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Décisions

Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-72.267

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Tiffreau et Corlay

Rennes, du 29 sept. 2009

29 septembre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société en nom collectif Bar tabac Le Laguiolais (la société) a assigné son ancienne gérante, Mme X..., en remboursement d'une somme indûment perçue ; que Mme X..., relevant appel du jugement ayant accueilli cette demande, a formé une demande reconventionnelle en paiement d'une certaine somme représentant sa part des bénéfices sociaux au titre des exercices de 1999 au 10 août 2005, date de la cession de ses parts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande reconventionnelle de Mme X... tendant au partage des bénéfices et de l'avoir en conséquence condamnée à lui verser une certaine somme alors, selon le moyen :

1°/ que la demande en compensation, formulée pour la première fois en cause d'appel, n'est recevable que si la dette qui est invoquée est connexe à celle invoquée par le demandeur principal ; qu'en déclarant recevable la demande de Mme X... sans constater cette connexité, ni même d'ailleurs ordonner la compensation des sommes, la cour d'appel a violé les articles 564 du code de procédure civile et 1291 du code civil, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la demande en compensation, formée pour la première fois en cause d'appel, n'est recevable qu'à concurrence des sommes qui éteignent la créance invoquée par le demandeur principal ; qu'en déclarant recevable la demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 174 781, 26 euros, quand ce montant était plus de cinq fois supérieur au montant de 35 751, 67 euros réclamé par la société, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la compensation judiciaire peut s'opérer au moyen d'une demande reconventionnelle que forme la partie dont la créance ne réunit pas encore toutes les conditions requises pour la compensation légale et qu'il n'est pas nécessaire qu'elle procède de la même cause que la demande principale ni même qu'elle se rattache à cette dernière par un lien suffisant ; que c'est à bon droit que l'arrêt déclare recevable en cause d'appel la demande de Mme X... tendant à lui opposer compensation, peu important qu'il puisse en résulter une créance au profit de la partie qui la formule ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu que le moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu que le moyen, de pur droit, est recevable ;

Et sur le moyen :

Vu les articles L. 232-11 et L. 232-12 du code de commerce ;

Attendu que pour condamner la société à payer à Mme X... une certaine somme au titre de sa part des bénéfices dus entre l'année 1999 et le 10 août 2005, correspondant à ses parts sociales, l'arrêt retient que dans les sociétés en nom collectif, les bénéfices sont imposables au nom des associés dès qu'ils sont réalisés, quand bien même ils ne seraient pas mis en distribution sous forme de dividendes et que la société ne fait pas valoir et ne justifie pas que les bénéfices ont déjà été distribués ou alors qu'ils ont été mis en réserve par une décision des associés approuvant les comptes ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement ayant condamné Mme X... à payer à la société Bar tabac Le Laguiolais une somme de 35 751, 67 euros, l'arrêt rendu le 29 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.