Cass. 3e civ., 19 juin 2013, n° 12-14.437
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Defrénois et Lévis, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2011) , que la société Bastille Saint-Antoine, preneuse à bail de locaux à usage commercial appartenant à la SCI Cinéma Saint-Lazare Pasquier (la SCI), a assigné celle-ci le 21 mai 2007 en restitution de charges ; que la SCI lui a délivré le 20 juillet 2007 un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, puis, le 27 juin 2008, lui a délivré un congé avec refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes à effet au 31 décembre 2008 ; que la société Bastille Saint-Antoine l'a alors assignée en contestation de ce congé ; que les instances ont été jointes et que la SCI a notamment sollicité le constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail en vertu du commandement du 20 juillet 2007 et la validation du congé ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en constat de la clause résolutoire, alors, selon le moyen :
1°/ que le non-respect par le preneur des délais impartis par le juge en application de l'article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce entraîne la déchéance automatique de l'effet suspensif de la clause résolutoire ; que la société Bastille Saint-Antoine, preneuse, avait obtenu en première instance que lui soient accordés des délais de paiement échelonnés sur une période de douze mois suspendant les effets de la clause résolutoire ; qu'aussi, en refusant à la SCI Cinéma Saint-Lazare Pasquier, bailleresse, le jeu de la clause résolutoire, quand elle constatait que, si la somme due avait été intégralement acquittée, la société Bastille Saint-Antoine n'avait pas effectué tous les versements dans les délais puisqu'elle relevait un retard dans le paiement du loyer au mois d'août 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article L. 145-41 du code de commerce ;
2°/ que la clause résolutoire est acquise dès lors que le locataire n'a pas acquitté les sommes dues dans le délai imparti par le juge en application de l'article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce, sauf force majeure ; qu'en s'abstenant de rechercher si le retard dans le paiement du loyer au mois d'août 2010 était dû à une faute de la banque qui lui était exclusivement imputable comme le soutenait la société Bastille Saint-Antoine, présentant un caractère irrésistible, imprévisible et extérieur, et en se bornant à énoncer que l'incident de paiement avait été régularisé pour refuser à la SCI Cinéma Saint-Lazare Pasquier, bailleresse, le jeu de la clause résolutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1244-1 du code civil et de l'article L. 145-41 du code du commerce ;
Mais attendu que saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a le pouvoir de suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant elle-même des délais ; qu'ayant souverainement retenu que l'attitude de la bailleresse, qui n'avait pas apuré annuellement le montant des charges comme le prévoyait le bail et réclamé en une seule fois le montant des charges correspondant à plus de quatre années de location, justifiait que soient accordés à la locataire de larges délais de paiement et que soit suspendue la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui a constaté que la locataire s'était acquittée de l'intégralité des sommes dues dans le délai, a, par ces seuls motifs et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, décidé à bon droit que la clause résolutoire n'avait pas trouvé à s'appliquer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de retenir le principe d'une indemnité d'éviction au bénéfice de la locataire et d'ordonner une expertise sur son montant, alors, selon le moyen, que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; que, pour déclarer recevable la demande de la société Bastille Saint-Antoine en paiement d'une indemnité d'éviction, présentée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a considéré que celle-ci était la conséquence de la contestation du congé sans offre d'indemnité d'éviction devant le tribunal de grande instance ; qu'en statuant de la sorte quand la contestation du congé avait pour finalité que le bail se poursuive de sorte que la demande poursuivant l'octroi d'une indemnité d'éviction, laquelle supposait la fin des relations contractuelles, était une prétention nouvelle, la cour d'appel a violé les article 564, 565 et 566 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'existait aucun motif grave justifiant un refus d'indemnité d'éviction, la cour d'appel, qui a exactement retenu que la demande en paiement d'une indemnité d'éviction était la conséquence de la demande de la locataire contestant le congé avec refus de renouvellement et refus de paiement d'une indemnité d'éviction, en a déduit à bon droit que la demande en paiement de cette indemnité était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société Bastille Saint-Antoine qui n'est qu'éventuel ;
REJETTE le pourvoi ;