétés commerciales telle une société en nom collectif, relève d'un débat sur le fond et n'est donc pas de la compétence du juge des référés.

Il convient de débouter M. Z des demandes de condamnations en sa qualité d'associé en nom de la SNC Y et de confirmer l'ordonnance déférée sur ce point.

- sur la demande pécuniaire

La SNC Y demande de déclarer irrecevables les demandes de M. Z, Me Eric Rouvroy, es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z et la SELAS MJS Partners, es qualités de liquidateur judiciaire de M. Z comme ayant été formée devant une juridiction incompétente pour en connaître, en l'occurrence le juge des référés du tribunal de commerce d'AMIENS.

Au soutien de son appel, la SNC Y explique que l'ordonnance de référé frappée d'appel s'inscrit dans le cadre du remboursement des droits sociaux dépendant de la liquidation judiciaire de M. Z; qu'elle ne relève pas de la compétence rationae materiae du juge des référés; que le caractère d'ordre public des dispositions de l'article 1843-4 du code civil limite la compétence de ce magistrat; que saisi d'une demande provisionnelle, le juge des référés ne pouvait accorder cette dernière que dans la limite de l'évaluation non critiqué de la valeur des droits sociaux telle que ressortant du rapport de M. D déposé le 22 juin 2018, soit la somme de 70.411,04 €; qu'en estimant que la valeur des droits sociaux dépendant de la liquidation judiciaire de M. Z dans la SNC Y devait être calculée sur la base du prix de vente de l'immeuble, le juge des référés a outrepassé sa compétence; que la réévaluation des droits sociaux ne peut être demandée qu'au président du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce statuant en la forme des référés et non en référé; qu'elle ne peut être faite qu'à dire d'expert désigné en vertu de l'article 1843-4 du code civil; que même en présence d'une erreur grossière de l'expert, celle-ci constitue une question de fond qui échappe à la compétence du juge des référés; qu'à la supposer établie, l'erreur grossière ne permet pas au juge de se substituer à l'expert prévu par ce texte; que l'ordonnance, qui repose sur une violation flagrante de l'article 1843-4 du code civil, doit dès lors être réformée; que compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, elle conclut en cause d'appel, pour ces motifs, à titre principal à l'irrecevabilité de la demande provisionnelle formulée par les intimés, et, en tout état de cause au rejet de ladite demande, laquelle se heurte à une contestation sérieuse.

Elle soutient, par ailleurs, qu'une procédure de liquidation judiciaire ayant été ouverte à l'encontre de la SCS X - X & Y le 2 juillet 2004, M. Z, associé commandité, a de plano été placé en liquidation judiciaire à titre personnel, conformément aux dispositions de l'article L.624-1 dans sa rédaction en vigueur, c'est-à- dire antérieurement au 1er janvier 2006; que l'ouverture de cette procédure a eu pour effet de dessaisir M. Z de l'administration et de la dispositions de ses biens conformément à l'article L.622-9 du code de commerce; que M. Z n'avait donc pas qualité à agir; que l'ordonnance de référé doit être réformée derechef sur ce point.

Les intimés répliquent que l'argumentaire tiré de l'opposabilité tant au juge saisi qu'aux parties en la cause des conclusions expertales de M. B D en ce que celui-ci a été désigné comme expert dans les prévisions de l'article 1843-4 du code civil n'a pas été soulevé en première instance; qu'en première instance, la SNC Y avait excipé de l'existence de contestations sérieuses et (ou) de ce qu'il y avait lieu de tenir compte d'une créance qu'elle aurait détenue sur la SCS X; qu'en cause d'appel la SNC Y oppose le rapport d'expertise de M. C qu'elle n'avait pas communiqué en première instance ainsi que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil; qu'il s'agit donc d'un droit différent de celui dont la SNC Y s'était prévalue en première instance; que cette argumentaire doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Ils considèrent qu’en ne concluant pas en première instance à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre au vu du rapport d'expertise de M. D, ou en ne concluant pas au débouté des prétentions des intimés à ce que ces prétentions soient révisés à de plus justes proportions, la SNC Y a nécessairement renoncé à se prévaloir des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, et du rapport d'expertise de M. E

Ils ajoutent que le juge des référés et la cour d'appel ne sont pas liés par cette expertise en raison des erreurs grossières qui l'affectent : absence de précision par l'expert de la date à laquelle il s'est situé pour procéder à l'évaluation des droits sociaux, sous-évaluation manifeste commise par lui; que son annulation a été prononcé par le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Amiens du 23 décembre 2019 qui s'impose à la cour d'appel, de sorte que l'ordonnance dont appel devra être partiellement infirmée en ce que la provision a été fixée à 200.000 €.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Il est utile d'observer que le président du tribunal de commerce d'AMIENS était saisi, en référé, par Me G J es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCS X, d'une part, et es qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z, d'autre part, M. Z en personne et Me Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z, d'une demande de condamnation de la SNC Y au paiement d'une provision au profit de Me J es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCS X et de M. Z d'un montant de (4.600.000 € x 1362/24.000) 261.050 € en principal.

La SNC Y concluait, au principal, à l'irrecevabilité de la SELAS MJS Parteners, M. Z et Me Eric Rouvroy pour défaut de droit d'ester en référé, au visa de l'article 873-1 du code de commerce.

Le président du tribunal de commerce d'AMIENS, dans son ordonnance dont appel, a condamné la SNC Y à payer à la SELAS MJS Partners es qualités de la liquidation judiciaire de M. Z, la somme de 200.000 € à valoir sur la liquidation de ses droits d'ancien associé de la SNC Y.

En cause d'appel, l'argumentaire développée par l'appelante et celui en réponse des intimés porte pour partie sur l'application, en référé, des dispositions de l'article 1843-4 du code civil.

La demande de la SNC Y fondée sur l'article 1843-4 du code civil en application duquel un rapport d'expertise a été déposé par M. B D le 22 juin 2018 concluant à la fixation de la valeur des droits sociaux dépendant de la liquidation judiciaire de M. Z à la somme de 70.411,04 €, qui tend à l'irrecevabilité des demandes des intimés comme ayant été formées devant une juridiction incompétente pour en connaître, à savoir le juge des référés du tribunal de commerce d'AMIENS, et partant à faire écarter les prétentions adverses est par conséquent recevable en appel.

Le fait que la SNC Y n'a jamais opposé, en première instance, aux demandeurs à la provision, l'évaluation faite par l'expert D, n'a pas pour conséquence qu'elle a renoncé au droit de se prévaloir des conclusions expertales. A cet égard, par jugement rendu le 23 décembre 2019, le tribunal de commerce d'Amiens le 23 décembre 2019 ayant annulé le rapport de M. D, cette instance initiée parallèlement à la présente procédure d'appel par notamment la SNC Y en vue de fixer les droits sociaux de M. Z à la somme de 70.411,04 € démontre le contraire.

L'article 1843-4 du code civil dispose que €la valeur des droits sociaux qu'un associé souhaite céder ou se faire racheter par la société est déterminée, en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux, par un expert qui est désigné soit, par les parties soit, par ordonnance du Président du tribunal statuant en la forme des référés.'

Il est admis que ces dispositions sont d'ordre public et ont vocation à s'appliquer sans que les parties puissent, dès lors qu'il y a une contestation sur la valeur des droits sociaux, y déroger; que seul l'expert détermine les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits sociaux, parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts, mais l'expert désigné n'est pas tenu de prendre en compte d'éventuelles clauses statutaires qui détermineraient les modalités de fixation de la valeur des droits sociaux.

Ainsi, le juge des référés, outre le fait qu'il ne lui était pas demandé le paiement d'une provision à valoir sur la liquidation des droits d'ancien associé de la SNC Y de M. Z mais une demande de provision au profit du liquidateur tant de la SCS X, que de M. Z sur le prix de vente d'un immeuble dépendant de la SNC Y, ne pouvait, comme il l'a fait, considérer l'absence de véritable contestation sur une liquidation provisoire des droits de M. Z et procéder à l'analyse de la valeur des droits sociaux a minima de ce dernier selon le calcul suivant :

prix de vente d'un actif de cette société d'un montant de 4.600.000 € - la situation nette comptable négative alléguée de la SNC d'un montant de 527.628 € X 1362/24.000 parts sociales) = 231.107,11 €.

Dès lors, l'évaluation des droits sociaux, en cas de désaccord des parties, ne pouvant être faite qu'à dire d'expert, le juge des référés ne pouvait procéder à une quelconque réactualisation des droits même à titre provisionnel, qui imposait, en cas de désaccord entre les parties, que soit ordonnée une nouvelle expertise dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du code civil.

Force est de constater qu'il existe une contestation sérieuse quant à la fixation d'une provision au titre des droits sociaux de M. Z, toutefois la demande de provision faite tant en première instance qu'en cause d'appel, porte non pas sur les droits d'ancien associé de M. Z au sein de la SNC Y comme il sera indiqué ci-après.

Il n'y a donc pas lieu à référé concernant une demande de provision à valoir sur la liquidation des droits d'ancien associé de M. Z de la SNC Y.

En cause d'appel, la SELAS MJS Partners venant aux droits de Me G J, es qualités de liquidateur d'une part à la liquidation judiciaire de la SCS X, et d'autre part à la liquidation judiciaire de M. Z, M. Z et Me Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de Z, réitèrent, la demande de condamnation, au visa des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, de la SNC Y au versement d'une provision au profit de MJS Partners venant aux droits de Me G J, es qualités de liquidateur d'une part à la liquidation judiciaire de la SCS X et de M. Z, à verser une provision d'un montant de (4.600.000 € x 1362 : 24.000) 261.050 € avec intérêts au taux légal à compter du 05 février 2019, date de l'assignation.

Comme indiqué ci avant, selon les termes de la saisine du juge des référés, la demande s'analyse, non pas en une demande de provision sur les droits sociaux de M. Z mais en une demande de provision sur le prix de vente d'un immeuble dépendant de la SNC Y.

Il n'est pas contesté qu'un immeuble dépendant de la SNC Y a été vendu pour un montant de 4.600.000 €.

Il est constant que M. Z détient au sein de la SNC Y 1.362 parts sur 24.000 parts sociales ; que la SCS X a été placée en liquidation judiciaire ainsi que M. Z, associé commandité majoritaire.

Si les associés commandités sont personnellement et solidairement responsables des dettes de la société, de sorte que les droits sociaux qu'un associé commandité constituent un actif de ce dernier susceptible de profiter à la société en commandite simple, et si ce dernier peut prétendre à une partie du prix de vente d'un immeuble appartenant à une société en nom collectif dont il est l'un des associés, à hauteur de la valeur de ses parts sociales, cette valeur, comme évoqué ci avant, est fixée à dire d'expert en cas de désaccord des associés.

Or, à ce jour, alors même que le rapport d'expertise de M. B D a été annulé par un jugement du tribunal de commerce d'Amiens qui fixait la valeur des droits de sociaux de M. Z à la somme de 70.411,04 €, force est de constater que la valeur des droits sociaux reste inconnue, et rien ne permet de considérer qu'elle s'élèverait à tout le moins à la somme de 261.050 € obtenue par un calcul purement arithmétique, comme le font les intimés, en multipliant le prix de vente de l'immeuble de 4.600.000 € par le rapport du nombre des parts sociales détenues par M. Z sur le nombre total de parts sociales, la quote part du prix de vente de l'immeuble devant revenir à M. Z étant calculée à proportion de ses droits sociaux dont la valeur n'est à ce jour pas déterminée, et sur lesquels les parties s'opposent.

Dès lors eu égard à la contestations sérieuse existant sur la valeur des droits sociaux de M. Z qui sert de base au calcul de la provision, il convient de débouter la SELAS MJS Partners venant aux droits de Me G J, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCS X et de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z de sa demande.

L'ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.

La SELAS MJS Partners venant aux droits de Me G J, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCS X et de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z, M. Z et Me Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z succombent en cause d'appel, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens exposés en première instance comme en appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt rendu par la présente cour en date du 05 novembre 2020,

DECLARE recevable la SNC Y en ses demandes ;

INFIRME l'ordonnance de référé entreprise, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de Me Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z recevable et débouté M. Z, en sa qualité d'associé en nom de la SNC Y et en vertu de ses droits propres de ses demandes de précisions et communication sous astreinte ;

et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

DEBOUTE la SELAS MJS Partners venant aux droits de Me G J, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCS X et de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z, de sa demande en paiement de la somme de 261.050 € à titre de provision ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum, la SELAS MJS Partners venant aux droits de Me G J, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCS X et de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z, M. Z et Me Rouvroy es qualités de mandataire ad'hoc de M. Z aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.