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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 1 septembre 2022, n° 21/02106

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Emeraude Conseil (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Jay-Bal, Me Mas-Ferroni, Me Grimaud, Me Lacoste

T. com. Romans, du 8 mars 2017

8 mars 2017

EXPOSE DU LITIGE :

La société BCBG Max Azria Group exploitait une activité de fabrication et de commercialisation d'articles de prêt à porter et accessoires du groupe BCBG.

Par jugement en date du 8 mars 2017, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société BCBG Max Azria Group.

Dans ce cadre, il a été envisagé la mise en oeuvre d'un plan de cession.

Le comité d'entreprise de la société BCBG Max Azria Group a désigné la SAS Emeraude Conseil pour l'assister dans le cadre de la procédure informative et consultative relative au licenciement collectif pour motif économique en application des dispositions de l'article 2325-35 I 5° du code du travail avec un montant prévisionnel d'honoraires de 47.250 euros HT selon la lettre de mission signée le 11 juillet 2017.

La SAS Emeraude Conseil a émis deux notes d'honoraires, l'une en date du 20 juillet 2017 d'un montant de 37.748,74 euros TTC, l'autre en date du 19 octobre 2017 d'un montant de 33.672,16 euros.

Seule la facture d'un montant de 37.748,74 euros TTC a été payée par la société BCBG Max Azria Group le 10 août 2017.

Par jugement du 16 octobre 2017, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a rejeté les offres de cession, a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, a autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 31 octobre 2017 et a nommé la Selarl MJ Synergie agissant par Me [C] [M] en qualité de liquidateur.

Le comité d'entreprise de la société BCBG Max Azria Group a sollicité une nouvelle fois la SAS Emeraude Conseil pour l'assister dans le cadre de son information/consultation sur la liquidation judiciaire de la société et sur les projets de licenciement collectif pour motif économique avec un montant prévisionnel d'honoraires de 28.350 euros HT selon la lettre de mission en date du 31 octobre 2017.

La SAS Emeraude Conseil a émis deux notes d'honoraires, l'une en date du 31 octobre 2017 d'un montant de 19.911 euros TTC, l'autre en date du 20 novembre 2017 d'un montant de 16.210,57 euros TTC.

Seule la facture d'un montant de 19.911 euros TTC a été réglée par le liquidateur le 29 novembre 2017.

Le 26 décembre 2017, la SAS Emeraude Conseil a déclaré une créance de 49.882,73 euros (33.672,16 + 16.210,57) à titre privilégié pour être née régulièrement après le jugement d'ouverture.

La créance de la SAS Emeraude Conseil a été portée sur la liste des créances postérieures visées à l'article L 641-13 du code de commerce.

Par requête déposée le 18 mai 2019, la Selarl MJ Synergie a contesté le caractère utile de la créance produite par la SAS Emeraude Conseil.

Par ordonnance du 9 octobre 2019, le juge commissaire a rejeté la créance de la SAS Emeraude Conseil.

Le 17 octobre 2019, la SAS Emeraude Conseil a interjeté appel de cette ordonnance devant la cour d'appel de Grenoble.

Par ordonnance du 1er octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de l'ordonnance du juge commissaire irrecevable devant la cour d'appel.

Par lettre recommandée du 8 octobre 2020 remise au greffe du tribunal de commerce, la SAS Emeraude Conseil a formée opposition à l'ordonnance du 9 octobre 2019.

Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

- reçu en la forme l'opposition formée par le cabinet Emeraude Conseil à l'encontre de l'ordonnance rendue le 09 octobre 2019 par le juge-commissaire,

- déclaré recevable mais non fondée l'opposition formée par le cabinet Emeraude Conseil à l'encontre de l'ordonnance,

- débouté la société cabinet Emeraude Conseil de l'intégralité de ses demandes, moyens et prétentions,

- confirmé l'ordonnance attaquée, rejetant la créance de la SAS Emeraude Conseil au passif de la société BCBG Max Azria Group, pour un montant de 54.645,66 €,

- condamné la société Emeraude Conseil à payer à la Selarl [M] agissant par Me [C] [M] en qualité de liquidateur de la société BCBG Max Azria Group , la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile en ce compris le coût du présent jugement arrêté à la somme de 71.28euros HT, 14.26 € TVA, 85.54 € TTC pour être supportés par la SAS Emeraude Conseil.

Par déclaration du 5 mai 2021, la SAS Emeraude Conseil a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions qu'elle a énoncées.

Prétentions et moyens de la SAS Emeraude Conseil

Dans ses conclusions remises le 7 septembre 2021, la SAS Emeraude Conseil demande à la cour, au visa des articles 680 du code de procédure civile, L641-3 IV et L641-13 I du code de commerce, 1103, 1104 et 1353 du code civil, L1233-58 I, L2323-1 et L2325-35 et suivants du code du travail, de :

- infirmer le jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la créance de la SAS Emeraude Conseil est née régulièrement,

- dire et juger que la créance de la SAS Emeraude Conseil est une créance née pour les besoins de la procédure,

- dire et juger que, par conséquent, la créance de la SAS Emeraude Conseil est une créance utile,

- dire et juger que la preuve du fait ayant produit l'extinction de l'obligation de la société BCBG Max Azria Group lui appartient,

- dire et juger qu'en tout état de cause la SAS Emeraude Conseil rapporte la preuve de l'utilité de sa créance,

- dire et juger qu'au surplus, la créance de la SAS Emeraude Conseil est une créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur,

- fixer les créances postérieures de la SAS Emeraude Conseil au passif de la société BCBG Max Azria Group comme suit :

* 33.672,16 euros TTC correspondant à la facture n°2017-272, à titre privilégié,

* 16.210,57 euros TTC correspondant à la facture n°2017-280, à titre privilégié,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

Elle fait valoir que par application de l'article L 2325-35 du code du travail, le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix ; que l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise; que le président du tribunal de grande instance n'a pas été saisi d'une contestation de la rémunération, que les créances sont nées régulièrement.

Elle considère que les créances sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure; que la mission confiée le 12 juillet 2017 portait sur l'assistance au comité d'entreprise dans le cadre de la procédure informative et consultative concernant les plans de cession de la SAS Emeraude Conseil, les licenciements pour motif économique et le plan de sauvegarde de l'emploi et la négociation d'un accord majoritaire ; que la SAS Emeraude Conseil a présenté son rapport au comité d'entreprise ; que la SAS Emeraude Conseil a payé sans aucune difficulté la première facture ; que la mission confiée le 31 octobre 2017 était relative à l'assistance du comité d'entreprise dans le cadre de son information/consultation sur la liquidation judiciaire de la société et sur les projets subséquents de licenciement pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'elle a présenté un projet de rapport d'expertise; que le liquidateur a payé la première facture ce qui serait curieux si la créance n'était pas née pour les besoins du déroulement de la procédure; que le caractère utile de sa créance ne peut être contestée.

Elle souligne l'importance du rôle que joue l'expert-comptable dans le cadre de la procédure collective ; qu'en l'absence de procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire, les missions qui lui ont été confiées n'auraient pas eu lieu ; que l'ensemble des missions concernait la procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire de la société BCBG Max Azria Group; que dans le cadre de ces procédures, le comité d'entreprise doit être informé et consulté, étant précisé que celui-ci peut demander l'assistance d'un expert-comptable rémunéré par l'employeur ; que les factures étaient bien adressées à la société BCBG Max Azria Groupe puis au liquidateur qui en ont payé au demeurant chacun une.

Elle indique qu'il appartient au liquidateur qui conteste le caractère utile de la créance et prétend ainsi que son obligation serait éteinte de rapporter la preuve de l'absence d'utilité.

Elle ajoute que ses créances sont nées de la conclusion de contrats nouveaux et sont contingentes par rapport à la procédure collective.

Elle relève que les lettres de mission sont toujours signées par le comité d'entreprise et aucunement par le représentant légal de la société ; que la contresignature de l'administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire n'était pas nécessaire ; que si la société BCBG Max Azria Group prise en la personne de son administrateur judiciaire ou de son mandataire judiciaire se trouvait en désaccord avec les lettres de missions confiées à la SAS Emeraude Conseil, il lui appartenait de saisir le président du tribunal de grande instance pour les contester ; qu'au surplus, le liquidateur a payé l'une des factures.

Elle précise que lorsque le redressement judiciaire a pris fin, il était nécessaire d'établir une nouvelle lettre de mission pour l'assistance du comité d'entreprise dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Prétentions et moyens de la Selarl [M] & Associés - Mandataires judiciaires agissant en qualité de liquidateur de la société BCBG Max Azria Group

Dans ses conclusions remises le 7 septembre 2021, elle demande à la cour de:

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Romans sur Isère le 21 avril 2021 en toutes ses dispositions,

- débouter le cabinet Emeraude de l'intégralité de ses demandes, moyens et prétentions,

Y ajoutant,

- condamner le cabinet Emeraude à verser à la Selarl [M], agissant par Maître [C] [M], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société BCBG Max Azria Group, la somme de 5.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le cabinet Emeraude aux entiers dépens de l'instance.

Elle expose que :

- seules certaines créances qui sont celles visées à l'article L 641-13 du code de commerce bénéficient du paiement à l'échéance, les créanciers étant soumis par principe à la règle de l'interdiction des paiements ce qui ne signifie pas qu'ils perdent leur droit à paiement mais que son exercice est reporté dans le temps ;

- la dérogation concernant les créances postérieures utiles doit être entendue strictement,

- ce n'est que dans certaines hypothèses strictement encadrées que le comité d'entreprise peut faire intervenir un expert-comptable dont les honoraires seront pris en charge par l'entreprise ;

- si le cabinet Emeraude indique être intervenu dans le cadre de l'article L2323-15 5° du code du travail, à savoir lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique d'au moins 10 salariés dans une même période de trente jours prévue à l'article L 1233-30 est mise en oeuvre, il n'est pas démontré que la première réunion prévue à l'article L 1233-30 dans le cadre de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi a été mise en oeuvre et le cabinet Emeraude ne démontre pas la formalisation d'un plan de sauvegarde ;

- il n'est donc pas établi que les conditions de mise en oeuvre de l'article 2323-15 du code du travail soient réunies ;

- la créance ne peut être considérée comme née régulièrement.

Elle considère que la créance n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure; que le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de la société BCBG Max Azria Group n'imposaient pas la désignation d'un expert-comptable ; que dans de nombreuses procédures collectives dans lesquelles des plans de sauvegarde de l'emploi sont mises en oeuvre, aucun expert-comptable n'intervient à la demande du comité d'entreprise ; que les créances dont se prévaut la SAS Emeraude Conseil ne sont pas contingentes à la procédure collective dès lors qu'elles ne découlent pas directement de l'activité professionnelle du débiteur; que les digressions de la SAS Emeraude Conseil sur le rôle primordial de l'expert-comptable dans la procédure collective sont inopérantes dès lors qu'elle n'a pas été mandatée pour assurer le suivi comptable ou financier du débiteur.

Elle fait remarquer que la créance du cabinet Emeraude n'est pas née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur ; que la SAS Emeraude Conseil a été mandatée par le comité d'entreprise aux fins de l'assister; qu'elle est donc intervenue au profit du comité d'entreprise qui était seul intéressé par ses travaux, la société BCBG Max Azria Group disposant de toute information utile tant sur les projets de cession que sur leurs implications sociales ; que les prestations ont donc été fournies au bénéfice du comité d'entreprise et non pas à la société BCBG Max Azria Group .

Elle en déduit que les créances dont se prévaut la SAS Emeraude Conseil ne sont pas éligibles aux dispositions de l'article L 641-13 I du code de commerce et qu'il appartenait à la SAS Emeraude Conseil de déclarer sa créance au passif de la société BCBG Max Azria Group.

Elle fait aussi observer que :

- le débiteur ne peut sans l'assistance de l'administrateur mandater un cabinet d'expertise comptable tel que le cabinet Emeraude,

- a fortiori, en cas de liquidation judiciaire, le débiteur ne peut mandater un tel cabinet,

- un tiers au débiteur ne peut aggraver les charges pesant sur le débiteur alors soumis à une procédure collective, et ce sans l'intervention des organes de la procédure,

- les créances de la société BCBG Max Azria Group sont inopposables à la procédure collective.

Elle relève aussi que contrairement à ce que soutient la SAS Emeraude Conseil, la mission qui lui a été confiée par lettre de mission du 12 juillet 2017 n'a pas pris fin du fait de la liquidation judiciaire, étant relevé que le projet de plan de sauvegarde n'était pas arrêté lors de la liquidation judiciaire ; que rien ne justifiait une nouvelle mission sinon la possibilité de solliciter de nouveaux honoraires ; qu'il existe des doublons dans les deux missions.

Elle observe également que s'agissant de la première mission, les commentaires sur un éventuel projet de plan de sauvegarde sont quasiment inexistants et la synthèse du rapport ne porte aucune appréciation sur cette question, pourtant objet de sa mission et justifiant sa désignation; que s'agissant de la seconde mission, celle-ci n'a pas été achevée dès lors qu'aucun rapport définitif n'a été émis, le montant des sommes facturées est supérieur au montant prévisionnel stipulé dans la lettre de mission alors même que la SAS Emeraude Conseil reconnaît ne pas avoir été en mesure d'accomplir sa mission.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 14 avril 2014.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre préliminaire, la cour relève que les 'demandes tendant à voir dire et juger' qui ne font que développer des moyens ne constituent pas des prétentions. Il n'y sera donc pas répondu dans le dispositif.

En application de l'article L 641-13 I du code de commerce, sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10, si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique. En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L 622-17.

Aux termes de l'article L 622-17, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Seules les créances remplissant les conditions prévues à l'article L 641-13 I du code de commerce bénéficient d'un traitement privilégié, à savoir le paiement à l'échéance, dérogatoire au principe d'interdiction des paiements.

Il appartient à la SAS Emeraude Conseil qui sollicite le bénéfice des dispositions de l'article L 641-13 I du code de commerce de démontrer que sa créance relève de cet article.

Il n'est pas contesté que les créances litigieuses sont des créances postérieures.

1) Sur la régularité des créances de la SAS Emeraude Conseil

Aux termes de la lettre de mission signée le 11 juillet 2017, la SAS Emeraude Conseil a été désignée pour assister le comité d'entreprise dans le cadre de la procédure informative et consultative relative au licenciement collectif pour motif économique en application de l'article L 2325-35 I 5° du code du travail. Contrairement à ce que soutient la Selarl [M] & Associés, ce document qui n'émane pas de la seule SAS Emeraude Conseil puisqu'il a été signé par le secrétaire du comité d'entreprise de la société BCBG Max Azria Group constitue une preuve valable. La cour précise que cette lettre de mission n'avait pas à être signée par l'employeur ou l'administrateur.

L'article L 2325-35 I 5° du code du travail dispose que le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, prévue à l'article L 1233-30, est mise en oeuvre.

Aux termes de l'article 2325-40 du code du travail, l'expert-comptable est alors rémunéré par l'entreprise.

En application de l'article L 2325-38, en cas de désaccord sur la nécessité d'une expertise, sur le choix de l'expert ou sur l'étendue de la mission qui lui est confiée, la décision est prise par le président du tribunal de grande instance statuant en urgence.

Il ressort de la lettre de mission que lors d'une séance du 11 juillet 2017, les membres du comité d'entreprise se sont vu remettre les projets de plans de cession d'actifs et/ou d'activités et de redressement judiciaire de la société BCBG Max Azria Group et leurs modalités d'application et les projets de licenciement collectif pour motif économique et projet de plan de sauvegarde de l'emploi. La lettre précise que cette réunion correspond à la première réunion prévue à l'article L 1233-30 du code du travail.

Dès lors, contrairement à ce que soutient la Selarl [M] & Associés, il est justifié de la mise en oeuvre de la première réunion prévue à l'article L 1233-30 du code de travail.

L'examen des offres remises dans le cadre du plan de cession envisagé au titre du redressement judiciaire révèle par ailleurs que des licenciements d'au moins 10 salariés étaient envisagés.

La désignation de la SAS Emeraude Conseil n'a au demeurant pas été contestée par la société BCBG Max Azria Group et son administrateur devant le président du tribunal de grande instance statuant en urgence.

Cette désignation non contestée impliquait nécessairement que l'entreprise rémunère l'expert-comptable en application de l'article 2325-40 du code du travail.

La seconde lettre de mission signée le 31 octobre 2017 par un membre du comité d'entreprise, ayant reçu mandat pour cette signature, désigne la SAS Emeraude Conseil pour l'assister dans le cadre de la procédure informative et consultative relative à la liquidation judiciaire et des projets subséquents de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi.

Cette désignation ne fait pas double emploi avec celle du 11 juillet 2017 dès lors que l'expert-comptable intervient dans le cadre de la procédure informative et consultative relative à la liquidation judiciaire et non plus au redressement judiciaire avec des effets nécessairement différents s'agissant des licenciements et du plan de sauvegarde.

En outre, la cour relève que cette désignation n'a pas fait l'objet d'un recours devant le président du tribunal de grande instance par le liquidateur.

Au demeurant, la société BCBG Max Azria Group a réglé l'une des 2 factures éditées au titre de la mission confiée le 11 juillet 2017 et le liquidateur a réglé l'une des 2 factures éditées au titre de la mission confiée le 31 octobre 2017.

Les créances de la SAS Emeraude Conseil sont donc nées régulièrement.

2) Sur les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure

L'article L 1233-58 I du code du travail dispose :

' En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4.

L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles :

1° L. 1233-8, pour un licenciement collectif de moins de dix salariés ;

2° L. 1233-29, premier alinéa, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise de moins de cinquante salariés ;

3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et deux derniers alinéas du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés ;

4° L. 1233-34 et L. 1233-35 premier alinéa et, le cas échéant, L. 2325-35 et L. 4614-12-1 du code du travail relatifs au recours à l'expert ;

5° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative ;

6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi.'

Tant l'employeur que le liquidateur étaient donc tenus de consulter le comité d'entreprise et de lui donner les moyens d'exercer ses fonctions en ayant recours à l'expertise prévue à l'article L 2325-35 du code du travail sauf à exercer le recours prévu à L 2325-38 du code du travail en cas d'opposition à l'expertise ce qu'ils n'ont pas fait.

Cette consultation et la désignation de l'expert en découlant sont donc bien inhérentes à la procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire. Tant l'employeur que le liquidateur ne peuvent s'en dispenser.

Dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les créances de la SAS Emeraude Conseil sont bien nées pour les besoins du déroulement de la procédure.

Dans le cadre de la première lettre de mission, la SAS Emeraude Conseil a déposé un rapport présentant une analyse détaillée des projets de plans de cession et des projets subséquents de licenciement pour motifs économiques

Sur la seconde lettre de mission, la SAS Emeraude Conseil a présenté un projet de rapport d'expertise contenant notamment de longs développements sur l'analyse sociale de la société BCBG Max Azria Group et des observations détaillées sur le projet de PSE.

En tout état de cause, tant l'employeur et l'administrateur que le liquidateur n’a saisi le président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) d'une contestation sur la rémunération de l'expert alors qu'en application de l'article L2325-40 du code du travail, le président du tribunal de grande instance est compétent en cas de litige sur la rémunération de l'expert désigné par le comité d'entreprise.

En conséquence, les créances de la SAS Emeraude Conseil remplissent les conditions de l'article L 641-13 I du code de commerce et doivent être payées à échéance.

Le jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère doit être infirmé en toutes ses dispositions.

Dès lors, il convient de fixer les créances postérieures de la SAS Emeraude Conseil au passif de la société BCBG Max Azria Group comme suit :

* 33.672,16 euros TTC correspondant à la facture n°2017-272, à titre privilégié pour être postérieure et remplir les conditions de l'article L 641-13 I du code de commerce,

* 16.210,57 euros TTC correspondant à la facture n°2017-280, à titre privilégié pour être postérieure et remplir les conditions de l'article L 641-13 I du code de commerce,

Les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure.

La Selarl [M] & Associés - Mandataires judiciaires qui succombe en appel sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe les créances postérieures de la SAS Emeraude Conseil au passif de la société BCBG Max Azria Group comme suit :

* 33.672,16 euros TTC correspondant à la facture n°2017-272, à titre privilégié pour être postérieure et remplir les conditions de l'article L 641-13 I du code de commerce,

* 16.210,57 euros TTC correspondant à la facture n°2017-280, à titre privilégié pour être postérieure et remplir les conditions de l'article L 641-13 I du code de commerce.

Dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure.

Déboute la Selarl [M] & Associés - Mandataires judiciaires de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.