CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 juillet 2022, n° 21/01976
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Anciens Etablissements Lucien Geismar (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lehmann
Conseillers :
Mme Marcade, Mme Bohee
Avocats :
Me Hardouin, Me Philippot, Me Pelit-Jumel, Me de Marcellus
Vu le jugement contradictoire rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, Vu l'appel interjeté le 28 janvier 2021 par M. [Y], Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 mars 2021 par M. [Y], appelant et intimé incident, Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 février 2022 par la société des Anciens Établissements Lucien Geismar, intimée et appelante incidente, Vu l'ordonnance de clôture du 10 février 2022. SUR CE, LA COUR, Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties. M. [Y], embauché depuis le 1er juin 1988 en qualité de cadre technique (ingénieur) par la société des Anciens Établissements Lucien Geismar (la société' Geismar), spécialisée en matière de transport ferroviaire (pose, renouvellement, maintenance et contrôle des voies ferrés), y a exercé' du 11 septembre 2013 jusqu'à son licenciement, le 14 juin 2017, la fonction de «responsable bureau d'études» avec une mission inventive permanente résultant de son contrat de travail et de ses fonctions effectives d'études et de recherches. Il revendique être l'auteur de douze inventions et a, par lettre du 12 octobre 2017, sollicité son employeur aux fins de paiement de Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI rémunérations supplémentaires à ce titre. Estimant insuffisantes les offres de rémunérations supplémentaires qui lui ont été faites le 14 décembre 2017, il a par acte du 5 juillet 2018 fait assigner devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris, la société Geismar pour obtenir le paiement de rémunérations supplémentaires qu'il estime lui revenir. Par ordonnance du 13 septembre 2019, le juge de la mise en état a rejeté la demande de M. [Y] tendant à l'organisation d'une expertise. Le jugement dont appel a : - déclaré recevables les demandes en rémunération supplémentaire formées par M. [I] [Y], - débouté M. [I] [Y] de ses prétentions, au titre des inventions non brevetées : - invention n° 9 : Bogie de reprise de charge (enveloppe Soleau du 25 mars 2014) ; - invention n°10 : Dispositif de contrôle du travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires (enveloppe Soleau du 21 novembre 2013) ; - invention n° 11 : Dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portique de pose de voies ferroviaires (document de travail de Monsieur [Y] du 26 février 2015) ; - invention n°12 : Dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction goniométrique d'une voie ferroviaire par une bourreuse de ballast (document de travail de M. [Y] du 9 juin 2016), - condamné la société Geismar à payer à M. [I] [Y]: -la somme de 1.500 euros, au titre de l'invention brevetée n° 1 : Brevet FR 2 998 310 déposé le 16 novembre 2012, - la somme de 2.000 euros, au titre de l'invention brevetée n° 2 : Brevet FR 2 820 764 déposé le 14 février 2001, - la somme de 1.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 3 : Brevet FR 3 013 300 déposé le 20 novembre 2013, - la somme de 2.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 4 : brevet FR n° 3 046 588, déposé le 07 janvier 2016 Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI - la somme de 1.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 5 : FR 3 057 278 déposé le 06 octobre 2016, - la somme de 2.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 6 : FR 3 057 279 déposé le 11 octobre 2016, -la somme de 1.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 7 : brevet FR 2 997 709 déposé le 08 novembre 2012, - la somme de 1.000 euros, au titre de l'invention brevetée n° 8 : brevet FR 2 805 550 déposé le 29 février 2000, soit au total la somme de 11.500 euros, - condamné la société Geismar aux dépens, - condamne la société Geismar à payer à M. [I] [Y] la somme de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire. M. [Y] a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions sollicite de la cour de : - confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 18 décembre 2020 (RG n°18/08302) en ce qu'il a : - déclaré recevable ses demandes en rémunération supplémentaire ; - condamné la société Geismar aux dépens et à payer à [I] [Y] la somme de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 18 décembre 2020 (RG n°18/08302) en ce qu'il a : - débouté [I] [Y] de ses prétentions, au titre des inventions non brevetées : invention n°9 : Bogie de reprise de charge (enveloppe Soleau du 25 mars 2014) ; invention n°10 : Dispositif de contrôle du travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires (enveloppe Soleau du 21 novembre 2013) ; invention n°11 : Dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portique de pose de voies ferroviaires (document de travail de Monsieur [Y] du 26 février 2015) ; Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI invention n°12 : Dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction géométrique d'une voie ferroviaire par une bourreuse de ballast (document de travail de Monsieur [Y] du 9 juin 2016), - limité la condamnation de la société Ancien Établissements Lucien Geismar à payer à [I] [Y] : La somme de 1.500 euros, au titre de l'invention brevetée n° 1 : Brevet FR 2 998 310 déposé le 16 novembre 2012, La somme de 2.000 euros, au titre de l'invention brevetée n° 2 : Brevet FR 2 820 764 déposé le 14 février 2001, La somme de 1.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 3 : Brevet FR 3 013 300 déposé le 20 novembre 2013, La somme de 2.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 4 : Brevet FR n°3 046 588, déposé le 07 janvier 2016 La somme de 1.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 5 : FR 3 057 278 déposé le 06 octobre 2016, La somme de 2.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 6 : FR 3 057 279 déposé le 11 octobre 2016, La somme de 1.000 euros au titre de l'invention brevetée n° 7 : Brevet FR 2 997 709 déposé le 08 novembre 2012, La somme de 1.000 euros, au titre de l'invention brevetée n° 8 : Brevet FR 2 805 550 déposé le 29 février 2000, soit au total la somme de 11.500 euros, En conséquence statuant à nouveau : - dire et juger la demande de [I] [Y] recevable et bien fondée ; - juger qu'il est l'auteur de toutes les inventions dont il réclame le versement d'une rémunération supplémentaire : o Invention liée au brevet n°FR2998310 : «ensemble pour un dispositif de serrage d'un tendeur de rail» ; o Invention liée au brevet n°FR2820764 : «mécanisme de montée/descente pour unité de bourrage de ballast» ; o Invention liée au brevet n°FR3013300 : «passe-pédales ferroviaire pour véhicule ferroviaire» ; Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI o Invention liée au brevet n°FR3046588:«système de bridage d'un tronçon de voie ferrée, notamment d'un appareil de voie ferrée, sur au moins une plateforme de support d'un wagon de transport ferroviaire» ; o Invention liée au brevet n°FR3057278 : «système de chargement et de déchargement d'éléments de voies ferrées» ; o Invention liée au brevet n°FR3057279 : «système de transport, de chargement et de déchargement de rails d'une voie ferroviaire» ; o Invention liée au brevet n°FR2997709 : «train de chargement et de transport » ; o Invention liée au brevet n°FR2805550:«unité de bourrage de ballast de voies de chemin de fer» ; o Invention : «Bogie de reprise de charge» ; o Invention : «Dispositif de contrôle de travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires» ; o Invention : «Dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portiques de pose de voies ferrées» ; o Invention : «Dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction géométrique d'une voie ferroviaire par une bourreuse de ballast». - condamner la société Geismar à lui verser au titre des rémunérations supplémentaires dues pour les inventions brevetées sous les numéros ci-dessous mentionnés, les sommes suivantes : o 20.000 euros pour l'invention liée au brevet n°FR2998310 et ses dépôts au niveau international o 40.000 euros pour l'invention liée au brevet n°FR2820764 et son dépôt au niveau européen o 20.000 euros pour l'invention liée au brevet n°FR3013300 o 40.000 euros pour l'invention liée au brevet n°FR3046588 o 40.000 euros pour l'invention liée au brevet n°FR3057278 et son dépôt au niveau international o 40.000 euros pour l'invention liée au brevet n° FR3057279 et son Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI dépôt au niveau international o 30.000 euros pour l'invention liée au brevet n° FR2997709 et ses dépôts au niveau international et européen o 20.000 euros pour l'invention liée au brevet n° FR2805550 et ses dépôts au niveau international et européen. - condamner la société Geismar à lui verser au titre des rémunérations supplémentaires pour les inventions brevetables les sommes suivantes : o 15.000 euros au titre de l'invention « bogie de reprise de charge » ; o 15.000 euros au titre de l'invention « Dispositif de contrôle de travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires » ; o 15.000 euros au titre de l'invention « dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portiques de pose de voies ferrées » ; o 15.000 euros au titre de l'invention « dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction géométrique d'une voie ferroviaire par une bourreuse de ballast ». - condamner la société Geismar à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par ses dernières conclusions la société Geismar demande à la cour de : A titre principal - infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'irrecevabilité tenant à la prescription de certaines demandes de rémunération supplémentaire de M. [Y], Statuant à nouveau, - juger que les demandes de M. [Y] sur les inventions suivantes sont prescrites : -invention brevetée n° 1 : Brevet FR 2 998 310 déposé le 16 novembre 2012, Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI - invention brevetée n° 2 : Brevet FR 2 820 764 déposé le 14 février 2001, - invention brevetée n° 3 : Brevet FR 3 013 300 déposé le 20 novembre 2013, - invention brevetée n° 7 : Brevet FR 2 997 709 déposé le 08 novembre 2012, - invention brevetée n°8 : Brevet FR 2 805 550 déposé le 29 février 2000, - invention non brevetée n°9 : Bogie de reprise de charge (Enveloppe Soleau du 25 mars 2014) - invention non brevetée n°10 : Dispositif de contrôle du travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires (Enveloppe Soleau du 21 novembre 2013) - invention non brevetée n°11 : Dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portique de pose de voies ferroviaires (Document de travail de Monsieur [Y] du 26 février 2015) - débouter M. [Y] de ses demandes concernant les inventions précitées. A titre subsidiaire, pour les demandes prescrites et à titre principal pour les autres demandes : - confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes concernant les inventions suivantes car non brevetables : - invention non brevetée n° 9 : Bogie de reprise de charge (enveloppe Soleau du 25 mars 2014) - invention non brevetée n°10 : Dispositif de contrôle du travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires (enveloppe Soleau du 21 novembre 2013) - invention non brevetée n°11 : Dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portique de pose de voies ferroviaires (document de travail de M. [Y] du 26 février 2015) - invention non brevetée n°12 : Dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction géométrique d'une voie ferroviaire par une bourreuse de ballast Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI (document de travail) - confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la rémunération supplémentaire de Monsieur [Y] à la somme totale de 11.500 euros, ventilée entre les diverses inventions brevetées analysées et numérotées n°1 à 8, ' invention brevetée n° 1 : Brevet FR 2 998 310 déposé le 16 novembre 2012, ' invention brevetée n° 2 : Brevet FR 2 820 764 déposé le 14 février 2001, ' invention brevetée n° 3 : Brevet FR 3 013 300 déposé le 20 novembre 2013, ' invention brevetée n° 4 : Brevet FR 3 046 588 déposé le 6 octobre 2016, ' invention brevetée n° 5 : Brevet FR 3 057 278 déposé le 6 octobre 2016, ' invention brevetée n° 6 : Brevet FR 3 057 279 déposé le 11 octobre 2016, ' invention brevetée n° 7 : Brevet FR 2 997 709 déposé le 08 novembre 2012, ' invention brevetée n° 8 : Brevet FR 2 805 550 déposé le 29 février 2000, - condamner M. [Y] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Sur la prescription des demandes en paiement Les deux premiers alinéas de l'article L 611-7 du code de la propriété intellectuelle dans leur version en vigueur entre le 8 février 1994 et le 8 août 2015 disposent que : « Si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après : 1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail ». La loi du 6 août 2015 a modifié la rédaction de cet article en ajoutant une obligation d'information à la charge de l'employeur insérée au paragraphe 1. ci-dessus cité et rédigée comme suit : « L’employeur informe le salarié auteur d'une telle invention lorsque cette dernière fait l'objet du dépôt d'une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre ». La cour précise que le droit à rémunération supplémentaire prévu par l'article sus-cité existe depuis le 28 novembre 1990, une telle rémunération supplémentaire n'étant auparavant que facultative. L'article 2224 du code civil prévoit que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». De 2008 à 2013, les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail prévoyaient que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil ». Cet article a été modifié par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et se lit désormais ainsi : « L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ». Cette prescription spéciale s'applique aux rémunérations supplémentaires dues aux salariés du fait de l'invention de brevets qui revêtent une nature salariale. Avant cette date, la prescription était de 5 ans. Il n'est pas discuté que les inventions dont M. [Y] se dit l'auteur sont des inventions de mission, le contrat de travail de M. [Y] prévoyant une mission inventive mais ne précisant pas les modalités particulières d'application de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle. La société Geismar fait valoir que le droit à rémunération supplémentaire du salarié prend naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable et que compte tenu des fonctions salariales de M. [Y], celui-ci avait connaissance des activités de recherche et développement de la société et de leur valorisation ainsi que des critères lui permettant de savoir qu'il pouvait solliciter une rémunération supplémentaire. Elle considère alors que la prescription de son action en paiement d'une rémunération supplémentaire a Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI commencé à courir le jour de la réalisation des inventions et que M. [Y] disposait de toutes les données lui permettant de procéder à une évaluation approximative du montant de sa rémunération. Elle en déduit que les demandes en paiement de M. [Y] sont prescrites pour huit inventions les délais de 5 ans ou de 3 ans selon les dispositions applicables étant écoulés au jour de l'assignation en date du 5 juillet 2018. M. [Y] réplique que les règles de la prescription invoquées par son ancien employeur ne sont pas applicables car il n'a jamais eu connaissance des éléments sur lesquels se fondait celui-ci pour calculer les rémunérations supplémentaires. Ainsi que le relève pertinemment le tribunal, la prescription court notamment lorsque le salarié avait connaissance des éléments lui permettant, non pas de déterminer sa créance en son montant, mais de l'évaluer, ce qui est apprécié au regard d'une analyse in concreto du contexte dans lequel se trouve l'employé. M. [Y] était responsable de bureau d'études puis responsable recherche et développement au sein de la société Geismar. Ces emplois lui permettaient donc d'avoir accès aux informations lui permettant d'exercer son action au titre de la rémunération supplémentaire. Il ressort de la lettre qu'il a écrite le 22 août 2001 au responsable du personnel (pièce 20 Geismar) qu'il connaissait l'article 26 de la convention de la métallurgie, qui n'est pas fourni au débat, mais dont il n'est pas discuté qu'il concerne les inventions de salariés. Il n'est pas non plus discuté que cet article 26 de la convention de la métallurgie subordonne la rémunération supplémentaire du salarié aux inventions qui présentent pour l'entreprise un intérêt exceptionnel sans commune mesure avec le salaire de l'inventeur. Or, ces dispositions qui ont pour effet de restreindre les droits que le salarié tient de la loi et qui sont contraires à la règle d'ordre public posée par l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle doivent être considérées comme non écrites. De même, le courriel du 31 mars 2015 adressé par M. [Y] à M. [H] dans lequel il précisait avoir « proposé quelques solutions brevetables et le résultat de tout cet investissement est aujourd'hui une augmentation de 2%» remarque réitérée dans le compte-rendu d'entretien du 30 juillet 2015, ne démontre pas que la société a mis en place une rémunération supplémentaire spécifique aux inventeurs sous la forme d'une prime globale dont a eu connaissance M. [Y], la remarque ne visant que l'augmentation annuelle que celui-ci trouve insuffisante en raison des apports qu'il fait à la société notamment en matière d'innovation. Il ressort de ce qui précède que le contrat de travail de M. [Y] ne prévoit Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI pas les modalités de détermination de la rémunération supplémentaire, qu'aucun dispositif spécifique interne concernant la rémunération supplémentaire n'a été mis en place au sein de la société Geismar, que M. [Y] n'a pas perçu de primes liées aux inventions dont il était l'auteur et qu'il n'avait donc pas connaissance des faits lui permettant d'exercer son action en l'absence de disposition individuelle ou de procédure interne à l'entreprise accessible au salarié qui lui permette d'être informé et d'exercer son droit. La fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Geismar doit en conséquence être rejetée. Le jugement doit être confirmé de ce chef. Sur la rémunération supplémentaire Il convient à titre de liminaire de relever que le contrat de travail liant la société Geismar à M. [Y] ne prévoit pas les modalités de fixation de la rémunération supplémentaire du salarié auteur d'une invention appartenant à l'employeur, qu'aucun accord d'entreprise n'existe, que l'article 26 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadre de la métallurgie du 13 mars 1972 doit être réputé non écrit ainsi qu'il résulte de ce qui précède, et que la commission de conciliation n'a pas été saisie. En conséquence, il appartient au tribunal judiciaire et désormais à la cour de fixer cette rémunération. Les inventions non brevetées Selon les dispositions précitées de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, les inventions réalisées par le salarié dans le cadre de son contrat de travail comportant une mission inventive ouvrent droit à une rémunération supplémentaire pour le salarié à condition que l'invention soit brevetable. M. [Y] réclame une rémunération supplémentaire pour les inventions suivantes qui n'ont pas fait l'objet d'un dépôt de brevet : o Invention : « Bogie de reprise de charge » ; o Invention : « Dispositif de contrôle de travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires » ; o Invention: « Dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portiques de pose de voies ferrées » ; o Invention : « Dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction géométrique d'une Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI voie ferroviaire par une bourreuse de ballast ». M. [Y] doit en conséquence démontrer que ces inventions sont brevetables en application du Livre 6 du code de la propriété intellectuelle à savoir que ces inventions sont nouvelles, impliquent une activité inventive et sont susceptibles d'application industrielle. S'agissant du bogie de prise en charge (invention n°9), la circonstance que la société Geismar a confié à M. [Y] le développement de ce projet et a déposé une enveloppe Soleau ne suffit pas à démontrer la brevetabilité de cette invention, l'enveloppe Soleau étant seulement un moyen de preuve conférant date certaine au document qu'elle renferme. Le fait que le système a été développé pour un marché en Malaisie, à supposer démontré, n'est pas plus pertinent. Il en va de même du dispositif de sécurisation d'un chemin de roulement auxiliaire pour portiques de pose de voies ferrées (invention n°11), M. [Y] invoquant les mêmes arguments tenant au travail que son employeur lui a confié et au dépôt d'une enveloppe Soleau, pour considérer cette invention brevetable. M. [Y] ne démontre pas plus que le dispositif de contrôle de travelage et du parallélisme des traverses adaptables à tous les palonniers hydrauliques de pose de traverses ferroviaires (invention n° 10) est brevetable, le dépôt d'une enveloppe Soleau le 21 novembre 2013 étant inopérant, comme le fait que ce dispositif a été étudié en suite d'une commande client. En outre, M. [Y] ne procède que par affirmations pour considérer que son invention est nouvelle par rapport à l'état de la technique citée par la société Geismar. Enfin, la brevetabilité du dispositif pour répondre aux exigences de vitesse de latence d'instruments de mesure type station total et permettre le suivi d'une cible de mesure pour contrôler la correction géométrique d'une voie ferroviaire par une bourreuse de ballast n'est pas plus établie par l'appelant qui se contente de soutenir que la société Geismar reconnaît elle-même le caractère brevetable de l'invention puisqu'elle explique qu'il s'agit d'une idée innovante, alors que l'intimée conteste la brevetabilité de cette invention qui était au stade d'un projet peu abouti. Il ressort de ce qui précède que M. [Y] échoue à démontrer la brevetabilité des quatre inventions précitées pour lesquelles il réclame une rémunération supplémentaire importante. Ces demandes au titre des inventions non brevetées ont été à raison rejetées par le tribunal dont la décision sera confirmée de ce chef. Sur les inventions brevetées M. [Y] sollicite une rémunération supplémentaire pour huit inventions qui ont fait l'objet d'un dépôt de brevet par la société Geismar. Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI Il s'agit des brevets suivants : - invention brevetée n°1 : Brevet FR 2 998 310 déposé le 16 novembre 2012, 'invention brevetée n°2 : Brevet FR 2 820 764 déposé le 14 février 2001, 'invention brevetée n°3 : Brevet FR 3 013 300 déposé le 20 novembre 2013, 'invention brevetée n°4 : Brevet FR 3 046 588 déposé le 6 octobre 2016, 'invention brevetée n°5 : Brevet FR 3 057 278 déposé le 6 octobre 2016, 'invention brevetée n°6 : Brevet FR 3 057 279 déposé le 11 octobre 2016, 'invention brevetée n°7 : Brevet FR 2 997 709 déposé le 08 novembre 2012, 'invention brevetée n°8 : Brevet FR 2 805 550 déposé le 29 février 2000. Ainsi qu'il a été précédemment relevé, aucun cadre légal ou réglementaire n'existe en l'espèce pour déterminer la rémunération supplémentaire du salarié et la juridiction saisie, en l'absence de convention collective, accord d'entreprise ou dispositions du contrat de travail, doit prendre en considération non seulement l'intérêt économique de l'invention mais également la contribution de l'inventeur et les difficultés de mise au point de l'invention. Ainsi que le fait valoir M. [Y], il est fondé à réclamer une rémunération supplémentaire pour les inventions objets de brevets déposés par la société Geismar et cette dernière ne peut lui opposer l'absence d'intérêt économique de ces inventions pour tenter de réduire le plus possible la rémunération à acquitter alors que certains brevets sont maintenus en vigueur ce qui montre leur intérêt économique pour la société Geismar. Néanmoins, M. [Y] ne peut soutenir utilement que l'existence d'un bureau d'études au sein de la société Geismar qui ne travaillait que sur les commandes de clients montre que chaque invention réalisée par ce bureau avait un intérêt économique incontestable, alors que la satisfaction du client n'est pas assurée comme la marge réalisée par l'entreprise, la société Geismar affirmant sans être démentie que cette marge nette est faible car comprise entre 4 et 5%. Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI Si la société Geismar fait valoir que M. [Y] se désignait comme le seul inventeur dans les dépôts de brevet alors qu'il travaillait en équipe, elle ne démontre pas l'existence de co-inventeurs, l'attestation de son juriste qui indique s'être étonné que M. [Y] soit désigné en tant qu'unique inventeur étant insuffisante, comme les attestations de membres du bureau d'études qui témoignent de manière générale que le travail était collectif. L'invention n°1 concerne un ensemble pour un dispositif de serrage de tendeur de rail. Le brevet FR 2 998310 a été déposé le 16 novembre 2012. La société Geismar n'invoque pas utilement que celle-ci a été réalisée avec M. [T] du bureau de [Localité 4] aucun élément ne venant le démontrer. M. [Y] affirme qu'il a rencontré des difficultés de mise au point sans pourtant en rapporter la preuve. En revanche, comme relevé par le tribunal, il ressort de l'attestation de M. [W] que ce brevet n'a généré aucune vente ce quand bien même le brevet est maintenu en vigueur, et a fait l'objet de deux prototypes à destination de la Grande Bretagne où il n'a pas plus été l'objet de vente. Aussi c'est à raison que le tribunal a fixé la rémunération supplémentaire due à la somme de 1.500 euros. Le jugement mérite confirmation de ce chef. L'invention n° 2 a fait l'objet d'un dépôt du brevet FR 2 820 764 en date du 14 février 2001 et est intitulé mécanisme de montée descente pour unité de bourrage du ballast. Ce brevet n'est plus en vigueur depuis 2006 et M. [Y] ne fait pas état de difficultés particulières pour réaliser l'invention, se disant un grand spécialiste dans le domaine des machines de bourrage de ballast. Il ne démontre pas que ce dispositif équipe de nombreuses machines alors que la société Geismar n'en reconnaît que deux. C'est donc à raison que le tribunal a fixé la rémunération supplémentaire à la somme de 2.000 euros pour cette invention. Le jugement sera confirmé sur ce point. L'invention n°3 a fait l'objet d'un dépôt du brevet FR 3 013 300 déposé le 20 novembre 2013 et est intitulé passe pédale ferroviaire pour véhicule ferroviaire. Cette demande a été abandonnée par la société Geismar en suite du rapport de recherche qui concluait à l'absence de nouveauté de la revendication 1. M. [Y] procède à nouveau par affirmations quant à l'intérêt économique de l'invention ou les difficultés de sa mise au point, n'apportant au débat aucun élément pour établir ses dires. Le tribunal a pertinemment fixé la rémunération supplémentaire à la somme de 1.000 euros et la décision entreprise est confirmée à ce titre. L'invention n°4 concerne un système de bridage d'un tronçon de voie ferrée, notamment d'un appareil de voir ferrée, sur au moins une plateforme de support d'un wagon de transport ferroviaire. Cette invention a fait l'objet du brevet FR 3 046 588 déposé le 6 octobre 2016. Cette invention a été développée en réponse à un Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI appel d'offre de la SNCF pour lequel la société Geismar n'a pas été retenue. L'attestation de M. [W], directeur de l'offre de la société Geismar, en date du 3 janvier 2019 (pièce 28 Geismar) montre que ce brevet n'a été l'objet d'aucune vente mais a été maintenu en vigueur. M. [Y] affirme avoir rencontré des difficultés d'ordre technique dans la réalisation de l'invention mais n'étaye ses dires d'aucun élément. C'est donc à juste titre que le tribunal a fixé la rémunération supplémentaire à la somme de 2.000 euros et sera confirmé de ce chef. L'invention n°5 concerne un système de chargement et déchargement d'éléments de voie ferrée. Elle a fait l'objet d'un dépôt de brevet FR 3 057 278 en date du 6 octobre 2016. Selon la société Geismar ce dispositif est complexe et coûteux et a été développé dans une affaire spécifique (Eurotunnel) et n'a fait l'objet d'aucune commande. M. [Y] indique que la mise au point de ce dispositif n'a posé aucune difficulté. Au vu de ce qui précède, la rémunération supplémentaire fixée à la somme de 1.000 euros doit être approuvée. Le jugement sera confirmé de ce chef. L'invention n°6 porte sur un système de transport, de chargement et de déchargement de rails d'une voie ferroviaire. Le brevet concernant cette invention a été déposé le 11 octobre 2016 sous le n° FR 3 057 279. Ce brevet est maintenu en vigueur. Une extension internationale (PCT) de ce brevet a été demandée puis abandonnée en 2019 faute d'intérêt. Deux co-inventeurs sont désignés aux côtés de M. [Y], co-inventeurs injustifiés selon ce dernier. Néanmoins la circonstance que M. [Y] a été l'interlocuteur privilégié du cabinet de conseil en propriété industrielle n'exclue pas l'existence de co-inventeurs. Aussi, en considération de l'ensemble de ces éléments, la rémunération supplémentaire fixée à la somme de 1.000 euros par le tribunal doit être approuvée. Le jugement est confirmé de ce chef. L'invention n°7 concerne un train de chargement de transport et a fait l'objet d'un brevet FR 2 997 709 déposé le 08 novembre 2012. L'invention porte sur un train de chargement, transport, et déchargement de longs rails. Elle consiste à utiliser un monorail positionné en hauteur sur les wagons du train, afin de libérer de l'espace de rangement sur la plateforme des wagons. Le brevet français comme le brevet européen sont déchus depuis 2017 et la demande d'extension internationale a également été abandonnée. Cette invention n'a fait l'objet d'aucune vente comme en atteste M. [W]. Les affirmations de M. [Y] concernant l'intérêt économique de l'invention et les difficultés de mise au point ne sont étayées par aucune pièce. L'allocation de la somme de 1.000 euros à M. [Y] au titre de la rémunération supplémentaire est justifiée et le jugement confirmé à ce titre. L'invention n°8 objet du brevet FR 2 805 550 déposé le 29 février 2000 intitulé « Unité de bourrage de ballast de voies de chemin de fer » a également fait l'objet d'un dépôt de brevet européen EP 1 130 164 Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI délivré le 17 septembre 2003. Ces deux brevets ont été déchus le 31 octobre 2006, pour non-paiement de l'annuité, la société Geismar ayant décidé de l'abandonner. M. [Y] affirme sans le démontrer que cette invention présente un intérêt économique certain et qu'il a rencontré des difficultés pour l'élaborer. En conséquence, il convient de lui allouer la somme de 1.000 euros à titre de rémunération supplémentaire. Le jugement est également confirmé de ce chef. Sur les autres demandes Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles. M. [Y] succombant en son appel, est condamné aux dépens d'appel. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés pour le procès, les demandes respectives formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont en conséquence rejetées. PAR CES MOTIFS La cour, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles, Condamne M. [I] [Y] aux dépens d'appel.