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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 29 septembre 2010, n° 09/14747

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

A. BENIDIR, N. BENIDIR

Défendeur :

A. HENRIOT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame BARTHOLIN

Conseillers :

Madame IMBAUD-CONTENT, Madame DEGRELLE-CROISSANT

Avoués :

SCP BLIN, SCP NARRAT - PEYTAVI

Avocats :

Me Jean Pierre BERTHILIER, Me Antoine ATTIAS

BOBIGNY, du 06 Mai 2009

6 mai 2009

Faits et procédure :

Suivant acte sous seing privé en date du 25 juin 2005, Monsieur Henriot a consenti à Messieurs Abdelmadjid et Nacer BENIDIR un bai commercial portant sur des locaux à usage de marchand de vins, cafetier , restaurant situés [...] ainsi désignés : au rez- de- chaussée, une boutique, salle de café et water- closets, salle à manger et cuisine et au premier étage une appartement composé de trois pièces , débarras, petite chambre de bonne et WC et au sous soltrois compartiments, eau, gaz, électricité, tout à l'égout,

Le 7 mai 2008, un incendie a détruit la totalité du local commercial du rez de chaussée et la bailleur a sollicité en conséquence la résiliation du bail , ce à quoi les consorts BENIDIR se sont opposés au motif que la destruction des locaux n'était pas totale ;

Par jugement du 6 mai 2009, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

-constaté la résiliation du bail commercial consenti à Messieurs BENIDIR et en conséquence ordonné leur expulsion des lieux et la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant s'y troiuver.

-condamné Messieurs Benidir à régler à monsieur Henriot jusqu'à la libération effective des lieux une indemnité d'occupation équivalente au tiers du loyer antérieur,

-condamné Messieurs Benidir à verser à monsieur Henriot une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens ;

-ordonné l'exécution provisoire.

Messieurs Abdelmadjid et Nacer Benidir ont interjeté appel de cette décision ; ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de dire et juger que la destruction des locaux sis à [...] par suite de l'incendie ne s'est pas traduite par l'impossibilité absolue et définitive d'user de la chose louée, ni par la nécessité d'effectuer des travaux dont le cour dépasserait la valeur vénale au sens de l'article 1722 du code civil ;

Ils demandent de débouter Monsieur Henriot de ses demandes, de le condamner à leur payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de la scp Blin avoué sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur Henriot conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation du bail de plein droit et ordonné l'expulsion de Messieurs BENIDIR des lieux et condamné ceux ci à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et demande à la cour, infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, de condamner Messieurs Abdelmadjid et Nacer BENIDIR à lui régler une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer antérieur augmenté des charges, de les condamner à lui payer une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de la scp Narrat Peytaviavoués prés de la cour en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 29 octobre 2009 pour Messieurs Abdelmadjid et Nacer Benidir ; le 5 janvier 2010 pour Monsieur Henriot ; leurs moyens seront examinés au cours de la discussion,

MOTIFS

Pour s'opposer à la résiliation du bail demandée par le bailleur, les locataires les consorts Benidir font valoir que la destruction des locaux consécutive à l'incendie survenu en mai 2008 n'est pas totale au sens de l'article 1722 du code civil puisque celle-ci suppose l'impossibilité absolue et définitive d'user de la chose louée conformément à sa destination ou la nécessité d'effectuer des travaux dépassant la valeur vénale de la chose louée , qu'en l'espèce, l'assureur des locataires a accepté de prendre en charge les conséquences du sinistre , le coût des travaux demeurant inférieur à la fois à la valeur vénale du l'immeuble et du fonds de commerce , étant relevé que l'incendie n' a détruit que partiellement la salle de café, sans affecter l'arrière salle, la réserve, la cuisine, la salle à manger et l'appartement de trois pièces situé au premier étage , que si la jouissance des lieux ne peut se poursuivre immédiatement après l'incendie, la reprise de l'exploitation pouvait s'envisager dans un délai raisonnable de trois à quatre mois , temps nécessaire à la réalisation des travaux de remise en état.

Or l'application de l'article 1722 du code civil n'est pas subordonnée à la destruction totale de la chose louée ; est en effet assimilée à la perte totale de la chose louée bien que la destruction n'en est que partielle, le fait qu'elle ne puisse plus servir à l'usage auquel elle est destinée ;

Les consorts Benidir ne contestent pas à cet égard que l'incendie a détruit entièrement les deux salles du rez- de- chaussée servant de bar et restaurant, ne préservant que la réserve ,l'arrière- salle et l'appartement du premier étage et rendant désormais impossible l'exploitation commerciale des lieux conformément à leur destination ;

Faisant néanmoins valoir que la réalisation de travaux d'un coût inférieur à la valeur vénale du fonds pouvait être réalisée dans un délai assez court pour permettre la reprise de l'exploitation, ils n'en font cependant pas la démonstration dés lors qu'est produit le seul avis de leur propre assureur concernant les travaux d'embellissement (plâtrerie, carrelage, électricité, menuiserie, stores d'un montant total de .. 98 972 euros) lequel fait certes figurer le montant des travaux relatifs à l'immeuble pour lequel les assureurs du propriétaire sont intervenus, sans qu'il soit établi que cette dernière somme de 59 728 euros ait fait l'objet d'une acceptation de sorte que le coût global de l'opération n'est pas parfaitement connue ;

Ils ne produisent au surplus aucune estimation de la durée des travaux ou de la valeur vénale du fonds même si la proposition par les experts de réparations à la chose louée laisse présumer que leur montant est inférieur à la valeur du fonds.

En conséquence , ils n'apportent pas la preuve que contrairement aux constatations du procès-verbal d'huissier du 4 juillet 2008 produit par le bailleur laissant apparaître l'état des destruction totale des salles servant à la réception de la clientèle, les locaux seraient comme ils le soutiennent aisément réparables dans un délai relativement court.

Il s'ensuit qu'à bon droit, les premiers juges ont estimé que la résiliation de plein droit du bail était justifiée par l'avènement du cas fortuit que constitue l'incendie.

Ayant signifié le jugement dont appel le 27 mai 2009 et repris les locaux le 29 juillet 2009, Monsieur Henriot invoque qu'il a subi un préjudice résultant de l'occupation indue des lieux par les consorts BENIDIR et qui n'est pas suffisamment réparé par ce que lui a alloué le premier juge ;

Or du procès-verbal dit de 'reprise des lieux ' dressé par huissier du justice le 29 juillet 2009, il résulte que les locaux sont vides de tout occupant ainsi que le démontre la série de clichés prise par l'huissier ; dénonçant ce procès- verbal, l'huissier indique le 30 juillet 2009 que le café est fermé et vide de tout occupant et une voisine lui déclare que les consorts Benidir sont partis depuis plus d'un an ;

Le bail ayant pris fin par l'effet du cas fortuit constitué par l'incendie survenu en mai 2008, le bailleur ne justifie pas que le délai qui s'est écoulé entre l'incendie et le procès verbal du 29 juillet 2009 résulte d'une occupation indue des lieux par les consorts Benidir après l'incendie alors que le précédent procès- verbal de constat d'huissier dressé le 4 juillet 2008 à l'initiative du bailleur relate que les locaux du premier étage sont en cours de renovation et apparemment inoccupés ainsi que le laissent apparaître les photographies jointes au constat, que l'en tète du jugement du 6 mai 2009 laisse figurer que les consorts Benidir résidaient durant la procédure à une autre adresse que celle du bail soit [...] et que le bailleur ne justifie d'aucun commandement adressé aux consorts Benidir avant le 22 juillet 2009, date à laquelle un commandement leur a été signifié à leur adresse [...] certifiée par le préposé de la poste ;

Il s'ensuit qu'il n' y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnisation du bailleur sous la forme d'une indemnité d'occupation mise à la charge des locataires ;

Les consorts BENIDIR supporteront les entiers dépens .

Il convient de confirmer l'indemnité allouée à Monsieur Henriot sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance sans qu'il y ait lieu de faire application dudit article en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le bail était résilié de plein droit et ordonné l'expulsion des preneurs les consorts Benidir ainsi que la séquestration de leur mobilier et des objets leur appartenant qui seraient dans les lieux , en ce qu'il a condamné les consorts Benidir aux dépens et à payer à Monsieur Henriot une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

Réformant et ajoutant,

Déboute Monsieur Henriot de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation,

Condamne les consorts BENIDIR aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Narrat Peytavi avoués et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.