Cass. 2e civ., 29 septembre 2022, n° 21-13.625
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Jollec
Avocat général :
M. Aparisi
Avocat :
Me Occhipinti
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), Mme [Z] a relevé appel, le 14 mai 2019, du jugement d'un juge aux affaires familiales rendu le 29 avril 2016 dans une instance l'opposant à M. [W].
2. Par ordonnance du 11 février 2019 [en réalité 2020], le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel irrecevable, comme tardif.
3. Mme [Z] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel du jugement du 29 avril 2016, alors « que lorsque la représentation des parties est obligatoire, la décision doit être préalablement notifiée au représentant, faute de quoi la notification à partie est nulle ; que l'absence de notification au représentant constituant l'omission d'un acte et non un vice de forme dont un acte de procédure accompli serait entaché, la nullité de la signification faite à la partie est acquise sans qu'elle ait à justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en estimant que l'absence de signification du jugement entrepris à l'avocat de Mme [Z] était soumis au régime des vices de forme, la cour d'appel a violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. L'irrégularité de la signification d'un jugement à une partie résultant de l'absence de notification préalable à son avocat est un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification destinée à la partie que sur justification d'un grief.
6. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins brièvement les pièces versées aux débats ; qu'en se bornant à énoncer que les pièces du dossier établissaient que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal et avait communiqué le jugement à M. [W], sans identifier et analyser brièvement une quelconque pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Tout jugement doit être motivé.
9. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motifs propres , que les pièces du dossier établissent que l'avocat de Mme [Z] avait connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal avant même la signification qui en a été faite à sa cliente.
10. En statuant ainsi, par le seul visa de documents qu'elle n'a pas analysés, même sommairement, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
11. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que seules les correspondances entre avocats portant à juste titre la mention « officiel » peuvent être communiquées à des tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'était pas exact que la lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017 était dépourvue d'une telle mention, de sorte qu'elle ne pouvait pas être produite en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 :
12. En application de ces articles, un avocat ne peut produire des pièces couvertes par le secret professionnel que sous réserve des strictes exigences de sa propre défense.
13. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motif adopté, que par lettre du 17 mars 2017, l'avocat de M. [W] a informé celui de Mme [Z] de ce qu'il avait eu communication du jugement du 29 avril 2016, ce qui dispensait son confrère d'avoir à le lui adresser et qu'il l'informait qu'il allait lui faire signifier. L'arrêt en déduit que l'avocat de Mme [Z] avait le jugement en sa possession et qu'il était donc en mesure d'aviser Mme [Z] de la marche à suivre et des délais quant à un éventuel recours.
14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la pièce produite par l'avocat de M. [W] était couverte par le secret professionnel et si sa production répondait aux strictes exigences de sa défense dans le cadre du litige l'opposant à Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.