Cass. com., 27 avril 1971, n° 70-10.752
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillot
Rapporteur :
M. Lancien
Avocat général :
M. Toubas
Avocat :
Me Boré
SUR LE PREMIER MOYEN : VU LES ARTICLES 1591 ET 1592 DU CODE CIVIL ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE, PAR CONVENTION DU 21 MARS 1963, LA SOCIETE ESSO STANDARD A CONSENTI A LA SOCIETE SOCOMANUT UN PRET D'ARGENT POUR L'AMENAGEMENT DU GARAGE EXPLOITE PAR CELLE-CI ET UN PRET DE MATERIEL POUR LA VENTE AU DETAIL DE CARBURANTS ;
QU'EN CONTREPARTIE LA SOCIETE SOCOMANUT S'EST ENGAGEE A S'APPROVISIONNER EN CARBURANTS, EXCLUSIVEMENT PENDANT DIX-HUIT ANS, AUPRES DE LA SOCIETE ESSO STANDARD ;
QUE CETTE CONVENTION, QUI NE CONTENAIT AUCUNE INDICATION DE PRIX, A ETE EXECUTEE D'ABORD SOUS LE REGIME D'UN ARRETE DU 28 OCTOBRE 1952 QUI FIXAIT LES MARGES RESPECTIVES MAXIMUM DE BENEFICE DE LA COMPAGNIE DISTRIBUTRICE ET DU POMPISTE" DETAILLANT ;
QUE SI ESSO STANDARD ET LA SOCIETE SOCOMANUT AVAIENT AINSI CHACUN LEUR MARGE PROPRE, AVEC LA POSSIBILITE POUR CHACUN DE LA DIMINUER, ILS AVAIENT, EN L'ESPECE, TOUJOURS ETE D'ACCORD, JUSQU'A L'INTERVENTION DE L'ARRETE DU 27 MAI 1963, APPLICABLE A PARTIR DU 1ER OCTOBRE DE LA MEME ANNEE, POUR QUE LE PRIX DE VENTE DES CARBURANTS PAR ESSO-STANDARD FUT FIXE AU MAXIMUM ;
QUE LE NOUVEL ARRETE NE FIXANT PLUS QUE LE PRIX LIMITE DE VENTE AUX CONSOMMATEURS ET REALISANT AINSI UNE FUSION DES DEUX MARGES, LA SOCIETE SOCOMANUT, PAR LETTRE DU 6 MAI 1966 DEMEUREE SANS REPONSE, MANIFESTA SON DESACCORD A LA SOCIETE ESSO STANDARD AU SUJET DES PRIX QUE CELLE-CI APPLIQUAIT ET, LE 28 JUIN 1966, ELLE L'ASSIGNA EN VUE DE FAIRE DECLARER LA CADUCITE DE LA CONVENTION ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE, POUR DECIDER QU'AVANT DE STATUER, IL Y A LIEU D'ORDONNER UNE EXPERTISE EN VUE DE RECHERCHER A QUELLES CONDITIONS DE PRIX ONT ETE VENDUS LES CARBURANTS EN 1966 PAR ESSO STANDARD AUX POMPISTES DE SA MARQUE LIES A ELLE PAR DES CONVENTIONS D'EXCLUSIVITE, RETIENT ESSENTIELLEMENT QUE SI LE CONTRAT CADRE NE CONTIENT AUCUNE INDICATION DE PRIX DE VENTE OU DE DETERMINATION DE CE PRIX, LA SOCIETE SOCOMANUT A, CONFORMEMENT A UN USAGE QUI S'ETAIT INSTAURE DANS LA PROFESSION, SOUS LE REGIME DE L'ARRETE DU 28 OCTOBRE 1952, TOUJOURS ACCEPTE DE PAYER LES CARBURANTS AU PRIX FIXE PAR LES TARIFS POMPISTES ESSO QUI N'ETAIENTQUE LA REPRODUCTION DES PRIX LIMITES AUTORISES PAR CET ARRETE, MAIS QUE CE REGIME AYANT DISPARU A PARTIR DU 1ER OCTOBRE 1963 SOUS L'EMPIRE DU NOUVEL ARRETE QUI AVAIT REALISE LA FUSION DES MARGES, ET AVEC LUI, LA GARANTIE QUE REPRESENTAIT L'ARBITRAGE DE L'ADMINISTRATION IL N'ETAIT PAS POSSIBLE, SANS TRAHIR LA COMMUNE INTENTION DES PARTIES, D'ESTIMER QUE S'IMPOSENT ENCORE A CELLES-CI LES DERNIERES MARGES ET LES DERNIERS PRIX EN VIGUEUR LORS DU CHANGEMENT DE SYSTEME, QUE, NEANMOINS, S'IL N'Y AVAIT PAS DE PRIX DE MARCHE ET SI ESSO STANDARD NE PEUT JUSTIFIER SES PRETENTIONS, QUANT AU MAINTIEN DU PRIX, EN SOUTENANT QUE SON TARIF EST CONFORME AU BAREME DU COMITE PROFESSIONNEL DU PETROLE, QUI NE PEUT ETRE CONSIDERE COMME UN TIERS AU SENS DE L'ARTICLE 1592 DU CODE CIVIL, IL S'ETABLISSAIT LORS DES DISCUSSIONS INSTITUEES CHAQUE JOUR A L'OCCASION DE LA PASSATION DE NOUVEAUX CONTRATS DE CONCESSION ENTRE ESSO ET DES POMPISTES DE MARQUE, UNE "SORTE DE COURS MOYEN" DONT EST INSPIRE LE TARIF PARTICULIER DE LADITE SOCIETE, AUQUEL CELLE-CI SE REFERE POUR LA FACTURATION DE SES FOURNITURES, ET QUI N'EST PAS ARBITRAIRE PUISQU'IL EST LA TRADUCTION, AU MOMENT CONSIDERE, DU NIVEAU MAXIMUM DU PRIX DES FOURNITURES DE LA MARQUE ;
QUE, DES LORS, LES CONTRATS CADRES DEMEURENT APPLICABLES SOUS L'EMPIRE DE L'ARRETE MINISTERIEL DE 1963, SOUS RESERVE TOUTEFOIS QUE ESSO STANDARD N'IMPOSE PAS A SES POMPISTES DE MARQUE DES PRIX DISCRIMINATOIRES ;
ATTENDU QU'EN ADMETTANT AINSI QUE, FAUTE D'ACCORD ENTRE LES PARTIES SUR LE PRIX POUR LA PERIODE POSTERIEURE A L'ARRETE DU 1ER OCTOBRE 1963, LES PRIX FIXES PAR ESSO STANDARD POUVAIENT ETRE RETENUS, ALORS QU'ELLE ESTIME QUE CES PRIX NE CONSTITUAIENT PAS DES PRIX DE MARCHE SANS ETABLIR QUE LEURS ELEMENTS NE DEPENDAIENT PAS DE LA VOLONTE DE L'UNE OU L'AUTRE DES PARTIES, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;
ET SUR LE SECOND MOYEN : VU L'ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 14 OCTOBRE 1943 ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE CE TEXTE EST LIMITEE A DIX ANS LA DUREE MAXIMUM DE VALIDITE DE TOUTE CLAUSE D'EXCLUSIVITE PAR LAQUELLE L'ACHETEUR, CESSIONNAIRE OU LOCATAIRE DE BIENS MEUBLES S'ENGAGE, VIS-A-VIS DE SON VENDEUR, CEDANT OU BAILLEUR, A NE PAS FAIRE USAGE D'OBJETS SEMBLABLES OU COMPLEMENTAIRES EN PROVENANCE D'UN AUTRE FOURNISSEUR ;
ATTENDU QUE POUR DECIDER QUE LA LIMITATION PREVUE PAR CE TEXTE N'ETAIT PAS APPLICABLE A L'ENGAGEMENT PRIS PAR SOCOMANUT, D'ACHETER, EXCLUSIVEMENT PENDANT DIX-HUIT ANS, LES CARBURANTS A ESSO STANDARD, L'ARRET DECLARE QUE LA CONVENTION-CADRE NE CONSTITUAIT NI UNE VENTE, NI UNE PROMESSE DE VENTE, MAIS UNE OBLIGATION DE FAIRE CONSISTANT A PRATIQUER DES OPERATIONS COMMERCIALES SELON CERTAINES REGLES, QUE L'APPLICATION DE LA LOI SUSVISEE, QUI N'INTERESSE QUE LES CONTRATS DE VENTE, DE CESSION OU DE LOUAGE NE PEUT ETRE ETENDUE A LA CONVENTION EN CAUSE DANS LAQUELLE L'EXCLUSIVITE PROMISE, OBJET PRINCIPAL DU CONTRAT, EST LA CONTREPARTIE D'AVANTAGES FINANCIERS PRECISEMENT CALCULES, QUANT A LEUR IMPORTANCE ET LEUR AMORTISSEMENT, SUR LA DUREE DE L'ENGAGEMENT SOUSCRIT PAR LE POMPISTE ;
ATTENDU QU'EN REFUSANT AINSI D'ADMETTRE QUE L'ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 14 OCTOBRE 1943 ETAIT APPLICABLE, ALORS QU'ELLE CONSTATAIT QUE LA CLAUSE D'EXCLUSIVITE DE VENTE DU CARBURANT ETAIT L'OBJET PRINCIPAL DU CONTRAT, LA COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES, LE 22 AVRIL 1969, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS ;
REMET, EN CONSEQUENCE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET, ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE ROUEN.