Cass. crim., 22 octobre 2008, n° 08-82.068
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
M. Rognon
Avocat général :
M. Fréchède
Avocat :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de prise illégale d'intérêts et les a condamnés pénalement ;
" aux motifs que, dans le cas présent, il est établi que les quatre prévenus étaient des élus municipaux de la ville de Bagneux, donc disposant d'un mandat électif ; chacun d'eux exerçait, par ailleurs, au sein de différentes associations municipales la fonction de président et avaient en leur qualité d'élu, l'obligation impérieuse de veiller à la parfaite neutralité des décisions d'allocation de subventions ; qu'en participant aux votes ou aux délibérations concernant les subventions allouées par la commune à leurs différentes associations, chacun participait ou pouvait participer nécessairement à une rupture de neutralité à l'égard du secteur associatif relevant de la commune et se rendait coupable d'une prise illégale d'intérêt ; que cette infraction qualifiée délit d'obstacle ne nécessite pas que le coupable comme c'est le cas en l'espèce, ait retiré de l'opération prohibée un bénéfice quelconque, ni que la collectivité ait souffert quelque préjudice ; qu'il s'ensuit que la matérialité du délit est constituée ; que, sur l'élément moral, l'article 432-12 du code pénal n'exige aucun dol spécial, ce qui implique que seul le dol général est nécessaire et que l'intention coupable est caractérisée par le seul fait que l'auteur a accompli sciemment l'acte constituant la matérialité du délit de prise illégale d'intérêt ; qu'en sa qualité d'élu, chacun des prévenus savait nécessairement qu'en participant à une délibération ou à un vote concernant son association, il pouvait favoriser cette dernière au détriment des autres associations ;
" alors que la prise illégale d'intérêts implique que l'agent public ou l'élu visé par l'article 432-12 du code pénal prenne ou conserve au moment de l'acte de la fonction un intérêt dans l'entreprise ou l'opération qu'il est chargé de surveiller ou d'administrer ; que, dès lors, la cour d'appel qui constate seulement que les prévenus ont participé aux délibérations ayant permis d'attribuer des subventions aux associations qu'ils présidaient, ce qui portait atteinte à la neutralité dans l'attribution des subventions, sans constater quel intérêt ils avaient pris dans l'opération en question, n'a pas caractérisé le délit de prise illégale d'intérêt ;
" alors que, par ailleurs, l'intérêt visé par l'article 432-12 du code pénal doit être distinct de l'intérêt général ; qu'en considérant que l'infraction avait été commise parce que les prévenus étant les présidents d'associations qui fonctionnaient grâce à des subventions accordées par le conseil municipal auquel ils appartenaient, il était porté atteinte à la nécessaire neutralité dans la décision publique, alors que cet objectif de la loi n'est pas un élément constitutif de délit et sans rechercher si ces associations servaient un intérêt distinct de l'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors qu'en tout état de cause, dans les conclusions déposées pour les prévenus, il était soutenu que ceux-ci n'avaient pris aucun intérêt, distinct de l'intérêt général, dans les associations en cause ou dans les opérations de subventions qui avaient été accordées à celles-ci, dès lors que ces associations servaient des objectifs d'intérêt communal ou inter-communal et étaient présidées par les prévenus en leur qualité de maire, adjoint ou conseiller municipal, et dès lors que ces élus ne percevaient aucune rémunération pour leur activité au sein de ses associations ; que, faute d'avoir répondu à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ;
" alors qu'elle devait d'autant plus répondre à ce chef péremptoire de conclusions pour les élus dont il était indiqué qu'ils présidaient les associations en question en qualité d'élus, en vertu des statuts des associations en question ;
" alors qu'enfin, la cour d'appel n'a même pas répondu au chef péremptoire de conclusions selon lequel l'association présidée par le maire de la commune se rattachait sans conteste à un service d'intérêt public, dès lors qu'elle avait pour objet l'insertion des jeunes de deux communes, qu'elle était essentiellement composée de membres de collectivités territoriales, de représentants du département, de la région et de l'Etat et de personnes choisies par les représentant des deux communes, et dès lors que le maire en était président du fait de sa qualité et ne percevait aucune rémunération pour son activité dans ladite association ; que, faute d'avoir envisagé ce moyen de défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Janine X..., Jean-Luc Z..., Christian A... et Yves Y..., respectivement maire, maires adjoints et conseiller municipal de la ville de Bagneux, ont participé aux délibérations et pris part aux votes attribuant des subventions aux associations municipales ou intercommunales qu'ils présidaient ;
Attendu que, pour les déclarer coupables de prise illégale d'intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que les prévenus, élus municipaux, détenant un mandat électif et des fonctions de président d'associations, sont soumis à l'obligation de veiller à la parfaite neutralité des décisions d'attribution des subventions à ces associations ; que les juges ajoutent que l'infraction est constituée même s'il n'en résulte ni profit pour les auteurs ni préjudice pour la collectivité et retiennent que le dol général caractérisant l'élément moral du délit résulte de ce que l'acte a été accompli sciemment ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect, pris par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations qu'ils président entre dans les prévisions de l'article 432-12 du code pénal ; qu'il n'importe que ces élus n'en aient retiré un quelconque profit et que l'intérêt pris ou conservé ne soit pas en contradiction avec l'intérêt communal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.