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Décisions

Cass. soc., 12 juin 2019, n° 18-10.788

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié

Rennes, du 28 oct. 2016

28 octobre 2016


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 octobre 2016), que M. J... a été engagé par la société JC Habitat services le 3 septembre 2012 selon contrat d'apprentissage enregistré à la chambre des métiers de l'artisanat le 5 décembre 2012 d'une durée de 3 ans en vue de préparer un baccalauréat professionnel ; que, le 12 décembre 2012, la société a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 29 mai 2013, la société T...-W... étant désignée en qualité de mandataire-liquidateur, laquelle a notifié à M. J... son licenciement pour motif économique ; que ce dernier a saisi la juridiction prud'homale le 2 octobre 2013 pour contester le refus de l'AGS de prendre en charge les dommages-intérêts, au motif que le contrat avait été signé en période suspecte, et obtenir une indemnité pour rupture anticipée de son contrat de travail ;

Attendu que M. J... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'apprentissage conclu avec la société JC Habitat services, de le débouter en conséquence de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société T...-W..., ès qualités, alors, selon le moyen :

1°/ que les contrats commutatifs passés par le débiteur pendant la période suspecte ne sont nuls qu'autant que les obligations de ce dernier excèderaient notablement celles de l'autre partie ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le contrat d'apprentissage conclu avec M. J... pendant la période suspecte était nul, que l'envoi du contrat au centre de formation des apprentis plusieurs mois après la signature du contrat et peu de temps avant la saisine du tribunal de commerce, démontrait la connaissance par l'employeur de l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible au jour de la conclusion du contrat et surtout, lors de sa transmission et que le contrat d'une durée de trois ans aurait pu être réduit à deux ans, les sommes versées en exécution du contrat augmentant chaque année, la cour d'appel, qui ne s'est pas attachée à caractériser l'existence d'un déséquilibre des prestations entre les parties, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-2 du code de commerce ;

2°/ que les contrats commutatifs passés par le débiteur pendant la période suspecte ne sont nuls qu'autant que les obligations de ce dernier excèderaient notablement celles de l'autre partie ; que, pour caractériser la connaissance par le gérant de la situation obérée de l'entreprise, la cour d'appel a relevé que ce dernier avait envoyé le contrat d'apprentissage au centre de formation des apprentis plusieurs mois après sa signature et peu de temps avant la saisine du tribunal de commerce ; qu'en statuant par des tels motifs impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre des prestations entre les parties la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-2 du code de commerce ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en déduisant l'existence d'un déséquilibre entre les prestations des parties de la circonstance que le contrat d'apprentissage d'une durée de trois ans aurait pu être réduit à deux ans car M. J... serait titulaire d'un BEP ou d'un CAP, les sommes versées en exécution du contrat augmentant chaque année, quand l'examen du contrat d'apprentissage fait apparaître que si M. Y... C..., maître d'apprentissage, est titulaire d'un CAPNiveau BEP, tel n'est pas le cas de M. J..., apprenti, la cour d'appel a dénaturé le contrat en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en déduisant l'existence d'un déséquilibre entre les prestations des parties de la circonstance que le contrat d'apprentissage d'une durée de trois ans aurait pu être réduit à deux ans car M. J... serait titulaire d'un BEP ou d'un CAP, les sommes versées en exécution du contrat augmentant chaque année, au vu du document édité par le ministère de l'éducation nationale, versé par l'exposant, quand ledit document précisait qu'une telle réduction de la durée de la formation à deux ans n'était possible que dans le cas où le CAP ou le BEP dont l'apprenti était titulaire « relev[ait] d'une spécialité en cohérence avec celle du baccalauréat professionnel préparé », la cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le contrat d'apprentissage a été conclu pendant la période de cessation des paiements, antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société, intervenue huit mois après cet engagement ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, et abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches, que la société JC Habitat services, alors qu'elle était en état de cessation des paiements n'était pas en mesure, à la date de la conclusion du contrat litigieux, de s'engager financièrement, sur une durée de trois années, à verser une rémunération en constante augmentation, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, caractérisé l'existence d'un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat d'apprentissage, justifiant légalement sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui critique des motifs surabondants en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.