Cass. 3e civ., 7 septembre 2022, n° 21-11.592
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Avocats :
SCP Alain Bénabent, SCP Marlange et de La Burgade
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), le 29 septembre 2004, la société BM associés (la bailleresse) a donné à bail commercial à la société [Adresse 3], devenue EmeraEhpad [2] (la locataire), des locaux à usage de maison de retraite pour une durée de onze ans et neuf mois.
2. Le 30 mars 2016, la bailleresse a signifié à la locataire un congé avec offre de renouvellement pour le 30 septembre 2016, puis l'a assignée en constatation du renouvellement du bail commercial.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme représentant le montant des loyers dus à compter du 1er février 2019 jusqu'au 30 septembre 2025, alors :
« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour retenir l'accord tacite de la société Emera Ehpad [2] sur le montant du loyer proposé dans le congé avec offre de renouvellement délivré le 30 mars 2016 par la société BM Associés, la cour d'appel relève que la locataire s'est acquittée du nouveau loyer proposé, après l'expiration de ce congé, ce qui démontre un accord tacite sur le prix entre les parties ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant que le congé avec offre de renouvellement portait sur un montant de loyer ayant la même valeur que celui en cours avant la délivrance du congé, ce dont il résultait que, le montant du loyer n'ayant pas évolué, la seule poursuite du paiement de ce montant par la locataire n'était pas de nature à établir sa volonté non équivoque d'accepter le renouvellement du bail selon les conditions prévues dans l'offre de la société bailleresse, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;
3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour affirmer que la société locataire aurait accepté l'offre de renouvellement du bail, ce qui aurait entraîné la conclusion d'un nouveau bail pour une durée de 9 ans, sans faculté de résiliation triennale, à compter du 1er octobre 2016, la cour d'appel se borne à énoncer que les parties avaient, à raison du caractère monovalent des locaux, la possibilité de conclure un bail d'une durée de neuf ans ferme sans faculté de résiliation triennale ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, ainsi qu'elle y était invitée par la société Emera Ehpad [2] qui soutenait n'avoir pas accepté les nouvelles conditions du bail, l'acceptation non équivoque de la société EmeraEhpad [2] de cette clause dérogatoire, lui interdisant toute faculté de résiliation triennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103, du code civil :
4. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
5. Pour accueillir la demande de la bailleresse en renouvellement du bail commercial, l'arrêt constate que la locataire s'est maintenue dans les lieux après la délivrance du congé avec offre de renouvellement, a gardé le silence et s'est acquittée régulièrement du loyer prévu au congé.
6. L'arrêt énonce également que les locaux loués étant à usage de maison de retraite, ceux-ci doivent être qualifiés de locaux monovalents, ce qui permet de conclure un bail d'une durée de neuf ans ferme sans faculté de résiliation triennale.
7. La cour d'appel en a déduit que la locataire avait accepté l'offre de renouvellement du bail et que celui-ci avait été renouvelé pour une durée ferme de neuf années.
8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'acceptation tacite sans équivoque par la locataire de l'offre de renouvellement, alors que le loyer offert correspondait au loyer stipulé au bail initial, et sans constater son consentement à la clause dérogatoire lui interdisant toute faculté de résiliation triennale du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la locataire à payer à la bailleresse la somme de la somme de 1 296 516,80 euros HT (16 206,46 euros par mois) augmentée de la TVA applicable représentant le montant des loyers dus à compter du 1er février 2019 jusqu'au 30 septembre 2025 et qu'il déboute la locataire de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;