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Décisions

Cass. com., 23 octobre 2012, n° 11-23.971

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gadiou et Chevallier

Montpellier, du 4 août 2011

4 août 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 août 2011) et les productions, que la société Sofrascau, aux droits de laquelle est venue la société Unistrat assurances (la société Unistrat), s'est rendue caution solidaire de sommes dues par la SNC X... (la SNC), ayant pour associés MM. Maurice, Thierry et Mme Claude X..., au titre d'un prêt immobilier ; qu'à la suite de la défaillance de la SNC, la société Unistrat assurances a remboursé le prêt et, subrogée dans les droits des créanciers originaires, s'est retournée contre la SNC et ses associés ; qu'un arrêt du 14 février 1996 a condamné solidairement la SNC, M. Maurice X... en sa qualité de caution et d'associé de la SNC, M. Thierry X... et Mme Claude X... épouse Y... en leur qualité d'associés de la SNC, à payer à la société Unistrat la somme de 11 142 750 francs avec les intérêts au taux légal ; que cet arrêt a été cassé (1re Civ. 16 février 1999), mais seulement en ce qu'il refusait le bénéfice de la suspension des poursuites à M. Maurice X..., rapatrié qui avait déposé une demande de prêt de consolidation ; que, par acte du 7 avril 2005, la société Unistrat a fait pratiquer une saisie-attribution pour avoir, en exécution de l'arrêt du 14 février 1996, paiement d'une somme, arrêtée au 31 mars 2005, de 1 545 731, 43 euros, outre les intérêts à compter de cette date ; que la SNC et M. Thierry X... ont assigné la société Unistrat en annulation de la saisie-attribution, en se prévalant notamment de la suspension des poursuites dans le cadre du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée institué par l'article 100 de la loi de finances du 30 décembre 1997, modifiée ; que le tribunal ayant rejeté leur demande, ils ont interjeté appel ; qu'en cause d'appel, la Coface est intervenue aux lieu et place de la société Unistrat ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SNC et M. Thierry X... font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la Coface, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un tiers peut invoquer à son profit, comme un fait juridique, la situation créée par un contrat ; qu'en considérant qu'ils n'auraient pu se prévaloir du régime fiscal applicable à l'opération de cession à laquelle la société Coface avait été partie, pour établir qu'elle n'avait aucune qualité à agir, en ce que ce régime ne saurait concerner que les relations de cette société avec l'administration fiscale, quand ils pouvaient invoquer à leur profit, comme un fait juridique, le régime fiscal applicable à cette cession, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du code civil ;

2°/ que le demandeur qui n'est pas créancier du défendeur n'a pas qualité à agir en recouvrement d'une créance à l'encontre de ce dernier ; qu'en écartant leur fin de non-recevoir au motif que le régime fiscal auquel la société Coface avait été soumise importerait peu, quand il résultait de l'application du droit fixe à l'opération de cession à laquelle cette société avait été partie que la société Coface n'était pas créancière de la société X... et de M. Thierry X... et, partant, qu'elle n'avait pas qualité à agir en recouvrement d'une créance à leur égard, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 1844-5 du code civil que la dissolution d'une société dont les droits sociaux sont réunis en une seule main entraîne la transmission du patrimoine de la société à l'associé unique sans qu'il y ait lieu à liquidation ; qu'ayant constaté que la société Unistrat avait été dissoute le 5 octobre 2005 à la suite de la réunion de toutes les actions en une seule main, l'actionnaire unique étant la Coface, la cour d'appel, qui a retenu que cette société avait qualité à agir aux lieu et place de la société Unistrat, peu important le régime fiscal adopté par elle ultérieurement à l'occasion de la cession d'une branche autonome d'activité, a souverainement estimé que la circonstance invoquée était impropre à établir que la créance litigieuse était sortie de son patrimoine ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la SNC et M. Thierry X... font grief à l'arrêt de confirmer, au fond, le jugement déféré qui les déboutait de leur demande en annulation de la saisie-attribution pratiquée par la société Unistrat, le 7 avril 2005, et qui avait validé cette saisie, alors, selon le moyen, qu'il n'est pas porté atteinte à la substance même du droit d'accès au juge d'un justiciable, dès lors que le défaut d'exécution d'une décision de justice dans un délai raisonnable est dû à sa propre inertie ; qu'en considérant que la suspension automatique des poursuites bénéficiant aux rapatriés aurait porté atteinte à la substance même du droit d'accès de la société Unistrat assurances à un tribunal en ce que cette société aurait été privée, depuis plus de 15 ans, du droit d'obtenir, dans un délai raisonnable, l'exécution de la décision de justice rendue le 14 février 1996, quand elle relevait elle-même que la société Unistrat pouvait mettre en oeuvre, dès la cassation partielle de cette décision le 16 février 1999, une mesure d'exécution forcée à l'encontre de la société X... et de M. Thierry X..., ce dont il résultait que la société Unistrat avait elle-même allongé, par son inertie, les délais d'exécution de cette décision, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, par décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012, publiée au Journal officiel du 28 janvier 2012, le Conseil constitutionnel a décidé que l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, est contraire à la Constitution, ajoutant que l'abrogation de ce texte prendra effet à compter de la publication de la décision et qu'elle sera applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur le moyen, devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.