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Décisions

Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-13.132

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Nicot

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Luc-Thaler, SCP Delaporte et Briard

Pau, du 2 déc. 1992

2 décembre 1992

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la société HWB Chartel Handel (l'affréteur) a affrété à temps les navires Kyzikos, Antigone et Cyclades, appartenant respectivement aux sociétés Seacrystal Shipping, Ocean Master Navigation et Thalassa Shipping (Thalassa) ; que l'affréteur a désigné comme agent consignataire la société Béninoise d'entreprises maritimes (BEM) lors d'escales à Cotonou (Bénin) des navires Kyzikos et Antigone, ainsi que la société WJ services lors de l'escale des navires Cyclades à Boulogne et Antigone à Rouen ; qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de l'affréteur, les sociétés BEM et WJ services ont assigné notamment la société Thalassa, ainsi que la société Marmaras Navigation (Marmaras), en la qualité d'armateur-gérant, en paiement des frais d'escale ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 20 et 21 du décret du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement ;

Attendu que, selon ces textes, en cas d'affrètement à temps, tandis que le fréteur conserve la gestion nautique du navire, la gestion commerciale en appartient à l'affréteur, et que tous les frais inhérents à cette exploitation commerciale du navire sont à sa charge ; qu'il en résulte que l'affréteur qui a contracté avec le consignataire du navire, son mandataire, lui doit paiement des frais d'escale ; que ce n'est que si le consignataire, mandaté par le propriétaire ou l'armateur fréteur, ou encore par l'affréteur, mais pour le compte de ceux-ci, avait engagé des dépenses relevant de la gestion nautique du navire que le paiement lui en serait dû par le propriétaire ou l'armateur fréteur ;

Attendu que, pour décider que les sociétés Thalassa et Marmaras, en la qualité d'armateur ou d'armateur-gérant, devaient paiement aux consignataires du navire du montant des " frais d'escale ", l'arrêt retient que le consignataire, lorsqu'il effectue, pour les besoins du navire et de l'expédition, les opérations que le capitaine n'accomplit pas lui-même, est réputé agir comme le mandataire salarié de l'armateur, qui est seul tenu du paiement au consignataire, son mandataire, des frais exposés pour ces opérations ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si les sommes réclamées correspondaient à la gestion nautique et non à la gestion commerciale des navires, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1984 du Code civil ;

Attendu que, pour décider que la société Marmaras était tenue de payer les sommes dues aux consignataires, l'arrêt retient que cette société était gérant des navires Antigone et Cyclades ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le gérant d'un navire est un mandataire qui agit au nom et pour le compte du propriétaire et qu'il n'est pas tenu envers les tiers au contrat de mandat des obligations souscrites dans l'exécution de son mandat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1998 du Code civil ;

Attendu que, pour décider que la société Marmaras était redevable des frais d'escale, l'arrêt retient qu'elle était gérant apparent du navire Kyzikos ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le mandat apparent a pour seul effet d'obliger le mandant à exécuter les engagements pris envers les tiers par le mandataire apparent, mais non d'y obliger ce dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.