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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 31 janvier 2019, n° 17/00910

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Boats & Cars (SNC)

Défendeur :

Compagnie Générale de Location d'Equipements (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

T. com. Lille, du 30 nov. 2016, n° 20150…

30 novembre 2016

FAITS ET PROCEDURE

La SNC Boats & Cars est une société d'exploitation d'engins nautiques dont les actionnaires sont respectivement la société Hakuna Matata gérée par M. Eric D.-S., détenant 60% des parts, la société Estate Communication gérée par M. Stéphane R., et la société Immodop gérée par M. Dominique P.. Elle a été créée début 2010 et immatriculée au RCS de Paris le 25 mars 2010.

M. D.-S. a pris attache avec la Compagnie générale de location d'équipements, filiale de la Société Générale, dans le but de contracter un prêt devant servir à l'acquisition d'un bateau d'occasion de marque Sunsaaker Camargue 55. La convention de prêt, d'un montant de 200 000 euros sur une durée de 84 mois portant jusqu'en juillet 2017, a été signée par M. D.-S. le 1er mars 2010 au nom de la société Boats & Cars.

MM. D.-S., R. et P. se sont portés cautions solidaires dans la limite de 250 000 euros par actes en date du 10 février et 15 mars 2010.

Par suite d'incidents de paiement, la résiliation du contrat de prêt a été notifiée à la société Boats & Cars et aux trois cautions le 3 octobre 2012 et le 27 juin 2013.

Une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris du 1er octobre 2014 a enjoint à la Boats & Cars de remettre le navire financé à la Compagnie générale de location d'équipements. La société Boats & Cars a relevé opposition à cette ordonnance en date du 30 octobre 2014.

Par acte d'huissier délivré le 26 février 2015, la société Boats & Cars a assigné la Compagnie générale de location d'équipements.

Elle a demandé au tribunal de :

- déclarer nul le contrat de prêt conclu entre la SNC Boats & Cars et la société Compagnie générale de location d'équipements,

En conséquence,

- déclarer nuls les actes de cautionnement de Messieurs P. et R. ainsi que l'hypothèque maritime inscrite au profit de la Compagnie générale de location d'équipements,

- rejeter l'ensemble des demandes de la Compagnie générale de location d'équipements dirigées contre la SNC Boats & Cars et Messieurs P. et R.,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La Compagnie générale de location d'équipements a quant à elle demandé au tribunal de :

A titre principal,

- constater que Monsieur D.-S. a valablement engagé la société Boats & Cars à travers le contrat de prêt,

- débouter la société Boats & Cars de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

A titre reconventionnel,

- condamner solidairement la SNC Boats & Cars, Messieurs P., R. et D.-S. au paiement de la somme de 180 780,75 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,649 % à compter du 3 octobre 2012,

- ordonner à la société Boats & Cars ainsi qu'à Messieurs R., P. et D.-S., de restituer à la Compagnie générale de location d'équipements le navire, objet du contrat de financement dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir,

- dire qu'à défaut de restitution, la Compagnie générale de location d'équipements pourra faire saisir le navire en tout lieu où il se trouvera, par le ministère de tel huissier de justice de son choix, lequel pourra se faire assister de la force publique,

- donner acte à la Compagnie générale de location d'équipements de ce qu'elle déduira de sa créance le prix de la revente du navire restitué ou saisi,

A titre subsidiaire si le tribunal prononce la nullité du contrat,

- condamner Monsieur D.-S. au paiement de la somme de 143 808,45 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2012, soit après compensation de la différence entre le capital prêté et les mensualités réglées,

- ordonner à la société Boats & Cars ainsi qu'à Messieurs R., P. et D.-S. de restituer à la Compagnie générale de location d'équipements le navire, objet du contrat de financement dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir,

- dire qu' à défaut de restitution, la Compagnie générale de location d'équipements pourra faire saisir le navire en tout lieu où il se trouvera, par le ministère de tel huissier de justice de son choix, lequel pourra se faire assister de la force publique,

En toute hypothèse,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie,

- condamner solidairement la SNC Boats & Cars, Messieurs P., R. et D.-S. au paiement de la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

Déboute Boats & Cars de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Prononce la résiliation du contrat de prêt à déchéance du terme en date du 3 octobre 2012

Condamne solidairement, à titre de caution, MM D.-S., R. et P. à payer à la société CGLE la somme de 180 780,75 avec intérêts au taux conventionnel de 5,649 % l'an, à compter du 3 Octobre 2012.

Dit que la CGLE déduira de sa créance le prix de vente du bateau après restitution du bateau

Condamne solidairement MM D.-S., R. et P. à verser à la société CGLE la somme arbitrée de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC

Condamne solidairement Messieurs D.-S., R. et P. aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 140,40 euros (en ce qui concerne les frais de Greffe).

Le premier juge a retenu que M. D.-S., gérant de la société Boats & Cars, avait pouvoir d'agir au nom de celle-ci pour toutes opérations réalisées dans le cadre de l'objet social, et avait donc valablement engagé la société Boats & Cars à travers le contrat de prêt ; que la société Boats & Cars n'avait pas respecté ses engagements en matière de paiement des échéances du prêt, justifiant sa résiliation ; que MM. P., R. et D.-S. devaient être condamnés au paiement en leur qualité de cautions.

Par déclaration du 7 février 2017, la société Boats & Cars, MM. R. et P. ont interjeté appel total de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 20 novembre 2018, la société Boats & Cars , MM. R. et P. présentent les demandes suivantes :

'Vu l'article L. 210-6 du Code de commerce ;

Vu les pièces produites ;

Vu le jugement dont appel ;

Il est demandé à la Cour de :

- DECLARER la société Boats & Cars recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit :

- INFIRMER en toutes ses disposition le jugement rendu le 30 novembre 2016 par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole ;

- DECLARER nul le contrat de prêt conclu entre la banque CGLE et la société Boats & Cars le 1er mars 2010 ;

En conséquence :

- DECLARER nuls les actes de cautionnement de Messieurs P. et R. ;

- DIRE que Monsieur D.-S. est seul débiteur du capital non amorti en sa qualité de signataire du contrat du 1er mars 2010 ;

- REJETER l'appel incident et toutes les demandes de la CGLE ;

- CONDAMNER Monsieur D.-S. à verser à la SNC Boats & Cars, à Monsieur P. et à Monsieur R. la somme globale de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.'

Ils reprochent au premier juge d'avoir mal interprété les dispositions de l'article L. 210-6 du code de commerce, selon lequel les sociétés commerciales jouissent de lapersonnalitémorale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Dès lors, un engagement contractuel pris par une société qui n'est pas encore immatriculée au RCS est entaché d'une nullité absolue, et ne peut être confirmé par les actes d'exécution du contrat. La société ne peut être liée par des engagements antérieurs à son immatriculation que si ces engagements ont été pris par une personne physique ou morale au nom de la société en formation.

Or en l'espèce, le contrat a été signé au nom de la société Boats & Cars, avant même son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Le tribunal n'avait pas à examiner l'existence d'une éventuelle reprise de cet engagement car aucune régularisation postérieure n'a pu intervenir dès lors qu'il n'est pas établi que la société a renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat après avoir eu connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à la protéger.

M. D.-S., en sa qualité de signataire du contrat, est seul débiteur des sommes éventuellement dues à la Compagnie générale de location d'équipements.

Le contrat étant nul, les cautions données par MM. P. et R. au profit de la société Boats & Cars sont également frappées de nullité, d'autant qu'elles ont été données respectivement les 10 février 2010 et 15 mars 2010, soit à une date à laquelle la société était dépourvue depersonnalitémorale.

MM. P. et R. rappellent que la Cour de cassation fait prévaloir la liberté de plaider des parties sur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, qui s'applique à l'échelle d'un seul litige, le cas échéant devant différents degrés de juridiction. Ils en concluent que la Compagnie générale de location d'équipements n'est pas fondée à leur opposer leur argumentation dans l'action en référé introduite à son encontre par la société Boats & Cars en 2010 et la société Turquoise, vendeur du bateau, aux fins de déblocage des fonds.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 16 novembre 2018, la Compagnie générale de location d'équipements présente les demandes suivantes :

'- Dire l'appel de la société Boats & Cars, de Monsieur Dominique P. et de Monsieur Stéphane R. recevable mais mal fondé.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Boats & Cars de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que Monsieur D.-S. a valablement engagé la société Boats & Cars.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a solidairement condamné Monsieur D.-S., Monsieur R. et Monsieur P. à régler à la Compagnie générale de location d'équipements la somme de 180 780,75 € avec intérêts au taux annuel de 5,649 % à compter du 3 octobre 2012.

- Dire la Compagnie générale de location d'équipements recevable et fondée en son appel incident.

- Statuant à nouveau à l'égard de la société Boats & Cars, la condamner solidairement avec Monsieur D.-S., Messieurs R. et P., à payer à la Compagnie générale de location d'équipements la somme de 180 780,75 € avec intérêts au taux annuel de 5,649 % l'an à compter du 3 octobre 2012.

Vu les articles R 222.11 et suivants du Code des Procédures Civiles d'Exécution :

- Ordonner à la société Boats & Cars ainsi qu'à Monsieur Stéphane R., Monsieur Eric D.-S. et Monsieur Dominique P., de restituer à la Compagnie générale de location d'équipements le navire, objet du contrat de financement, Sunsaaker Camargue 55, dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir.

- Dire qu'à défaut de restitution, la Compagnie générale de location d'équipements pourra faire saisir le navire en tout lieu où il se trouvera, par le ministère de tel huissier de justice de son choix, lequel pourra se faire assister de la force publique.

- Donner acte à la Compagnie générale de location d'équipements de ce qu'elle déduira de sa créance le prix de revente du navire restitué ou saisi.

A titre subsidiaire,

Si la Cour prononce la nullité du contrat du 2 mars 2010 :

- Condamner Monsieur Eric D.-S. au paiement de la somme de 143 808,45 €, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2012, soit après compensation entre le capital prêté et les mensualités réglées.

- Ordonner à la société Boats & Cars ainsi qu'à Monsieur Stéphane R., Monsieur Eric D.-S. et Monsieur Dominique P., de restituer à la Compagnie générale de location d'équipements le navire, objet du contrat de financement, Sunsaaker Camargue 55, dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir.

- Dire qu'à défaut de restitution, la Compagnie générale de location d'équipements pourra faire saisir le navire en tout lieu où il se trouvera, par le ministère de tel huissier de justice de son choix, lequel pourra se faire assister de la force publique.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a solidairement condamné Messieurs D.-S., R. et P. à verser à la Compagnie générale de location d'équipements la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Y ajoutant :

- Condamner solidairement la société Boats & Cars, Monsieur D.-S., Messieurs R. et P., au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamner solidairement la société Boats & Cars, Monsieur D.-S., Messieurs R. et P. aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux qui la concerne au profit de Maître T.-L., avocat, dans les conditions de l'article 699 du CPC.'

La Compagnie générale de location d'équipements fait valoir que, quand bien même le contrat de crédit ne mentionnait pas que la société était alors en formation, telle était bien sa situation, puisque ses statuts ont été établis antérieurement à la signature du contrat et que son immatriculation est intervenue postérieurement.

En concluant un contrat de prêt destiné à financer l'acquisition d'un bateau de plaisance, le gérant a bien agi selon le mandat qui lui a été conféré par les associés à l'occasion de la signature des statuts. La conclusion du contrat de financement était d'ailleurs indispensable à l'activité de la société Boats & Cars, telle qu'elle ressort de son objet social. Tous les co-associés ont donc nécessairement donné mandat à M. D.-S. de conclure le contrat de financement pour le compte et dans l'intérêt de la société en formation. L'immatriculation de la SNC a automatiquement entraîné la reprise de ce contrat de prêt par la société elle-même.

Il est par ailleurs constant qu'une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui, un principe de loyauté constant devant conduire les débats judiciaires. A travers son assignation en référé délivrée à la Compagnie générale de location d'équipements le 18 juin 2010, la société Boats & Cars poursuivait la condamnation de l'établissement financier à régler au fournisseur le prix du bateau financé, soutenant que le contrat de prêt était définitif. Cette procédure et celle dont a été saisi le tribunal de commerce de Lille et dont se trouve actuellement saisie la cour d'appel de Douai opposent les mêmes parties et reposent sur le même contrat. La société Boats & Cars a donc incontestablement renoncé à son droit d'agir en annulation.

En outre, les prélèvements relatifs au contrat de prêt ont bien été domiciliés sur le compte bancaire de la société Boats & Cars, qui a réglé les mensualités correspondantes d'août 2010 à juin 2012, confirmant ainsi la reprise du contrat de prêt conclu avant son immatriculation au RCS. Cette exécution du contrat pendant quasiment deux ans vaut confirmation de celui-ci, pour autant qu'il soit nul, en application de l'article 1338 du code civil.

La résiliation du contrat de prêt pour défaut de paiement des échéances a été notifiée par lettres recommandées avec accusé de réception des 3 octobre 2012 et 27 juin 2013. Restait dû une somme de 180 780,75 euros en principal, au paiement de laquelle la société Boats & Cars ainsi que MM. D.-S., R. et P., en leur qualité de cautions solidaires, doivent être condamnés.

D'autre part, il s'avère que la société Boats & Cars est demeurée en possession du navire financé, pourtant hypothéqué en garantie des sommes dues, et ce nonobstant une ordonnance prononcée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de laquelle opposition a été relevée. Cette circonstance a conféré compétence au juge du fond pour statuer sur la remise du bateau.

A titre subsidiaire, si la cour retenait comme fondée la demande de nullité du contrat de prêt,

M. D.-S. resterait personnellement tenu par le contrat de prêt, signé sans mandat de la société Boats & Cars et sans reprise de la convention par celle-ci, sur le fondement de l'article L210-6 du code de commerce. Il devrait donc être condamné au paiement de la somme de 143 808,45 euros, correspondant à la différence entre le capital prêté et les mensualités réglées par la société, ainsi qu'à la restitution du bateau.

M. D.-S., cité à l'étude de l'huissier instrumentaire mais n'ayant pas renvoyé son accusé de réception, n'a pas constitué avocat.

SUR CE

Sur la demande d'annulation du contrat de prêt :

Aux termes des dispositions de l'article 210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

En l'espèce, le contrat de prêt litigieux a été conclu le 1er mars 2010 entre la Compagnie générale de location d'équipements, [...], Siren : 303 236 186 RCS : Roubaix-Tourcoing, et la SNC Boats & Cars, [...], Siren : 111111111 RCS : Paris, Dirigeant : M. D.-S., Eric.

Or selon l'extrait k-bis du registre du commerce et des sociétés délivré le 9 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Paris, la société Boats & Cars n'a été immatriculée que le 25 mars 2010 sous le numéro 520 991 530.

Il s'en suit qu'elle n'avait pas d'existence juridique à la date du 1er mars 2010, ce qui entraîne la nullité absolue du prêt conclu à cette date et l'impossibilité de couvrir son irrégularité par des actes d'exécution intervenus postérieurement.

La Compagnie générale de location d'équipements invoque vainement l'existence d'un prétendu mandat donné à M. D.-S. par MM. R. et P. afin d'engager la société, dans la mesure où le prêt a été conclu non pas avec M. D.-S., agissant pour le compte de la société Boats & Cars en formation, mais bien avec la société Boats & Cars en qualité de cocontractante, alors que celle-ci était dépourvue de personnalité juridique.

Par ailleurs, si la Compagnie générale de location d'équipements se prévaut du principe d'estoppel qui interdit aux parties un changement de position de nature à induire en erreur la partie adverse sur ses intentions, en s'appuyant sur la procédure de référé engagée à son encontre par la société Boats & Cars et la société Turquoise, vendeur du navire, le 18 juin 2010, afin d'obtenir la libération des fonds issus de ce prêt, elle n'en tire aucune conséquence sur la recevabilité de la demande d'annulation du prêt formée à son encontre dans le cadre du présent procès dans le dispositif de ses écritures. En tout état de cause, il s'agissait d'une instance différente à laquelle ni M. P., ni M. R., ni M. D.-S. n'étaient parties.

Dès lors, il convient de déclarer nul le contrat de prêt conclu le 1er mars 2010 entre la Compagnie générale de location d'équipements et la société Boats & Cars.

Sur les conséquences de l'annulation du prêt :

Sur la charge de la restitution des fonds :

La nullité du contrat de prêt entraîne de plein droit celle des actes de cautionnement accessoires qui en sont indissociables, mais laisse subsister l'obligation de restituer tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de l'acte.

Si les dispositions de l'article 2289 du code civil, selon lesquelles le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, impliquent une limitation de l'engagement des cautions à la seule exécution des obligations régulièrement contractées par l'emprunteur, la Cour de cassation a toutefois étendu le champ de leurs obligations à la garantie des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de prêt au motif que l'obligation de restituer, inhérente au contrat de prêt, demeurant valable tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de la convention annulée, le cautionnement, en considération duquel le prêt a été consenti, devait dès lors subsister jusqu'à l'extinction de cette obligation

Cependant, la Compagnie générale de location d'équipements ne demande que la condamnation de M. D.-S., signataire du contrat, à lui restituer les fonds, et la cour ne peut statuer ultra petita.

Le tableau d'amortissement du prêt et le décompte de créance versé aux débats mettent en évidence que, sur un capital versé de 200 000 euros, la Compagnie générale de location d'équipements a été remboursée à hauteur de 56 191,55 euros, représentant 19 échéances de 2957,45 euros payées entre novembre 2010 et mai 2012.

En conséquence, M. D.-S. sera condamné à lui rembourser la somme de 142 808,45 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2012, date de réception de la mise en demeure.

Sur la restitution du navire :

Aux termes des dispositions de l'article L. 222-2 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d'un bien meuble corporel peut, en attendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d'une saisie-revendication.

Aux termes des dispositions des articles R. 222-11, R. 222-12 et R. 222-14 du code des procédures civiles d'exécution, à défaut de titre exécutoire, il peut être présenté une requête à fin d'injonction d'avoir à délivrer ou restituer un bien meuble déterminé. L'ordonnance portant injonction de délivrer ou restituer est signifiée à celui qui est tenu de la remise. En cas d'opposition, il appartient à celui qui demande la remise du bien de saisir la juridiction compétente pour statuer sur la délivrance ou la restitution du bien. La requête et l'ordonnance d'injonction ainsi que les mesures conservatoires qui auraient été prises deviennent caduques si le juge du fond n'est pas saisi dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance.

En l'espèce, la Compagnie générale de location d'équipements a obtenu du juge de l'exécution de Paris une ordonnance rendue le 1er octobre 2014 ayant ordonné à la société Boats & Cars ainsi qu'à MM. R., D.-S. et P. de lui remettre à leurs frais, ou à tout huissier de justice dûment mandaté, le bateau Sunseeker Camargue 55. La société Boats & Cars a cependant formé opposition à cette ordonnance le 31 octobre 2014 et la procédure n'a manifestement pas été poursuivie par la créancière.

La requête versée à la procédure fait référence à une quittance subrogative qui n'est cependant pas produite dans le cadre de la présente instance.

En toute état de cause, l'annulation du contrat de prêt entraîne nécessairement celle de la clause prévoyant la subrogation du prêteur dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du vendeur, déjà intrinsèquement problématique au regard de l'avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation.

Au regard de ces éléments, la Compagnie générale de location d'équipements n'apparaît pas fondée à requérir la restitution du navire et il convient de débouter de ses demandes tendant à:

-ordonner à la société Boats & Cars ainsi qu'à M. Stéphane R., M. Eric D.-S. et M. Dominique P., de restituer à la Compagnie générale de location d'équipements le Navire, Sunsaaker Camargue 55, objet du contrat de financement, dans un délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

- dire qu'à défaut de restitution, la Compagnie générale de location d'équipements pourra faire saisir le navire en tout lieu où il se trouvera, par le ministère de tel huissier de justice de son choix, lequel pourra se faire assister de la force publique.

Sur les dépens :

Aux termes des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'issue du litige justifie de condamner la Compagnie générale de location d'équipements aux dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

En conséquence, il convient de débouter Me T.-L. de sa demande tendant à obtenir le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné solidairement MM. D.-S., R. et P. à verser à la Compagnie générale de location d'équipements la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Compagnie générale de location d'équipements, tenue aux dépens, sera condamnée à verser à la société Boats & Cars et MM. P. et R. la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

La Compagnie générale de location d'équipements sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 30 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le contrat de prêt conclu le 1er mars 2010 entre la Compagnie générale de location d'équipements et la société Boats & Cars est nul ;

Dit que les engagements de cautionnement accessoires à ce prêt souscrits par M. Dominique P. et M. Stéphane R. sont nuls ;

Condamne M. Eric D.-S. à rembourser à la Compagnie générale de location d'équipements la somme de 142 808,45 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2012 ;

Déboute la Compagnie générale de location d'équipements de sa demande tendant à voir ordonner à la société Boats & Cars ainsi qu'à M. Stéphane R., M. Eric D.-S. et M. Dominique P., de restituer à la Compagnie générale de location d'équipements le Navire, Sunsaaker Camargue 55, objet du contrat de financement, dans un délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

Déboute la Compagnie générale de location d'équipements de sa demande tendant à faire dire qu'à défaut de restitution, la Compagnie générale de location d'équipements pourra faire saisir le navire en tout lieu où il se trouvera, par le Ministère de tel huissier de justice de son choix, lequel pourra se faire assister de la force publique ;

Condamne la Compagnie générale de location d'équipements à verser à la société Boats & Cars, M. Dominique P. et M. Stéphane R. la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles ;

Déboute la Compagnie générale de location d'équipements de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la Compagnie générale de location d'équipements aux dépens d'appel et de première instance ;

Déboute Me T.-L. de sa demande tendant à obtenir le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.