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Décisions

Cass. com., 1 février 2000, n° 96-15.408

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

M. Armand-Prevost

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Parmentier, SCP Vincent et Ohl

Metz, ch. civ., du 7 févr. 1996

7 février 1996

Attendu, selon l'arrêt déféré (Metz, 7 février 1996 ) que M. X... a vendu à la société Montvaux caravanes un bateau pour 230 000 francs en vue d'acquérir un bateau neuf d'une valeur de 260 000 francs auprès de la même société et qu'à cette fin il a remis un chèque complémentaire de 30 000 francs ; que le bateau en question ayant été livré à un tiers acquéreur, M. X... a obtenu, en août 1988, la livraison de divers autres matériels, pour une valeur facturée de 356 311 francs (260 000 francs avec remise) et de 32 700 francs ; que la société Montvaux caravanes a été mise en redressement judiciaire le 23 novembe 1988, la date de cessation des paiements étant fixée au 23 mai 1987 ; que Mme Y..., liquidateur judiciaire de la société Montvaux caravanes, a fait assigner M. X..., par ailleurs associé de cette société, pour voir dire que les dations en paiement intervenues pendant la période suspecte au profit de M. X... soient annulées par application des articles 107 et 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme Y... ès qualités la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à partir de l'assignation initiale, alors, selon le pourvoi, que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner leur exacte qualification aux faits litigieux ; que pour condamner M. X... à payer la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à partir de l'assignation initiale, la cour d'appel, qui n'a pas qualifié les faits de l'espèce, n'a pas mis la Cour de Cassation à même de contrôler si cette somme était due au titre d'une action en restitution consécutive à l'annulation d'une dation en paiement ou au titre d'une action en responsabilité pour non paiement d'une facture, violant ainsi l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en retenant que la livraison par la société Montvaux Caravanes à M. X... d'un matériel autre que celui prévu contractuellement, soit des équipements nautiques divers au lieu d'un bateau, constitue une dation en paiement, intervenue pendant la période suspecte et prohibée en tant que telle par l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt qualifie les faits litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la responsabilité d'un contractant ne peut être engagée qu'à la condition que soit établie l'inexécution d'une obligation contractuelle ainsi qu'un préjudice et un lien de causalité entre cette inexécution et le préjudice subi par la victime ; qu'en condamnant M. X... à payer à Mme Y... ès qualités une facture d'un montant de 356 377 francs quand le liquidateur demandait l'annulation de dations en paiement, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni le titre de créance de la société Montvaux Caravanes, ni une quelconque inexécution par M. X... d'une obligation, ni un lien de causalité, ni le préjudice dont ladite société aurait été victime, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, que toute décision de justice doit être motivée ; que le paiement est un acte extinctif d'obligation et ne fait pas naître à son tour un droit de créance de celui qui acquitte sa dette sur son créancier ; que pour condamner M. X... à payer au liquidateur une somme d'un montant de 356 311 francs correspondant à un titre de créance matérialisé par une facture tout en affirmant que la dation en paiement, dont la simple existence contredisait la possibilité dudit droit de créance, devait être annulée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; et alors, enfin, que toute décision de justice doit être motivée ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... demandait en cas de condamnation à restituer la valeur des matériels reçus à bénéficier des remises que la société Montvaux caravanes avait l'habitude d'accorder dans des circonstances similaires ; que pour condamner M. X... à payer la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à partir de l'assignation initiale, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef de demande, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir considéré que les circonstances justifient que soit prononcée la nullité des dations en paiement intervenues, l'arrêt retient que les dations en paiement étaient limitées à 356 311 francs "coût réel des biens illicitement reçus", à quoi s'ajoute une facture de 32 700 francs du 21 novembre 1988 que M. X... s'est fait rembourser par une remise de biens, reconnaissant "qu'il avait accepté une dation en paiement prohibée par l'article 107" de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel a ainsi justifié sa décision et, en soulignant le caractère artificiel de la remise et du calcul de son pourcentage, répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur la première branche du troisième moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, qu'une cour d'appel ne peut condamner une partie à restituer des prestations en vertu de l'anéantissement d'une convention dont la nullité n'a pas été prononcée ; que, dans le dispositif de l'arrêt la cour d'appel a condamné M. X... à payer la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à partir de l'assignation initiale sans prononcer la nullité des conventions en vertu desquelles la restitution de cette somme était demandée méconnaissant ainsi les dispositions des articles 107 et 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'en condamnant M. X... à payer la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, dont le montant correspond à des dations en paiement pour une somme de 356 311 francs et à une facture de 32 700 francs qui avait été payée par une remise de biens dont M. X... avait admis qu'elle constituait une dation en paiement prohibée, la cour d'appel n'a fait que tirer, dans son dispositif, la conséquence de la nullité qu'elle avait retenue dans les motifs ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la deuxième branche du même moyen :

Attendu que M. X... reproche en outre à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, que la restitution par équivalent monétaire ne peut être imposée après annulation d'une convention à l'un des cocontractants que subsidiairement à la restitution en nature ; que la cour d'appel, après avoir annulé la convention liant les parties a condamné M. X... à payer la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à partir de l'assignation initiale tandis qu'il résultait pourtant de ses propres constatations que la prestation perçue par M. X... consistait en divers matériels ; qu'en faisant droit à une restitution monétaire sans rechercher si la restitution en nature était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1371 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que le moyen présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation, mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Et sur la troisième branche du même moyen :

Attendu que M. X... fait enfin le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que la restitution en cas d'annulation d'un acte doit correspondre à la valeur de la chose en l'état au jour de la conclusion du contrat, et ne peut donner droit aux intérêts moratoires aux récipiendaires de ladite restitution ; que dans le dispositif de sa décision, la cour d'appel a condamné M. X... à payer la somme de 389 011 francs augmentée des intérêts au taux légal à partir de l'assignation initiale, violant ainsi l'article 1376 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt ayant retenu la mauvaise foi de M. X..., celui-ci est tenu de restituer tant le capital que les intérêts ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.