TA Montreuil, 27 septembre 2022, n° 2212127
MONTREUIL
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salzmann
Conseillers :
Mme de Bouttemont, M. L'hôte
Vu la procédure suivante :
Par une demande et des observations enregistrées les 27 juillet et 21 septembre 2022,
M. C A demande au tribunal :
- de l'autoriser, sur le fondement des articles L. 2132-5 et suivants du code général des collectivités territoriales, à exercer, à ses frais et risques, les actions en justice qui appartiennent à la commune de Noisy-le-Sec à l'encontre de la SAS Holding Le Conservatoire : saisine du tribunal judiciaire de Bobigny d'une action en résiliation du bail et saisine du tribunal de commerce de Bobigny d'une action en liquidation judiciaire ;
- de communiquer une copie de la décision au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Il soutient que :
- il a la qualité de contribuable de la commune ;
- il a adressé au maire le 17 juin 2022 une demande préalable tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal du 30 juin 2022 de délibérations aux fins d'engager des poursuites devant le tribunal judiciaire de Bobigny en résiliation du bail commercial conclu avec la société Holding Le Conservatoire et devant le tribunal de commerce de Bobigny de mise en liquidation judiciaire de cette société ; sa demande a été refusée par un courrier du maire du
28 juin 2022 ;
- les actions en justice à intenter au nom de la commune ont une chance de succès : la saisine du juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny tend à obtenir la résiliation judiciaire du bail commercial, compte tenu du dispositif du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 12 février 2021 et des violations des clauses du bail dont la non-réalisation des travaux prévus et le non-paiement des loyers ; la résiliation du bail arguée par la commune n'est pas effective ; la saisine du tribunal de commerce de Bobigny tend au prononcé de la liquidation judiciaire de la SAS Holding Le Conservatoire ; elle est urgente au regard de la situation de cessation de paiement de cette société et de l'augmentation de sa dette de loyers à l'égard de la commune qui s'abstient de recouvrer les loyers ; l'action judiciaire permettra de rechercher la responsabilité personnelle du dirigeant de la société et de constater éventuellement une situation de faillite frauduleuse ;
- la procédure présente un intérêt financier pour la commune ; le préjudice financier de la commune est important dès lors que la dette locative est de plus de 15 000 euros, le bail commercial avec la SAS Holding Le Conservatoire d'une durée résiduelle de 18 ans est maintenue alors que le fonds n'est pas exploité et l'important bâtiment appartenant à la commune n'a pas été restitué alors qu'il pourrait être affecté à un usage public d'intérêt général.
Par un mémoire enregistré le 16 septembre 2022, la commune de Noisy-le-Sec, représentée par Me Peru, conclut au rejet de la demande d'autorisation de plaider présentée par
M. A.
Elle fait valoir que :
- la résiliation du bail commercial avec la société Holding Le Conservatoire est effective depuis septembre 2021 compte tenu, notamment, de la remise des clés le 10 septembre 2021 de sorte qu'aucune action n'a à être entreprise auprès du tribunal judiciaire de Bobigny ;
- la demande de liquidation judiciaire de la société ne présente pas un intérêt suffisant ; l'engagement d'une telle procédure auprès du tribunal de commerce de Bobigny serait prématurée compte tenu des démarches entreprises par le comptable public pour procéder au recouvrement de la dette, 4 720,84 euros, relativement récente et qui n'est plus susceptible d'évoluer ; elle serait coûteuse et incertaine dès lors que la somme de 3 000 euros tout au plus et hypothétiquement pourrait être récupérée eu égard au statut de la société (société par action simplifiées) en cause et et au montant de l'apport au capital des associés et alors que la société pourrait avoir d'autres créanciers. En outre, la commune serait susceptible de voir sa responsabilité engagée en raison de la faute commise résultant de la conclusion du bail commercial et devoir indemniser la société de ses préjudices. Le but du demandeur est en fait un but purement politique.
- les chances de succès d'une procédure de mise en liquidation sont faibles, la situation de cessation de paiement de la société n'étant pas établie ; le bail commercial en raison du jugement du 12 février 2021 doit être réputé n'avoir jamais existé et la dette qui en découlerait ne saurait être considérée comme certaine et exigible ni dans son montant ni dans son principe.
Vu la justification par M. A de sa qualité de contribuable de la commune de Noisy-le-Sec.
Vu la demande préalable de M. A du 17 juin 2022.
Vu la décision de refus du maire de la commune de Noisy-le-Sec du 28 juin 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1807724 du 12 février 2021.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code civil ;
- le code du commerce ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A, contribuable de Noisy-le-Sec, élu municipal a, le 17 juin 2022, demandé au maire de la commune de Noisy-le-Sec d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal du
30 juin 2022 des délibérations visant à saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la résiliation du bail commercial conclu avec la SAS Holding Le Conservatoire ainsi que le tribunal de commerce de Bobigny afin qu'il prononce la liquidation judiciaire de cette société. La demande de
M. A a fait l'objet d'une décision expresse de rejet le 28 juin 2022. M. A demande au tribunal, saisi sur le fondement de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales, l'autorisation d'exercer, à ses frais et risques, les actions en justice qui appartiennent à la commune de Noisy-le-Sec à l'encontre de la SAS Holding Le Conservatoire en vue d'obtenir auprès du Tribunal judiciaire de Bobigny la résiliation du bail et auprès du Tribunal de commerce de Bobigny la mise en liquidation judiciaire de la société.
2. Aux termes de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, lorsqu'il examine une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action et au vu des éléments qui lui sont fournis, que l'action contentieuse envisagée appartient à la commune, qu'elle présente un intérêt suffisant pour celle-ci et qu'elle a une chance de succès.
3. En premier lieu, s'agissant de la demande en vue de la résiliation du bail, il ressort des pièces du dossier que par le jugement susvisé du 12 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil qui a estimé que la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire de Noisy-le-Sec a signé le contrat avec la SAS Holding Le Conservatoire était entachée d'un erreur manifeste d'appréciation, l'a annulée, ainsi que la décision du maire de signer le bail, et a ordonné à la commune et à la société de résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, de saisir le juge du contrat. Si M. A soutient que le bail commercial avec la société n'a pas été résilié, il ressort des pièces suffisamment probantes versées par la commune que cette société a quitté les lieux à la suite de l'intervention du jugement précité, que le gérant de la société a restitué à la commune les clés le 10 septembre 2021 et que par un courrier du 29 novembre 2021, la société a été avisée que la mairie considérait le bail résilié à la date de restitution des clés, sans qu'elle ne le conteste ; il n'est pas contesté par ailleurs que la société ne verse plus de loyers à la commune. Dans ces conditions, la résiliation à l'amiable du bail commercial conclu entre la commune et la société doit être regardée comme étant intervenue à la date du 10 septembre 2021. Par suite, la demande de M. A tendant à être autorisé à saisir le tribunal judiciaire de Bobigny en vue d'obtenir la résiliation du bail conclu avec la SAS Holding Le Conservatoire apparaît dépourvue d'objet et ne peut qu'être rejetée.
4. En second lieu, s'agissant de la demande en vue de la mise en liquidation judiciaire de la société, il ressort des pièces du dossier, notamment du bordereau de situation de septembre 2022 que la dette locative de la société Holding Le Conservatoire s'élève à 4 720,84 euros, soit un montant trois fois moindre que celui avancé par M. A, que cette dette, qui n'est pas ancienne, n'est plus susceptible d'augmenter dès lors qu'aucun loyer n'est dû depuis la résiliation du bail intervenue en septembre 2021, que le comptable public a entrepris de procéder au recouvrement des créances, que cette dette est en cours de recouvrement, ainsi qu'en attestent des versements reçus le 29 août 2022. Au surplus, la commune fait valoir sans être sérieusement contredite le coût excessif d'une procédure devant le tribunal de commerce au regard de la somme maximale susceptible d'être récupérée compte tenu de l'existence possible d'autres créanciers et eu égard au statut de la société. Dans ces conditions, la demande présentée par M. A ne peut être regardée comme présentant un intérêt suffisant pour la commune de Noisy-le-Sec. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'examiner les chances de succès de la procédure envisagée.
5. Il résulte de ce qui précède que la demande d'autorisation de plaider pour le compte de la commune de Noisy-le-Sec doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La demande de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C A, à la commune de Noisy-le-Sec et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré le 27 septembre 2022 en formation administrative comprenant :
- Mme Salzmann, présidente,
- Mme de Bouttemont, première conseillère,
- M. L'hôte, premier conseiller.
La présidente-rapporteur, La première conseillère Signé Signé M. B M. de Bouttemont Le premier conseiller Signé F. L'hôte
Cette décision du tribunal administratif statuant comme autorité administrative peut faire l'objet, en application de l'article R.2132-3 du code général des collectivités territoriales, d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat formé, à peine de déchéance, dans le mois qui suit sa notification.