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Décisions

Cass. crim., 3 avril 1991, n° 89-86.756

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Capron

Fort-de-France, ch. corr., du 9 nov. 198…

9 novembre 1989

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 175 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable d'ingérence et l'a, en conséquence, condamné pénalement et civilement ;

" aux motifs qu'il est constant que, de mars à décembre 1986, tout au long de la procédure de vérification, X..., fonctionnaire de l'Etat, a effectué des actes de surveillance sur la comptabilité de l'entreprise de Y... et sur la situation fiscale de celui-ci ;

" qu'il est également constant qu'en contractant une promesse de vente avec ce dernier et en recevant des sommes d'argent en contrepartie, X... a pris un intérêt dans une affaire soumise à sa surveillance, ce qu'il ne pouvait ignorer ;

" alors que, d'une part, l'incrimination édictée par l'article 175 du Code pénal, ayant essentiellement pour finalité tant d'éviter les abus de fonctions que de garantir les autorités publiques de l'exécution impartiale par ses agents de leur mission, ne saurait être retenue qu'en cas de prise d'intérêt dans une affaire dont cet agent avait la surveillance, ce qui suppose nécessairement l'existence d'une interférence possible entre cette prise d'intérêt et la nature de cette mission, élément qui, en l'état des énonciations des juges du fond, ne se trouvait nullement caractérisé en l'espèce dans la mesure où la promesse de vente consentie par X... était totalement étrangère aux opérations de vérification et n'était pas susceptible d'avoir une incidence sur celle-ci de sorte qu'en l'état de ces constatations la Cour n'a nullement établi l'élément matériel du délit retenu à l'encontre de X... ;

" alors que, d'autre part, en tout état de cause, le délit incriminé par l'article 175 du Code pénal supposant que l'acte incriminé ait été commis au temps où son auteur était chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise considérée, la Cour, qui a retenu cette infraction à l'encontre de X... en raison notamment de la perception par celui-ci d'une somme de 25 000 francs en décembre 1986, tout en constatant elle-même que les opérations de contrôle dont était chargé X... avaient pris fin en juillet 1986, n'a dès lors pas légalement justifié sa déclaration de culpabilité de ce chef " ;

Attendu que, pour condamner Gérard X... du chef d'ingérence, la cour d'appel relève, tant par motifs propres que par motifs adoptés, que le prévenu, inspecteur des Impôts, ayant, dans le cadre de ses fonctions, un pouvoir de surveillance et de contrôle, ne pouvait être à la fois l'agent de l'Administration, donc indépendant, et le conseil d'un contribuable qu'il venait de vérifier ; qu'elle ajoute que le prévenu a commis un acte d'ingérence en s'engageant, moyennant rémunération, à faire toute réclamation en vue d'obtenir un allégement d'impôts ;

Attendu qu'en statuant ainsi et nonobstant tous autres motifs erronés mais surabondants, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit reproché ; que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir relaxé Y... du chef de complicité d'ingérence, a déclaré recevable sa constitution de partie civile et a condamné X... à lui verser diverses sommes en réparation de son prétendu préjudice ;

" aux motifs qu'aucun élément de l'espèce n'établit que Y... ait assisté X... ou favorisé une caution qui ne pouvait que léser ses propres intérêts ;

" que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu que Y... avait accepté les versements sollicités contre une hypothétique réduction de redressement à laquelle il s'attendait ;

" qu'il doit être renvoyé des fins de la poursuite et qu'il est donc parfaitement recevable en sa constitution de partie civile et en sa demande de réparation ;

" alors que, le préjudice résultant de la participation à un concert frauduleux ne pouvant donner lieu à réparation quand bien même aucune poursuite pénale n'aurait été intentée à l'encontre de celui qui s'en prévaut, la Cour, qui a elle-même constaté que Y... soutenait qu'il avait décaissé la somme de 100 000 francs en contrepartie de l'engagement par X... de l'assister dans ses démarches administratives en vue de minorer le redressement qui lui avait été notifié, ce qui établissait l'existence d'un concert frauduleux, ne pouvait, sans entacher sa décision tant de contradiction que d'insuffisance, affirmer ainsi que rien n'établissait que Y... ait accepté les versements sollicités contre une hypothétique réduction de redressement et faire droit par voie de conséquence à sa demande de réparation " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que l'action civile n'est ouverte qu'à la personne qui a souffert personnellement et directement de l'infraction ;

Attendu qu'après avoir déclaré X... coupable du délit d'ingérence et relaxé Y... poursuivi en qualité de complice et pour faire droit à la demande de ce dernier, constitué partie civile, qui réclamait le remboursement de la somme de 125 000 francs qu'il avait versée au prévenu en contrepartie de l'engagement de ce dernier de lui servir de conseil auprès de l'administration fiscale, les juges d'appel se bornent à énoncer que la partie civile était recevable en sa constitution dès lors que sa complicité dans le délit d'ingérence avait été écartée ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi sans caractériser un lien de causalité directe entre le préjudice allégué et l'infraction d'ingérence retenue, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de cette décision ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, du 9 novembre 1989, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée.