CA Lyon, 1re ch. civ. a, 8 septembre 2022, n° 21/05508
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
M. le Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle, Mme La Procureure Generale, Jeff De Bruges Diffusion (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Conseillers :
Mme Clement, Mme Defrasne
Avocats :
SCP Jacques Aguiraud Et Philippe Nouvellet, Me Planes, SCP Sardin Et Thellyere
M. [X] a déposé, le 8 avril 2020, la demande d'enregistrement n° 20 4 637 744 portants sur le signe complexe LES MACARONS DE [C] ; Le 1er juillet 2020, la société Jeff de Bruges diffusion a formé opposition à l'enregistrement de cette marque, invoquant en tant que droit antérieur, la marque européenne portant sur le signe verbal LES JULIETTES, déposée le 12 juillet 2012 sous le n° 011 036 548, sur le fondement du risque de confusion. Par décision du 19 mai 2021, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a dit l'opposition justifiée et rejeté la demande d'enregistrement présentée par M. [X], relevant que les produits en cause étaient identiques et que le signe contesté constituait l'imitation de la marque antérieure. Ce dernier a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Lyon selon déclaration du 28 juin 2021, intimant le directeur de l'INPI, la société Jeff de Bruges diffusion et Mme la Procureure générale. Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2022 par M. [X] qui demande à la cour de : - annuler la décision de l'INPI, Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI - constater l'antériorité de la marque LES MACARONS DE [C] sur la marque LES JULIETTES, - juger l'absence de confusion entre les deux marques, du fait d'une absence de similitude entre les activités exercées et entre la phonétique des termes, - recevoir la demande d'enregistrement LES MACARONS DE [C] déposée, - condamner la société Jeff de Bruges ou qui de droit aux dépens et à verser la somme de 3 000 euros à M. [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 7 décembre 2021 par la société Jeff de Bruges diffusion qui demande à la cour d'écarter comme irrecevables les pièces n° 1 à 14 et 16 du requérant et conclut au rejet du recours, au débouté de M. [X] en toutes ses demandes et à la condamnation de ce dernier aux dépens avec distraction au profit de Me [L] et au paiement à son bénéfice d'une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Vu les observations déposées le 9 novembre 2021 par le directeur de l'INPI qui considère mal fondées les demandes de M. [X], Vu l'absence d'observations du parquet général selon avis du 30 mai 2022. MOTIFS ET DECISION La cour constate à titre liminaire que M. [X] a intimé à tort le directeur de l'INPI et le procureur général de la cour d'appel de Lyon qui ne sont pas parties à la procédure ; il s'avère cependant que le procureur général a reçu communication du dossier et a indiqué n'avoir aucune observation à faire et que le directeur de l'INPI a reçu communication des conclusions déposées par les parties et pu faire valoir ses observations qui ont également été communiquées aux parties conformément aux dispositions du code de la propriété intellectuelle en son article R.411-23. A titre liminaire, il sera encore rappelé que la « demande » présentée par M. [X] tendant à voir « constater l'antériorité de la marque LES MACARONS DE [C] sur la marque [C] » ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du code procédure civile et ne saisit pas la cour ; il en est de même de la « demande » tendant à voir « juger l'absence de confusion entre les deux marques, du fait de l'absence de similitude entre les activités exercées et entre la phonétique des termes » puisque celle-ci Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI développe en réalité des moyens. I Sur la demande de la société Jeff de Bruges tendant à voir écartées comme irrecevables des pièces produites par M. [X] : La société Jeff de Bruges soutient que : - le requérant n'a pas communiqué les pièces 1 à 14 en temps utile permettant l'exercice par son adversaire de son droit à répondre, - le recours formé par M. [X] ne peut être qu'un recours en annulation et non en réformation et rend ainsi les pièces non débattues devant l'INPI irrecevables tel le cas en l'espèce de la pièce n° 16. M. [X] soutient quant à lui que les pièces 1 à 14 ont été transmises dans un temps permettant le respect du principe du contradictoire ; que la pièce 16 nouvellement produite en cause d'appel ayant uniquement pour but de se défendre contre les observations de l'INPI, elle sera déclarée recevable. Sur ce : En application de l’article R.411-33 du code de la propriété intellectuelle qui transpose la règle générale prévue par l’article 906 du code de procédure civile en matière de procédure d'appel, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie. L'absence de communication des pièces simultanément aux conclusions n'est sanctionnée que si les pièces n'ont pas été communiquées en temps utile pour permettre à leur destinataire de les examiner, les discuter et y répondre ; il appartient ainsi au juge de rechercher si les pièces litigieuses ont été communiquées en temps utile. La cour constate que M. [X] ne conteste pas n'avoir pas communiqué à l'intimée les pièces n° 1 à 14 avant le dépôt de ses conclusions n° 2 d'appelant le 3 mai 2022, situation ayant eu pour conséquence de ne pas avoir permis à son adversaire d'en prendre connaissance avant de déposer le 7 décembre 2021, ses conclusions d'intimé, dans les 3 mois impartis après le dépôt de ses propres conclusions. Il est donc établi que les pièces communiquées tardivement n'ont pas permis à la société Jeff de Bruges d'apporter une réponse en toute connaissance de cause, la simple allégation de M. [X] qui prétend sans en rapporter la preuve, que les pièces n° 1 à 14 ont été communiquées et débattues devant le directeur de l'INPI dans le cadre de la procédure d'opposition ne pouvant l'exonérer de son devoir de communication, Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI condition essentielle au respect du principe du contradictoire. Il convient dès lors de rejeter des débats les pièces n° 1 à 14 figurants au bordereau annexé aux conclusions de M. [X]. Il s'avère par ailleurs que la pièce n° 16, intitulée « recherche Google LES JULIETTES », n'a nécessairement pas été communiquée et débattue devant le directeur de l'INPI dans la mesure où elle a été tirée d'une recherche effectuée et imprimée le 10 septembre 2021 par l'auteur du recours, soit postérieurement à la décision critiquée. Alors même que M. [X] n'invoque à aucun moment de ses dernières conclusions cette pièce n° 16 comme venant soutenir un moyen en défense contre les observations du directeur de l'INPI comme il le soutient, il ne peut sérieusement demander à la cour de ne pas l'écarter des débats. Il convient dès lors de rejeter des débats la pièce n° 16 communiquée par M. [X]. II Sur les demandes de M. [X] : Le recours formé à l'encontre d'une décision prise, en application de l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, tel le cas en l'espèce, est un recours en annulation. La demande de M. [X] tendant à recevoir la demande d'enregistrement du signe verbal LES MACARONS DE [C] n'est donc pas recevable en ce que les recours contre les décisions du directeur de l'INPI rendues en matière de délivrance, maintien ou rejet d'un titre de propriété industrielle, sont des recours en annulation n'emportant pas d'effet dévolutif, en application du premier alinéa l’article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle. La cour ne peut donc statuer que sur la demande en annulation présentée par l'intéressé, en y faisant droit ou en la rejetant, sans pouvoir statuer sur l'opposition ou enregistrer la marque. D'une part, en l'absence d'effet dévolutif, M. [X] ne peut aujourd'hui faire valoir l'antériorité de son nom de domaine lesmacaronsdejuliette.com sur la marque LES JULIETTES qui lui est opposée et d'autre part la procédure d'opposition ayant pour unique objet de déterminer s'il existe un risque de confusion entre un droit antérieur invoqué et la demande d'enregistrement contestée, le titulaire de cette demande contestée ne peut faire valoir lui-même de droits antérieurs au droit qui lui est opposé, ni invoquer un dépôt de mauvaise foi par l'opposant. Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI Il appartenait en effet à M. [X], s'il entendait contester la validité de la marque européenne LES JULIETTES, de former une demande en nullité et de demander la suspension de la procédure d'opposition conformément à l’article R. 712-17 2° du code de la propriété intellectuelle. Le risque de confusion s'entend du risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement ; il comprend le risque d'association. L'existence d'un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de nombreux facteurs qui incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent. - Sur la comparaison des produits : M. [X] expose que le signe LES MACARONS DE [C] ne concerne que des macarons alors que la marque de la société opposante concerne la commercialisation de chocolat. La société Jeff de Bruges diffusion soutient que les produits tels que libellés dans la demande d'enregistrement et la marque opposée sont tous identiques ou hautement similaires, le contexte d'exploitation étant indifférent. Le directeur de l'INPI expose que les produits visés dans le libellé de la demande contestée se retrouvent à l'identique dans le libellé de la marque antérieure, peu important les conditions d'exploitation. La comparaison des produits dans le cadre de la procédure d'opposition doit s'opérer au vu des libellés des deux marques, indépendamment de leurs conditions d'exploitation réelles ou supposées. La marque de l'Union européenne LES JULIETTES n° 011036548 déposée le 12 juillet 2012 et enregistrée le 10 décembre suivant désigne notamment les produits suivants : « classe 30 : glaces alimentaires, chocolat, confiseries, sucreries, gâteaux, pâtisserie, biscottes, biscuits. » La demande d'enregistrement de la marque française « LES MACARONS DE [C] » n° 20 4 637 735 déposée le 8 avril 2020 désigne les produits suivants : « classe 30 : pâtisseries, confiserie, glaces alimentaires, biscuits, gâteaux, biscottes, sucreries. » Les produits visés dans le libellé de la demande contestée se retrouvent Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI à l'identique dans le libellé de la marque antérieure. Ces produits sont donc identiques, ce qui n'est d'ailleurs pas discuté par le déposant. - sur la comparaison des signes : M. [X] fait valoir que la marque LES MACARONS DE [C] composée de 4 mots et 21 lettres est distincte, notamment sur le plan phonétique, de la marque LES JULIETTES composée de 2 mots et 12 lettres et ne peut donner lieu à un risque de confusion puisqu'elle ne concerne que des macarons alors que le signe antérieur ne concerne que des chocolats ; il ajoute que le prénom [C] serait banal pour ce type de produits et invoquerait la sphère amoureuse, alors que le caractère dominant du terme MACARONS est indissociable de la marque. La société Jeff de Bruges diffusion soutient que les ressemblances visuelles significatives avec l'emploi du prénom [C], phonétiques et intellectuelles avec l'emploi de ce prénom contribuent indiscutablement à un risque de confusion, la demande d'enregistrement contestée constituant une déclinaison de la marque antérieure dont elle relève la notoriété. Le directeur de l'INPI indique que pris dans leur ensemble, les deux signes présentent des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles tenant à la présence du même prénom [C] et l'article introductif LES, la présence du terme MACARONS ne supprimant pas le risque d'association avec la marque antérieure en raison de son caractère peu distinctif. Sur ce : L'appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants. Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l'image qu'il a gardée en mémoire. Le directeur de l'INPI a retenu à juste titre que pris dans leur ensemble, les deux signes en cause présentent des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles tenant à la présence du même prénom [C](S) et de l'article introductif LES. Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI La présentation du signe contesté dans un carré à fond noir et la calligraphie utilisée associée à une couleur rose ne suffisent pas en effet à différencier les signes dès lors qu'elles n'affectent pas la perception immédiate du terme [C] et sa signification, ni sa perception. Si le signe contesté se démarque de la marque antérieure par la présence du terme MACARONS, ceci n'est pas de nature à supprimer un risque d'association avec la marque antérieure, en raison du caractère peu ou pas distinctif de cet élément. En effet le terme Macaron qui désigne un gâteau rond et moelleux à base d'amandes, n'est pas distinctif pour désigner des produits de pâtisserie et de confiserie visés par les marques ; à l'inverse le terme [C] est parfaitement arbitraire pour désigner de tels produits puisqu'il n'indique aucune de leurs caractéristiques et il est ainsi parfaitement distinctif. Outre le fait que l'allégation de la banalité de ce prénom n'ait pas été soumise à l'appréciation du directeur de l'INPI, aucun élément du dossier ne permet de conclure à la banalité de ce prénom à titre de marque pour des produits de pâtisserie. De la même façon, contrairement à ce que soutient M. [X], l'évocation de la sphère amoureuse par l'utilisation du prénom [C] est sans incidence sur sa distinctivité dans le domaine de la pâtisserie. L'élément [C] présente donc un caractère essentiel et dominant dans le signe contesté, tout comme il ressort être l'élément dominant de la marque antérieure LES JULIETTES. Il en résulte un risque de confusion pour le consommateur concerné qui sera enclin à confondre les signes et à les associer à la même origine, risque d'autant plus présent en raison de la stricte identité des produits en cause. La décision déférée est en conséquence bien fondée en ce qu'elle a retenu un risque de confusion entre les deux marques en cause et il convient de rejeter la demande en annulation. III Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile : Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Jeff de Bruges diffusion conformément aux termes du dispositif de l'arrêt.
PAR CES MOTIFS Document issu des collections du centre de documentation de l'INPI La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Ecarte des débats les pièces n° 1 à 14 et la pièce n° 16 produites par M. [X],
Déclare irrecevable la demande d'enregistrement du signe complexe LES MACARONS DE [C] présentée par M. [X], Rejette le recours formé contre la décision rendue par le directeur de l'INPI le 19 mai 2021, Déboute M. [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à la société Jeff de Bruges diffusion la somme de 3 000 euros de ce chef, Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur de l'INPI.